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Les réactions catalysées par les lipases
En fonction du milieu réactionnel, conventionnel (milieu aqueux) ou non-conventionnel (solvants organiques), des substrats mis en jeu et des conditions réactionnelles, les lipases peuvent catalyser un très large éventail de réactions. Ces réactions ont lieu avec tous les avantages inhérents à l’utilisation des biocatalyseurs en général : douceur des conditions réactionnelles, activité et surtout sélectivité exceptionnelles.
Réaction d’hydrolyse
En milieu aqueux, les lipases catalysent l’hydrolyse de la fonction ester. La réaction s’effectue à l’interface entre le substrat hydrophobe et le milieu aqueux, formant ainsi un système réactionnel biphasique. Ce dernier résulte de la présence d’une phase organique non miscible à l’eau, constituée soit de l’ester seul, soit de l’ester dissout dans un solvant non miscible à l’eau. Quand il s’agit d’un substrat asymétrique, les lipases présentent souvent une grande sélectivité. A cause cette activité hydrolytique, les lipases trouvent des applications dans de nombreux secteurs industriels comme l’industrie des détergents et l’industrie laitière pour la production d’arômes, ainsi dans la résolution d’esters racémiques.
La transestérification
La transestérification regroupe deux réactions : l’alcoolyse (la réaction d’un groupe d’acyle avec alcool) et l’acidolyse (la réaction d’un groupe d’acyle avec acide). Il existe plusieurs applications industrielles de la transestérification, parmi lesquelles, la production de biodiesels et la résolution des mélanges racémiques.
L’exemple suivant illustre la résolution du (R,S)-1-phénylethanol par acylation énantiosélective, utilisant l’acétate de vinyle comme donneur d’acyle et l’hexane comme solvant. La lipase de Burkholderia cepacia (BCL) a été employée dans cette étude.
L’interestérification
La réaction d’interestérification se produit par le transfert d’un groupe d’acyle d’un ester à un autre ester. Cette réaction trouve une large application dans la synthèse de lipides10. Dans l’exemple ci-dessous, la lipase de Candida rugosa (CRL) a été employée pour la production de biodiesels par l’interestérification de triglycérides avec l’acétate de méthyle.
Une triade catalytique :
Le site catalytique des lipases se compose essentiellement de trois acides aminés (triade catalytique) : Sérine, Histidine, Acide Aspartique (ou Acide Glutamique) et du trou oxyanion.
Ce dernier (intermédiaire tétraédrique) est formé de quelques résidus intervenant dans la stabilisation au cours de la catalyse16.
Un couvercle amphiphile :
Le site actif est recouvert par un volet amphiphile, formé d’une ou deux hélices α reliées au squelette de l’enzyme par une structure flexible. La face hydrophobe de ce volet est orientée vers l’intérieur du site actif, qui le rend totalement inaccessible au solvant et au substrat, lorsque l’enzyme est sous sa forme inactive.
Mécanisme d’action des lipases
Le mécanisme d’action catalytique des lipases fait intervenir la triade catalytique située à l’intérieur du site actif. La disposition particulière des 3 résidus formant la triade permet, dans une première étape, le transfert de proton entre l’acide aspartique, l’histidine et la sérine catalytique, entraînant l’attaque nucléophile de l’hydroxyle de la sérine sur le carbonyle du substrat pour former le premier intermédiaire tétraédrique appelé acyl-enzyme avec libération de l’alcool. Cet intermédiaire est stabilisé par des liaisons hydrogène entre l’oxygène du substrat chargé négativement et les acides aminés du trou oxyanion. Dans une seconde étape, cet intermédiaire acyl-enzyme subit une attaque nucléophile qui peut être exercée par une molécule d’eau (réaction d’hydrolyse) ou par une molécule d’alcool (réaction de synthèse) pour former le second intermédiaire tétraédrique. Cette étape de déacylation qui suit un processus analogue à celui de l’étape d’acylation conduit à la formation du second produit de la réaction (acide carboxylique ou ester) avec régénération de l’enzyme native. Le mécanisme d’intervention de la triade (Ser, Hist et Asp) est donné par le schéma suivant (schéma 1.6).
Détermination de l’énantiosélectivité
Dans le cas de la résolution cinétique d’un mélange racémique par les lipases, l’énantiosélectivité peut être caractérisée par la détermination des excès énantiomériques du substrat (ees) (1) ou du produit (eep) (2) grâce à des relations mathématiques décrites par Sih et al.48 en 1982. La variation des paramètres (ees) et (eep) est fonction du taux de conversion (c) (3).
Soit l’excès énantiomérique du substrat (ees), qui détermine la pureté optique du substrat en un énantiomère. = – + 1
Soit l’excès énantiomérique du produit (eep), qui détermine la pureté optique du produit en un énantiomère. = – + 2
Soit la conversion chimique de la réaction (c), qui représente le taux d’avancement de la réaction (1>c>0)
Lyophilisation
Les réactions sensibles à l’eau, telle que la tranestérification catalysée par les lipases en milieu organique, nécessite d’utiliser les enzymes en présence de faible quantité d’eau. La lyophilisation est la méthode la plus courante pour la préparation de biocatalyseurs pour ce genre de réactions64. Cette technique permet une plus longue durée de conservation des protéines et leur stabilisation en les gardant dans des conditions anhydres et dans une atmosphère inerte65. Elle basée sur la sublimation de la glace contenue dans des solutions ou des suspensions, préalablement solidifiées par congélation, que l’on souhaite « assécher ».
Elle conserve le produit dans des conditions anhydres, évitant ainsi les processus d’hydrolyse. Le principe de séchage par lyophilisation repose sur des variations de pression et température66. La formulation des lipases par lyophilisation est souvent réalisée par deux approches :
Lyophilisation (Mémoire pH)
Zaks et Klibanov sont les premiers qu’ont rapportés, dans l’une de leurs études portée sur la catalyse enzymatique dans les solvants organiques67,68, que les enzymes ont une activité catalytique plus élevée s’ils sont récupérés après une lyophilisation, à partir une solution tampon aqueuse ajustée sur le pH optimal des enzymes données. Ils ont appelé ce phénomène « mémoire pH» et ont mentionné que la protéine maintienne dans le solvant organique le même état de protonation qu’elle a eu dans la solution tampon. Néanmoins, si les espèces chimiques acides ou bases (réactants, produits ou impuretés) sont présentes dans le milieu réactionnel, une variation de l’état ionique d’enzymes pourrait se produire, entraînant des variations d’activité catalytique. Pour surmonter cet inconvénient, des tampons solubles dans les solvants organiques (par exemple triisooctylamine avec son chlorhydrate et acide triphenylacétique avec son sel de sodium)69 et même des tampons à semi-conducteurs (par exemple, AMPSO, les LAVETTES, les PIPES, et leur sodium sel)70 peuvent être ajoutés au milieu pour garder l’ionisation optimale d’enzymes.
Paramètres influençant l’acylation enzymatique
La réactivité et la sélectivité de l’acylation enzymatique sont influencées par plusieurs facteurs, notamment la nature d’enzyme, la structure des substrats, la température et l’activité de l’eau (aw).
La nature d’enzyme
L’enzyme utilisée, son origine et son mode d’obtention, constituent un facteur primordial et déterminant pour l’acylation enzymatique, car chaque lipase possède sa propre caractéristique. Dans ce contexte, nous citons l’exemple suivant issu de la littérature5 où de différences notables ont été observées dans l’activité hydrolytique de quelques lipases commerciales. Comme le montre le tableau ci-dessous, les activités enzymatiques changent non seulement avec l’origine de l’enzyme mais également, pour une même enzyme, avec le procédé ayant permit d’y accéder, les procédés diffèrent selon le fabriquant.
La structure de substrat
La structure du substrat joue un rôle majeur dans la faisabilité de la réaction d’acylation enzymatique, particulièrement sur l’énantiopréférence des lipases. La règle empirique décrite par Kazlauskas et al.6 explique la sélectivité de la CALB vis-à-vis les alcools racémiques. Les substituants du carbone chiral (le grand et le moyen) sont placés dans les deux poches du site actif selon leur taille. L’énantiomère qui peut être placé de façon favorable (tel que représenté dans le schéma 2.1) réagit plus rapidement selon cette règle.
Ce modèle est simple basé sur la taille des substituants au centre asymétrique utilisable pour estimer l’énantiosélectivité vis-à-vis les alcools secondaires7. En règle générale, une sélectivité élevée (E>100) et une vitesse de réaction relativement élevée peuvent être attendues pour les substrats avec le petit substituant du centre asymétrique de taille inférieur à un radical propyle et supérieur à un éthyle pour le grand substituant.
A titre d’illustration, le tableau suivant rassemble deux études sur l’influence de la structure du substrat sur l’activité et l’énantiosélectivité de la CALB. Dans la première, Overbeeke et al.8 ont trouvé que l’énatiosélectivité a augmenté avec longueur de la chaîne de l’alcool alephatique, au contraire de l’activité qui a diminué. Dans la deuxième étude, Johnson et al.9 ont étudié l’influence de la taille du cycle et du substituant en postion α d’un alcool cyclique, la CALB a exhibé une énantiosélectivité élevée avec l’acool dont le substituant est volumineux.
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Table des matières
Chapitre 1. Etude bibliographique
1. Les lipases
1.1. Généralités sur les lipases
1.2. Les réactions catalysées par les lipases
1.2.1. Réaction d’hydrolyse
1.2.2. Réactions de synthèse
1.2.2.1. L’estérification
1.2.2.2. La transestérification
1.2.2.3. L’interestérification
1.2.2.4. L’aminolyse
1.3. Structure et mécanisme d’action des lipases
1.3.1. Généralités
1.3.2. Notion de site actif
1.3.3. Mécanisme d’action des lipases
1.4. Propriétés de sélectivité des lipases
1.4.1. Chimiosélectivité
1.4.2. Régiosélectivité
1.4.3. Enantiosélectivité
1.4.3.1. Chiralité et énantiosélectivité
1.4.3.2. Détermination de l’énantiosélectivité
1.4.3.3. Aspect cinétique et thermodynamique de l’énantiosélectivité
1.5. Techniques d’amélioration de la performance des lipases
1.5.1. Immobilisation
1.5.2. Lyophilisation
Références bibliographiques
2. L’acylation enzymatique
2.1. Définitions
2.2. Paramètres influençant l’acylation enzymatique
2.2.1. La nature d’enzyme
2.2.2. La structure de substrat
2.2.3. Le donneur d’acyle
2.2.4. La température
2.2.5. L’activité de l’eau (aw)
2.3. Les milieux non conventionnels des lipases
2.3.1. Introduction
2.3.2. Les solvants organiques
2.3.3. Les liquides ioniques
2.3.4. Solvants respectueux de l’environnement
2.3.5. Influence du milieu sur le comportement de la lipase
Références bibliographiques
3. Les ultrasons : alternatifs dans les procédés de synthèse
3.1. Généralités sur les ultrasons
3.1.1. Définition
3.1.2. Principaux types d’ultrasons
3.2. Paramètres physicochimiques des ultrasons
3.2.1. Vitesse
3.2.2. Propagation
3.3. Application des ultrasons
3.3.1. Applications médicales
3.3.2. Application au laboratoire
3.3.3. Application synthétiques des ultrasons
3.4. La sonochimie
3.4.1. Définition
3.4.2. Matériels utilisés en sonochimie
3.5. Phénomène de la cavitation
3.5.1. Définition
3.5.2. Dynamique d’une bulle de cavitation
3.5.3. Type de la cavitation
3.5.4. Paramètres influençant la cavitation
Références bibliographiques
Chapitre 2. Matériel et méthodes
1. Réactifs et enzymes
1.1. Lipases
2.2. Réactifs et solvants
2. Matériels
2.1. Ultrasons
2.2. Chromatographie phase gazeuse (CPG)
3. Protocole des réactions réalisées
3.1. Réactions sous ultrasons
3.1.1. Prétraitement des lipases par ultrasons
3.1.2. Transestérification des alcools secondaires
3.2. Réactions dans les solvants verts
3.2.1. Transestérification des alcools racémiques
3.2.2. Transestérification en présence des liquides ioniques
4. Techniques de formulation des lipases
4.1. Immobilisation
4.2. Lyophilisation
5. Méthodes analytiques
5.1. Dosage des protéines
5.2. Analyse chromatographique en phase gazeuse
Chapitre 3. Résultats et discussion
1. Résolution énantiosélective des alcools racémique par les lipases sous ultrasons
1.1. Introduction
1.2. Influence du système à ultrasons
1.3. Effet de prétraitement de la lipase par ultrasons
1.4. Effet de la nature de lipase
1.6. Influence du donneur d’acyle
1.7. Effet de la température
1.8. Effet des ultrasons sur les lipases immobilisées
1.9. Conclusion
Références bibliographiques
2. Résolution enzymatique d’alcools racémiques dans des solvants « verts »
2.1. Introduction
2.2. Criblage de lipases
2.3. Influence de l’activité de l’eau
2.4. Influence de la longueur de la chaine du donneur d’acyle
2.5. Effet de formulation des lipases
2.5.1. Effet de la lyophilisation
2.5.2. Effet de l’immobilisation
2.6. Effet des liquides ionique dans le milieu
2.7. Effet de la température
2.8. Conclusion
Références bibliographiques
Conclusion générale et Perspectives
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