Aspect morphologique des formes parasitaires (in vivo)
LES DERMATOPHYTES ET LES DERMATOPHYTOSES DES ANIMAUX DE COMPAGNIE
Les dermatophytoses sont des dermato mycoses superficielles, infectieuses, contagieuses, inoculables, dues à l’action pathogène de champignons épi dermotropes, kératinophiles et kératolytiques, les dermatophytes, capables d’une très longue survie, voire d’une multiplication dans le milieu extérieur [EUZÉBY (1969)]. Le terme de teigne désigne plus particulièrement une dermatophytose qui s’accompagne d’un envahissement pilaire.
Les champignons sont des organismes eucaryotes dépourvus de pigments chlorophylliens, se nourrissant par absorption, se reproduisant par des spores. Leur membrane plasmique contient de l’ergostérol et leur paroi contient la plupart du temps de la chitine. WOESE et FOX (1977) proposent un arbre du vivant composé de 3 branches : archaebactéries, eucaroytes et eubactéries. D’autres arbres du vivant confirmèrent par la suite cette représentation. Dans une proposition plus récente, ADL et al. (2005) proposent 6 grands groupes d’eucaryotes parmi lesquels les Opisthokonta rassemblent champignons, animaux, massomescetozoa et choanoflagelles. Ce groupe se retrouve par ailleurs fort distinct de celui des Archaeplastida comprenant diverses algues et les plantes. Au sein du groupe des champignons, les dermatophytes ont une reproduction sexuée par une catégorie de spores, des conidies thalliques. Ils ont une reproduction sexuée qui aboutit à la formation d’ascospores. Ce sont des Ascomycota.
La zone ascogène est protégée dans un ascocarpe, ils font donc partie de la classe des Ascomycètes et la sous-classe des Euascomycètes (les dermatophytes ont une reproduction asexuée par aleurioconidies). Ils appartiennent à l’ordre des Onygénales. Ils possèdent des ascospores lisses et des gymnothèces entourés de vrilles provenant des hyphes péridiaux. Ils ne sont jamais sous forme de levure et font ainsi partie de la famille des Arthrodermataceae. Les dermatophytes forment un groupe au sein de cette famille. Ce sont des champignons kératinophiles et kératinolytiques [EUZÉBY (1969)]. Il existe deux genres principaux de dermatophytes pathogènes chez l’animal : Microsporum et Trichophyton. Cette classification repose sur les caractéristiques de la sporulation asexuée et ne concerne que les formes qui ont perdu leur capacité de reproduction sexuée, les formes anamorphes [OUTERBRIDGE (2006), PATEL et al. (2005)]. Il existe aussi une classification selon les caractéristiques de la sporulation sexuée, concernant les formes téléomorphes qui ont gardé la capacité à la reproduction sexuée. Dans cette classification, tous les dermatophytes connus appartiennent au genre Arthroderma. Il y a des correspondances entre les espèces des deux classifications. Comme les formes téléomorphes ne sont pas les formes rencontrées en clinique, il est plus simple de garder la classification usuelle fondée sur l’aspect des anamorphes. Les espèces de Microsporum et de Trichophyton pathogènes pour l’animal sont regroupées dans le tableau I.
Lampe de Wood
La lampe de Wood est un dispositif qui émet des ondes lumineuses ultra-violettes à travers un filtre de verre en nickel ou en cobalt. Le filtre est opaque à toutes les radiations sauf celles qui ont une longueur d’onde comprises entre 320 et 400 nm. La fluorescence apparaît quand les ondes envoyées sont absorbées et que des radiations de plus grandes longueurs d’ondes (spectre de la lumière visible) sont émises [ASAWANONDA et TAYLOR (1999)]. L’examen à la lampe de Wood doit avoir lieu dans une pièce à l’abri de la lumière. La lampe doit être préchauffée quelques minutes avant l’examen, qui dure en lui-même 3 à 5 minutes. Le faisceau est directement dirigé vers les lésions ou sur les poils cassés, à quelques centimètres de distance puis sur l’ensemble de l’animal. Quelques limites subsistent pour cet examen. Seuls les poils atteints par certains dermatophytes sont fluorescents. De plus, la fluorescence est moins importante lorsque les lésions sont le plus apparentes. Il est parfois nécessaire de retirer des croûtes ou de tondre une partie de l’animal pour observer des poils fluorescents. Certains produits pour application topique peuvent masquer la fluorescence (l’alcool par exemple).
D’autres produits comme les tétracyclines ou la vaseline, ainsi que des souillures, des squames, des poils, du sébum ou des fragments de griffes peuvent révéler une fluorescence aspécifique alors que le tissu est sain [MORIELLO (2001), VAN CUTSEM et ROCHETTE (1992)]. La lampe de Wood ne permet de détecter qu’un tiers à 60% des lésions à M. canis [OUTERBRIDGE (2006), PATEL et al. (2005), VAN CUTSEM et ROCHETTE (1992), WRIGHT (1998)]. Les poils infectés présentent le plus souvent une fluorescence vert vif due à la présence de ptéridine secrétée par le champignon. Etant donné que les chats sont souvent des porteurs asymptomatiques de M. canis, l’emploi systématique de la lampe de Wood chez les félins est recommandé [VAN CUTSEM et ROCHETTE (1992)]. Dans la figure 20, on peut voir quel aspect a un animal positif à la lampe de Wood.
Mise en culture La culture permet d’établir le diagnostic définitif de dermatophytose [KRISTENSEN et KROGH (1981), MORIELLO (2001), SECRETAIN et al. (1974), VAN CUTSEM et ROCHETTE (1992),WRIGHT (1998)]. La culture est obtenue sur le milieu de Sabouraud, précédemment décrit. Le prélèvement pour mise en culture peut être réalisé à l’aide d’un carré de moquette stérile. Le morceau de moquette, préalablement stérilisé à l’autoclave est frotté vigoureusement sur le pelage de l’animal, en insistant sur les zones lésées. Ce tapis est ensuite conservé dans du papier aluminium avant l’ensemencement. Ce dernier se réalise en appliquant la face frottée contre l’animal sur la boîte de Pétri. Le tapis est ensuite retiré [ASAWANONDA et TAYLOR (1999)]. Il est aussi possible de réaliser une culture à partir des poils, des squames, des croûtes ou des griffes. Il vaut mieux prélever ceux présentant des lésions visibles à l’oeil nu ou réagissant avec la lampe de Wood [ASAWANONDA et TAYLOR (1999), WRIGHT (1998)].
Il faut travailler de manière stérile. C’est pourquoi les poils, les croûtes, les griffes ou les squames prélevés peuvent être désinfectés à l’alcool avant la culture pour éviter la présence inopinée de contaminants. On peut aussi racler la partie superficielle du prélèvement (croûte, griffe) avant la mise en culture. Une brosse à dent stérile peut aussi être utile pour le prélèvement [MORIELLO (2001)]. Même si la plupart des dermatophytes se développent rapidement entre 30 et 35°C [AINSWORTH et AUSTWICK (1958)]. Le développement des colonies peut se faire en quelques jours mais pour certaines espèces, la croissance peut nécessiter 2 à 3 semaines d’incubation voire davantage. En général, si aucune colonie ne s’est développée dans un délai de 2 à 4 semaines, la culture est considérée comme négative. La croissance peut être ralentie par l’utilisation préalable d’anti-fongiques sur l’animal.
Méthodes indirectes
Des biopsies cutanées pour analyse histologique peuvent être réalisées pour le diagnostic de formes atypiques de dermatophytose [SECRETAIN et al. (1974)]. Les techniques de biopsie cutanée et de conservation de l’échantillon ne sont pas spécifiques et suivent des protocoles habituels [VAN CUTSEM et ROCHETTE (1992), WRIGHT (1998)]. On prélève donc plusieurs lésions, en incluant si possible des croûtes [SECRETAIN et al. (1974)]. A l’histologie, on observe une couche malpighienne avec un oedème diffus avec infiltration lymphocytaire et neutrophilique. On peut mettre en évidence plus rarement des micro-abcès [EUZÉBY (1969)]. La coloration par l’acide périodique Schiff permet de visualiser plus facilement les spores et les hyphes [WRIGHT (1998)]. Le kérion apparaît à l’histologie comme un granulome ou un pyogranulome, contenant des follicules pileux avec des hyphes ou des spores [BOND (2010), FOIL (1998), GROSS et al. (2005), SCOTT et al. (1995)].
L’examen histologique reste la méthode diagnostique la plus fiable, même si un simple examen cytologique de l’exsudat permet aussi d’établir un diagnostic de façon fiable. Cela permet même d’observer des bactéries, ce qui est utile pour la mise en place d’un éventuel traitement antibiotique [CORNEGLIANI et al. (2009)]. Chez des chiens infectés par M. persicolor, l’histologie peut révéler une interface lichénoïde, consistant en une infiltration lymphoplasmocytaire associée à une folliculite ou une périfolliculite en contact avec des hyphes [MULLER et al. (2011)]. Des examens sérologiques (ELISA) pour diagnostiquer l’infection par M. canis sont développés et montrent une sensibilité aussi forte que la culture et une spécificité de 95,2% [PEANO et al. (2005)]. Des approches génétiques se sont révélées être utiles pour identifier et distinguer les dermatophytes. Effectivement, les différences du génotype sont considérées comme étant plus fiables et plus précises que les caractères du phénotype, surtout lorsque les dermatophytes ont perdu leurs caractéristiques morphologiques typiques. Parmi ces techniques, la PCR (Polymerisation Chain Reaction), est simple et rapide. De plus, en l’absence d’information sur des séquences spécifiques de nucléotides pour les nombreuses espèces différentes de dermatophytes, la PCR permet de générer des polymorphismes génétiques spécifiques selon l’espèce ou la souche de dermatophyte. Néanmoins, cette technique est plus onéreuse que celles décrites précédemment [FAGGI et al. (2001)].
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIÈRE PARTIE : LES DERMATOPHYTES ET LES DERMATOPHYTOSES DES ANIMAUX DE COMPAGNIE
1) Définitions
2) Position systématique des dermatophytes
3) Biologie
a) Nutrition et croissance
c) Reproduction
d) Mise en culture
e) Formes de résistance
4) Morphologie générale
a) Aspect morphologique des formes parasitaires (in vivo)
b) Aspect en culture (in vitro)
6) Epidémiologie des dermatophytoses
a) Les principales espèces de dermatophytes rencontrées chez les animaux de compagnie
b) Répartition géographique
c) Influence climatique
d) Influence saisonnière
e) Sources de parasites
f) Réceptivité
g) Modalités de l’infection
h) Causes favorisantes
7) Signes cliniques
a) Forme classique : la teigne sèche
b) Forme sub-clinique ou asymptomatique
c) Formes rares
8) Diagnostic et identification des dermatophytes
a) Diagnostic épidémiologique
b) Diagnostic clinique
c) Diagnostic différentiel
d) Diagnostic de laboratoire
9) Suivi
10) Risque zoonotique
DEUXIÈME PARTIE :BILAN DE L’ACTIVITÉ DU LABORATOIRE DE MYCOLOGIE DE L’ENVA DE 2010 À 2012
1) Introduction
2) Objectifs
3) Matériel et méthodes
a) Dossiers du laboratoire
b) Identification des cultures
c) Anamnèse et commémoratifs
d) Résultats des examens
e) Consignation des résultats sous forme d’un tableau Excel ©
f) Traitement des données
4) Résultats
a) Bilan de l’activité du laboratoire de parasitologie de l’ENVA
b) Prévalence des dermatophytes chez les animaux de compagnie
c) Prévalence des dermatophytes en fonction de l’âge et du sexe
d) Prévalence des dermatophytes et signes cliniques associés
e) Prévalence des dermatophytes en fonction de la saison
f) Examen à la lampe de Wood
g) Prévalence des dermatophytes et zoonose associée
5) Discussion
Bilan de l’activité du laboratoire de l’ENVA
L’étude épidémiologique rétrospective
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
Table des figures
Liste des tableaux
ANNEXES
Résumé
Summary
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