ASPECTS EPIDEMIOLGIQUES DES ULCERATIONS CHRONIQUES DES MEMBRES INFERIEURS
INTRODUCTION
L’ulcération chronique des membres inférieurs se définit par une perte de substance cutanée profonde sans tendance spontanée à la cicatrisation, en général située au niveau de la partie déclive des membres inférieurs [1]. (Figure 1,2).L’étiologie est dominée par l’origine vasculaire le plus souvent veineuse. L’ulcère veineux est fréquent, récurrent, grave avec un impact socioéconomique négatif [2].Les autres étiologies sont les infections, les cancers cutanés, les maladies de système, et les affections métaboliques, neurologiques et hématologiques.A travers une série des malades hospitalisés pour ulcère chronique des membres inferieurs, nous allons rapporter les aspects épidémiologiques, cliniques, étiologiques, thérapeutiques, et évolutifs des ulcérations chroniques des membres inferieurs, observées au service de dermatologie vénérologie du CHU MOHAMED VI de MARRAKECH
Les maladies de système :
Dans notre étude, nous avons colligé 3 cas de maladie se système, soit 4,69% de notre série :
• 2 cas de Behçet.
• 1 cas de Lupus associé à un syndrome des anticorps antiphospholipides.
Observation N°1 :
Patient B.I, âgé de 31 ans, connu porteur de la maladie de Behçet depuis 4 ans retenu devant l’association d’une aphtose buccale récidivante à des aphtes génitaux, et des pseudofolliculites nécrotiques, et traité au long cours par colchicine, et prednisone à faible dose (10 mg/j).À l’examen, on observait des ulcères des deux jambes, multiples, douloureux, avec extension centrifuge, siégeant au niveau de la face externe de la cheville droite, au niveau du tiers moyen de la jambe droite, et au niveau du tiers inferieur de la jambe gauche, à fond rouge, purulent au centre, et bords émoussés. Avec une peau periulcéreuse érythémateuse. L’examen clinique ne trouvait pas de signes de thrombophlébites superficielles au niveau des jambes, et les pouls tibiaux postérieurs et pédieux étaient présents. Le doppler veineux des membres inférieurs n’a pas montré de signes d’insuffisance veineuse ni de thrombose profonde concomitante. Le doppler artériel n’a pas montré non plus de signes d’artériopathie sous-jacente. Le patient a présenté un épisode de surinfection des ulcérations par enterobacter cloacae et enterococcus faecalis nécessitant le recours aux antibiotiques. Le diagnostic de ces infections était porté sur un ensemble de signes clinico-biologiques: fièvre, présence de pus à l’examen local, une hyperleucocytose à polynucléaires neutrophiles et une C-réactive protéine élevée et une vitesse de sédimentation élevée éliminant ainsi une simple colonisation bactérienne d’ulcère.Les sérologies VIH et syphilitique étaient négative.Le traitement reposait sur les soins locaux, une antibiothérapie adaptée, la colchicine, et les corticoïdes à dose de 1mg/Kg/j, l’évolution était favorable avec une cicatrisation complète des ulcérations.
Observation N°2 :
Une femme âgée de 22 ans, connue porteuse de la maladie de Behçet depuis l’âge de 17 ans avait été diagnostiquée devant une aphtose buccale récidivante, un aphte génital, des lésions de pseudofolliculites des fesses et un test pathergique positif, et traitée par colchicine 1 mg, et prednisone 40 mg/j, suivie pour un syndrome néphrotique, et avait pour antécédent familial une cousine paternelle porteuse d’une maladie de Behçet.L’examen clinique a trouvé des ulcérations multiples des 2 jambes, siégeant au niveau du tiers moyen de la face antérieure de la jambe droite, et au niveau du tiers inferieur de la jambe gauche, peu profondes, à bords sous minés de coloration rouge violine. Le doppler veineux et artériel ne montraient ni signes d’insuffisance veineuse ni d’artériopathie sous-jacentes, le bilan biologique état normal, et Les sérologies VIH et syphilitique étaient négatives. La biopsie cutanée réalisée au niveau des berges de l’ulcération montrait des signes de vascularite dermique leucocytoclasique avec des micro-thromboses et une infiltration inflammatoire lymphocytaire du derme profond.Une corticothérapie par voie générale à la dose de 1 mg/kg/j associée à la colchicine permettait une évolution favorable marquée par une cicatrisation cutanée.Les aspects cliniques, épidémiologiques, et étiologiques des ulcérations chroniques des membres inferieurs
Observation N°3 :
Patiente B.J, âgée de 28 ans, connue porteuse de la maladie de Lupus associée à un syndrome des anticorps antiphospholipides depuis l’âge de 22 ans.L’examen cutané a trouvé des ulcérations multiples de petites taille au nombre de trois, ovalaires, suspendues, douloureuses, bordées d’un liséré purpurique siégeant au niveau de la cheville gauche. Avec une dermite ocre au niveau de la peau periulcéreuse. L’examen articulaire montrait des arthrites des genoux. Le reste de l’examen était sans anomalies.La biologie montrait une pancytopénie avec leucolymphopénie, anémie à 8,9 g/dL normochrome normocytaire avec un test de Coombs direct positif et une thrombopénie. La fonction rénale était normale et la protéinurie de 24 heures était négative. Les sérologies VIH et syphilitique étaient négatives. L’écho-doppler a montré une thrombose de l’artère poplitée gauche, sans signes d’insuffisance ou thrombose veineuse. Le traitement reposait sur héparine relayée par les anti-vitamines K, associé a l’aspirine à dose antiagrégante plaquettaire, avec une corticothérapie par voie générale à la dose de 1 mg/kg/j. L’évolution était favorable marquée par une cicatrisation cutanée.
La vascularisation veineuse :
Le système veineux se répartit au niveau du membre pelvien en deux réseaux juxtaposés et connectés:
a. Le réseau veineux profond :
Suit le trajet des artères, depuis le pied jusqu’à l’aine. Elles portent le même nom que l’artère qu’elles accompagnent, sont dédoublées de la cheville au genou puis le plus souvent uniques de la poplitée au confluent ilio-cave (L5). Ce réseau aboutit à la veine cave caudale Au niveau du bassin les veines iliaques externes et communes sont en médial des artères homologues ce qui explique que l’artère iliaque commune droite croise les deux veines iliaques communes.qui remonte vers le cœur en cheminant à droite de l’aorte (Figure 34). La veine iliaque commune gauche est en particulier coincée entre – en ventral l’artère iliaque commune droite- en dorsal le promontoire, ce qui explique la plus grande fréquence des atteintes veineuses à gauche (stase par compression).
b. Le réseau veineux superficiel :
Comprend schématiquement deux veines principales très largement anastomosées entre elles (mais variations très importantes).Toutes deux naissent des extrémités de l’arcade marginale du pied (Figure 34).
b.1. La grande veine saphène :
– Nait de l’extrémité médiale de l’arcade dorsale. Entièrement sous cutanée, elle passe en ventral de la malléole médiale, chemine à la jambe le long du bord médial du tibia, au genou contourne en dorsal le condyle fémoral médial puis sur le versant médial de la cuisse, rejoint la région de l’aine en se jetant dans la veine fémorale commune par une crosse qui perfore le fascia lata.
– Collatérales dans son trajet:
• Veine saphène antérieure : descend en écharpe sur la face ventrale de la cuisse et la face latérale de la jambe.
• Veine intersaphénienne : anastomosée avec la petite veine saphène.
b.2. La petite veine saphène:
– Nait du versant latéral de l’arcade dorsale du pied, passe en dorsal de la malléole latérale, monte en position médiane à la face dorsale du mollet, pénètre à mi jambe dans le fascia crural, se termine en se jetant dans la veine poplitée par une crosse.
– Collatérales dans son trajet : veines drainant le sang des plans cutanés et anastomose avec la grande veine saphène.
c. Les veines communicantes et perforantes :
Les deux veines superficielles sont richement anastomosées par un ensemble de veines communicantes; elles sont également connectées au réseau profond par un ensemble de veines perforantes qui traversent les aponévroses
Ulcère artériel :
Dans notre étude l’ulcère artériel représente 7,81% dans notre série. L’âge moyen des ces patients était de 49,5 ans, avec un sex-ratio à 1,5. A Rabat, l’ulcère artériel est prédominent chez l’homme avec un sex-ratio à 3, âgé de la cinquantaine, grand fumeur ou diabétique [14]. Nos résultats sont comparable avec l‘étude faite à Fès qui rapporte 5,26% d’ulcère artériel [10], par contre à Rabat WURIE.A.R rapporte 23,81% d’étiologies artérielles [14].On note que les résultats différent en fonction des régions car tout comme elle évoque 10 à 25 % de maladies artérielles causant les ulcères de jambe en France [28], l’étude effectuée en Grande Bretagne par D.J Adam implique les artères dans 2,2% des ulcères causés [17]. Baker a rapporté 28% de causes artérielles, sur un âge moyen de 79 ans [18], loin de ce qui a été trouvé dans notre étude.Lorsqu’un geste de revascularisation artérielle ne peut être réalisé, les ulcères posent des problèmes de cicatrisation qui justifient parfois une amputation. Les plaies d’amputation dans un contexte d’artériopathie posent également des problèmes de cicatrisation d’autant plus que le niveau d’amputation est distal [33].Actuellement, les membranes amniotiques par leurs propriétés angiogéniques, bactériostatiques et antalgiques, elles pourraient constituer une alternative thérapeutique intéressante pour la prise en charge des ulcères d’origine artérielle ou pour la prise en charge des plaies d’amputations vasculaires [33].
CONCLUSION
A travers notre étude, nous avons identifié les particularités suivantes : L’ulcère vasculaire représente l’étiologie la plus fréquente des ulcères chroniques des membres inferieurs (45,31%) dominés par l’origine veineuse, dont un patient présentait le syndrome de Klinefelter.L’ulcère veineux est plus fréquent chez le sujet de sexe masculin, avec un âge moyen plus bas.L’étiologie infectieuse reste importante dans notre contexte qui présente 23,44% des cas, avec 5 cas de leishmaniose, 9 cas d’infection bactérienne, et un cas de tuberculose.Le pyoderma gangrenosum représente 20,31% avec 2 associations pathologiques jamais décrites dans littérature notamment une cholangite sclérosante et un syndrome de Turner. Et finalement nous proposons les recommandations suivantes pour améliorer la prise en charge des ulcères chroniques des membres inferieurs :
Aux malades :
• Eviter la station debout prolongée passive.
• Utiliser une contention élastique en cas d’insuffisance veineuse.
• Eviter le tabac, et Faire de l’exercice physique pour favoriser la circulation vasculaire.
• Contrôler le poids.
• Eviter l’application de produits traditionnels sur les plaies.
• Eviter les traumatismes des membres inférieurs.
• Consulter pour tout ulcère apparu aux membres inférieurs même minime.
Aux personnels de santé :
Développer l’information, l’éducation et la communication auprès de la population afin qu’elle puisse se présenter précocement en consultation.
Aux autorités sanitaires :
• Mettre en place une stratégie de prise en charge nationale des ulcères chroniques des membres inferieurs tout en renforçant la capacité des services sociaux.
• Soutenir la formation d’un nombre suffisant de personnel sanitaire (infirmiers, et médecins) pour la prise en charge des ulcères chroniques des membres inferieurs.
• Création d’une infrastructure sanitaire adaptée et suffisante, en subventionnant une partie du coût de la prise en charge des ulcères chroniques des membres inferieurs.
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Table des matières
INTRODUCTION
PATIENTS ET MÉTHODE
I. Patients
1. Population d’étude
2. Inclusion des malades
II. Méthodes
1. Cadre de l’étude
2. Type et durée de l’étude
3. Recueil des données
4. Saisie et analyse des données
5. Aspects éthiques
RÉSULTATS
I. Epidémiologie
1. Age
2. Sexe
3. Régions
4. Statut matrimonial
5. Situation socioprofessionnelle
II. Etiologies
1. Les ulcères d’origine vasculaire
2. Les ulcères infectieux
3. Pyoderma gangrenosum
4. Les ulcères néoplasiques
5. Les maladies de système
6. Drépanocytose a propos d’un cas
DISCUSSION
I. RAPPEL ANATOMIQUE DES MEMBRES INFERIEURS.
1. Les différentes régions du membre inférieur
2. Le squelette du membre inférieur
3. Les muscles des membres inférieurs
4. Les vaisseaux des membres inférieurs
II. ASPECTS EPIDEMIOLGIQUES DES ULCERATIONS CHRONIQUES DES MEMBRES INFERIEURS
1. Fréquence
2. Age
3. Sexe
4. Etiologies
4.1. Les ulcères d’origine vasculaire.
4.2. Les ulcères infectieux.
4.3. Pyoderma gangrenosum.
4.4. Les ulcères néoplasiques.
4.5. Les maladies de système.
4.6. Drépanocytose.
CONCLUSION
ANNEXES
RÉSUMÉS
BIBLIOGRAPHIE
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