Définition
L’athérosclérose est définie par l’Organisation mondiale de la santé depuis 1957 comme « une association variable de remaniements de l’intima des artères, consistant en une accumulation locale de lipides, de complexes glucidiques, de sang et de produits sanguins, de tissus fibreux et de dépôts calciques, l’ensemble associé à des modifications de la média ». Étymologiquement, le terme athérosclérose rend compte des deux composants de la plaque [15]:
– l’athérome (du grec whéré, bouillie) qui est la partie molle, riche en lipides, localisée au centre de la plaque ;
– et la sclérose (du grec skléros, dur) qui forme une chape fibreuse entre l’athérome et les cellules endothéliales tenant lieu d’armature stabilisant la plaque.
L’artériosclérose qui signifie littéralement « durcissement des artères » est un terme générique pour trois affections artérielles qui ont en commun un épaississement et une perte de l’élasticité des parois artérielles. Ces affections regroupent l’athérosclérose qui en est l’aspect le plus important, la médiacalcose de Monckeberg, et l’artériosclérose [15]. La médiacalcose de Monckeberg est caractérisée par des dépôts calcaires dans les artères de taille moyenne des sujets agés de plus de 50 ans. Les calcifications qui parfois progressent vers une véritable ossification métaplasique prennent la forme de plages irrégulières au niveau de la média ou d’anneaux moins visibles ; elles peuvent entraîner une sensation de nodosité à la palpation et sont souvent visibles radiologiquement. Bien que ces lésions du média ne fassent pas saillies dans la lumière vasculaire, les artères peuvent présenter de l’athérosclérose. Les altérations des petites artères et des artérioles ou artériosclérose comprennent deux variétés anatomiques, hyalines et hyperplasique, entraînant un épaississement de la paroi des vaisseaux avec un rétrécissement de la lumière pouvant être la cause de lésions ischémiques par hypodébit. L’artériosclérose est fréquemment associée à l’hypertension artérielle et au diabète[15].
L’intima
La couche interne forme l’interface du sang et de la paroi artérielle. Elle est composés d’une assise unique de cellules endothéliales jointives reposant sur une très fine zone sous-endothéliale dépourvue de cellules, doublée en profondeur par une épaisse lame d’élastine, la limitante élastique interne, qui forme la frontière entre l’intima et le média. Les cellules endothéliales, du fait de leur situation, assurent trois fonctions principales [14].
– L’endothélium est une couche thromborésistante : il maintient la fluidité du sang au contact de la paroi, au travers de diverses activités qui le situent au cœur de toutes les étapes de l’hémostase (temps plaquettaire, coagulation, fibrinolyse).
– L’endothélium est une barrière de perméabilité qui filtre et contrôle la pénétration de composants sanguins (molécules, mais aussi cellules) destinées à nourrir les parties internes de l’artère (endartère) et à en assurer la défense.
– L’endothélium est un régulateur de la vasomotricité artérielle par la sécrétion de substances contractantes (comme l’endothéline ou le thromboxane A2) et relaxantes (comme la prostacycline ou le monoxyde d’azote (NO)) qui agissent sur le muscle de la média sous-jacente. En certains endroits du réseau artériel, la zone sous-endothéliale de l’intima est occupée par une accumulation de cellules musculaires lisses et de matrice conjonctive[14].
Oxydation des LDL
Après leur pénétration, les LDL (Low Density Lipoprotein) subissent une oxydation. Cette transformation constitue une étape pathogénique majeure et probablement indispensable au développement de la plaque. En effet, les LDL oxydés perdent leur aptitude à se lier à leur récepteur spécifique (récepteur aux LDL présent à la surface de toutes les cellules) qui constitue la principale voie d’épuration des LDL natives (LDL non oxydées). Seuls les macrophages pourront capter ces LDL oxydés. Par ailleurs, la présence de LDL oxydés est à l’origine de la sécrétion par les cellules endothéliales de substances favorisant l’adhésion et la migration des monocytes circulants[38].
Aspects anatomiques de la plaque athérome
Les lésions d’athérome apparaissent précocement dès la première décade et vont évoluer sur plusieurs décennies avant d’aboutir à la formation d’une plaque « mûre susceptible de poursuivre une évolution lente ou de se compliquer de façon aiguë comme nous le détaillerons ci-après. La plaque d’athérome est constituée principalement de deux éléments : le noyau ou cœur lipidique et la chape fibreuse
— le noyau lipidique : il s’agit d’un amas de lipides (cholestérol, esters de cholestérol, phospholipides) à la fois intracellulaire (contenu dans les cellules spumeuses) et extracellulaire (accumulation après traversée de l’endothélium ou libération lors de la dégénérescence des cellules spumeuses)
— la chape fibreuse : elle surmonte le noyau lipidique et s’interpose entre celui-ci et la lumière artérielle. L’importance respective de ces éléments varie en fonction de l’âge de la plaque et conditionne la stabilité de celle-ci. Ainsi, les plaques « jeunes «, qui sont généralement riches en lipides et possèdent une chape fibreuse relativement fine, ont une plus grande propension à la rupture. A l’inverse les plaques plus âgées ont une chape fibreuse plus épaisse et sont plus stables[38].
Rupture ou érosion de la plaque
C’est le principal phénomène à l’origine des complications thrombotiques aigues. Elle est secondaire à une effraction de la chape. La conséquence est la mise en contact des éléments du sang circulant avec le sous-endothélium. Il s’en suit une agrégation plaquettaire et une activation de la coagulation favorisant la formation d’un thrombus. Les principaux facteurs connus prédisposant à la rupture sont la faible épaisseur de la chape fibreuse et l’importance du noyau lipidique. Le rôle déclencheur d’un stress mécanique (pic tensionnel, augmentation du débit cardiaque, spasme…) est probable[38].
Corrélation entre AOMI et coronaropathie
Le pronostic de l’AOMI est nous le savons, global avant d’être local, autrement dit un patient artéritique meurt plus souvent d’un infarctus, qu’il n’est amputé. Ainsi la présence d’une AOMI multiplie-t-elle par 4 le risque d’infarctus du myocarde et par 3 le risque d’accident vasculaire cérébral. Non seulement sa présence est un facteur de mauvais pronostic, mais sa sévérité est, en elle même, un facteur de sur-risque. Cela s’exprime très bien lorsqu’on étudie la survenue d’événements en fonction du niveau d’index de pression systolique (IPS), utilisé ici comme marqueur de la sévérité de l’atteinte artérielle périphérique. On peut constater un risque d’événements qui s’accroît de manière importante avec la diminution de cet IPS. On introduit ici une nuance d’importance puisqu’on définit et on quantifie l’AOMI par le niveau d’IPS et non pas par la claudication intermittente. Ceci est d’autant plus pertinent qu’on sait à la lumière de plusieurs études, que l’AOMI asymptomatique a un pronostic pratiquement identique aux formes symptomatiques [22, 49]. On peut donc considérer la mesure de l’IPS comme la méthode indispensable, à côté de la clinique, pour dépister l’AOMI[36]. L’AOMI étant un équivalent de prévention secondaire, sa présence chez un patient coronarien avéré pourrait n’être considérée que comme anecdotique, sans valeur pronostique propre et donc sans incidence particulière. On peut constater cependant que quel que soit le stade de la maladie coronaire, la présence d’une AOMI constitue un facteur de mauvais pronostic tout du moins un facteur aggravant[36]. Ainsi, dans une série consécutive de 234 coronarographies, dont 40 réalisées chez des sujets ayant à la fois une maladie coronaire et une AOMI, Brevetti [11]et al. ont constaté que le taux d’atteintes tritron-culaires était plus important chez les sujets ayant cette double atteinte (60vs20 %, p<0,01), il en était de même du statut inflammatoire avec une protéine C-réactive (CRP) plus élevée en présence d’une AOMI. Ceci pourrait laisser penser à une atteinte coronaire potentiellement plus évolutive en cas d’AOMI associée. Dans le registre REACH [57] on a pu constater que l’association d’une maladie coronaire et d’une AOMI s’accompagnait d’un risque d’événements plus élevé que l’une ou l’autre décès atteintes prises isolément. Ainsi si on considère le critère combiné associant décès cardiovasculaires, infarctus du myocarde, accident vasculaire cérébral (AVC) et hospitalisation, il est observé à 1 an dans 13 % des cas chez les sujets ayant une coronaropathie isolée, 17,4 % en cas d’AOMI seule et dans 23,1 % des cas quand les atteintes sont associées. Le registre GRACE est consacré aux syndromes coronaires aigus avec un recrutement international d’environ 40 000 patients dont 10 % environ avec une AOMI. On constate chez ces derniers une augmentation significative des taux de décès hospitalier, de choc cardiogénique ou de récidive angineuse. Cette augmentation du niveau de risque est présente tant au cours de l’hospitalisation qu’à 6 mois où on retrouve le poids important de l’AOMI dans la survenue d’événements cardio-vasculaire notamment d’un critère composite associant décès infarctus et AVC dont le taux est doublé passant de 7,2 % en l’absence d’atteinte vasculaire associée à 14,6 % chez les patients ayant une AOMI en plus de l’atteinte coronaire. On constate en effet qu’une AOMI est plus souvent présente chez les sujets décédés au cours d’un syndrome coronaire aigu (SCA) que chez les survivants (18,8 %vs13,1 %, p<0,0001). On voit donc qu’au cours des SCA une AOMI est un facteur aggravant, il en va de même semble-t-il en cas d’angor stable, comme le montrent les données de CASS qui montre un taux de mortalité augmenté de 25 % chez les patients ayant un angor stable et une AOMI[36].
Pronostic
Le pronostic de l’AOMI est grave, surtout du fait de la coexistence fréquente d’atteintes coronariennes et cervico-encéphaliques. L’espérance de vie d’un sujet atteint d’ischémie permanente est équivalente à celle de certains cancers. L’espérance de vie des sujets atteints de claudication intermittente est en moyenne réduite de 10 ans. Schématiquement, chez les patients claudicants, au bout de 5 ans : 20 % auront des complications cardiovasculaires, 20 % décéderont, pour moitié de causes cardiovasculaires. Sur le plan local, 25 % verront leur artériopathie s’aggraver, dont 1/5 subiront une amputation majeure. Au niveau des membres inférieurs, à 5 ans, le risque d’amputation est de l’ordre de 5 %, notamment en cas d’un mauvais contrôle des facteurs de risque (tabagisme +++). Chez le patient atteint d’une ischémie critique, la mortalité à 5 ans est proche de 70 % [8]. Ceci souligne l’importance des mesures préventives, tant hygiéno diététiques que pharmacologiques, et ce même chez des patients revascularisés ne présentant plus de symptômes.
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : REVUE DE LA LITTERATURE
1. ATHEROSCLEROSE
1.1. Définition
1.2. Historique
1.3. Histologie
1.3.1. L’intima
1.3.2. Media
1.3.3. Adventice
1.4. Constitution de la plaque d’athérome
1.4.1 Oxydation des LDL
1.4.2 Transformation des monocytes en macrophages et en cellules spumeuses
1.4.3 Installation d’une réaction inflammatoire chronique
1.4.4 Migration et prolifération des cellules musculaires lisses
1.4.5 Aspects anatomiques de la plaque athérome
1.5. Evolution et complications
1.5.1 Constitution d’une sténose athérosclérose
1.5.2 Rupture ou érosion de la plaque
1.5.3 Thrombose
1.5.4 Formation d’anévrysmes
1.5.5 Régression ou stabilisation de la plaque
2 ARTÉRIOPATHIE OBLITÉRANTE DES MEMBRES INFÉRIEURS
2.1. Définition
2.2. Epidémiologie
2.3. Corrélation entre AOMI et coronaropathie
2.4. Rappel anatomique : Vascularisation artérielle du membre inférieur
2.5. Diagnostic de l’artériopathie oblitérante des membres inférieurs
2.5.1 Signes fonctionnels
2.5.2 Signes physiques
2.5.3 Examens vasculaires non éffractifs
2.5.4 Echo doppler des membres inférieurs
2.5.5 Autres techniques d’imagerie
2.6. Formes cliniques particulières
2.6.1 Patient asymptomatique
2.6.2 Le syndrome de Leriche
2.6.3 Blue toe syndrome
2.6.4 Artériopathie diabétique
2.7. Prise en charge
2.7.1 Buts du traitement
2.7.2 Traitement pharmacologique et mesures hygiéno-diététiques
2.7.3 Les médicaments indispensables
2.7.4 Les autres médicaments
2.7.5 Revascularisation
2.7.5.1 Le traitement endovasculaire
2.7.5.2 La chirurgie
2.7.6 L’amputation
2.7.7 Indications
2.8. Pronostic
DEUXIEME PARTIE : NOTRE ETUDE
1. CADRE D’ETUDE
1.1. Le secteur des hospitalisations
1.2. Le secteur des explorations fonctionnelles et de consultation
1.3. La salle de cardiologie interventionnelle
1.4. Personnel du service
1.5. Le fonctionnement du service
2 PATIENTS ET METHODES
2.1. Type d’étude
2.2. Période d’étude
2.3. Population étudiée
2.3.1. Critères d’inclusion
2.3.2. Critères de non inclusion
2.4. Recueil des données
2.5. Paramètres étudiés et description des variables
2.5.1 Les données de l’interrogatoire
2.5.2. Les Données de l’examen clinique
2.5.3.1. Les paramètres biologiques
2.5.3.2. La radiographie du thorax de face
2.5.3.3. Électrocardiogramme
2.5.3.4. Échographie Doppler cardiaque
2.5.3.7. Mesure de l’indice de pression systolique
2.6. Déroulement de l’étude et aspect éthique
2.7. Analyses statistiques
3 RÉSULTATS
3.1. Description globale de la population
3.1.1 Les données sociodémographiques
3.1.1.1 Age
3.1.1.2 Sexe
3.1.1.3 Origine géographique
3.1.1.4 Profession
3.1.2 Facteurs de risque cardiovasculaire
3.1.2.1 Diabète
3.1.2.2 Hypertension artérielle
3.1.2.3 Dyslipidémie
3.1.2.4 Obésité
3.1.2.5 Mode de vie
3.1.2.6 Antécédents de maladie cardiovasculaire
3.1.3 Données cliniques
3.1.3.1 Signes fonctionnels
3.1.3.2 Constantes
3.1.3.3 Examen physique
3.1.4 Données para cliniques
3.1.4.1 Données biologiques
3.1.4.2 Radiographie du thorax
3.1.4.3 Electrocardiogramme
3.1.4.4 Echocardiographie
3.1.4.5 Coronarographie
3.1.4.6 Angioplastie
3.1.4.7 Résultats de l’indice de pression systolique
3.2. Analyse bi variée
3.2.1. Artériopathie oblitérante des membres inférieurs et âge
3.2.2. Artériopathie oblitérante des membres inférieurs et facteurs de risque cardiovasculaire
3.2.3 Artériopathie oblitérante des membres inférieurs et lésions coronaires
3.2.4 Artériopathie oblitérante des membres inférieurs et fraction d’éjection ventriculaire
4 DISCUSSION
4.1. Les limites de l’étude
4.2. Prévalence de l’ artériopathie oblitérante des membres inférieurs
4.3. AOMI et facteurs de risque cardiovasculaire
4.3.1 Artériopathie oblitérante des membres inférieurs et âge
4.3.2 Artériopathie oblitérante des membres inférieurs et sexe
4.3.3 Artériopathie oblitérante des membres inférieurs et Diabète
4.3.4 Artériopathie oblitérante des membres inférieurs et HTA
4.3.5 Artériopathie oblitérante des membres inférieurs et Dyslipidémie
4.3.6 Artériopathie oblitérante des membres inférieurs et obésité
4.3.7 Artériopathie oblitérante des membres inférieurs et tabac
4.4. Particularités de l’AOMI chez le coronarien
4.4.1 Artériopathie oblitérante des membres inférieurs et signes électrocardiographiques
4.4.2 Artériopathie oblitérante des membres inférieurs et FEVG
4.4.3 Artériopathie oblitérante des membres inférieurs et sévérité des lésions coronariennes
CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXES
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