L’ostéite chronique odontogène correspond à une affection inflammatoire du tissu osseux, comportant des phénomènes réactionnels qui se produisent au niveau d’un os vouté par un agent pathogène, secondaire à des infections locales d’origine dentaires et évoluant depuis plus de quatre semaines [1- 3]. L’infection est consécutive à une nécrose pulpaire due elle-même à une carie ou un traumatisme dentaire et migre de l’apex causal vers le périoste. Il se forme alors une lésion non tumorale bénigne au sein du tissu osseux des maxillaires (le granulome péri radiculaire) [4- 6]. Il correspond à une hyperplasie conjonctive sans texture bien définie, cloisonnée par une condensation fibro-collagénique, surtout marquée dans la zone d’insertion du granulome. C’est un phénomène chronique qui a pour origine un essaimage bactérien continu [6- 8]. Son évolution est silencieuse mais peut également donner une réaction inflammatoire soit par exacerbation de la virulence des germes soit par diminution des défenses de l’organisme [9, 10]. La disparition de la cause permet la cicatrisation. La persistance de l’irritation est une entrave au processus réparateur et le granulome devient alors un kyste. Le granulome et le kyste peuvent évoluer en abcès péri-apical qui peut évoluer en l’absence de traitement en ostéite aiguë suppurative [10, 11]. La progression chronique dépend du nombre et de la virulence des bactéries, de la résistance de l’hôte, de l’écoulement libre du pus et de l’anatomie des zones touchées. Comme ces données peuvent varier avec le temps, une infection aigue peut basculer dans la chronicité et vice versa [12].
Les paramètres analysés
Ont été analysés les données épidémiologiques, les données cliniques, les données thérapeutiques et les données évolutives des patients traités pour ostéite chronique des maxillaires. Ces paramètres ont été :
➢ Les données socio-démographiques : âge, sexe.
➢ Les données cliniques
➢ les signes fonctionnels: douleur faciale et endo-osseuse, cacosmie.
➢ le délai de consultation: temps écoulé entre l’apparition du premier symptôme et la première consultation en chirurgie maxillofaciale.
➢ les antécédents médicaux: algie dentaire antérieure, allaitement, diabète, SIDA,
➢ les antécédents médicamenteux: prise d’AINS et d’antibiothérapie inadaptée.
➢ signes généraux : fièvre, état général.
➢ on définit comme fièvre une température centrale matinale supérieure à 37,5°C ou vespérale supérieure 37,8°C.
➢ l’altération de l’état général désigne un syndrome associant trois signes cliniques: une anorexie (diminution ou perte de l’appétit), une asthénie (état de fatigue générale), et un amaigrissement (perte de poids supérieure ou égale à 5% du poids habituel).
➢ l’état bucco-dentaire des patients : cette donnée a été évaluée grâce à l’examen clinique et radiologique (orthopantomogramme). Cet état dentaire était considéré comme bon lorsqu’il y avait moins de 3 dents absentes ou cariées, comme moyen s’il existait entre 3 et 6 dents absentes ou cariées, et comme mauvais s’il existait plus de 6 dents absentes ou cariées [17].
➢ signes physiques : tuméfaction faciale, fistule cutanée, mobilité dentaire, trismus, adénopathie cervico-faciale, hypoesthésie labio-mentonnière.
➢ Les données paracliniques
• imagerie : pour chaque patient, nous avons interprété les images d’orthopantomogramme selon l’aspect des lésions osseuses, le siège, l’existence de séquestre osseux et les dents causales de l’ostéite.
• bactériologie, histologie.
Analyse des données
Les données cliniques, radiologiques, thérapeutiques ainsi que l’évolution et les complications ont été analysées. Les résultats ont été interprétés selon la valeur de p (p value) :
➢ p ≤ 0,001 : valeur statistiquement très significative,
➢ 0,001 < p ≤ 0,01 : valeur moyennement significative,
➢ 0,01 < p ≤ 0,05 : valeur statistiquement peu significative.
L’analyse des données et leur présentation graphique ont été effectuées sur les logiciels Word et Excel 2010, Epi Info 7.1.3.3.
Limites de l’étude
Cette étude a été réalisée à Antananarivo, ce qui ne représente pas les cas d’ostéite chronique pour tout Madagascar. Certains bilans paracliniques et moyens thérapeutiques n’étaient pas disponibles.
DISCUSSION
Notre étude présente un intérêt scientifique, de santé publique et de formation. Elle est choisie par le fait que, la durée du traitement de l’ostéite chronique des maxillaires est assez longue. Aussi, l’ostéite chronique des maxillaires entraine des complications d’ordre fonctionnel et esthétique [20]. Le fait d’opter pour une étude rétrospective pendant 24 mois, est une manière pour nous de contribuer à l’évaluation diagnostique et thérapeutique des ostéites chroniques odontogènes des maxillaires.
EPIDEMIOLOGIE
Dans sa forme chronique, la fréquence des ostéites des maxillaires est en régression dans les pays développés depuis l’avènement des antibiotiques [3]. Mais, elle nous est encore d’actualité dans notre pratique. Cette étude rétrospective a montré que l’incidence annuelle de l’ostéite chronique odontogène des maxillaires est 18 cas par an. Cette incidence est un peu plus élevée que celle trouvée dans les autres études .
Cette fréquence est largement sous-estimée car on sait que tous les cas ne parviennent pas jusqu’à l’hôpital. La pathologie est chronique et surement, il y a des cas non pris en charge. En effet, l’épisode aigu passé, les malades ne viennent consulter que lorsqu’ils ont une suppuration intarissable, malodorante et gênante [22].
Classiquement, cette affection peut se voir à tout âge, et pouvant survenir très tôt dans l’enfance, à partir de la cinquième année de vie. Dans notre étude, la tranche d’âge la plus touchée était celle de 21 à 30 ans (32,43%), avec une prédominance masculine (62,16%) donnant un sex-ratio de 1,64. Nos résultats rejoignent la constatation de Malik Sunita et al. en 2014 . L’explication serait fournie par la haute incidence de l’alcoolo-tabagisme chez les sujets de sexe masculin associée à la mauvaise hygiène bucco-dentaire. Par contre, Abuaffan Amal a trouvé que la tranche d’âge la plus touchée était celle entre 40 et 50 ans (26%) avec une prédominance féminine à 56% . Parmi les pathologies liées à la mauvaise hygiène bucco-dentaire, on retrouve les lésions dentaires, les lésions muqueuses, les lésions des tissus de support (parodontites, gingivites). Les bactéries ou leurs toxines que renferment les plaques dentaires peuvent migrer de la lésion parodontale à la circulation sanguine intraosseuse ou provoquer des réactions inflammatoires diffuses et être associées à l’obstruction des artérioles [25].
Le tabagisme est un facteur de risque avéré d’avoir une diminution de la densité de la masse osseuse (DMO). Plusieurs études scientifiques ont démontré les mécanismes physiopathologiques prédisposant les fumeurs à une perte osseuse [26]. Le monoxyde de carbone entraîne une diminution de l’oxygénation des tissus et une mauvaise micro-circulation sanguine. L’action vasoconstrictrice et thrombogène de la nicotine a pour conséquence une diminution du flux sanguin et de l’apport d’éléments nutritifs au tissus osseux [27].
FACTEURS DE RISQUES
Dans notre étude, l’état bucco-dentaire était mauvais pour 89,18% (n=33) des patients. Deux patientes soit 5,4% des cas étaient allaitantes au cours de l’évolution de sa maladie. Une automédication était notée chez 23 patients (69,69%). Vingt-six patients avaient reçu du bêta-lactamine (Amoxicilline), associé souvent à un antianaérobie (Métronidazole) mais à posologie inadaptée. Ces antibiotiques étaient associés aux AINS chez 17 patients (45,94%).
Selon la littérature, les facteurs de risque des ostéites chroniques des maxillaires étaient l’utilisation inappropriée des antibiotiques, la mauvaise hygiène buccodentaire, la malnutrition, la virulence de certaines souches de micro organismes, une vascularisation compromise de l’os, et l’immunodépression (tableau XXV) [28]. D’après notre étude analytique, l’âge inférieur à 10 ans, le délai de prise en charge supérieur à six mois, et la prise d’AINS seule ou associée à une antibiothérapie inadaptée étaient significativement des facteurs de risque de diffusion des ostéites chroniques odontogènes. Le manque d’information des patients sur la gravité de l’infection osseuse des maxillaires et sur l’intérêt de consulter tôt, ainsi que l’accès difficile aux structures sanitaires allonge considérablement le délai de consultation et entraîne un retard dans la prise en charge thérapeutique. En moyenne, les malades consultaient dans notre service au bout de neuf (9) mois, avec des extrêmes allant de un à 48 mois. Pour Abuaffan Amal et al, la moitié des patients ne venaient consulter qu’après six (6) mois du début de la maladie [21]. Chez nous et dans certains pays africains, l’accès aux structures sanitaires est difficile, en particulier dans les zones enclavées [22]. L’automédication par les AINS et par les pratiques traditionnelles dominent, les patients ne viennent se soigner que lorsque les complications apparaissent. De plus, la population en milieu rural consulterait en premier les tradi-pratiens au détriment des médecins, d’où les retards de consultation médicale [22]. Ainsi, la grande fréquence des formes diffuses s’expliquerait par l’automédication, la virulence particulière des germes et la consultation tardive [28].
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Table des matières
INTRODUCTION
I. MATERIELS ET METHODE
II. RESULTATS
II.1- Etude descriptive
II.1.1- Données socio-démographiques
II.1.2- Données cliniques
II.1.3- Données paracliniques
II.1.4- Données thérapeutiques
II.2- Etude analytique
II.2.1- Evaluation des facteurs de risques
II.2.2- Evaluation clinique
II.2.3- Evaluation radiologique
II.2.4- Evaluation thérapeutique
III. DISCUSSION
RECOMMANDATIONS
CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXES