LA FLUOROSE DENTAIR
DEFINITION
Elle désigne une lésion dyschromique et structurale des tissus de la dent (émail, dentine et cément) à la suite d’une ingestion de dose toxique de fluor (supérieur à la dose optimale) pendant le temps de formation des dents temporaires et permanentes. La sévérité des lésions dépend de la durée d’exposition, de la dose ingérée et de la susceptibilité individuelle [49].
HISTORIQUE
De nombreux travaux ont fait état, dans la littérature, de l’existence d’anomalies de structure de l’émail des dents de populations vivant dans les régions du monde dont l’eau de boisson est fortement fluorée. Notre propos n’est pas de les passer ici en revue. Signalons à titre d’exemples :
− La présence de dyschromie de l’émail chez une population vivant au Mexique rapporté par KUHNS en 1888 cité par RIORDAN P.[51].
− La formation défectueuse de l’émail des habitants de Naples (Italie) décrite en 1901 par EAGER [49].
− La découverte par RAOUL et coll. en 1957 au Sénégal du premier foyer de fluorose dentaire à Mont-Rolland dans la région de Thiès [41].
Ces anomalies de structure et de teinte sont définies selon les auteurs par les termes de dyschromie, de stigmate, d’érosion et autres.
HISTOPATHOLOGIE
L’émail des dents atteintes de fluorose est hypominéralisé et présente une structure prismatique irrégulière et la structure dentelée ou en forme d’arcade de la jonction entre l’émail et la dentine est plus prononcée que dans des dents normales. Selon Fejerskov et coll. (1975) [25], la fluorose dentaire s’accompagne de zones d’hypominéralisation ou de porosité diffuse, principalement au niveau du tiers extérieur de l’émail. Dans les cas les plus graves le volume des pores atteindrait 10% dans l’émail fluorotique et, dans les cas extrêmes, 25 %. Les zones, où la porosité est maximale, se situent en position inter prismatique. Même dans les cas graves de fluorose dentaire, l’orientation des prismes est apparemment normale et régulière. C’est sans doute le signe que les améloblastes sont capables d’assurer la formation d’une matrice normale de l’émail dentaire, mais que la maturation est perturbée par la concentration élevée des ions fluorures [25, 42].
ASPECTS CLINIQUES ET DIAGNOSTIC DE LA FLUOROSE DENTAIRE
Les effets du fluor se manifestent surtout dans les couches les plus profondes de l’émail. Vraisemblablement, la maturation du minéral durant la phase tardive de formation de l’émail ne se produit qu’en surface parce que les mécanismes de diffusion se déroulent plus difficilement au travers de la surface fluorée. Cet émail plus poreux situé sous la surface apparaît cliniquement sous la forme de taches blanches .
Secondairement, ces taches peuvent incorporer des colorants en provenance de la cavité buccale ce qui peut alors se traduire par des colorations allant du jaune-brun au noir. Une fluorose avancée se caractérise par des puits ou même par un émail hypoplasique localisé ou par une absence de l’émail. Au sein de la denture et pour une exposition équivalente en fluoroses, certaines dents se minéralisant tardivement ou plus rapidement (notamment des prémolaires seraient davantage touchées par la fluorose) [54].
Le diagnostic différentiel par rapport à d’autres anomalies du développement de l’émail ou par rapport à des lésions carieuses primaires pouvant aussi se caractériser par des taches blanchâtres n’est pas toujours aisé. En général, les taches de fluorose suivent la direction des périkématies ; au niveau des arcades dentaires on peut observer une répartition éparse ou symétrique (diagnostic différentiel avec les hypoplasies localisées de l’émail). La localisation prés du bord incisif ou du sommet d’une cuspide (snowcapping) est symptomatique pour l’établissement d’un diagnostic différentiel par rapport aux caries primaires (lésions mates, plutôt au niveau cervical de la couronne). Bien que la fluorose dentaire présente en principe des caractères cliniques et une distribution relativement spécifique au niveau de la dentine, il existe des cas où même un examinateur expérimenté a du mal à établir le diagnostic différentiel entre la fluorose dentaire et d’autre part, un début de carie, une amélogénèse imparfaite et les opacités de l’émail ayant une autre origine que l’exposition aux fluorures. Plusieurs auteurs ont essayé de définir des critères applicables au diagnostic différentiel de la fluorose dentaire [13]
DETERMINATION DE L’IMPORTANCE DE LA FLUOROSE
Pour déterminer l’importance de la fluorose à des fins épidémiologiques, une série d’échelles de mesures ont été établies, la première dans le cadre de l’étude de Dean et coll. [16]. Il existe de nombreux indices différents auxquels certains chercheurs ont encore apporté des modifications. Les indices les plus utilisés sont :
− l’indice de Dean (DI) d’appréciation de la surface humide de l’émail [16].
− l’Indice de Thylstrup-Fejerskov (TFI) [60] d’appréciation de la surface sèche de l’émail, établi après comparaison entre les données histologiques et cliniques. Il est plus différencié pour l’estimation des formes sévères que l’indice de Dean.
− Indice de Fluorose de Surface ou Tooth surface index of fluorosis TSIF .
Outre, l’utilisation de ces indices, de nombreuses études ont fait appel à des systèmes d’évaluation très variés. Il en est de même pour les dents à évaluer. Cela peut s’expliquer par l’âge de la population à examiner et la présence des dents permanentes ayant complétement fait leur éruption ainsi que par les aspects logistiques de l’étude. A part les études purement descriptives dans des régions où la fluorose est endémique, on a aussi déterminé dans des études plus récentes les risques individuels car l’eau fluorée n’est plus actuellement la source principale de fluorures [10].
LES FACTEURS DE RISQUES
Les facteurs de risques sont :
❖ l’eau de distribution
L’eau de distribution fluorée peut être un facteur de risque de fluorose dans deux groupes différents, de populations vivant d’une part, dans les pays en voie de développement où il n’existe en général, ni de station d’épuration des eaux, ni de contrôle sur la composition de l’eau, et d’autre part, dans les pays à haut niveau socio-économique où l’on ajoute sous contrôle du fluor à l’eau de distribution.
❖ l’alimentation
Les fluorures en tant que composants alimentaires sont souvent sous-estimés comme facteurs de risque.
❖ les produits d’hygiène bucco-dentaire fluorés
S’il est bien établi que la baisse de prévalence de la carie est liée à l’utilisation des dentifrices fluorés, il est vrai aussi qu’un mauvais usage de ceux-ci peut accroître le risque de fluorose. Ce risque est accru principalement lorsque de jeunes enfants utilisent des dentifrices « pour adultes » ou lorsqu’ils avalent de trop grandes quantités de dentifrices « pour enfants ».
❖ les suppléments fluorurés
Dans les régions où l’eau de distribution ne contient pas de fluorures, on continue de conseiller des suppléments fluorés systémiques. Ceux-ci sont administrés sous la forme de comprimés ou de gouttes (ou en association avec des vitamines). Etant donné l’effet limité sur les dents ayant déjà fait leur éruption, ces suppléments ne sont utiles que pour les tissus dentaires encore en formation et leur emploi judicieux demande une grande discipline de la part des parents.
❖ les facteurs environnementaux
Des fluorures peuvent être émis par l’activité industrielle, principalement pour l’exploitation minière (phosphate) et pour la transformation des minéraux (engrais chimiques, industrie du verre). Les effets sont surtout sensibles chez les animaux, car ceux-ci absorbent de grandes quantités de végétaux qui ne sont pas nettoyés. C’est surtout dans les pays en voie de développement que l’homme est également touché. Ainsi au Maroc en 1986, il est fait mention de fluorose par des composants provenant de l’exploitation des phosphates, et en Chine rurale (en 1984), par la combustion du charbon utilisé dans les briquetteries ainsi que par les feux ouverts dans les cuisines. L’exposition aux fluorures peut être problématique pour les travailleurs, principalement dans les usines où les normes de sécurité font défaut (industrie de l’aluminium, de l’acier et de la céramique) .
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Table des matières
INTRODUCTION
ChAPITRE I : GENERALITES SUR LE FLUOR
I- Le Fluor
I.1- Définition
I.2. Propriétés physiques
I.3- Propriétés chimiques
I.4- Sources du Fluor
I.4.1. Les Fluorures dans l’air
I.4.2. Le Fluor dans l’eau
I.4.3- Les fluorures dans les aliments
I.5. Métabolisme du Fluor
I.6- Toxicité du Fluor chez l’homme
II- Le Fluor en Odontologie
II.1- Les fluorures dans les os et les dents
II.2- Le pouvoir cario-protecteur du fluor
II.3. Mécanisme d’action du fluor
CHAPITRE II : La fluorose dentaire
I- Définition
II- Historique
III- Histopathologie
IV- Aspects cliniques et diagnostic de la fluorose dentaire
V- Determination de l’importance de la fluorose
VI- Les Facteurs de risques
VII- Fluorose dentaire en Afrique
VIII- La Fluorose dentaire au Sénégal
IX- Traitement de la fluorose dentaire
IX.1- Traitement préventif
IX.2- Traitement esthétique
X- Prévention de la fluorose dentaire et osseuse : la défluoration des eaux
X.1- Les procédés chimiques
X.1.1- L’échange d’ions
X.1.2. L’adsorption
X.1.3- La précipitation
XI- Les procédés physico-chimiques
XI.1- L’électrodialyse
XI.2- L’osmose inverse
XI.3- La nanofiltration
CHAPITRE III : Enquête epidemiologique
I- CADRE d’ETUDE
I.1- Présentation de Gandiaye
I.1.1- Statut
I.1.2- Situation géographique, climat
I.1.3- Nombre d’habitants, activités, alimentation en eau
I.1.4- Situation sanitaire
I.1.5- Situation scolaire
I.1.6- Lieu de l’enquête
II – Objectifs
II.1- Objectif général
II.2- Objectifs spécifiques
II.3- Critères d’inclusion
III- MATERIEL ET METHODE
III.1- Collecte et analyse de l’eau
III.2 – Examen clinique bucco-dentaire
III.2.1. Déroulement de l’enquête
III.2.1.1 – L’Echantillon
III.2.1.2 – Procédure
III.3. Plan d’analyse
IV- PRESENTATION DES resultats
IV.1- Analyse de l’eau
IV.2- Examen clinique bucco-dentaire
IV.2.1- Selon l’échantillon
IV.2.2. Selon la fluorose dentaire
IV.2.3. Selon la carie dentaire
IV.2.4. Selon la fluorose et la carie dentaire
V- COMMENTAIRES ET DISCUSSION
V.1. Selon la situation socio-démographique
V.2. Selon la fluorose dentaire
V.3. Selon la fluorose, la carie dentaire et l’etat parodontal
CONCLUSION
REFERENCES