« L’hystérique parle par son corps, le patient psychosomatique souffre dans son corps. Le corps est pour l’hystérique un instrument, il est pour le second une victime.» Léon Kreisler .
Souvent connue sous l’appellation d’hystérie, le concept de névrose hystérique étant remis en cause dans les nouvelles classifications, il est désormais appelé troubles somatoformes et troubles dissociatifs. Elle fait partie du langage courant pour qualifier certains comportements individuels ou des mouvements de groupe marqués par un certain excès.Sur la question de la névrose hystérique et des symptômes de conversion les avis sont partagés. Elle est caractérisée par une demande affective très importante, une vie imaginaire riche, des sentiments exprimés de manière exagérée, et des signes somatiques fréquents.Certains restent fidèles au principe de réserver l’appellation «maladie psychosomatique» à des troubles somatiques incontestablement lésionnels (ulcère digestif, infarctus du myocarde, cancers…). D’autres donnent au mot conversion un sens plus global incluant les symptômes fonctionnels et les troubles lésionnels exprimant dans le corps un conflit inconscient faute de pouvoir s’exprimer dans un agir, une parole, une décision.
La conversion hystérique est assez fréquente, et représentent entre 1 et 4% des consultations en hôpital général, dont 5 à 30% des consultations spécialisées en Neurologie.C’est une névrose aussi bien fréquente chez l’homme que chez la femme .
Généralités
Définition
Le terme « hystérie » dérive du mot grec « Hustera », qui désigne l’utérus. L’hystérie est appelée par Freud « hystérie de conversion »du fait que la patiente fait de son corps l’expression de son psychisme, de manière inconsciente. « Le corps de l’hystérique, et donc la « maladie » somatique contractée, participe directement à son élaboration psychique»[2]. Elle peut se définir par l’organisation névrotique d’une personnalité type hystrionique ou passive dépendante à une symptomatologie de type conversif. Cette symptomatologie associe des symptômes somatiques et psychiques. Selon Lempérière et Féline dans la Psychiatrie de l’adulte, en adéquation avec les faits cliniques constatés, l’hystérie est: « Une affection à manifestations polymorphes dont l’originalité réside en ce que les conflits psychiques inconscients s’y expriment symboliquement en des symptômes corporels et/ou psychiques variés, paroxystiques ou durables »[3]. Aujourd’hui, l’utilisation duterme “hystérie”est évitée.Cependant, de nouveaux termes et de nouvellesclassificationssont compliquéeset incohérentesentre les deuxtaxonomiesreprésentant, leDSM-IV etCIM-10. Dans laCIM-10, même l’alternativedu terme trouble de conversion, qui devenaitfamilieraux neurologues, a également disparu commeun nom de groupe. Le diagnosticde l’hystériedemeure important dansla neurologie clinique. La conversion hystérique donc se divise en deux entités selon les classifications citées ci-dessus:
− Les troubles somatoformes qui comprennent : la somatisation, la conversion, et les troubles douloureux
− Les troubles dissociatifs ou psychiques .
Historique
L’histoire de la conversion ne se résume pas à celle d’une disciplinemédicale au sens moderne mais déborde sur la plupart des sciences de l’homme. Les premiers textes parlant de l’hystérie proviennent de textes médicaux de l’Egypte ancienne qui sont regroupés dans le « Papyrus Kahun »[4]. Depuis au moins 2000 ans av. J.-C., en Égypte et jusqu’à l’antiquité grécolatine, l’utérus est vu comme un petit animal habitant le corps de la femme. Par ses déplacements, l’utérus provoque les troubles hystériques. « Si la suffocation se présente subitement, c’est surtout chez celles qui n’ont pas de rapports sexuels avec les hommes, et les femmes d’un certain âge plutôt que chez les jeunes» [4]. Galien (131-201), originaire d’Asie Mineure, considère la cause des symptômes hystériques comme n’étant pas la migration de l’utérus mais une maladie organique utérine en relation avec la rétention séminale féminine due à l’abstinence sexuelle[5]. La conception de l’hystérie évolue, l’origine « cérébrale » de l’affection et son existence dans les deux sexes est affirmée. Sydenham Thomas (1624-1698) tente de donner à cette affection une description clinique qui touche autant les femmes que les hommes et qui se manifeste au niveau du corps en particulier lors des moments de tristesse et de passion intense. Le rôle des émotions et les traits particuliers des hystériques entre les crises sont détaillés comme le don d’ubiquité et le caractère caméléon de l’hystérie. C’est à cette époque que Cullen (1712-1790) invente le mot « névrose » pour indiquer que l’hystérie est une maladie des nerfs. Paul Briquet (1796-1881) rejette la théorie utérine et considère l’hystérie comme une atteinte organique du cerveau au niveau de l’encéphale, une névrose de l’encéphale. La cause en est la répétition des passions qui peut finir par engendrer des lésions dynamiques ou matérielles dans les organes. Il affirme : « […] et pour moi, l’hystérie est une névrose de l’encéphale, dont les phénomènes apparents consistent principalement dans la perturbation des actes vitaux qui servent à la manifestation des sensations affectives et des passions » .
Charcot (1825-1893) décrit les manifestations hystériques qu’il a observées dans son service de la Salpêtrière et explique les phases de ce qu’il appelle « hysteria major ». « L’hysteria major » commence par une attaque épileptoïde qui se subdivise en période tonique puis en période clonique […] A la troisième phase, la malade regarde une image fictive : c’est une hallucination qui varie selon les circonstances [7]. Les élèves de Charcot vont poursuivre les différentes théories qui leur furent enseignées. Ainsi, Babinski va exclure l’hystérie des champs médicaux en expliquant que ces troubles peuvent être obtenus par la suggestion et la persuasion [8]. Entre Charcot et Bernheim, Janet (1880-1947) essaye d’ouvrir une troisième voie. L’hypnose permet d’aller vers l’état mental des hystériques et une psychopathologie sur deux axes :
– Le premier axe montre le rétrécissement du champ de conscience chez l’hystérique qui n’est plus capable d’intégrer les nombreuses informations qui lui parviennent.
– Le deuxième axe dit que la cause de l’hystérie serait une dissociation de la conscience d’origine subconsciente. Cette personnalité seconde, révélée par l’hypnose, serait pathologique dans l’hystérie.
Freud distingue et décrit deux névroses hystériques qui sont l’hystérie de conversion et l’hystérie d’angoisse qui sera plus tard rebaptisée phobie[9]. Aujourd’hui les signes cliniques de la maladie ont changé, ils sont beaucoup plus discrets et moins spectaculaires. Les crises comme le décrit Charcot pour ses patientes de la Salpêtrière ne se rencontrent plus beaucoup dans notre culture. Par contre la conception sur l’hystérie, que Freud a développée, reste inchangée .
Epidémiologie
Dans la population générale, LJUNGBERG estime la fréquence desaccidents de conversion à 0.5 % [1]. Sa prévalence dans la population générale est estimée de 1 à 2 %. Ces données sont très discutées compte tenu d’une évaluation rendue difficile par le polymorphisme et la variabilité de l’hystérie. La prévalence augmente:
– en cas de niveau socio-économique, éducatif, psychologique faible.
– dans les pays sous-développés.
-chez la femme: 2 à 5 femmes pour 1 homme .
Il en est de même pour le sex-ratio, même si la prédominance féminine estun fait clinique certain, le sex-ratio varie de 1.8 à 4.6 femmes pour 1 homme selon les études.Quatre-vingt-neuf pourcent des femmes et quatre-vingt-neuf pourcent des hommes qui présentent un premier accident deconversion ont entre 15 et 25 ans [12]. Les manifestations de conversion représentent entre 1 et 4% des consultations en hôpital général .
La conversion hystérique est un motif très fréquent de consultation d’environ 5% jusqu’à 30% des consultations spécialisées en Neurologie [13].En Angleterre, 30- 60% des patients présentent des symptômes neurologiques inexpliqués dont plus de la moitie´ (55 %) ne fait l’objet d’aucune amélioration à huit mois d’évolution [14]. On estime actuellement que le taux d’erreur diagnostique dans les troubles de conversion est de 4%, ce qui serait comparable à d’autres maladies psychiatriques(schizophrénie : 8 %) et neurologiques (maladie du motoneurone : 6 %).Le diagnostic est souvent délicat car 20-50% des diagnostics sont révisés comme des maladies neurologiques et réciproquement 10% des pathologies initialement appréhendés sous formes neurologiques sont finalement reconsidérés comme psychogènes [15, 16]. Une étude en service de rééducation amontré que la fréquence des troubles conversifs « greffés » sesurajoutant à une autre pathologie est estimée à 32 % .
Psychopathologie et étiopathogénie
La psychopathologie
Selon Freud, c’est un conflit dont l’origine est dans l’Œdipe. Quand il y a rupture entre l’affect et la représentation, et que seule ne reste que la représentation (comme lors des phobies), on a affaire au refoulement.Le symptôme de conversion hystérique représente un compromis, grâce auquel la représentation pulsionnelle gênante sera complètement refoulée, d’où «la belle indifférence» de l’hystérique devant son symptôme.Le refoulement occupe une place cruciale dans la théorie freudienne des névroses.Notons que dans cette théorie la notion de conversion est très étroitement liée à la notion de traumatisme psychique. Freud, en observant despatients hystériques ayant développé des symptômes à la suite d’untraumatisme, constate une dissociation entre la représentation de ce dernier etl’affect (la charge émotionnelle) liée à cette représentation. Autrement dit, ceque le sujet refoule est de l’ordre de l’angoisse. Le bénéfice du symptôme deconversion hystérique serait d’épargner au sujet la souffrance de l’angoisse. Il pense d’abord que l’hystérie est due à un « surplus d’excitation » : lapatiente a été victime d’un choc qui a agi comme un traumatisme et le souvenir de ce choc continue d’agir dans le psychisme « comme un corps étranger » parce que l’affect lié au choc traumatisant n’a pas été abréagi, c’est-à-dire qu’il n’a pas pu trouver, du fait du refoulement, d’expression verbale ou somatique qui aurait permis une décharge d’énergie au moment même du choc. Ce saut du psychisme dans l’innervation somatique restera une énigme. Freudcependant avancera une hypothèse d’ordre neurologique pour expliquer parquelles voies se produit ce saut du psychisme dans le somatique : « laconversion se produit en suivant une innervation motrice ou sensorielle qui setrouve dans une corrélation intime ou d’avantage relâchée avec l’expérience vécue traumatique ». « Il est facile de voir, en examinant les faits, que la conversion hystérique résulte ordinairement de trois ordres différents de modificateurs: les souffrances morales, les souffrances physiques et l’affaiblissement de l’organisme » .
L’hystérique « souffre de réminiscence » comme le dit Freud, réminiscences inconscientes liées à un affect insupportable qui persiste dans le psychisme. La remémoration de la scène traumatisante produit la disparition du symptôme somatique dû auretour du refoulé .
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : RAPPELS
1. Généralités
1.1. Définition
1.2. Historique
1.3. Epidémiologie
2. Psychopathologie et étiopathogénie
2.1. La psychopathologie
2.2. Facteurs étiopathogéniques
2.2.1. Facteurs prédisposants
2.2.2. Facteurs déclenchants
2.2.3. Facteurs entretenants
3. La clinique
3.1. La personnalité hystérique
3.1.1. Histrionisme
3.1.2. Facticité des affects
3.1.3. Mode de pensée imaginaire
3.1.4. Réactivité émotionnelle et suggestibilité
3.1.5. Dépendance affective
3.1.6. Troubles sexuels
3.2. Les symptômes de conversion
3.2.1. Accidents paroxystiques
3.2.2. Les troubles dissociatifs
3.2.3. Des troubles permanents
3.3. Evolution
3.3.1. La guérison
3.3.2. Les complications
4. Les comorbidités
5. Diagnostics
5.1. Diagnostic positif
5.2. Diagnostic différentiel
5.2.1. Les affections organiques
5.2.2. Les maladies psychosomatiques
5.2.3. La simulation
5.2.4. Autres Névroses
6. Prise en charge
6.1. Buts du traitement
6.2. Moyens
6.2.1. Règles générales
6.2.2. Hospitalisation
6.2.3. Approches pharmacologiques
6.2.4. Approches psychothérapeutiques
6.3. Indications
DEUXIEME PARTIE : METHODES ET RESULTATS
1. METHODES
1.1. Type d’étude
1.2. Cadre d’étude
1.3. Matériels
1.4. Critères d’inclusion
1.5. Critères d’exclusion
1.6. Paramètres d’étude
1.7. Limites de l’étude
1.8. Saisie et analyse des données
2. RESULTATS
2.1. Prévalence du trouble de conversion au service de Psychiatrie CHU-JRB
2.2. Données sociodémographiques
2.2.1. L’âge
2.2.2. Le Genre
2.2.3. La situation matrimoniale
2.2.4. Le Milieu de vie
2.2.5. Le niveau d’étude
2.2.6. Situation professionnelle
2.3. Données cliniques
2.3.1. Les antécédents psychiatriques
2.3.2. Les évènements de vie traumatiques
2.3.3. La symptomatologie clinique
2.3.4. Les comorbidités
2.3.5. Les examens somatique et paraclinique
2.3.6. La prise en charge thérapeutique
TROISIEME PARTIE : DISCUSSION
1. Forces et Faiblesses de l’étude
1.1. Les forces de l’étude
1.2. Les faiblesses de l’étude
2. Aspects épidémiologiques
2.1. La prévalence
2.2. Age
2.3. Genre
2.4. Situation matrimoniale
2.5. Milieu de vie
2.6. Niveau d’étude et situation professionnelle
3. Aspects cliniques
3.1. Antécédents psychiatriques personnels et familiaux
3.2. Evènements de vie
3.3. Mode de survenue et durée des symptômes
3.4. Les troubles dissociatifs ou psychiques
3.5. Les troubles somatoformes
3.6. Les examens somatiques et paracliniques
3.7. Les comorbidités psychiatriques
3.8. Prise en charge
3.9. Evolution
CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXES