Aspects anatomopathologiques des lésions tuberculeuses des organes génitaux internes de la femme

La tuberculose est une maladie infectieuse cosmopolite, endémo-épidémique, due à des mycobactéries du complexe Tuberculosis, comprenant entre autres Mycobacterium tuberculosis ou bacille de Koch (BK), Mycobacterium africanum et Mycobacterium bovis [7]. L’atteinte pulmonaire est la plus fréquente des localisations et représente la source habituelle de transmission. Mais le bacille peut atteindre d’autres organes, réalisant la tuberculose extra-pulmonaire [65].

La tuberculose est un problème de santé publique, l’une des dix premières causes de décès dans le monde et la première cause de mortalité due à un seul agent bactérien. L’accentuation de la pauvreté, la dégradation des conditions socioéconomiques, l’infection à VIH et la recrudescence de certaines maladies non transmissibles telles que le diabète, constituent les facteurs d’aggravation de l’endémie tuberculeuse [65,69]. À l’échelle mondiale, on estime qu’environ 10 millions de personnes ont contracté la tuberculose en 2018, nombre qui est resté relativement stable au cours des dernières années. La charge de morbidité varie considérablement d’un pays à l’autre, allant de moins de cinq (5) à plus de 500 nouveaux cas pour 100 000 habitants par an, la moyenne mondiale étant d’environ 130 nouveaux cas. [67]. Sur les dix (10) millions de cas de tuberculose, 28% vivaient dans la région africaine qui polarise le plus de nouveaux cas détectés.

Au Sénégal, en 2015, 21000 cas de tuberculose ont été déclarés parmi lesquels on dénombre 3360 cas de tuberculose extra-pulmonaire. Un regain d’intérêt est observé pour les formes extra-pulmonaires de la tuberculose du fait de la complexité de leur diagnostic et de l’augmentation relative des cas enregistrés durant ces dernières années [87]. La tuberculose génitale féminine (TGF) fait partie des formes sévères et peu connues des tuberculoses extra-pulmonaires. En effet, elle entraine des séquelles fonctionnelles lourdes de conséquences pouvant engager le pronostic fonctionnel et vital. Elle reste toutefois assez fréquente dans les pays d’endémie. La TGF ne représente que 6 à 10 % des localisations de la maladie tuberculeuse. Elle atteint aussi bien les femmes jeunes que les femmes ménopausées. La TGF occasionne des lésions tubaires et utérines qui, majorent le risque d’infertilité et restent la séquelle quasi inéluctable [14, 59, 61]. Les symptômes communément rencontrés sont non spécifiques, ce qui contribue au retard thérapeutique. Si la bactériologie reste encore aujourd’hui le principal examen spécifique pour le diagnostic de la tuberculose, l’examen anatomopathologique garde une place importante dans le diagnostic de la tuberculose, en particulier pour les localisations extra-pulmonaires. Récemment, d’autres outils ont été développés comme la biologie moléculaire, avec la mise en évidence de l’ADN mycobactérien .

L’APPAREIL GENITAL FEMININ

L’appareil génital féminin comprend :
➢ Les ovaires (gonades féminines)
➢ Le tractus génital qui se compose :
• Des trompes utérines
• De l’utérus
• Du vagin
• Des organes génitaux externes .

Les ovaires

Ils jouent un rôle dans la libération des ovocytes et la sécrétion des hormones stéroïdes sexuelles. Son unité morphologique est représentée par le follicule ovarien où chaque cycle comprend deux phases :
● une phase folliculaire avant ovulation : maturation d’un follicule
●une phase de préparation à la nidation éventuelle : phase lutéale avec mise en place d’une glande endocrine temporaire : le corps jaune ou corps progestatif.

A la macroscopie
On note deux ovaires (droit et gauche) situés dans la cavité pelvienne. Ils ont une forme ovoïde, de 4 cm x 2 cm, et sont coiffés par le pavillon de la trompe.

A la microscopie
Les ovaires  sont entourés par un épithélium formé d’une seule couche de cellules cubiques. Directement en dessous se trouve le stroma conjonctif dense ou albuginée, puis le stroma conjonctif contenant les follicules (ovocytes + cellules folliculaires) ou corticale. Le centre est constitué par un tissu conjonctif lâche très vascularisé (artères et veines tortueuses qui irriguent le cortex) ou médullaire. Les cellules du hile ou cellules de Berger, regroupées en amas, sont identiques aux cellules de Leydig du testicule. Les ovocytes apparaissent pendant la vie embryonnaire sous la forme d’ovogonies par division mitotique (1 million). Un grand nombre d’entre elles dégénèrent avant la naissance. A la puberté, environ 400000ovocytes sont bloqués en prophase de la première division méiotique. Seuls300 à 400 arriveront à maturation.

Les follicules ovariens

❖ Les follicules évolutifs
Chaque follicule ovarien est formé d’un ovocyte entouré de cellules épithéliales. Ces cellules épithéliales sont des cellules folliculaires et des cellules issues du stroma ovarien : les thèques. On note l’existence d’une lame basale, membrane de Slavjanski, entre les cellules folliculaires et le stroma.
◼ Le follicule primordial
C’est un ovocyte qui est entouré de cellules folliculaires formant une couronne de cellules aplaties :
● c’est une grande cellule de 32 micromètres de diamètre avec un noyau volumineux et un nucléole
● le stock de follicules primordiaux est constitué dès la fin du 7èmemois de la vie intra-utérine.
● l’ovocyte d’un follicule primordial est bloqué en prophase de la 1ère division méiotique (-> ovocyte I)
● 300 à 400 des follicules primordiaux deviendront des follicules ovulatoires
◼ Le follicule primaire (environ 45 micromètres de diamètre)
La couronne, faite de cellules folliculaires, est formée d’une seule couche de cellules cubiques. A partir de la puberté, la sécrétion de FSH et de LH par l’antéhypophyse stimule le développement des follicules évolutifs. A chaque cycle, plusieurs follicules primaires entrent dans une phase de croissance :
● la membrane de Slavjanski devient visible
● la zone pellucide se met en place
● l’ovocyte est toujours bloqué en prophase de la 1ère division méiotique
◼ Le follicule secondaire (50 à 180 micromètres de diamètre)
Les cellules folliculaires se sont multipliées pour former 4 à 5 couches de cellules qui constituent la granulosa. A ce stade, on note :
● un ovocyte qui est toujours bloqué en prophase de la 1ère division méiotique
● les cellules de la granulosa sont associées entre elles par des jonctions communicantes.
● les cellules du stroma ovarien s’individualisent en deux couches : les thèques qui sont interne et externe
○ la thèque interne, très vascularisée est formée de cellules ayant les caractéristiques des cellules élaborant des hormones stéroïdes
○ la thèque externe est une couche formée de cellules stromales
◼ Le follicule antral (environ 5 mm de diamètre)
On voit une cavité apparaître au sein de la granulosa. Elle est constituée par des espaces remplis de liquide apparaissant entre les cellules de la granulosa puis convergeant pour former une cavité unique, l’antrum.

Le liquide folliculaire de l’antrum est un transsudat du plasma sanguin. Il contient une concentration plus élevée d’hormones stéroïdes et d’hormones gonadotropes.
◼ Le follicule mature pré-ovulatoire ou follicule de De Graaf (20 mm) C’est un follicule qui est constitué d’un ovocyte entouré par une seule assise de cellules de la granulosa : la corona radiata. L’ovocyte et la corona radiata sont reliés au reste de la granulosa par le cumulus oophorus. L’ensemble fait saillie dans l’antrum. La thèque interne contient des amas de cellules à sécrétion stéroïde. Ces stéroïdes androgènes sont convertis en œstradiol par les cellules folliculaires.
❖ La maturation de l’ovocyte et ovulation
La maturation qui conduit à un follicule mûr se déroule sur trois cycles menstruels avec cinq à six follicules antraux. Un seul follicule aboutira à l’ovulation (follicule dominant = sensibilité accrue à FSH et récepteurs à LH + toxicité pour les autres follicules). Il est recruté à la fin de la phase lutéale du cycle précédent. Lors d’une décharge de FSH et LH au milieu du cycle, il se produit une modification du follicule. Cela entraine sa saillie à la surface de l’ovaire. Il s’en suit :
● une sécrétion de progestérone par les cellules de la granulosa
● une disparition des jonctions communicantes entre les cellules de la granulosa
● une reprise de la méiose qui va donner un ovocyte II en métaphase de 2èmedivision (la 2èmedivision méiotique se terminera après la fécondation)
● l’expulsion du premier globule polaire
● une maturation cytoplasmique (organites plus nombreux ; apparition du facteur de décondensation de la chromatine du spermatozoïde, facteur de prévention de la polyspermie…)
● une modification biochimique de la membrane pellucide où pourront se fixer de façon spécifique des spermatozoïdes
● une dissociation des cellules du cumulus, grâce à l’acide hyaluronique secrété par le cumulus. Ce qui va entrainer la libération de l’ovocyte dans la cavité antrale
● l’ovulation (36heures après le pic de LH) correspond à la rupture du follicule mûr, avec expulsion de l’ovocyte entouré des cellules de la corona radiata hors de l’ovaire
❖ Les follicules involutifs
La plupart des follicules subissent une involution ou atrésie folliculaire. Elle se déroule aux stades pré-antraux et antraux du cycle et concerne 90% des follicules. Cette involution est intense après la naissance, pendant la puberté et pendant la gestation. Elle entraine une disparition des ovocytes (pycnose nucléaire, surcharge lipidique) et la présence de plusieurs types de follicules involutifs : dégénératif, hémorragique, thécogène (gardent une activité endocrine).

Le corps progestatif et gestatif

Il s’agit du follicule mûr ayant expulsé son ovocyte. Il se produit en son sein, des changements :
● les capillaires de la thèque interne qui envahissent la granulosa, entrainant ainsi une hémorragie qui forme le coagulum central
● les cellules de la granulosa qui deviennent des cellules lutéales (aspect des cellules qui synthétisent des hormones stéroïdes : progestérone)
● les cellules de la thèque interne qui forment des cordons et qui pénètrent en périphérie de la granulosa (synthèse de stéroïdes : œstradiol.
En fin de cycle :
• En l’absence de fécondation, la conversion de l’œstradiol en prostaglandines va entrainer une lyse du corps progestatif (phagocytose des cellules par des macrophages et formation d’un tissu conjonctif cicatriciel : corpus albicans).
• En cas fécondation, le corps progestatif se mue en corps gestatif, sous l’influence des hormones gonadotropes secrétées par le placenta. Ce corps gestatif assure pendant le premier trimestre la source principale des hormones stéroïdes de la grossesse.

La physiologie

L’activité cyclique de l’ovaire dépend de deux hormones hypophysaires : FSH (hormone folliculo-stimulante) et LH (hormone lutéinisante) :
● La FSH stimule la prolifération des cellules de la granulosa qui acquièrent des récepteurs à LH :
○ activation d’une enzyme qui permet la transformation desstéroïdes(androgènes) élaborés par la thèque interne en œstradiol
○ l’œstradiol exerce une rétroaction sur les hormones hypothalamohypophysaires
● La sécrétion d’un pic de LH qui va entrainer :
○ l’ovulation
○ la diminution de la synthèse d’œstradiol par les cellules de la granulosa
○ l’augmentation de la synthèse de progestérone
○ la transformation du follicule post-ovulatoire en corps jaune .

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Table des matières

INTRODUCTION
1. L’APPAREIL GENITAL FEMININ
Les ovaires
1.1.1. A la macroscopie
1.1.2. A la microscopie
1.1.3. La physiologie
Le tractus génital
1.2.1. Les trompes utérines
1.2.2. L’utérus
1.2.3. Le vagin
1.2.4. Les organes génitaux externes ou vulve
2. HISTORIQUE DE LA TUBERCULOSE
3. EPIDEMIOLOGIE DE LA TUBERCULOSE
Dans le monde
En Afrique
Au Sénégal
4. ETIOPATHOGENIE DE LA TUBERCULOSE
Les mycobactéries
Histoire naturelle et transmission
Le terrain
4.3.1. L’âge
4.3.2. La vaccination
4.3.3. Le comptage tuberculeux
4.3.4. Les états d’immunodépression
4.3.5. Le niveau socio-économique
5. ETUDE CLINIQUE
Symptomatologie et circonstances de découverte
5.1.1. Les algies pelviennes
5.1.2. Distension par masse abdominale
5.1.3. Les troubles menstruels
5.1.4. Les métrorragies
5.1.5. L’infertilité
5.1.6. Les leucorrhées
5.1.7. Les signes généraux
Examen physique
5.2.1. Les touchers pelviens
5.2.2. L’examen au spéculum
Les formes cliniques
5.3.1. La tuberculose classique
5.3.2. La tuberculose latente
5.3.3. La tuberculose trompeuse
Les formes topographiques
5.4.1. La tuberculose annexielle
5.4.2. La tuberculose génitale basse
Les formes associées
5.5.1. A un cancer
5.5.2. A un autre foyer tuberculeux
Les formes selon le terrain
5.6.1. Les formes de la femme enceinte
5.6.2. Les formes ménopausiques et post-ménopausiques
6. ETUDE PARACLINIQUE
La biologie
6.1.1. L’hémogramme
6.1.2. La vitesse de sédimentation [VS]
6.1.3. Le dosage du CA 125
Les tests immunologiques
6.2.1. L’intradermoréaction à la tuberculine [IDR]
6.2.2. L’amplification génique : le GeneXpert®
6.2.3. L’ELISA
6.2.4. Les tests de type IGRAs (Interferon Gamma Release Assays)
L’imagerie
6.3.1. L’hystéro-salpingographie
6.3.2. L’échographie
6.3.3. La tomodensitométrie abdominale
6.3.4. Imagerie par résonnance magnétique
Les explorations endoscopiques
6.4.1. La cœlioscopie
6.4.2. L’hystéroscopie
6.4.3. La colposcopie
La bactériologie
6.5.1. La microscopie
6.5.2. La culture
Les aspects morphologiques généraux de la tuberculose
6.6.1. La macroscopie
6.6.2. La microscopie
7. DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL
La clinique
Devant un granulome
8. TRAITEMENT
Le traitement curatif
8.1.1. Les buts
8.1.2. Les moyens
8.1.3. Les Indications
Le traitement préventif
8.2.1. La prévention primaire
8.2.2. La prévention secondaire
8.2.3. La prévention tertiaire
CONCLUSION

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