Une toxi-infection alimentaire collective(TIAC) est définie par l’apparition d’au moins deux cas groupés ayant les mêmes symptômes et survenant après ingestion d’un aliment commun [1-4]. Ces toxi-infections alimentaires demeurent un problème important de santé publique malgré le progrès dans la connaissance de leurs causes. Selon l’Organisation Mondiale de la Santé(OMS), 30% des habitants dans le monde sont affectés chaque année par une maladie d’origine alimentaire y compris adulte et enfant [5]. En Afrique le taux de décès liés à la sécurité alimentaire s’élève à 700000 par an. A Madagascar, les TIACs sont de mieux en mieux recensées [6]. La TIAC est une affection en général bénigne, sa gravité résulte par l’association a des facteurs de risque de morbidité comme l’âge extrême (nourrissons, sujets âgés), l’immunodépression et l’agent causal [7], terrains débilités [1]. Le manque d’étude intéressant exclusivement les enfants âgés de moins de 15 ans nous a amené à envisager l’étude épidémiologique et clinique des TIAC à partir des cas observés dans le service de Pédiatrie Befelatanana.
GENERALITES
EPIDEMIOLOGIES
Les aliments peuvent être des agents de transmission de divers microorganismes infectieux ou de leurs métabolites, susceptibles de provoquer des infections et/ou des intoxinations chez l’homme dont les manifestations digestives volontiers aigues sont parfois confondues a une intolérance alimentaire [8]. C’est en 1880 que les TIAC étaient décrites pour la première fois après l’observation des 88 malades atteints après avoir mangé de la viande de bovins abattus pour entérite [4]. Leur présentation épidémiologique est très variable et pose le défi de la salubrité des aliments, du principe de précaution et plus généralement de la sécurité alimentaire, déterminée par la fiabilité des modèles de production agricole et d’accès aux biens alimentaires. Elles s’expriment par plusieurs présentations classiques illustrables par le repérage des cas en fonction du temps (courbe épidémique) : cas sporadiques, cas groupés de TIAC ou d’épidémies pouvant atteindre plusieurs centaines, voire milliers d’individus, selon l’importance de la distribution de l’aliment [9]. Dans le monde on note 2,2 millions de décès par an liés à la sécurité sanitaire des aliments [6]. Dans certaines régions d’Asie, d’Afrique ou d’Amérique latine, plus de 50% de la mortalité infantile sont directement imputables aux diarrhées d’origine alimentaire [10]. En Afrique, la TIAC est mal recensée, dans les milieux urbains comme la région de Kasserine en Tunisie, le taux d’hospitalisation s’élève à 14% et la létalité à 0,26%(16) et dans quelques milieux ruraux, comme au Benin, en un mois on a 29 cas dont 20, 7% sont des cas graves [11]. Dans de nombreux pays, on a signalé ces dernières décennies des augmentations significatives de l’incidence des maladies provoquées par des micro-organismes transmis principalement par les aliments .
DETERMINANTS
Un aliment peut être contaminé à la source ou lors de sa conservation ou de manipulations par contact d’autres aliments ou par l’environnement.
Les actuelles endémies et épidémies d’origine alimentaire sont souvent en rapport avec l’évolution de l’industrie alimentaire et l’ampleur des réseaux de distribution souvent internationaux. Leur identification, leur contrôle et leur prévention sont difficiles. Le repérage dans le temps et l’espace de l’aliment responsable devient tributaire du poids de l’internationalisation des transports des denrées comme des voyages des individus concernés. Elles peuvent entrer dans un scénario de malveillance. Dans les pays en développement, la dégradation des systèmes d’assainissement et de l’environnement humain en représente un facteur notable : accès aux ressources en eau douce, migration massive des zones rurales, urbanisation non planifiée .
CIRCONSTANCES D’APPARITION
La survenue n’est jamais fortuite mais accidentelle. Elle est conditionnée par trois fautes, nommées « triple faute » :
– Contamination de l’aliment : tout aliment est naturellement contaminé, mais à faible dose.
– Multiplication de l’agent infectieux : pour la TIAC, il faut 10³–10⁶ germes par gramme d’aliment pour la déclencher.
Lorsque la population est plus importante, la concentration en auto-inducteur augmente. L’auto-inducteur est une molécule sécrétée en permanence par les bactéries. A grande concentration, cet auto-inducteur forme un complexe avec un facteur de transcription présent normalement dans l’agent infectieux. Le complexe facteur de transcription/auto-inducteur formé active un gène. Ceci induit la production d’un signal qui confère à la population la propriété d’être pathogène.
– Consommation de l’aliment contaminé .
PHYSIOPATHOLOGIE
Le tableau clinique dépend de deux facteurs : les moyens de défense de l’hôte et les mécanismes de virulence du germe.
➤ Les moyens de défense de l’hôte comportent :
– L’acidité gastrique : plus elle est faible, moins la dose infectante doit être élevée.
-L’intégrité du péristaltisme intestinal, de la muqueuse intestinale et de la flore microbienne physiologique seront autant d’éléments défavorables à l’apparition d’une diarrhée.
-Les anticorps intestinaux et la réaction immunitaire locale constituent des facteurs de défenses vis-à-vis de certaines infections bactériennes.
➤ Les mécanismes de virulence du germe secondaires à :
– La libération d’une toxine avec possibilité d’atteinte de la fonction sécrétoire.
-L’intensité du caractère invasif, avec destruction variable de la muqueuse intestinale (les structures villositaires, les enterocytes) à l’origine de perturbation de l’absorption associé ou non à des troubles de la sécrétion .
Deux mécanismes principaux sont responsables de l’activité pathogène des agents responsables des TIAC :
Mécanisme invasif
Les germes pénètrent l’épithélium intestinal et entrainent une réaction inflammatoire avec ulcérations muqueuses et destruction des villosités, responsables de troubles de l’absorption. Suivant les germes en cause, le siège et l’intensité des lésions sont variables. Ainsi les atteintes virales sont responsables de lésions muqueuses peu intenses du grêle proximal alors que les bactéries invasives sont responsables de lésions iléo-coliques intenses avec une importante destruction villositaires. L’intensité des lésions muqueuses provoque des signes généraux (fièvre, douleurs abdominales,…) et une libération dans la lumière digestive de mucus, de leucocytes et parfois du sang.
Mécanisme entérotoxinogène
Les bactéries se fixent à la surface de l’épithélium digestif sans provoquer des lésions muqueuse ni de trouble de l’absorption. Elles sécrètent une exotoxine qui stimule la sécrétion d’eau et de l’électrolyte par les enterocytes dans la lumière intestinale.
CAUSES
MICROBIOLOGIE
Les bactéries
Les cocci
a) Staphylococcus aureus
Staphylococcus aureus fait partie de la flore humaine. Il est surtout présent dans le nez et sur la peau. De nombreuses souches produisent des entérotoxines staphylococciques. L’intoxination résulte de la consommation d’aliments contaminés par des entérotoxines. Les symptômes apparaissent habituellement 30 minutes à 8 heures après la consommation d’aliments contaminés. Les symptômes disparaissent habituellement après 24 heures. Des colonies de Staphylococcus aureus peuvent être portées pendant une période indéterminée ; certaines personnes peuvent être des porteurs chroniques et d’autres des porteurs intermittents. L’élimination du portage nasal par l’administration de mupirocine topique permet également d’éliminer le manuportage .
b) Streptococcus
Ce sont des cocci Gram positif groupés en chainettes. Certains sont des commensaux, d’autres présentent un pouvoir pathogène, en particulier ceux qui appartiennent au groupe D de Lancefield : les entérocoques ou streptococcus fecalis qui sont retrouvés dans les matières fécales. Ils produisent une entérotoxine à l’origine de la maladie. Le lait est le principal vecteur .
Les entérobactéries
a) Salmonella typhi et paratyphi (A et B)
Ce sont des germes responsables de la fièvre typhoïde et paratyphoïde qui sont une infection septicémique aigue et constitue une entité clinique bien définie. Après une période d’incubation de une à deux semaines, silencieuse, mais pouvant atteindre un mois, apparaît la phase d’invasion ou premier septénaire.
A la phase d’état ou deuxième septénaire, les signes sont évidents mais pas toujours tous présents. Seule la positivité des cultures permet le diagnostic de la fièvre typhoïde. Une leucopénie et une neutropénie sont présentes dans 15 % à 25% des cas. Le diagnostic peut aussi reposer sur la positivité de la culture des selles, de l’urine, de taches rosées, de la moelle osseuse, des sécrétions gastriques ou intestinales .
b) Salmonella non typhi
Il s’agit des germes les plus fréquemment responsables des infections entérales, différents sérotypes sont plus souvent isolés (salmonella enteridis, Salmonella typhimurium, Salmonella dublin, salmonella panama, …). La contamination se fait le plus souvent par consommation d’ aliments contaminés consommés crus ou insuffisamment cuits (volailles, œufs). Le diagnostic repose sur l’isolement du germe à la coproculture et parfois aux hémocultures .
c) Shigella
Il existe 4 espèces de Shigella (Shigella dysenteria, Shigella flexneri, Shigella sonnei, Shigella boydii). Ce sont des entérobactéries à l’origine de la dysenterie bacillaire. Elles sont ubiquitaires. L’homme est le seul réservoir de germes au niveau de son tube digestif. La contamination se fait par ingestion d’aliments ou d’eau souillés ou par transmission interhumaine directe.
Après une incubation de 2 à 5 jours, le tableau clinique est dominé par un syndrome dysentérique typique fait de selles glairo-sanglantes, voire purulentes, associés à une fièvre de 39 à 40°c, de douleurs abdominales intenses, du ténesme et des épreintes. Il existe des formes sévères avec manifestations neurologiques (convulsions, troubles psychiques). Les bactériémies sont rares. A l’inverse, il existe des formes frustres, les selles ne prenant pas un caractère dysentérique. Le diagnostic repose sur l’isolement du germe à la coproculture .
d) Escherischia coli
-Escherischia coli entero-hémorragique (ECEH)
Escherichia coli-entéro hémorragique fait partie de la flore normale du bétail et des porcs. La plupart des épidémies ont été rapportées après consommation d’hamburgers contaminés, de lait non pasteurisé ou d’eau ingérée y compris les contacts avec l’eau de bassins de natation . La bactérie n’est pas invasive et cause des lésions par attachement aux cellules épithéliales et production de 2 toxines. Ces toxines sont responsables du syndrome hémolytique et urémique chez l’enfant et peuvent causer des encéphalopathies. Les symptômes se développent 3 à 4 jours après l’infection et comprennent des douleurs abdominales, de la fièvre et des diarrhées aqueuses suivies, 1 ou 2 jours après, par des diarrhées sanglantes et des douleurs abdominales. La résolution de la diarrhée s’obtient après 4 à 10 jours. Les aspects microscopiques sont variables : les patients avec des diarrhées sanglantes dues à l’Escherichia coli entéro-hémorragiques peuvent avoir des biopsies coliques montrant un aspect soit purement d’ischémie muqueuse, soit purement d’infection, soit les deux, ischémique et infectieux. Le gradient des atteintes muqueuses évolue de droite à gauche (plus ou moins similaire à la maladie de Crohn). C’est pourquoi les biopsies rectales montrent moins d’anomalies [23-24].
-Escherischia coli entéro-invasif (ECEI)
La transmission est indirecte par les mains sales ou les aliments souillés, il est responsable de syndrome dysentérique fébrile (de type Shigella), le diagnostic repose sur l’isolement du germe [2].
-Escherischia coli enteropathogène (ECEP)
C’est le germe le plus fréquemment responsable des diarrhées infantiles (avant l’âge de 2 ans). Il touche surtout les collectivités, il existe de nombreux porteurs sains. La transmission est indirecte par les aliments souillés .
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PERTIE: REVUE DE LA LITTERATURE
I. GENERALITES
I.1 EPIDEMIOLOGIES
I.2 DETERMINANTS
I.3 CIRCONSTANCES D’APPARITION
I.4 PHYSIOPATHOLOGIE
I.4.1 Mécanisme invasif
I.4.2 Mécanisme entérotoxinogène
II. CAUSES
II.1 MICROBIOLOGIE
II.1.1 Les bactéries
II.1.2 Les virus
II.1.3 Les parasite
II.2 RESERVOIR ET SOURCE
II.3 TRANSMISSION
II.4 FACTEURS FAVORISANTS
III. LES MANIFESTATIONS
III.1 TIAC A MANIFESTATIONS DIGESTIVES
III.2 TIAC A MANIFESTATIONS EXTRADIGESTIVES
IV. DIAGNOSTIC
IV.1 DIAGNOSTIC POSITIF
IV.1.1 Eléments d’orientations diagnostiques
IV.1.2 Examens complémentaires
IV.2 DIAGNOSTIC DE GRAVITE
IV.3 DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL
IV.3.1. Intoxication histaminiques
IV.3.2 TIAC à Ciguatera
IV.4 DIAGNOSTIC ETIOLOGIQUE
IV.4.1 Les bactéries
IV.4.2 Les virus
IV.4.3 Les parasite
V TRAITEMENT
V.1 TRAITEMENT DES TIAC A MANIFESTATIONS DIGESTIVES
V.1.1 Traitement symptomatique
V.1.2 Traitement anti infectieux
V.2 TRAITEMENT DES TIAC A SYMPTOMATOLOGIES EXTRADIGESTIVES : BOTULISME
V.2.1 Le traitement symptomatique
V.2.2 Le sérum antibotulique
V.2.3 Mesure adjuvante : le sirop de guanidine
DEUXIEME PARTIE: METHODES ET RESULTATS
CHAPITRE I : OBJECTIF DE L’ETUDE
CHAPITRE II : METHODES D’ETUDES
II.1 CADRE DE L’ETUDE
II.1.1 Situation et structure
II.1.2 Personnels techniques et administratifs
II.2 TYPE DE L’ETUDE
II.3 PERIODE ET DUREE DE L’ETUDE
II.4 MODE DE RECRUTEMENT DES DOSSIERS
II.5 CRITERES D’INCLUSION
II.6 CRITERES D’EXCLUSION
II.7 PARAMETRES D’ETUDE
II.8 TRAITEMENT DES DONNEES
II.9 LIMITES DE L’ETUDE
II.10 CONSIDERATIONS ETHIQUES
CHAPITRE III : RESULTATS
III.1. EPIDEMIOLOGIE
III.1.2 Fréquence de la TIAC selon les mois
III.1. 3 Répartition de la TIAC selon les saisons
III.1.4 Répartition des TIAC selon le genre
III.1.5 Répartition de la TIAC selon les tranches d’âge
III.1.6 Répartition de la TIAC selon le niveau social
III.1.7. Répartition des TIAC selon le domicile
III.1.8 Répartition des cas venant de la CUA selon leurs quartiers d’origine
III.1.9 Répartition des cas venant des communes ruraux selon leurs quartiers d’origine
III.1.10. Répartition des cas de TIAC selon les foyers survenus
III.1.11. Répartition de la TIAC selon les nombres des entourages suspects
III.1.12. Répartition de la TIAC selon les aliments incriminés
III.2. CLINIQUES
III.2.1. Répartition des TIACs selon la période d’incubation
III.2.2. Répartition des cas de TIAC selon les signes cliniques
III.2.3. Signes de gravité
III.3 EXAMENS COMPLEMENTAIRES
III.3.1. Examens biologiques
III.3.2. Bilans étiologiques
III.3.3. Germes identifiés au cours des examens complémentaires effectués
III.4. TRAITEMENT
III.4.1. Traitement symptomatique
III.4.2. Traitement anti-infectieux
III.5. EVOLUTION
III.6. DUREE D’HOSPITALISATION
TROISIEME PARTIE: DISCUSSION
I.EPIDEMIOLOGIE
I.1 POPULATION D’ETUDE
I.2 FREQUENCE DE SURVENUE
I.3 GENRE ET AGE
I.4 NIVEAU SOCIAL
I.5 DOMICILE
I.6 TYPES DE FOYERS DE SURVENUE
I.7 ENTOURAGES SUSPECTS
I.8 ALIMENTS INCRIMINES
II. CLINIQUES
II.1 PERIODE D’INCUBATION
II.2 SIGNES CLINIQUES EN FAVEUR DE TIAC A EXPRESSION DIGESTIVE
II.3 SIGNES CLINIQUES EN FAVEUR DE TIAC A EXPRESSION NEUROLOGIQUE
II.4 SIGNES DE GRAVITE
III. EXAMENS COMPLEMENTAIRES
CONCLUSION