La médecine d’urgence est un centre d’intérêt majeur en Médecine curative aussi bien dans les pays développés que dans les pays en voie de développement. Elle se définit comme l’ensemble des techniques médicales et chirurgicales requises pour faire face à une urgence vitale. Celle-ci est une situation où le patient, faute d’une prise en charge adéquate, risque de présenter des lésions irréversibles ou même de décéder dans un délai court. Cette notion de « délai court » est très relative selon les états. En France, on considère comme relevant de l’urgence un risque à 6 ou 12 heures. En Amérique du Nord (au Canada et aux États-Unis), la définition est plutôt centrée sur la demande de soin du patient [23].
Selon le collège des médecins Québécois [16], la mission première d’un service d’urgence est de rendre aux patients, dont l’état le requiert, les services suivants: réception, évaluation initiale, stabilisation et début du traitement de façon immédiate et continue. Tout ceci doit avoir comme but de stabiliser une condition médicale ou chirurgicale urgente et d’arriver à une décision éclairée sur l’orientation du patient. En définitive, on peut définir de manière générale une urgence médicale comme toute perception d’une situation de danger imminent par le soignant ou par le patient lui même pouvant mettre en jeu le pronostic fonctionnel et/ou vital de ce dernier. Un service d’urgence dans un hôpital reste ouvert 24 heures/24 tous les jours pour prendre en charge les sujets dont la gravité de l’état de santé exige des soins médicaux et/ou chirurgicaux immédiats. Cette continuité des soins exige évidemment des dispositions particulières pour l’organisation, le fonctionnement ainsi que pour le personnel.
URGENCES MEDICALES
HISTORIQUE
L’aide médicale d’urgence a existé depuis longtemps [6]. En effet, déjà au VIe siècle l’empereur Mauricius fut le premier à créer un corps de cavaliers chargés du ramassage des blessés et de leur transport chez les barbiers (chirurgiens de l’époque). Il a fallu attendre le XVIe siècle avant qu’une initiative de ce genre ne soit prise de nouveau par le roi François 1er , qui créa le grand bureau des pauvres chargé d’aller chercher à domicile les malades indigents et trop faibles pour se rendre à l’Hôtel Dieu. Durant la guerre de Corée et la Seconde Guerre mondiale, le service de santé américain fut le premier à se doter de matériels d’urgence, visant au déchoquage sur place des patients en arrêt cardiaque.
C’est à partir de 1945 avec la création de la sécurité sociale que le patient est devenu assuré social et consommateur de soins. Avec la naissance du marché de la santé, la demande de soins en urgence n’a cessé d’augmenter. Pour répondre à cette nouvelle demande, les services d’urgences se sont agrandis, sont devenus performants et plus équipés avec un personnel mieux formé. Malgré cela, la demande continue d’augmenter et les services d’urgence sont deplus en plus surchargés. Cela a engendré une forme d’escalade où l’offre crée une nouvelle demande et semble favoriser l’attitude consumériste des usagers. Les services d’urgence, maintenant devenus très attractifs et compétitifs (ouverture permanente, facilité d’accès, regroupement des examens dans le temps et dans l’espace), permettent aux usagers de consommer de la médecine d’urgence. Ils s’y présentent spontanément sans avoir consulté leurs médecins traitants.
ORGANISATION
Urgences préhospitalières
Le SMUR, bras armé des urgences et l’accueil hospitalier ont été hiérarchisés par la classification clinique des malades des urgences (CCMU) selon 7 degrés de gravité. C’est le médecin du SMUR ou de l’accueil qui détermine à la fin de l’examen clinique initial ce degré [7]. L’examen clinique comprend un interrogatoire, un examen physique et éventuellement des examens complémentaires (ECG, saturation en oxygène, glycémie capillaire, Echelle Visuelle Analogique, bandelettes urinaires …) ; elle distingue :
– CCMU 1 : Etat lésionnel et/ou pronostic fonctionnel jugés stables. Abstention d’acte complémentaire diagnostique ou thérapeutique à réaliser par le SMUR ou un service d’urgences.
– CCMU 2 : Etat lésionnel et/ou pronostic fonctionnel jugés stables. Décision d’acte complémentaire diagnostique ou thérapeutique à réaliser par le SMUR ou un service d’urgences.
– CCMU 3 : Etat lésionnel et/ou pronostic fonctionnel jugés susceptibles de s’aggraver aux urgences ou durant l’intervention SMUR, sans mise en jeu du pronostic vital.
– CCMU 4 : Situation pathologique engageant le pronostic vital. Prise en charge ne comportant pas de manœuvres de réanimation immédiate.
– CCMU 5 : Situation pathologique engageant le pronostic vital. Prise en charge comportant la pratique immédiate de manœuvres de réanimation.
– CCMU D : Patient décédé. Pas de réanimation entreprise par le médecin SMUR ou du service des urgences.
– CCMU P : Patient présentant un problème psychologique et/ou psychiatrique dominant en l’absence de toute pathologie somatique instable.
Du point de vue de l’organisation et du fonctionnement des urgences, au-delà des objectifs communs, les priorités diffèrent d’un pays à l’autre. Les systèmes de secours sanitaires d’urgence préhospitaliers (SSUP) Français et Anglais présentent dans leur organisation comme dans leur fonctionnement respectif quelques aspects qui méritent d’être signalés. Tout d’abord le principe de centralisation, que ce soit dans la prise en charge ou dans la gestion de la réponse apportée.
En Angleterre, l’ « Ambulance Services NHS Trust » représente la structure unique assurant la prise en charge des SSUP au niveau de chaque région considérée. Alors qu’en France, cette centralisation repose sur un modèle « bicéphale » et relève à la fois du SAMU et du SDIS de chaque département. Même si ces deux services interconnectés entre eux ont respectivement des rôles et des missions relativement bien définis, on peut penser que leur double présence au niveau de la gestion des appels et des interventions ne fait qu’alourdir le système. Celui-ci y gagnerait en clarté et en cohérence à proposer une régulation unique de toutes les demandes de secours. Si on excepte cette particularité commune, les deux pays diffèrent encore largement de par l’importance qu’ils accordent aux deux principaux paramètres pris en considération dans les SSUP et qui sont :
– le niveau de technicité des intervenants (qui influence directement le niveau de la prise en charge immédiate);
– le facteur temps.
La France a opté pour la médicalisation des SSUP et privilégie ainsi le niveau de technicité des intervenants. Cette médicalisation est présente au niveau de la gestion des appels de secours à caractère médical. Cette gestion des appels est un acte médical à part entière,,, appelé régulation médicale ; elle relève à ce titre de la compétence du médecin régulateur du SAMU. C’est ce dernier qui décide des moyens de secours à mettre en œuvre (Sapeurs-pompiers, transporteurs sanitaires privés, médecins, SMUR) en fonction de la gravité estimée de la situation et de la localisation géographique de l’événement. Il décide par ailleurs de l’orientation du patient et veille à préparer son accueil dans la structure de soins adaptée à son état. Au niveau de la prise en charge du patient sur les lieux mêmes de la détresse qui fait appel, dans les cas où il est question d’urgence vitale, à l’intervention d’un SMUR avec à son bord la présence d’un équipage comportant un médecin anesthésiste réanimateur ou urgentiste, assisté par un ambulancier et un infirmier.
En Angleterre, qu’il s’agisse de la gestion des demandes de secours au niveau du Central Ambulance Control ou de la prise en charge sur le terrain, assurée par les équipages paramédicaux de l’ « Emergency Ambulance Service », les SSUP ne sont pas médicalisés en dehors des rares cas où il est fait appel aux « immediate care doctors ». Ces derniers font partie, avec les « First responders » et les « Co-responders », des systèmes de secours annexes auxquels l’ «Emergency Ambulance Service» peut faire appel de façon occasionnelle pour prêter assistance aux équipages paramédicaux dans la prise en charge des détresses vitales.
Le niveau de technicité des intervenants est donc globalement moindre mais, en contrepartie, le système anglais accorde une importance primordiale au facteur temps, et notamment à la rapidité avec laquelle les moyens de secours sont dépêchés et déployés sur place.
Ces délais de déclenchement et d’arrivée des secours constituent d’ailleurs la base des critères de performance (appelés performance standards) auxquels doit satisfaire l’ensemble des « Ambulance Services NHS Trusts ».
Ces différences dans les priorités accordées par chacun des deux systèmes à la technicité des intervenants et au facteur temps, ne sont pas sans conséquence sur le niveau de prise en charge assurée sur le terrain. Le large éventail des mesures thérapeutiques et autres gestes techniques à disposition des médecins du SMUR illustre parfaitement bien le niveau élevé de prise en charge des SSUP en France. Le recours à ces compétences se fait certes le plus souvent au prix d’une hausse du temps passé sur place mais permet le traitement sinon la stabilisation en milieu préhospitalier d’un grand nombre de détresses vitales. Il n’en demeure pas moins que même dans ces conditions, le facteur temps doit rester une préoccupation majeure. Car il existe de nombreuses situations où rien ne peut remplacer certaines conditions de prise en charge présentes et réalisables uniquement en milieu hospitalier ; notamment :
– la présence pluridisciplinaire de médecins et de chirurgiens spécialisés
– la possibilité d’investigations complémentaires urgentes en cas d’incertitude diagnostique,
– le recours à des traitements définitifs non disponibles en préhospitalier.
A l’inverse, le niveau restreint des compétences diagnostiques et thérapeutiques des « paramedics » rend compte de l’impossibilité de ces derniers à adhérer pleinement au concept de stabilisation préhospitalière. L’alternative retenue pour compenser ce moindre niveau de prise en charge est l’utilisation optimale du facteur temps. Après une mise en condition minimale complétée le cas échéant par l’administration de traitements indiqués selon un protocole codifié, l’objectif est de transporter le patient dans les plus brefs délais vers l’hôpital le plus proche. Cela peut nécessiter des moyens de transport ultra-rapides comme l’hélicoptère dans le Westcountry.
Cependant, il n’en demeure pas moins que dans certains domaines (sédation-analgésie, réanimation respiratoire du polytraumatisé) et/ou certains types de détresse (traumatisme crânien grave, infarctus du myocarde). Le niveau de prise en charge préhospitalière assuré par les « paramedics » peut sembler globalement insuffisant au regard des thérapeutiques et des techniques disponibles à l’intérieur de l’hôpital et dont certaines ont démontré leur efficacité lorsqu’elles sont exportées en milieu extrahospitalier [3].
Urgences hospitalières
Les services d’urgence sont classés en fonction de leur niveau de technicité et de normes d’équipement ; le type de classement varie en fonction des pays et de leurs priorités. On distingue trois niveaux selon le système français :
– les services d’accueil et des urgences (SAU) : qui ont le niveau d’équipement le plus élevé et doivent pouvoir traiter tous les types d’urgence ;
– les unités de proximité d’accueil, d’orientation et de traitement des urgences (UPATOU): qui prennent en charge des cas plus simples ;
– les pôles spécialisés d’accueil et de traitement des urgences (POSU) capables de prendre en charge des urgences lourdes, mais seulement dans des domaines spécifiques comme la cardiologie, la pédiatrie.
La prise en charge des malades est assurée par des médecins spécialisés ayant un diplôme de capacité de médecine d’urgence.
Au Québec [16], dans le rapport de la conférence internationale sur les soins de santé primaires le conseil médical a proposé une hiérarchisation conforme à celle des soins de santé de premier, de deuxième et de troisième échelon de l’OMS.
– services médicaux de première ligne : ce sont des services de santé courants qui peuvent s’appuyer sur une infrastructure légère de moyens diagnostiques et thérapeutiques permettant de résoudre la majorité des préoccupations et des problèmes communs de la population en regard de la santé.
Ces soins ne requièrent pas la structure d’un service d’urgence. Ils ne nécessitent ni observation ni hospitalisation.
– services médicaux de deuxième ligne : ces services s’appuient sur une technologie diagnostique et thérapeutique plus lourde mais répandue et qui permet de résoudre des problèmes de santé plus complexes. Ils s’adressent aux personnes en prise avec des problèmes ne pouvant être résolus en première ligne. Dans les services d’urgence, les services de deuxième ligne sont ponctuels.
– services médicaux de troisième ligne : ce sont des services médicaux ultra spécialisés. Ils s’appuient sur une technologie diagnostique et thérapeutique lourde et peu répandue, et s’adressent aux personnes aux prises avec des problèmes de santé très complexes ou présentant des problèmes rares.
Ces services ne sont offerts qu’à un niveau suprarégional, dans des centres hospitaliers à vocation ultra spécialisée. Dans les services d’urgence de ces centres, ces services sont ponctuels. Malgré toutes ces tentatives d’organisation les urgences ne manquent pas de poser globalement des problèmes de plusieurs ordres.
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : RAPPELS
I- URGENCES MEDICALES
I.1/ HISTORIQUE
I.2/ ORGANISATION
I.2.1/ Urgences préhospitalières
I.2.2/ Urgences hospitalières
II- LES PROBLEMES DES URGENCES
II.1/ Problèmes des urgences dans le monde
II.2/ Problèmes des urgences au Sénégal et en Afrique
DEUXIEME PARTIE : NOTRE ETUDE
I- CADRE D’ETUDE
I.1/ L’hôpital de Pikine
I.1.1/ Présentation de la ville de Pikine
I.1.2/ Le Centre Hospitalier National de Pikine (CHNP)
I.1.3/ Présentation des services
I.1.3.1/ Services d’hospitalisations
I.1.3.2/ Service des consultations externes
I.1.3.3/ Service d’Accueil des Urgences
I.1.3.4/ Service d’imagerie et laboratoire biologique
I.1.3.5/ Maternité
I.1.3.6/ Bloc opératoire
I.1.3.7/ Réanimation
I.1.3.8/ Morgue avec unité d’anatomie pathologique
I.1.3.9/ Pharmacie centrale
I.2/ Le service d’accueil et urgences : SAU
I.2.1/Ouverture
I.2.2/ Situation
I.2.3/ Présentation
I.2.4/ La Capacité d’accueil
I.2.5/ Le plateau technique
1.2.6/ Personnel
I.2.7/ Organisation
I.2.8/ Fonctionnement
I.2.9/ Liste des produits disponibles aux urgences
I.2.10/ Liste des bilans disponibles à la garde
II- PATIENTS ET METHODES
II.1/ Type et durée de l’étude
II.2/ Critère d’inclusion
II.3/ Critère d’exclusion
II.4/ Collecte de données
II.5/ Recueil des donnés
II.5.1/ Examen clinique
II.5.1.1/ Données de l’interrogatoire
II.5.1.2/ Données de l’examen
II.5.2/ Données des examens paracliniques
II.5.3/ Diagnostic retenu
II.5.4/ Modalités de prise en charge
II.5.5/ Evolution
II.5.6/ Limites de l’étude
RESULTATS
I. ECHANTILLON
II. EPIDEMIOLOGIE
II.1. Profil sociodémographique
II.1.1/ Répartition selon l’âge
II.1.2/ Répartition selon le sexe
II.1.3/ Répartition des malades selon le lieu de provenance
II.2/ Profil clinique
II.2.1/ Répartition des consultations par trimestre
II.2.2/ Répartition selon le type d’ urgences médicales
II.2.3/ Répartition des diagnostics
II.3/ Modalités de prise en charge
II.4/ Aspects évolutifs
COMMENTAIRES
I- ASPECTS EPIDEMIOLOGIQUES
I.1 / Prévalence des urgences médicales
I.2 / Répartition selon l’âge et le sexe
I.3 / Répartition selon l’origine géographique
II- ASPECTS CLINIQUES
II.1 / Répartition par trimestre
II.2 / Répartition selon le type d’urgence
II.2.1/ Les pathologies rencontrées
II.2.2/ Les pathologies infectieuses aux urgences
II.2.3/ Les pathologies hépato-digestives aux urgences
II.2.4/ Les pathologies respiratoires aux urgences
II.2.5/ Les pathologies cardio-vasculaires aux urgences
II.2.6/ Les pathologies neurologiques aux urgences
III. ASPECTS THERAPEUTIQUES
IV. ASPECTS EVOLUTIFS
CONCLUSIONS
RECOMMANDATIONS
ANNEXE
BIBLIOGRAPHIE