Anthroponymie
Dโaussi loin dont jโai pu remonter lโarbre gรฉnรฉalogique de la famille DELASTRE, ces derniers ont habitรฉ le village de Serriรจres-de-Briord (Ain) durant au moins trois gรฉnรฉrations. Mais comme de nombreuses autres familles, il est trรจs probable que le nom DELASTRE ne soit pas originaire de leur rรฉgion de domicile. Cโest pourquoi jโai dรฉcidรฉ de me pencher un plus sur les origines de ce nom.
Le nom DELASTRE est un dรฉrivรฉ du nom DELATTRE, tout comme les noms DELAISTRE, DELHATRE, DELATE, DELAITREโฆ Ces noms de famille ont donc les mรชmes racines. Les origines de ce patronyme sont multiples. Il peut รชtre toponymique, autrement dit un nom qui sโinspire dโun lieu gรฉographique. En effet, ยซ un trรจs grand nombre de noms de famille en DE- ou DU- proviennent soit dโun nom de province, soit dโun nom de terroir, de bourg ou de village ยป1. Ainsi, le nom DELATTRE peut รชtre originaire de Lattre dans le Pas-de-Calais (62). Ce nom fait dโailleurs parti des 10 noms les plus portรฉs du Pas-de-Calais de 1891 ร 1915 et de 1966 ร 19902. Il fait รฉgalement partis des 30 noms les plus portรฉs dans le Nord-Pas-de-Calais depuis 18913. On a constatรฉ que 1 ร 10% des migrants du Nord-Pas-de-Calais avait choisi de sโรฉtablir dans la rรฉgion Rhรดne-Alpes entre 1891 et 19904. Il semblerait que la famille DELASTRE qui, sur plusieurs gรฉnรฉrations, est demeurรฉe dans cette rรฉgion, ne porte donc pas le patronyme le plus rรฉpandu en Rhรดne-Alpes.
Mais le nom DELATTRE est plus souvent associรฉ ร un surnom รฉvoquant une maison situรฉe prรจs dโun lieu sacrรฉ. On peut tirer ce nom de lโancien franรงais astre, aistre qui dรฉsigne ยซ une maison donnant sur le parvis dโune รฉglise ou dโun cimetiรจre y attenant ยป5 ou un ยซ terrain prรจs dโune รฉglise ou dโun monastรจre jouissant du droit dโasile ยป6. Quelques particularitรฉs intรฉrieures de la maison, comme une maison dont lโรขtre รฉtait carrelรฉ, et non en terre battue, ont pu donner lieu ร ces surnoms devenus noms de famille. En effet, ce nom pourrait venir de lโancien franรงais astre, รขtre qui dรฉsigne une ยซ partie dallรฉe de la cheminรฉe sur laquelle on fait le feu ยป7. Les noms DELASTRE, DELESTREE, DELESTREZ, peuvent รฉgalement venir ยซ de lโestrรฉe ยป, surnom de lโhomme qui habitait prรจs dโune route pavรฉe (de lโancien franรงais estrรฉe, route ; tout comme strasse en allemand ; street en anglais ; strada en italien, etc.). Les surnoms DELATRE, DELATTE, DELATTRE dรฉsignaient sans doute en langue dโoรฏl8 lโhomme prรฉposรฉ ร la garde de lโentrรฉe et, par extension, du cimetiรจre dโune รฉglise (astre, aitre).
Pour finir le nom DELASTRE pourrait sโapparenter ร astre, venant du grec par le latin astrum, qui dรฉsigne ยซ un corps cรฉleste resplendissant et dont lโinfluence est censรฉe agir sur le destin des hommes ยป.
Un peu dโHistoire
Bref historique de la Croix-Rousse
La Croix-Rousse est une colline de la ville de Lyon dominant le Nord de la Presquโรle entre le Rhรดne et la Saรดne. Elle est composรฉe de deux ensembles : les pentes, lyonnaise depuis toujours, et un plateau, ร lโextรฉrieur des fortifications lyonnaises du XVIe siรจcle, formant une paroisse, puis avec la rรฉvolution, une commune indรฉpendante rattachรฉe ร Lyon en 1852. ร l’origine, le plateau de la Croix-Rousse รฉtait essentiellement agricole, avec de grandes propriรฉtรฉs appartenant au clergรฉ et ร la noblesse. ร la rรฉvolution, ces terres furent morcelรฉes et rachetรฉes par de riches particuliers. Le rattachement de la Croix-Rousse ร la ville de Lyon a permis la mise en place d’un rรฉseau d’adduction d’eau, le pavage des rues, la mise en place de conduites de gaz et la construction dโun hรดpital. En 1891, un funiculaire dรฉnommรฉ par les habitants la ยซ ficelle ยป, installรฉ place Croix Paquet, permettait de relier le plateau ร la Presqu’รle, les tisseurs de soie aux nรฉgociants. Prรจs d’un siรจcle plus tard, un mรฉtro ร crรฉmaillรจre le remplaรงa sur le mรชme itinรฉraire de suspension… il existe toujours.
Le gros caillou, symbole croix-roussien par excellence, a รฉtรฉ dรฉposรฉ en tant quโรฉlรฉment morainique11 lors de la fonte des glaciers. La colline de la Croix-Rousse est percรฉe de nombreuses galeries, les fameuses arรชtes de poisson, dont les origines sont discutรฉes et que l’on peut parcourir avec autorisation.
Jusqu’en 1865, les pentes, aujourd’hui 1er arrondissement de Lyon, รฉtaient sรฉparรฉes du plateau par un rempart. En 1852, la commune de la Croix-Rousse est rattachรฉe ร Lyon et en 1865, Napolรฉon III ordonne la destruction de ces remparts pour faciliter l’intรฉgration de ce nouveau quartier dans la ville et l’amรฉnagement d’un grand boulevard quโon appela ยซ boulevard de la Croix-Rousse ยป et qui sert, aujourdโhui, de limite entre les deux Croix-Rousse. Il ne reste de ce rempart que les extrรฉmitรฉs et une avant porte: le fort Saint Jean qui domine la Saรดne et cรดtรฉ Rhรดne, le bastion Saint Laurent et quelques bรขtiments militaires.
Pour la ville de Lyon, la Croix-Rousse, plateau et pente, est associรฉe ร la soie, aux canuts. C’est au 19รจme siรจcle quโelle prend lโidentitรฉ de colline laborieuse et dangereuse aux yeux de la bourgeoisie au pouvoir, ร qui le peuple dans la rue fait peur. En effet, elle est entrรฉe dans l’histoire nationale avec la rรฉvolte des canuts de 1831 (infra : III. 2. La Croix-Rousse, ville de la soie), rรฉvolte considรฉrรฉe improprement par de nombreux penseurs politiques et historiens, comme une des premiรจres rรฉvoltes ouvriรจres, voir prolรฉtaires, de l’รจre industrielle. Si pour la bourgeoisie, la Croix-Rousse est la colline des barbares (selon l’expression due ร la plume du journaliste conservateur Saint-Marc Girardin le 8 dรฉcembre 1831) pour tous les rรฉpublicains du 19รจme siรจcle et plus tard pour la gauche franรงaise, elle est la colline qui incarne la lutte du peuple contre les inรฉgalitรฉs sociales et qui rรฉclame vouloir ยซ vivre en travaillant ou mourir en combattant ยป (infra : III. 2. La Croix-Rousse, ville de la soie).
La Croix-Rousse, ville de la soie
La soie a fait la rรฉputation de la ville de Lyon. Intimement liรฉe ร son histoire, la soierie lyonnaise a jouรฉ un rรดle considรฉrable dans le dรฉveloppement de la ville comme dans celui de la rรฉgion Rhรดne-Alpes. Les tissus fabriquรฉs dans le quartier de la Croix-Rousse, mais aussi ร Saint-Jean ou ร Saint Paul, habillaient les plus puissants et dรฉcoraient de nombreux palais.
La soie a vu le jour 20 siรจcles avant Jรฉsus-Christ en Chine, qui garda jalousement le secret de sa fabrication pendant 2 siรจcles. Il sโagissait dโune matiรจre prรฉcieuse, au 1er siรจcle de notre รจre, un kilogramme de soie valait son รฉquivalent en or. Cโest grรขce ร une technique dโespionnage industriel que lโempereur byzantin Justinien vola aux Chinois le secret de fabrication de la soie. Finalement, lโรฉlevage des vers ร soie se dรฉveloppa en France ร partir du 15รจme siรจcle. ร cette รฉpoque, Lyon รฉtait dรฉjร un carrefour international, commercial et intellectuel. A partir de 1450, grรขce ร ses quatre foires annuelles, qui attiraient de nombreux drapiers et merciers, la ville de Lyon dรฉtint le monopole national du commerce de la soie, ce qui la rendit encore plus incontournable. En 1466, afin de limiter les importations de soierie qui coรปtaient trop cher au royaume, le roi Louis XI dรฉcida de crรฉer une manufacture royale. Il fit venir d’Italie matรฉriel, maรฎtres et ouvriers expรฉrimentรฉs, ร qui il offrit des avantages fiscaux importants. Mais les consuls prรฉfรฉrรจrent favoriser le commerce en demeurant des marchands et en vendant ร la noblesse des soieries importรฉes. Le roi renonรงa donc ร cette entreprise. Ce fut ainsi la ville de Tours qui accueillit la premiรจre manufacture franรงaise de soierie.
Cโest sous le rรจgne de Franรงois Ier que la soierie lyonnaise connu son vรฉritable essor. En effet, en 1528, Etienne Turquet, entrepreneur lombard installรฉ ร Lyon, obtint des privilรจges royaux pour la fabrication de tissus de soie, d’or et d’argent, ainsi que la suppression des charges pour les ouvriers รฉtrangers qui venaient s’รฉtablir ร Lyon. D’autres suivirent rapidement son exemple en installant des ateliers de tissage dans la ville. En 1540, Lyon obtint le monopole de l’importation en France de soie grรจge (ou fil de soie).
En 1554, on pouvait compter au moins 12 000 personnes vivant du tissage au sein de la ยซ Manufacture Lyonnaise ยป. Il s’agissait de petits ateliers indรฉpendants, aux mains d’artisans, implantรฉs dans la Presquโรฎle lyonnaise et dans les quartiers situรฉs en bord de Saรดne. Ils travaillaient essentiellement pour l’รฉglise, l’armรฉe et la royautรฉ.
Trรจs vite, les artisans tisseurs s’organisรจrent et, dรจs 1596, dรฉfinirent des rรจgles strictes sur les modalitรฉs d’entrรฉe et de sortie dans la profession. Ainsi, la commercialisation des piรจces de soie fut rรฉservรฉe aux maรฎtres, et le compagnonnage et l’apprentissage furent mis en place. Ce dernier s’รฉtendait sur cinq annรฉes et รฉtait encadrรฉ par un contrat d’apprentissage signรฉ devant notaire. On devenait apprenti, en principe, dรจs l’รขge de 13 ans, sans salaire. La famille de lโapprenti devait rรฉgler des frais dโapprentissage au maรฎtre qui, de son cรดtรฉ, ne pouvait accueillir plus de deux apprentis. Cรฉlibataire, lโapprenti รฉtait logรฉ, nourri, chauffรฉ et รฉclairรฉ par son maรฎtre. Son apprentissage รฉtait sanctionnรฉ par un examen qui, une fois rรฉussi, lui permettait de s’inscrire au registre des compagnons pour une durรฉe de cinq ans. ร partir de 1686, le compagnon devait rรฉaliser un chef d’oeuvre pour devenir maรฎtre ร son tour.
Vers la seconde moitiรฉ du 17รจme siรจcle, la France dut faire face ร une forte concurrence due ร lโimportation de toiles peintes importรฉes par la Compagnie des Indes. En rรฉaction, Colbert, alors surintendant des bรขtiments et manufactures de Louis XIV, รฉtablit, en 1667, le rรจglement de la Grande Fabrique Lyonnaise, qui regroupait alors lโensemble des corporations travaillant le tissu. Lโobjectif รฉtait dโatteindre une qualitรฉ irrรฉprochable afin lutter contre la concurrence.
En 1621, la Fabrique Lyonnaise comptait prรจs de 1 700 maรฎtres ouvriers. En 1660, ils รฉtaient plus de 3 000, ร faire travailler 10 000 mรฉtiers. L’activitรฉ fut de nouveau multipliรฉe par 3 entre 1665 et 1690. De somptueuses รฉtoffes รฉtaient rรฉalisรฉes ร Lyon pour les princes de la cour ou l’amรฉnagement des diffรฉrentes demeures royales. Pourtant, en 1685, avec la rรฉvocation de l’Edit de Nantes, de trรจs nombreux soyeux12 protestants s’exilรจrent, se rรฉfugiant en Suisse et ร Londres notamment. Le nombre de mรฉtiers tomba alors ร moins de 2 000.
Cโest au dรฉbut du 19รจme siรจcle, avec l’avรจnement du mรฉtier Jacquard, que les tisseurs se dรฉplacรจrent vers le quartier de la Croix-Rousse, alors commune indรฉpendante. En effet, la soierie avait besoin d’espace. L’arrivรฉe des mรฉtiers ร tisser Jacquard, de grande taille, modifia profondรฉment le travail des tisseurs, mais รฉgalement leur mode de vie. Ils ne pouvaient plus vivre dans leurs ateliers du centre-ville, de Saint-Jean ou de Saint Paul. En revanche, les couvents de la Croix-Rousse, aux trรจs hauts plafonds, pouvaient hรฉberger sans problรจme les mรฉcaniques des mรฉtiers qui atteignaient prรจs de 4 mรจtres de hauteur. Certains lyonnais quittรจrent donc la ville pour le faubourg de la Croix-Rousse. Des tisseurs venus de toute la rรฉgion s’installรจrent dans ce quartier, attirรฉs par les avantages fiscaux en vigueur comme la rรฉduction de l’impรดt foncier et de la contribution mobiliรจre, ou l’absence de droits d’octroi. Il fallut construire de nouveaux immeubles susceptibles d’accueillir leurs imposantes machines. De solides escaliers de pierre desservaient les รฉtages, les fenรชtres รฉtaient deux fois plus hautes que larges. ร l’intรฉrieur, le sol รฉtait pavรฉ de carreaux de terre cuite non vernis, et au plafond les poutres รฉtaient apparentes et permettaient de caler les mรฉtiers. La Croix-Rousse, quartier en hauteur, donc ร l’abri des inondations, proposait, entre autres, des loyers moins รฉlevรฉs que la Presqu’รle. Les canuts furent considรฉrรฉs comme les maรฎtres de ce quartier pendant prรจs d’un siรจcle.
Le maรฎtre tisseur possรฉdait son atelier et son matรฉriel. Sa femme travaillait avec lui et il avait gรฉnรฉralement sous ses ordres un ou deux compagnons qu’il logeait. Il formait รฉgalement un ou deux apprentis. Les journรฉes de travail รฉtaient trรจs longues, elles atteignaient parfois 16h sur 6 jours consรฉcutifs. Il n’y avait pas de dissociation entre la vie familiale et professionnelle, l’atelier servant aussi de logement. Deux tiers de la surface du logement รฉtaient consacrรฉs ร l’atelier et un tiers ร la vie familiale. En bas se trouvait l’atelier, la chambre des maรฎtres, la cuisine et la souillarde ; en haut, en soupente, le lieu de couchage du compagnon. Un gros poรชle ร charbon chauffait l’ensemble. Dans chaque immeuble, plusieurs ateliers รฉtaient installรฉs, entraรฎnant des relations de voisinage qui renforรงaient le sentiment d’appartenir ร une mรชme communautรฉ. Ainsi, tout le monde se connaissait. Il existait une sorte de solidaritรฉ entre les canuts, mรชlรฉe ร une certaine mรฉfiance. Chaque atelier gardait jalousement ses secrets de fabrication mais parallรจlement, les canuts n’hรฉsitaient pas ร se prรชter un dessin, ร s’associer en coopรฉrative pour rรฉduire les frais ou ร s’unir lorsqu’il s’agissait de faire respecter les prix.
Prunelle sโenfuit. Cette rรฉvolte fit grand bruit ร Paris, et le 3 dรฉcembre, le duc dโOrlรฉans, fils du roi Louis-Philippe, et le Marรฉchal Soult se rendirent ร Lyon. Le tarif fut annulรฉ, le prรฉfet destituรฉ, et 90 ouvriers furent arrรชtรฉs (et finalement acquittรฉs). Une importante garnison fut installรฉe dans la ville, la rรฉvolte des ouvriers se solda par un รฉchec.
En 1834, eut lieu une seconde insurrection des canuts. Le nouveau prรฉfet, Adrien de Gasparin, dรฉclara le tarif illรฉgal mais prit nรฉanmoins des mesures sociales favorables : un cours fixe qui rรฉgit les prix entre tisseurs et fabricants, et une caisse de prรชt pour les maรฎtres tisseurs mariรฉs. La conjoncture รฉconomique รฉtait ร nouveau bonne, l’industrie de la soie se portait bien. Malgrรฉ tout, le patronat estimait que les salaires des ouvriers รฉtaient encore trop รฉlevรฉs et entreprit de les baisser. En fรฉvrier 1834, les canuts lancรจrent une grรจve gรฉnรฉrale : plusieurs dirigeants dโassociations mutuelles ouvriรจres furent arrรชtรฉs. Lโรฉvรจnement effraya les autoritรฉs qui firent voter ร Paris une loi contre les associations le 9 avril 1834. La rรฉvolte รฉclata alors chez les canuts. Dans les quartiers de la Croix-Rousse, de la rive droite de la Saรดne et du centre sud de la Presquโรฎle, des milliers dโouvriers de la soie se soulevรจrent. Lโarmรฉe, dirigรฉe par le ministre de lโintรฉrieur, Adolphe Thiers, fit mine dโabandonner la ville aux insurgรฉs mais passa ร lโoffensive du 11 au 15 avril : la rรฉpression fut qualifiรฉe de ยซ sanglante semaine ยป et fit plus de 600 victimes. 10 000 insurgรฉs furent faits prisonniers afin dโรชtre jugรฉs ร Paris et condamnรฉs ร la dรฉportation ou ร de lourdes peines de prison.
En 1848 et 1849, la sociรฉtรฉ des ยซ Voraces ยป, des canuts rรฉpublicains armรฉs de la Croix-Rousse, mรชlรจrent ร nouveau les tisseurs ร une insurrection. Le 24 fรฉvrier 1848, Louis-Philippe abdiqua, mettant fin ร la monarchie de Juillet. La seconde Rรฉpublique fut proclamรฉe. Sโensuit ร Lyon une pรฉriode de chรดmage parmi les canuts : les ouvriers non lyonnais, majoritairement savoyards, furent invitรฉs ร rentrer dans leur pays dโorigineโฆ en รฉchange dโun ยซ secours de route et dโun passeport gratuit ยป. La sociรฉtรฉ des Voraces se rallia aux Savoyards de Lyon et, rapidement, forma le projet dโenvahir la Savoie et dโy implanter la rรฉpublique. Le 29 mai, dans une ambiance rรฉvolutionnaire, 1500 personnes โ 200 voraces et 1 tiers des Savoyards de Lyon โ prรฉparรจrent le dรฉpart place Bellecour, acclamรฉs par une foule importante. La troupe faiblement armรฉe prit Chambรฉry le 3 avril : elle occupa le chรขteau, la mairie et proclama une rรฉpublique qui ne dura quโune journรฉe. Les Voraces et les Savoyards de Lyon furent mis en รฉchec. Le 15 juin 1849, ร lโoccasion de la rumeur dโun soulรจvement des rรฉpublicains ร Paris, les Voraces tentรจrent une nouvelle insurrection. Circonscrite ร la Croix-Rousse, elle fut violemment rรฉprimรฉe par lโarmรฉe. Cโest lร quโentre en jeu le tรฉmoignage de cette rรฉvolte de Pierre Joseph DELASTRE, lโancรชtre dont jโai choisi de faire lโarbre gรฉnรฉalogique (infra IV. 3. Pierre Joseph DELASTRE et Marguerite AUDIBERT).
Ascendance et descendance de Pierre Joseph DELASTRE
Notre voyage dans le temps dรฉbute dans le petit village de Serriรจres-de-Briord situรฉ dans le dรฉpartement de lโAin, entre les confins mรฉridionaux du massif du Jura et le Rhรดne, ร รฉgale distance de Lyon et de Bourg-en-Bresse (60 km). Le cadre naturel entre la montagne (roches de la Craz et le Fort), la riviรจre (Pernaz) et le fleuve (Rhรดne) a favorisรฉ le dรฉveloppement de ce village et lui a donnรฉ son nom (ยซ ser ยป = serrure).
Petite commune dโune superficie de 8,03 kmยฒ, Serriรจres-de-Briord comptait, ร la fin du 18รจme siรจcle, environ 500 habitants. Dรจs lโรฉpoque romaine, la vie รฉconomique du village sโest basรฉe sur lโexploitation des carriรจres de pierre calcaire, la viticulture, le transport fluvial de pierres et de vin et les adductions dโeau.
Au 19รจme siรจcle et au cours de la premiรจre moitiรฉ du 20รจme, il existait plusieurs entreprises trรจs actives qui ont aujourdโhui disparu :
โข Extraction du minerai de fer de 1858-1888 (crรฉation du chemin de la Craz),
โข Exploitation de plusieurs usines de tissage de la soie par des fabricants dโรฉtoffe de soie de Lyon qui trouvaient dans la rรฉgion de lโAin la main dโoeuvre nรฉcessaire,
โข Fabrication de casses dโimprimerie, alimentรฉe par lโรฉnergie du canal de la Pernaz,
โข Carriรจre de Gras sur la route de Bรฉnonces,
โข Scieries.
Tout au long de mes recherches, notamment dans la lecture des diffรฉrents registres dโรฉtat civil, je remarque que le nom et la signature de Pierre DELASTRE reviennent frรฉquemment. En effet, durant ses jeunes annรฉes, Pierre DELASTRE fut dรฉsignรฉ parrain de nombreux enfants. Je me suis alors interrogรฉe sur lโimportance de cet homme dans le village. Dรฉsignรฉ comme รฉtant ยซ Sieur Bourgeois de Serriรจres ยป dans lโacte de naissance de ses enfants, jโen ai conclu quโayant dรฉbutรฉ comme simple marchand, son entreprise a dรป prospรฉrer au fil des annรฉes, faisant de lui un homme riche et respectรฉ.
A lโรฉpoque de lโancien rรฉgime, la sociรฉtรฉ รฉtait divisรฉe en trois groupes : le Clergรฉ, les Nobles et le Tiers-Etat. Le Tiers-Etat รฉtait un groupe assez hรฉtรฉrogรจne dans lequel il รฉtait possible de constater plusieurs inรฉgalitรฉs de richesses et diffรฉrentes activitรฉs pratiquรฉes par ses membres et allant des travaux manuels aux activitรฉs financiรจres et intellectuelles. On pouvait diffรฉrencier ceux que lโon appelait les ยซ bourgeois ยป, des catรฉgories populaires comme les paysans. Il existait plusieurs types de bourgeois :
โข La bourgeoisie administrative : prestigieuse car travaillant avec les nobles ร lโadministration de la ville ou de la royautรฉ (magistrats, juges, huissiers, avocatsโฆ),
โข La bourgeoisie de finance : moins prestigieuse car nโรฉtant pas directement au service du roi et peu apprรฉciรฉe de la population car elle รฉtait chargรฉe du prรฉlรจvement des impรดts,
โข La bourgeoisie marchande : nโรฉtait pas au service du roi, il sโagissait dโentrepreneurs privรฉs qui faisaient commerce. Certains membres qui pratiquaient le commerce international รฉtaient parfois plus riches que la bourgeoisie administrative ou de finance,
โข La bourgeoisie propriรฉtaire : vivait des rentes de ses propriรฉtรฉs en spรฉculant ou louant ses terres.
Pierre DELASTRE ayant tout dโabord รฉtรฉ simple marchand, on peut supposer quโil faisait partie de la catรฉgorie de la bourgeoisie marchande. On constate รฉgalement, grรขce ร une archive familiale prรฉsentรฉe ci-aprรจs, que Pierre DELASTRE รฉtait assez riche pour prรชter de lโargent. Il sโagit en effet dโun acte de prรชt passรฉ devant notaire, datรฉ du 13 fรฉvrier 1774, par le Sieur Pierre Delastre ร Monsieur Marin Rey Pilod, de la somme de 25 livres et 10 sols.
Dans le recensement de population de Lyon de 183668, on retrouve Pierre Joseph DELASTRE รขgรฉ de 34 ans dans le recensement (en rรฉalitรฉ รขgรฉ de 36 ans), ouvrier tisseur de soie, ainsi que sa femme Marguerite AUDIBERT, รขgรฉe de 28 ans, exerรงant le mรชme mรฉtier, et leurs deux enfants : Auguste (nommรฉ dans son acte de naissance Etienne Auguste) รขgรฉ de 7 ans et Tony (nommรฉ Antoine dans son acte de naissance, il sโagit vraisemblablement de son surnom) รขgรฉ de 4 ans et demi. La famille accueillait รฉgalement chez eux une employรฉe tisseuse en soie du nom de Marie VALEN.
Les appartements de la Croix-Rousse รฉtaient structurรฉs de faรงon ร y installer un mรฉtier ร tisser Jacquard, un outil trรจs imposant qui nรฉcessitait dโรชtre placรฉ dans un vaste espace avec de hauts plafonds et de grandes fenรชtres afin dโavoir un maximum de luminositรฉ. Les canuts, comme Pierre Joseph et Marguerite pouvaient ainsi travailler directement ร leur domicile.
Les canuts, mal exploitรฉs, commencรจrent ร se rรฉvolter en 1831 et en 1832. Aprรจs une apparente pรฉriode dโaccalmie, les rรฉvoltes reprirent en 1848 et 1849. Cโest lร que les รฉcrits de Pierre Joseph DELASTRE, dans son petit cahier de notes vert69, qui nous a รฉtรฉ transmis de gรฉnรฉration en gรฉnรฉration, rรฉvรจle toute son importance. On y apprend quelques dรฉtails non nรฉgligeables sur le dรฉroulement de la rรฉvolte, mais aussi sur les traits de caractรจres de lโauteur de ce rรฉcit et sur sa vie. En juin 1849, รขgรฉ de 50 ans, il รฉtait affligรฉ dโune grande surditรฉ. Cโest plusieurs annรฉes aprรจs les faits quโil prendra la dรฉcision de poser ses souvenirs ร lโรฉcrit. Dans ses notes, il nous dรฉcrit avec dรฉtail son vรฉcu et son ressenti durant cette journรฉe de rรฉvolte et son arrestation. Il semblait dโun caractรจre paisible et ne paraissait pas รชtre un meneur dans cette rรฉvolte.
Son rรฉcit dรฉbute au matin du 18 juin 1849 (sa mรฉmoire a dรป lui jouer des tours car la rรฉvolte a eu lieu le 15 juin 1849, mais soyons indulgents, ร lโรฉpoque il nโy avait pas internet pour se souvenir des dates historiques). Les Voraces croix-roussiens dรฉclenchaient une violente insurrection contre le pouvoir de la 2รจme Rรฉpublique dont, ร Paris, les amis de lโOrdre venaient de prendre le contrรดle. LโHistoire affirme que le Gรฉnรฉral Magnan aurait rรฉtabli lโordre ร Lyon 24h aprรจs le dรฉbut de la rรฉvolte. Le rรฉcit de Pierre Joseph DELASTRE nous permet de nuancer cette affirmation. Il affirme nโavoir pris aucune part ร cette rรฉvolte et dโavoir รฉtรฉ injustement arrรชtรฉ avec ses deux fils, รขgรฉs respectivement de 20 et 17 ans.
Pierre Joseph DELASTRE rรฉsidait avec sa famille juste en face de la grande place de la Croix-Rousse. Ce jour-lร , levรฉ dรจs 3 ou 4 heures du matin, il remarqua que les portes de plusieurs cafรฉs et cabarets, dans lesquels se rรฉunissaient certaines sociรฉtรฉs dโouvriers, รฉtaient dรฉjร ouvertes. Des hommes de tout รขge y entraient et en sortaient continuellement. Dโautres groupes de personnes discutaient sur la place et semblaient prรฉoccupรฉes.
Vers 6 heures du matin, Pierre Joseph parti assister ร la premiรจre messe de la journรฉe. A son retour, il aperรงut de jeunes ouvriers sortir des maisons, armรฉs, sโefforรงant de cacher leur arme sous leur blouse. Pierre Joseph prรฉcise quโils semblaient รชtre de jeunes chefs dโatelier de la Croix-Rousse. Une forte barricade avait รฉtรฉ construite au bout de la rue Calas. De nombreuses personnes se rรฉunissaient sur la place de la Croix-Rousse, une รฉmeute grondait. Pierre Joseph se pressa de rentrer chez lui.
Il est 9 heures du matin, les insurgรฉs, pour la majoritรฉ sans arme et mal vรชtus, formรจrent deux fils et traversรจrent la place en rasant les maisons. Dans leur rang on retrouvait de jeunes gens portant lโuniforme de lโรฉcole vรฉtรฉrinaire, ainsi que quelques uniformes dโinfanterie de ligne, mais ces derniers paraissaient ivres. Arrivรฉs sur la place de la mairie, des coups de feu furent tirรฉs par une petite caserne se trouvant au-dessus du mur dโenceinte de Lyon. Les insurgรฉs prirent la fuite et construisirent des barricades en diffรฉrents endroits de la ville. Les boutiques et les habitants sโempressรจrent de fermer leurs portes et de se mettre ร lโabri. Quelques minutes plus tard, une vive fusillade se fit entendre, puis enfin le bruit terrible du canon qui fit se briser toutes les vitres du voisinage. Craignant dโรชtre touchรฉ par une balle ou un boulet de canon, Pierre Joseph, sa femme et ses deux fils se rรฉfugiรจrent sous lโescalier de la maison, puis dans lโappartement dโun voisin qui ne donnait pas sur la rue. Cโest dans lโappartement de ce voisin, oรน une douzaine de personnes sโรฉtait rรฉfugiรฉe, quโun capitaine entra accompagnรฉ dโune petite troupe de soldats. Il les accusa dโavoir tirรฉ sur les militaires qui se trouvaient sur la place par les croisรฉes de la maison de Pierre Joseph. Les soldats les firent sortir de lโappartement alors que le bruit des fusils se faisait encore entendre. Ils furent placรฉs dans une allรฉe le temps que la rรฉvolte cesse. Pierre Joseph nous expose alors ses craintes pour son mรฉtier ร tisser et ses avoirs, trรจs exposรฉs aux coups de canons et de fusils. Autour de lui, les soldats รฉtaient รฉpuisรฉs, certaines jeunes filles sanglotaient, des hommes arrรชtรฉs arrivaient dans un รฉtat pitoyable, leurs chemises dรฉchirรฉes. A lโextรฉrieur, il pouvait apercevoir au sol un cheval, qui paraissait mort mais qui tressaillait ร chaque coup de canon.
Cโest seulement vers les 5 ou 6 heures de lโaprรจs-midi que les prisonniers furent rรฉunis dans la rue et que lโont permis aux femmes et aux enfants de se retirer. Les hommes furent menรฉs ร la caserne des Bernardines. Pierre Joseph put constater sur le trajet les y menant les dรฉgรขts causรฉs par la rรฉvolte. Les faรงades des maisons รฉtaient criblรฉes de balles, plusieurs avaient รฉtรฉ percรฉes ou labourรฉes par des boulets de canon. On pouvait voir les rideaux dรฉchirรฉs qui flottaient au dehors, au travers des croisรฉes dont les vitres avaient รฉtรฉ brisรฉes. Les dรฉbris de verre se mรชlaient au sang de ceux qui avaient รฉtรฉ blessรฉs durant la bataille. Les prisonniers furent emprisonnรฉs, sans jugement, et dรฉplacรฉs dans plusieurs prisons diffรฉrentes au cours des 5 jours qui suivirent. Les conditions de dรฉtention รฉtaient รฉpouvantables, dans le noir, sans mรชme un peu de paille pour pouvoir sโallonger, ร peine un peu dโeau pour รฉpancher sa soif. Les prisonniers eurent la possibilitรฉ de correspondre avec leurs proches par le soupirail de leur cellule. Aprรจs 3 jours de sรฉparation, Marguerite AUDIBERT fut enfin prรฉvenu du lieu oรน รฉtait emprisonnรฉ son mari ainsi que ses deux fils. Elle fit passer ร son รฉpoux une piรจce de cinq francs afin quโil puisse subvenir ร ses besoins le temps de sa dรฉtention. Elle put รฉgalement lui faire parvenir du linge propre. Les dรฉtenus eurent la visite dโun groupe de soeurs qui leurs apportรจrent de la soupe, ainsi que la visite dโecclรฉsiastiques qui leur donnรจrent des livres et leur procurรจrent des paroles de paix. Certains ecclรฉsiastiques leur offrirent mรชme une piรจce de 5 francs ou de 20 francs. La dรฉlivrance de Pierre Joseph et ses deux fils se fit le cinquiรจme jour de leur dรฉtention grรขce aux dรฉmarches incessantes de plusieurs personnes complaisantes et de sa femme. Enfin chez eux, les trois hommes ont pu dรฉcouvrir les dรฉgรขts de cette ยซ courte guerre ยป dans leur logis. Dans leur atelier, une balle, tirรฉe de la rue, avait pรฉnรฉtrรฉ par ricochet dans la mรฉcanique jacquart dโun mรฉtier et y avait fait des dรฉgรขts pour 12 ou 15 francs. Dโautres balles avaient dรฉchirรฉ des linges dans leur garde-robe et des portes. La faรงade รฉtait criblรฉe par les balles, un boulet avait traversรฉ une poutre de lโappartement au 3รจme รฉtage et y avait mis le feu. Un vol avait รฉtรฉ commis chez un locataire du 1er รฉtage.
Tout au long de son rรฉcit on constate que le caractรจre pieux et paisible de Pierre Joseph DELASTRE lui ont permis de garder son sang-froid durant cette รฉpreuve qui a touchรฉ tous les Croix-Roussiens.
Pierre Joseph DELASTRE et Marguerite AUDIBERT apprirent ร leurs enfants le mรฉtier de tisseur. Etienne Auguste, lโaรฎnรฉ, en fit son mรฉtier. Il se maria avant lโรขge de 24 ans (รขge auquel il a eu son 1er enfant) avec Franรงoise CHAURION. Antoine, quant ร lui, devint commis et demeura chez ses parents jusquโau dรฉcรจs de son pรจre le 3 juin 185870 ร son domicile, 4 et 5 grande place ร Lyon 4รจme (Rhรดne) au deuxiรจme รฉtage. Pierre Joseph DELASTRE mourut 1 an avant son propre pรจre, ร lโรขge de 59 ans, et exerรงait toujours le mรฉtier de tisseur.
Marguerite AUDIBERT continua le mรฉtier de tisseuse de nombreuses annรฉes aprรจs le dรฉcรจs de son mari. On la retrouve notamment dans le recensement de population de 187271 ร Lyon, domiciliรฉe grande place de la Croix-Rousse, en compagnie de 3 jeunes tisseurs : Julie JACQUET (27 ans), Franรงois DANGUIN (24 ans) et Marie DEFONDON (21 ans).
Vers la fin de sa vie, elle partit habiter chez son fils cadet Antoine, sa belle-fille et ses petits-enfants, 17 place de la Croix Rousse ร Lyon 4รจme, oรน elle dรฉcรฉdera le 20 dรฉcembre 188572. Elle avait 78 ans.
Mais la cohabitation entre Louis et son beau-pรจre fut difficile. En effet, Paul HENRY avait une trรจs forte personnalitรฉ et un caractรจre bouillant. Marguerite souffrit beaucoup de cette situation. Dโautant plus quโelle perdit son fils Paul, alors quโil รฉtait รขgรฉ de 12 ans106 (vers 1922). Les soucis et la perte de son enfant furent probablement la cause de son ulcรจre ร lโestomac dont elle fut opรฉrรฉe vers lโรขge de 40 ans. Elle eut รฉgalement un cancer du sein, et dรป subir une ablation des deux seins. Ces รฉpreuves lui firent perdre sa belle voix, et ses cheveux blanchirent trรจs vite. Il paraรฎt quโelle รฉtait dรฉjร blanche ร lโรขge de 30 ans, mais sur la photo ci-dessus, la plus jeune de ses filles, Madeleine, doit avoir environ 3 ans. Marguerite HENRY doit donc รชtre รขgรฉ de 31 ans environ. Il est donc probable quโelle ait vu ses cheveux blanchirent complรจtement vers lโรขge de 40 ans. Sa petite-fille, Marie-Claude BRULร รฉpouse RICADAT, se souvient que sa grand-mรจre nโรฉtait plus que lโombre dโelle-mรชme, et quโelle lโa toujours connue souffrante.
106 Il est dรฉcรฉdรฉ alors quโils habitaient ร Marcigny, les archives dโรฉtat civil ne sont numรฉrisรฉes que jusquโen 1902 donc je devrai me contenter du tรฉmoignage de ma grand-mรจre (Paul Emile DELASTRE รฉtait son oncle).
La famille DELASTRE habitera plusieurs annรฉes rue de la Paillebotte ร Marcigny (Saรดne-et-Loire) dans la maison de Paul HENRY (maison qui appartient aujourdโhui encore aux descendants de la famille HENRY). En effet, on retrouve Louis Susanne DELASTRE et Marguerite HENRY avec leurs enfants et Paul HENRY, ainsi quโune domestique, rue de la Paillebotte ร Marcigny (Saรดne-et-Loire) dans les recensements de population de 1926107,1931108 et 1936109. Marie-Claude BRULร รฉpouse RICADAT, dont la ยซ Paillebotte ยป รฉtait la maison de vacances, nous la dรฉcrit avec dรฉtail. Il sโagissait dโune belle et vaste maison ancienne situรฉe ร cรดtรฉ de la poterie HENRY. Devant ยซ La Paillebotte ยป se trouvait une grande cour avec deux gros tilleuls, sur laquelle donnaient des dรฉpendances : รฉcuries, grangeโฆ Derriรจre, il y avait un immense jardin avec une vaste pelouse et un sapin, une allรฉe de noisetiers et de lilas, un potager, un verger, des fleursโฆ et des lapins. Cโรฉtait un vrai paradis pour petits et grands.
Marie Thรฉrรจse DELASTRE รฉpouse BRULร
Fille aรฎnรฉe de Louis Susanne DELASTRE, alors professeur de piano, et de Marguerite HENRY, Marie Thรฉrรจse DELASTRE est nรฉe le 16 mars 1906112 chez ses parents au 83 boulevard de la Croix-Rousse ร Lyon. Aprรจs avoir vรฉcu une partie de son enfance ร Lyon avec son frรจre et ses soeurs, elle partit vivre avec sa famille ร Marcigny (Saรดne-et-Loire), ville natale de sa mรจre, avant lโรขge de 10 ans. Elle fut mise en pension ร Cuisery (Saรดne-et-Loire) ร 15 ans environ pour ses รฉtudes113. En effet, on constate sur le recensement de population de Marcigny de 1921114 que Marie Thรฉrรจse DELASTRE nโy figure pas avec le reste de sa famille. On la retrouve cependant de nouveau sur le recensement de population de 1926115, mais cette fois-ci on ne retrouve pas sa petite soeur Madeleine qui, comme Marie Thรฉrรจse avant elle, a รฉtรฉ mise en pension vers lโรขge de 14 ans.
Marie Thรฉrรจse DELASTRE mesurait 1m65, les cheveux chรขtains et le teint clair. Sa fille Marie-Claude BRULร รฉpouse RICADAT la dรฉcrit comme รฉtant une femme รฉlรฉgante et distinguรฉe, avec un air ร la fois doux et mรฉlancolique. Trรจs timide et rรฉservรฉe, Marie Thรฉrรจse parlait peu mais elle demeurait tout de mรชme intimidante aux yeux de ses enfants. Ses รฉtudes en pension lui permirent de passer le brevet supรฉrieur. Son pรจre, ancien professeur de piano, lui a appris ร en jouer. Elle savait รฉgalement coudre et peindre des aquarelles.
Alors que Marie Thรฉrรจse รฉtait รขgรฉe dโune vingtaine dโannรฉes, Charles SIGNARGOUT, une connaissance de la famille DELASTRE, sโรฉtait mis en tรชte de marier son neveu et filleul, Charles BRULร, avec lโune des trois filles DELASTRE. On proposa alors ร Marie Thรฉrรจse de correspondre avec ce jeune inconnu afin quโils fassent plus ample connaissance.
Charles Pierre BRULร รฉtait le fils de Louis Alexandre BRULร, cocher, et Marie PARIZET, domestique. Il est nรฉ le 14 octobre 1895116 ร lโHรดpital Beaujon, 208 rue du faubourg Saint Honorรฉ ร Paris 8รจme. Charles BRULร รฉtait un homme de petite taille (1m59 ร lโรขge de 19 ans, taille inscrite sur son registre matricule) les cheveux chรขtains, les yeux marrons. Trรจs bon รฉlรจve, il passa son baccalaurรฉat de Latin-Grec-Philosophie ร Paris en 1913 et fut reรงu avec mention. Son registre matricule119 fait dโailleurs mention dโun degrรฉ dโรฉducation de niveau 5 (le plus haut degrรฉ dโรฉducation). Aprรจs lโobtention de son baccalaurรฉat, il travailla quelques temps en tant quโemployรฉ de banque ร Bourges. Mais la guerre รฉclata en aoรปt 1914. Marie-Claude BRULร รฉpouse RICADAT raconte que son pรจre, Charles BRULร, aurait devancรฉ lโappel (mais cela nโest pas inscrit dans son registre matricule comme cela devrait lโรชtre dans ce cas). Alors quโon lui faisait miroiter un dรฉpart en Turquie, la rรฉalitรฉ fut toute autre, on lโenvoya dans les tranchรฉes en France oรน il fut fait prisonnier ร Verdun en 1916 aprรจs avoir รฉtรฉ enfoui sous terre par une explosion dโobus sans รชtre blessรฉ. Le Caporal BRULร (nommรฉ le 5 mai 1915120) fut dรฉclarรฉ disparu le 8 mars 1916 et ne fut dรฉclarรฉ prisonnier que 6 mois plus tard le 6 septembre 1916 dans le camp de Stralkovo (ร lโรฉpoque territoire Allemand mais aujourdโhui situรฉ en Pologne)121. Il fut envoyรฉ dans une ferme Polonaise. Les gens รฉtaient sympathiques et le traitaient bien. Il sโy cassa le bras, et mal soignรฉ, garda un bras abรฎmรฉ. Il fut rapatriรฉ en France le 26 dรฉcembre 1918.
Sans nouvelles de ses proches, cโest en rentrant chez lui quโil apprit la mort de sa mรจre de la grippe espagnole et le mariage de sa soeur. Pour tous ces jeunes soldats qui rentraient de guerre aprรจs 4 ans de service, lโEtat organisa des cours accรฉlรฉrรฉs pour ceux qui le dรฉsiraient, et dont bรฉnรฉficia Charles BRULร. Il put donc entrer ร lโEcole des Hautes Etudes Commerciales et pu ainsi obtenir son diplรดme en 1 an. Aprรจs plusieurs stages, dont lโun ร Longwy, il trouva du travail ร DAVUM EXPORTATION qui lui proposa de partir aux Indes et de devenir ยซ marchand de fer ยป123. Cโest ainsi quโil prit le bateau en fรฉvrier 1924, ร lโรขge de 28 ans, il y restera 3 ans. Cโest ร cette รฉpoque quโil dรฉbutera ses รฉchanges รฉpistolaires avec la jeune Marie Thรฉrรจse DELASTRE. Il garda dโailleurs pieusement ces lettres dans un coffret fermรฉ ร clef jusquโร sa mort124. A son retour des Indes, Charles BRULร et Marie Thรฉrรจse DELASTRE purent enfin se rencontrer et ne furent sans doute pas dรฉรงus lโun de lโautre puisquโils se mariรจrent le 12 aoรปt 1930125 ร Marcigny (Saรดne-et-Loire).
Aprรจs leur mariage, le jeune couple sโinstalla ร Paris 19 รจme, 54 avenue Simon Bolivar. On les retrouve tous les deux dans le recensement de population de 1931 avec une jeune domestique polonaise. Marie Thรฉrรจse รฉtait alors enceinte de son premier enfant.
Elle donna naissance le 16 juin 1931127 ร une petite fille quโils appelรจrent Marie-Claude. Marie Thรฉrรจse accoucha dans une maternitรฉ du 12รจme arrondissement de Paris. Premiรจre petite fille de chaque famille, Marie-Claude fut gรขtรฉe et choyรฉe.
Enceinte de son deuxiรจme enfant et demeurant sรปrement seule ร Paris alors que son รฉpoux devait รชtre en dรฉplacement ร lโรฉtranger, Marie Thรฉrรจse DELASTRE partit sโinstaller chez ses parents ร Marcigny en prรฉvision de son accouchement. Elle donna naissance ร Jean-Paul Louis le 10 aoรปt 1932128. Malheureusement, lโenfant ne vรฉcut que 10 mois et dรฉcรฉda le 20 juin 1933129. Marie Thรฉrรจse fut effondrรฉe par la perte de son fils. Elle commenรงa ร avoir des tendances dรฉpressives, rรฉsultat sans doute dรป en amont ร une enfance attristรฉe par la perte de son jeune frรจre, et par la santรฉ dรฉficiente de sa mรจre.
Le 2 mai 1935130, Marie Thรฉrรจse donna naissance ร sa deuxiรจme fille ร Paris 19รจme qui reรงut les prรฉnoms de Geneviรจve Marie Pauline.
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Table des matiรจres
Prologueย
Prรฉambuleย
Introductionย
I. Mรฉthodologieย
II. Anthroponymieย
III. Un peu dโHistoireย
1. Bref historique de la Croix-Rousse
2. La Croix-Rousse, ville de la soie
IV. Ascendance et descendance de Pierre Joseph DELASTREย
1. Pierre DELASTRE
2. Etienne Auguste DELASTRE
3. Le couple de rรฉfรฉrence : Pierre Joseph DELASTRE et Marguerite AUDIBERT
4. Antoine DELASTRE
5. Louis Susanne DELASTRE
6. Marie Thรฉrรจse DELASTRE รฉpouse BRULร
V. Epilogue : Marie-Claude BRULร รฉpouse RICADATย
VI. Remerciementsย
VII. Sourcesย
VIII. Annexesย
1. Pierre DELASTRE
2. Etienne Auguste DELASTRE
3. Pierre Joseph DELASTRE
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