La schistosomose hépatique constitue une manifestation clinique sévère de l’infection à S.mansoni, caractérisée par une augmentation de taille du foie et de la rate et d’une modification histologique de ces organes (1). Les oeufs de schistosome passant par la veine porte vers le foie vont donner des changements vasculaires et inflammatoires et apparaît le granulome bilharzien périportal. Ces derniers provoquent une élévation de la pression portale responsable de l’hypertension portale (HTP). Parmi les premières causes mondiales d’HTP (2), la schistosomose réalise un bloc intrahépatique présinusoïdal par fibrose intense et extensive.
Les principales études malgaches sur S.mansoni concernaient essentiellement l’épidémiologie sur le plan national ou sur une zone d’endémie connue (3,4,5,6), sur l’extension du parasite dans des zones auparavant épargnées(7,8) ou sur l’effet du traitement sur l’évolution de la maladie(9,10,11). Il nous a paru intéressant de faire une étude en milieu hospitalier sur cet aspect épidémio-clinique de la schistosomose hépatique. A notre connaissance, de telles données n’étaient pas encore disponibles alors que cette pathologie sévit depuis longtemps de façon endémique dans notre pays. Une meilleure connaissance clinique de cette affection permettra d’améliorer la prise en charge et la surveillance de ces patients. Un tel travail pourrait servir pour faciliter le diagnostic de la schistosomose hépatique et d’en déterminer les lacunes et secondairement prévenir les complications fatales de la maladie.
RAPPELS
Généralités
A- Historique
La schistosomose était une pathologie connue depuis l’Egypte ancienne. Mais c’était en 1952 que Theodor Bilharz découvrait et décrivait S.hematobium d’où le nom de bilharziose. S.mansoni était décrit par Manson en 1904.
B- Epidémiologie
1- Répartition géographique
La bilharziose à S.mansoni frappe actuellement 74 pays (3). Et dans certaine région d’Afrique, du Moyen Orient et d’Asie, les schistosomoses sont la cause la plus fréquente d’hypertension portale, loin devant la cirrhose éthylique (2). En Amérique latine, on l’observe au Brésil et au Venezuela, ainsi qu’aux Antilles.
A Madagascar, la bilharziose à S.mansoni est une maladie endémique qui sévit dans les hauts plateaux, dans l’est et le sud est (3).Plus de 2 millions de personnes seraient porteur de bilharziose à S.mansoni.
Plusieurs facteurs épidémiologiques favorisent les bilharzioses. Certaines professions multiplient le risque de contamination : ainsi, les pêcheurs, les cultivateurs, les riziculteurs et les ouvriers entretenant les canaux d’irrigation payent un lourd tribut à la bilharziose. Le sous-développement et son corollaire fréquent, l’absence d’hygiène fécale, favorisent évidemment l’endémie bilharzienne dans ces pays. Surtout l’extension des cultures irriguées, les grands lacs de retenue des barrages hydroéléctrique multiplient les gîtes. Les travaux d’irrigation ont parfois multiplié par 40 la fréquence de la maladie .
Depuis l’étude de 1977 qui a permis d’établir une cartographie de la répartition de la schistosomose intestinale, plusieurs travaux effectués après suggèrent que S. mansoni s’installe dans des régions où il n’était pas identifié avant .L’aire d’expression du parasite s’est étendue sur les hauts plateaux malgaches (principalement dans le moyen ouest et la plaine d’Antananarivo) .
2- Parasitologie
L’agent infectieux responsable de la bilharziose est un nelmathelminte (vers cylindrique) du genre Schistosoma. Le ver mâle mesure 6 à 20 mm, il est cylindrique au niveau de son tiers antérieur, le reste du corps est aplati et délimite le canal gynécophore où se loge la femelle. Cette dernière mesure 7 à 20 mm, elle est cylindrique, filiforme, plus longue que le vers mâle. Sauf au moment de la ponte, la femelle est placée dans le canal gynécophore, permettant ainsi une copulation quasi permanente. Leur longévité est de plus de 10 ans. Les œufs de S.mansoni présentent sur une des faces latérales un éperon proéminent. Ils sont pondus un par un dans la sous muqueuse intestinale et sont éliminés avec les matières fécales. La femelle peut pondre jusqu’à150 à 200 par jour.
3- Cycle parasitaire
Les œufs sont éliminés dans les matières fécales. Ils vont éclore et donner des miracidiums (survivent moins de 48h dans l’eau), après avoir pénétré dans le mollusque, bourgeonnent, donnant des sporocystes. La suite du développement s’effectue dans l’hépato-pancréas de l’hôte et aboutit à la formation de furcocercaires, larves à queue fourchue de 500µm de long. Celles-ci s’échappent du mollusque aux heures chaudes de la journée entre 10 à 16 heure pour passer dans l’eau, avant de pénétrer chez l’hôte définitif. La durée total de ce cycle chez le mollusque est de 1 mois.
Dans l’organisme humain, les furcocercaires se fixent sur l’épiderme et pénètrent à travers la peau en 10 minutes environ. Et le trajet du derme aux poumons se fait de façon passive, par transport lymphatique ou veineux. De là, les schistosomules gagnent les veinules portes intrahépatiques. La phase migratoire dure au total 10 à 20 jours. Seuls ces parasites vont pouvoir se développer jusqu’à la différenciation et la maturité sexuelle (en 3 semaines environ). Des veinules portes intrahépatiques, le couple de schistosomes se déplace à contre-courant vers les lieux de ponte par la veine porte puis par la veine mésentérique inférieure, et enfin par la veine hémorroïdale supérieure vers le plexus hémorroïdale pour S mansoni. La femelle quitte alors le mâle pour s’engager dans les fines ramifications veineuses de la paroi intestinale, et remonter jusqu’à la sous muqueuse où elle commence sa ponte. Les œufs qui réussissent leur migration vont traverser la muqueuse et tombent dans la lumière intestinale et sont éliminés dans les excrétas. Les œufs bloqués dans les tissus vont rester vivant pendant 25 jours et détermineront la formation d’un granulome bilharzien. Enfin d’autres seront emportés passivement par le courant veineux et iront s’emboliser dans les veinules porte intrahépatiques, dans les poumons et dans d’autres organes et y induisent la formation de granulome. Les principaux hôtes intermédiaires sont des planorbes et bulins type Biomphalaria.
C- Rappel physiopathologique et anatomo-pathologique
Elle est dominée par l’embolisation des œufs au niveau des veinules portes et par l’importance de la réaction immunitaire locale. La ponte débute 1 à 2mois après la transmission. Et la moitié des œufs vont gagner le foie où ils vont s’emboliser dans les veinules de petit calibre. Il existe une corrélation entre l’intensité de la ponte ovulaire et l’importance des lésions hépatiques. Un comptage de plus de 400 œufs par gramme de selle serait de mauvais pronostic.
Le granulome est la lésion élémentaire spécifique de la bilharziose maladie. C’est la réaction d’hypersensibilité retardée développée au contact des antigènes ovulaires. Les lymphokines sécrétées par les lymphocytes T recrutent différent type de cellules (macrophages, éosinophiles, histiocytes) pour constituer la réaction granulomateuse. Les lymphocytes T suppresseurs moduleraient la réponse granulomateuse par l’intermédiaire du « T suppressor effector factor ». L’action des éosinophiles sur les œufs se fait par le relargage de l’ « eosinophilic major basic protein ». Le rôle toxique des œufs est à l’origine de l’altération de l’endothéliale avec fuite plasmatique et remaniement peri-vasculaire aggravant les lésions. A terme, les œufs sont détruits et des cellules géantes type Muller apparaissent entourant la coque et les débris ovulaires et précédant l’évolution vers la fibrose avec néo vascularisation.
La fibrose qui succède à la réaction granulomateuse caractérise la bilharziose hépatique. Elle débute autour des granulomes où il existe une activité de synthèse de collagène importante. Le processus lobulaire respecte l’architecture lobulaire du foie qu’il accentue sans formation de nodules de régénération. Sa topographie périportale engainant les vaisseaux donne l’aspect en « tuyaux de pipe » décrit par Symmers.
L’hypertension portale est la conséquence directe de cette fibrose périportale oblitérant le réseau veineux portal. Il s’agit d’un modèle de bloc présinusoïdal. Des shunts artério-veineux intra-spléniques pourraient aggraver l’hypertension portale. Il a été également noté une augmentation du flux sanguin splénique et une hypertension artérielle pulmonaire, cette dernière étant aggravée par l’administration de propanolol.
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : RAPPELS
I- Généralités
A- Historique
B- Epidémiologie
1- Répartition géographique
2- Parasitologie
3- Cycle parasitaire
C- Rappel physiopathologique et anatomo-pathologique
II- Signes
A- Signes cliniques
1- Phase d’infestation
2- Phase d’invasion
3- Phase d’état
B- Les examens paracliniques
1- Recherche d’œufs dans les selles
2- Biopsie rectale
3- L’échographie
4- La sérologie
5- La biopsie hépatique
C- Complications
III- Diagnostic positif
A- Diagnostic clinique
B- Diagnostic parasitologique
C- Place des autres examens paracliniques
IV- Formes cliniques
A- Formes évolutives
B- Formes compliquées
V- Traitement
A- Buts
B- Traitements curatifs
1- Moyens
2- Indications
3- Résultats et pronostic
C- Traitement préventiiif
DEUXIEME PARTIE : PATIENTS ET METHODES
I- Patients
A- Critères d’inclusion
B- Critères d’exclusion
II- Méthodes
A- Recueil des données
B- Paramètres évalués
1- Paramètres démographiques
2- Présentation clinique
3- Données de l’échographie
4- Résultats endoscopiques
5- Analyses biologiques
6- Choix du traitement
7- Décès
C- Réalisation de l’étude
D- Analyse statistique
TROISIEME PARTIE : RESULTATS
I- Description de la population d’étude
II- Caractéristiques démographiques de l’échantillon
A- Age
B- Profession
C- Lieu d’habitation
D- Antécédents
III- Présentation clinique
A- Mode de découverte
B- Résultats de l’examen physique
IV- Examens paracliniques
A- Fibroscopie digestive haute
B- Echographie abdominale
C- Hémogramme
D- Fonction hépatique
E- Liquide d’ascite
F- Protéinurie
V- Autres infections intercurrentes
VI- Traitement
VII- Décès
QUATRIEME PARTIE : DISCUSSION
I- Epidémiologie
A- Particularité selon le sexe
B- Selon l’âge
C- Selon le lieu d’habitation
D- Selon la profession
II- Antécédents
III- Présentation clinique
A- Motifs de découverte
B- Examen physique
IV- Examens paracliniques
A- Fibroscopie digestive haute
B- Echographie
C- Hémogramme
D- Fonction hépatique
E- Liquide d’ascite
V- Traitement
SUGGESTIONS
CONCLUSION
ANNEXES
BIBLIOGRAPHIE