Le coma, du grec ancien, veut dire sommeil profond. C’est une abolition de la conscience, de la vigilance et une insensibilité aux épreuves de stimulation [1]. Il s’agit d’une abolition des fonctions de la vie de relation tandis que celles de la vie végétative sont plus ou moins conservées. C’est un état consécutif à une lésion cérébrale par atteinte des structures réticulées. Les comas non traumatiques constituent une pathologie relativement fréquente : chaque année environ 180 000 à 250 000 personnes sont hospitalisées pour coma [1]. Aux Etats Unis les maladies déterminant un trouble de la conscience représentent jusqu’à 3% du total des admissions aux urgences d’un hôpital municipal de New York selon ROPPER A. H. [2]. Très peu d’études ont été réalisées sur les comas, en particulier dans des services d’accueil des urgences. En 1996, en Côte d’Ivoire, GBOBIA R. E. [3] a colligé 300 cas d’altération de la conscience sur 6875 admissions, soit 5,06%. Par ailleurs IMBOUA A. J. [4] retrouvait 53,4% de cas d’altération de la conscience au Service d’Anesthésie Réanimation de l’hôpital GABRIEL TOURE au Mali dont 25,38% de coma. Au Niger, Kabaou M.S. [5] retrouvait 37,5% de cas d’altération de la conscience. Au Sénégal les études réalisées sur les comas l’ont été dans des services spécialisés de neurologie et de maladies infectieuses où respectivement Séne-Diouf [6] retrouvait 43,18% alors que Soumaré M.[7] retrouvait 11,4% de patients hospitalisés pour coma.
Le coma est une urgence médicale absolue. Une fois le diagnostic posé, la gravité appréciée et les fonctions vitales stabilisées, il convient de rechercher l’étiologie qui conditionne le traitement et le pronostic.
GENERALITES
Définition
Le coma est une abolition de la conscience, de la vigilance et une insensibilité aux épreuves de stimulation [2]. Il s’agit d’une abolition des fonctions de la vie de relation tandis que celles de la vie végétative sont plus ou moins conservées.
Anatomie et physiopathologie
La conscience et la vigilance se traduisent à l’état normal par un éveil et une réactivité comportementale. Elles sont assurées par la Formation Réticulée Activatrice Ascendante (FRAA), qui est un ensemble de fibres nerveuses recevant des stimuli sensitifs et moteurs [1]. La FRAA est située dans la partie centrale du tegmentum pontomésencéphalique au niveau du cerveau [51]. La SRAA (Système Réticulaire Activateur Ascendant) correspond à la partie supérieure de la FRAA ; il se trouve en avant de l’aqueduc de SYLVIUS et au contact des voies oculomotrices, en particulier le noyau de la troisième paire crânienne et la bandelette longitudinale postérieure reliant les noyaux des paires crâniennes entre elles [1-51]. La SRAA reçoit des afférences sensitivo-sensorielles stimulantes de l’éveil, en provenance de la voie spino-thalamique et notamment de la face. Ces afférences se projettent sur le cortex en partie directement, mais surtout par l’intermédiaire des noyaux réticulaires thalamiques [2]. Les voies efférentes partent de la partie médiane de la FRAA avec des projections thalamiques et hypothalamiques. Ce système réticulo-hypothalamo cortical intervient surtout dans la dimension instinctive et émotionnelle de l’éveil. Des neuromédiateurs permettent la transmission des voies qui prennent part à ce système réticulaire.
Le coma est ainsi consécutif soit à une lésion focale de la FRAA (compression; destruction) soit à une souffrance cérébrale diffuse, cas le plus fréquent, de diverses origines : désordres diffus et multifocaux, retentissant globalement sur le métabolisme neuronal (anoxie; troubles métaboliques; intoxications; complications vasculaires, infectieuses, épileptiques) [1]. Le fonctionnement du cerveau est dépendant du débit sanguin cérébral continu (DSC), des apports en oxygène et en glucose. La DSC est d’environ 75ml pour 100 g/minute dans la substance grise et de 30 ml pour 100 g/minute dans la substance blanche. La consommation en oxygène est de 3,5ml pour 100 g/ minute et celle en glucose de 5 g pour 100 g / minute. Les réserves cérébrales en glucose sont suffisantes pour maintenir les apports énergétiques pendant environ 2 minutes après un arrêt du DSC, alors on perd conscience dans les 8 à 10 secondes qui suivent. Un DSC inférieur à 10ml pour 100g/ minute provoque des lésions cérébrales irréversibles .
Conduite à tenir
Si le diagnostic de coma peut être facilement établi, sa prise en charge est assez complexe. Elle passe par plusieurs étapes, la première démarche consistera en une protection du patient, puis une évaluation diagnostique plus approfondie permettra la détermination de la profondeur du coma. Dans le même temps une orientation étiologique sera recherchée, afin de ne pas retarder un éventuel traitement urgent. Ainsi donc nous avons : la prise en charge immédiate ; l’enquête ou anamnèse ; l’examen clinique ; les examens complémentaires et le traitement étiologique.
Prise en charge immédiate ou CAT en urgence
Elle conditionne Le pronostic.
Appréciation des grandes fonctions vitales et mesures thérapeutiques immédiates
Ce temps consiste à effectuer un examen rapide et à mettre en route des mesures thérapeutiques simples, afin d’assurer la survie immédiate du patient avant toute investigation diagnostique réelle. A l’issue de ce bilan, les fonctions vitales doivent être stabilisées et le patient hospitalisé dans un service adapté (service d’accueil des urgences ou de réanimation médicale).
– Evaluation de la conscience, en général par le score de Glasgow qui sera ultérieurement complétée par un examen neurologique complet.
– Appréciation de l’état respiratoire (fréquence, bruits, coloration, sueurs, rythme) : liberté des voies aériennes (mise en position latérale de sécurité, enlever tout objet entravant le passage de l’air à travers les voies aériennes supérieures, mettre en place une canule de Guedel, aspirer les sécrétions bronchiques) ; on fera un examen clinique chez un patient couché à l’aide d’un stéthoscope. Une oxygénothérapie éventuellement par intubation et/ou ventilation peuvent être nécessaires en urgence. Ces indications thérapeutiques sont posées en fonction de l’encombrement des voies aériennes, de la fréquence respiratoire, de la saturation en oxygène et des gaz du sang.
– Appréciation de l’état cardio-vasculaire (pouls, pression artérielle, électrocardiogramme, recherche de signes de collapsus cardiovasculaire ou de choc) ; complétée par un examen complet du cœur et des vaisseaux. Des mesures immédiates peuvent parfois être nécessaires: scope, traitement d’un éventuel collapsus ou d’un choc.
– Prise de température.
– Pose d’une voie veineuse périphérique et d’une sonde urinaire.
– Correction d’une éventuelle hypoglycémie, d’une hypovitaminose B1 (encéphalopathie de Gayet-Wernicke), traitement antiépileptique s’il existe une notion de crises convulsives, administration d’un antidote spécifique… Toutes ces mesures sont à entreprendre si la suspicion est assez forte.
Il s’agira à ce stade de faire une évaluation rapide du coma, de stabiliser les fonctions vitales et d’instituer un traitement en urgence spécifique ou non.
Examens complémentaires
Ils dépendront du contexte; les principaux examens pouvant être demandés sont:
– La glycémie, la calcémie, l’ionogramme, l’urémie, la créatinémie, les transaminases, les gaz du sang, la numération formule sanguine, le bilan d’hémostase, la recherche de toxiques dans le sang et les urines, le dosage du monoxyde de carbone s’il existe un contexte évocateur, les hémocultures en cas de fièvre, les tests de diagnostic rapides du paludisme, la goutte épaisse, l’alcoolémie.
– L’électrocardiogramme, la radiographie du thorax ;
– La ponction lombaire devant toute suspicion de méningite ;
– Le scanner cérébral en urgence précisera la nature lésionnelle du coma, il sera réalisé en absence de cause évidente même en l’absence de signes de focalisation ;
– L’électroencéphalogramme présente un intérêt en cas de coma métabolique ou en cas de suspicion de crises convulsives.
Anamnèse
Elle est essentielle pour l’orientation diagnostique. L’interrogatoire de l’entourage et /ou des secours permettra de noter l’âge, de préciser les circonstances de découverte et le mode d’installation, de rechercher des antécédents évocateurs (épilepsie, maladie endocrinienne, toxicomanie, alcoolisme…), les traitements en cours, des signes annonciateurs (céphalées…), d’éventuels signes d’accompagnement, la notion d’épisodes antérieurs similaires.
Examen clinique
Examen général
Après l’évaluation de l’état général et de l’existence ou non de signes de défaillance viscérale, le reste de l’examen sera orienté par les grands groupes étiologiques. Il faudra systématiquement rechercher des signes infectieux, une haleine alcoolique, un ictère, une hypothermie, des points de piqure (toxicomanie), une affection viscérale ou endocrinienne. Cette recherche doit être systématique, même dans un contexte non forcément évocateur.
Examen neurologique
Il constitue l’essentiel du diagnostic du coma. Il est réalisé lorsque les fonctions vitales sont stabilisées afin de déterminer la cause du coma et de déterminer le pronostic. L’examen neurologique doit être complet, soigneux, exhaustif, répété, ses conclusions doivent être consignées par écrit.
Examen de la motricité
C’est l’étude de la réactivité à la douleur, les réactions d’éveil (ouverture des yeux) et d’orientation ; la recherche d’une paralysie faciale ou déficit facial central (réaction mimique), d’une hémiplégie. La réactivité à la douleur est étudiée par friction du sternum, pression du lit unguéal, pincement du mamelon, pression du nerf sus orbitaire, manœuvre de Pierre-Marie et Foy : compression du nerf facial derrière les maxillaires inférieures.
Examen du tonus musculaire
L’estimation du tonus musculaire fait classiquement partie de l’examen neurologique. Il est défini comme la résistance ressentie par l’examinateur qui mobilise passivement un segment de membre du patient. En cas de résistance excessive par rapport à une situation normale, on parle d’hypertonie et dans le cas contraire, d’hypotonie. Il s’agit d’une notion subjective, car difficilement quantifiable. Les modifications du tonus musculaire et les signes qui y sont associés permettent toutefois d’orienter le diagnostic clinique vers une entité nosologique précise. Les hypertonies peuvent être classées en trois grandes catégories : la spasticité, où la résistance à la mobilisation passive s’accroit en fonction de la vitesse de déplacement du membre testé, la rigidité où l’hypertonie ressentie est indépendante de cette vitesse et l’oppositionnisme, qui correspond à une résistance accrue chez un patient incapable de relâcher sur commande le membre examiné. Une hypertonie isolée se rencontre chez l’adulte durant le sommeil physiologique et en cas de coma. Associée à l’ataxie, elle est présente en cas d’affection cérébelleuse, avec une passivité marquée et en cas d’atteinte sensitive, avec une hyper extensibilité franche du membre atteint. En cas de parésie musculaire, une hypotonie durable signe habituellement la présence d’une atteinte du système nerveux périphérique. Chez le petit enfant, l’hypotonie est un signe clinique capital et facilement accessible, qui peut traduire l’existence non seulement d’une affection neurologique mais aussi d’une atteinte du tissu conjonctif ou d’une maladie systémique grave.
Il met en évidence :
– Une hypotonie latéralisée dans les hémiplégies.
– Une hypotonie généralisée évocatrice de certains diagnostics (comas toxiques et métaboliques) mais peut aussi simplement témoigner de la profondeur du coma.
– Une hypertonie extrapyramidale dans l’encéphalopathie hépatique, les intoxications au monoxyde de carbone et aux neuroleptiques.
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE
I. GENERALITES
I.1. Définition
I.2. Anatomie et physiopathologie
I.3. Conduite à tenir
I.3.1. Prise en charge immédiate ou CAT en urgence
I.3.1.1. Appréciation des grandes fonctions vitales et mesures thérapeutiques immédiates
I.3.1.2. Examens complémentaires
I.3.2. Anamnèse
I.3.3. Examen clinique
I.3.3.1. Examen général
I.3.3.2. Examen neurologique
I.3.3.1. Examen de la motricité
I.3.3.2. Examen du tonus musculaire
I.3.3.3. Recherche de troubles végétatifs
I.3.3.4. Examen des réflexes
I.3.4. Echelle de Glasgow
I.3.4.1. Evaluation diagnostique : profondeur du coma
I.3.4.2. Description de l’échelle de Glasgow
I.3.4.3. Validation de l’échelle de Glasgow
I.3.4.4. Autres échelles de coma
I.3.5. Classification du coma
I.3.5.1. Stade 1 : Coma vigil
I.3.5.2. Stade 2 : Coma léger
I.3.5.3. Stade 3 : Coma profond ou Coma carus
I.3.5.4. Stade 4 : Coma dépassé
I.4. Diagnostic différentiel
I.4.1. Le coma d’origine traumatique
I.4.2. L’hypersomnie dans le syndrome de PICKWICK
I.4.3. L’aphasie de BROCA
I.4.4. Le mutisme akinétique
I.4.5. Le syndrome de déafférentation motrice ou « locked-in syndrome »
I.4.6. Le coma hystérique
I.4.7. Les troubles durables de la conscience
I.4.8. La crise de spasmophile
I.4.9. Les pertes de connaissances passagères
I.5. Diagnostic étiologique
I.5.1. Coma d’origine neurologique
I.5.1.1. Les comas vasculaires
I.5.1.1.1. Les hémorragies
I.5.1.1.2. L’encéphalopathie hypertensive
I.5.1.1.3. L’infarctus cérébral
I.5.1.1.4. Les causes rares de comas vasculaires
I.5.1.2. Les abcès et empyèmes cérébraux
I.5.1.3. Les tumeurs cérébrales
I.5.2. Comas d’origine métabolique
I.5.2.1. Comas diabétiques
I.5.2.1.1. Hypoglycémie
I.5.2.1.2. Coma acido-cétosique
I.5.2.1.3. Coma hyperosmolaire
I.5.2.1.4. Acidose lactique
I.5.2.2. Coma hépatique[86]
I.5.2.3. Coma urémique[30]
I.5.2.4. Coma d’origine hormonale
I.5.2.4.1. Coma myxœdémateux
I.5.2.4.2. Comas toxiques
I.5.2.5. Coma infectieux
I.5.2.6.1. Les méningites bactériennes
I.5.2.6.2. Les encéphalites[105-106-107-108]
I.5.2.6.3. Les encéphalopathies des états septiques
I.5.2.6.4. Le paludisme grave( neuropaludisme)
I.5.2.6. Comas de l’épilepsie et des états de mal convulsifs : coma postcritique
I.5.2.7. Les autres types de coma
I.5.2.8.1. Les comas d’origine carentielle
I.5.2.8.2. Comas par atteinte neurologique spécifique à l’éthylisme chronique
I.5.2.8.3. Comas post-anesthésiques
I.6. Examens complémentaires selon l’orientation
I.6.1. Tomodensitométrie cérébrale
I.6.2. Ponction lombaire
I.6.3. Électroencéphalogramme
I.6.4. La tomographie a émission de positons ou PET scan
I.6.5. Anomalies métaboliques
I.6.6. Autres examens complémentaires
I.7. Attitude thérapeutique
I.7.1. La surveillance
I.7.2. Le traitement symptomatique
I.7.3. Le traitement étiologique
I.7.4. Evaluation pronostique
DEUXIEME PARTIE
I. METHODOLOGIE
I.1. Cadre d’étude
I.2. Type et période d’étude
I.3. Population
I.3.1. Critères d’inclusion
I.3.2. Critères de non inclusion
I.4. Collecte des données
I.5. Traitement et analyse des données
II. RESULTATS
II.1. Données épidémiologiques
II.1.1. Fréquence
II.1.2. Sexe /Age
II.1.3. Répartition des patients en fonction de leur mode d’arrivée
II.1.4. Répartition des patients en fonction de leur délai d’arrivée
II.2. Données sur les antécédents
II.2.1. Répartition des patients en fonction des antécédents médicaux
II.2.2. Répartition des patients en fonction du traitement médicamenteux antérieur
II.3. Données cliniques
II.3.1. Répartition des patients en fonction du mode d’installation
II.3.2. Répartition des patients en fonction du score de Glasgow à l’admission
II.3.3. Répartition des patients en fonction du score de Glasgow et du mode d’installation
II.3.4. Examen clinique
II.3.5. Répartition des patients en fonction de la présence ou non d’un déficit neurologique
II.3.6. Répartition des patients en fonction de l’examen des autres appareils et systèmes
II.4. Données sur les examens complémentaires
II.4.1. Répartition des patients en fonction des résultats des examens complémentaires réalisés
II.5. Données étiologiques
II.5.1. Répartition des patients en fonction de l’étiologie retenue
II.5.2. Répartition des patients en fonction de l’âge et l’étiologie retenue
II.5.3. Répartition des patients en fonction du score de Glasgow et de l’étiologie retenue
II.6. Données évolutives
II.6.1. Répartition des patients en fonction de l’évolution
II.6.2. Répartition des patients en fonction de l’évolution et du score de Glasgow
II.6.3. Répartition des patients en fonction de l’évolution et de l’étiologie retenue
III. COMMENTAIRES ET DISCUSSIONS
III.1. Données épidémiologiques
III.1.1. Fréquence
III.1.2. Sexe et Age
III.1.3. Mode d’arrivée aux urgences
III.1.4. Délai d’arrivée aux urgences
III.2. Données sur les antécédents
III.3. Données cliniques
III.3.1. Mode d’installation
III.3.2. Signes généraux et constantes
III.3.3. Score de Glasgow
III.3.4. Données sur l’existence ou non d’un déficit
III.3.5. Données sur le reste de l’examen clinique
III.4. Données paracliniques
III.5. Données étiologiques
III.5.1. Etiologies retenues
III.5.2. Etiologies selon l’âge
III.5.3. Etiologies selon le score de Glasgow
III.6. Données évolutives
III.6.1. Evolution
III.6.2. Evolution et score de Glasgow
III.6.3. Evolution et étiologie retenue
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXE