L’infarctus du myocarde est une nécrose du muscle cardiaque faisant suite à une ischémie régionale prolongée, elle-même secondaire à une obstruction coronaire aiguë, en l’absence d’une circulation collatérale de suppléance suffisante. Malgré les multiples progrès qui sont intervenus au cours des trente dernières années et qui concernent tout autant la physiopathologie de l’infarctus et de ses conséquences cardiaques ou extra cardiaques que son diagnostic et son traitement, cette maladie continue à poser des problèmes qui constituent autant de défis médicaux. L’infarctus du myocarde est la cause directe d’une fraction élevée des décès dans les pays industrialisés, mais également sans doute, à travers le monde, à mesure que les modes de vies s’éloignent de leurs formes ancestrales sous la pression conjointe de certains facteurs (démographie, hiérarchisation sociale, changements nutritionnels, flambée du tabagisme, sédentarisation ). Un infarctus aigu du myocarde peut frapper un individu pendant les années les plus productives, avec comme conséquence de profondes ramifications délétères sur le plan économique et psychosocial. Pathologie en nette progression au Maroc, l’infarctus du myocarde est devenu ces deux dernières décennies une préoccupation majeure des cardiologues.
Le présent travail est une étude rétrospective faite à l’hôpital militaire Moulay Ismail de Meknès avec pour objectifs d’évaluer la prévalence en milieu hospitalier cardiologique de l’infarctus du myocarde et ses manifestations cliniques et paracliniques, de déterminer ses facteurs étiologiques, d’apprécier son évolution, ses facteurs pronostiques, et son traitement et enfin de dégager les mesures préventives nécessaires.
HISTORIQUE
L’infarctus du myocarde est une entité du XXeme siècle. En 1846, LATHAM a rapporté trente-huit cas d’angine de poitrine graves, dont celui du célèbre THOMAS ARNOLD. Rétrospectivement on peut assurer qu’il s’agissait de thromboses coronariennes aiguës. La notion d’infarctus a été longtemps résumée à une constatation autopsique. Jusqu’au début du XXeme siècle, le mot infarctus était synonyme d’une lésion anatomique mortelle. La description clinique de l’affection a commencé réellement avec OBRASTZOW et STTRASCHESKO en 1909. Mais décisive a été la publication de HERRICK en 1912. Cet auteur a prétendu isoler nosologiquement la thrombose coronarienne aiguë ; il en a décrit la symptomatologie douloureuse, la chute tensionnelle habituelle, et a reconnu quatre formes cliniques évolutives : la mort subite, la mort précoce après quelques minutes de douleurs thoraciques intenses avec choc, la mort retardée secondaire à un tableau clinique d’emblée grave ou plus atténué, et enfin les formes non mortelles généralement caractérisées par des douleurs angineuses atténuées, mais prolongées. La signature électrocardiographique de l’infarctus a mis un terme au flou relatif de la simple symptomatologie clinique et a permis d’élargir sa description séméiologique. Chaque accident de tracé, pic, dénivellation, restant de chaque dérivation a reçu sa signification dans la nécrose myocardique, son siége et son étendue : PARDEE, PARKINSON, WILSON ont attaché leurs noms à cette séméiologie. Les signes biologiques de la nécrose se sont cantonnés, durant des années, à la leucocytose, et à l’accélération de la vitesse de sédimentation. Le progrès essentiel, en cette matière, date de 1945 : DUE et WROBLEWSKY ont montré que les transaminases oxalo-acétiques s’élèvent dans les premiers jours qui suivent l’infarctus. Les études enzymatiques ultérieures (Créatine Phosphokinase (CPK) , myoglobine, troponine ) compléteront ces moyens diagnostiques absolument décisifs quand la preuve électrocardiographique de la nécrose ne peut être faite. La coronarographie a apporté enfin la possibilité de juger in vivo des lésions coronariennes ; ce progrès décisif est surtout dû à la coronarographie sélective par voie humérale puis par voie fémorale percutanée. Le traitement des affections coronariennes s’est longtemps fait attendre. Ce n’est qu’en 1867 que BRUNTON a montré l’effet de la trinitrine d’amyle sur la douleur angineuse. Une dizaine d’années plus tard ( 1879 ), MURREL a proposé l’emploi de la nitroglycérine, qui reste encore de nos jours, la drogue la plus immédiatement efficace sur la symptomatologie douloureuse. Les anticoagulants ont constitué un tournant thérapeutique considérable entre 1942 et 1948. L’héparine calcique et l’héparine sodique ont fait preuve de leur efficacité en matière de thrombose coronaire. Elles occupent une place de choix dans le traitement des syndromes de menace d’infarctus, et demeurent largement utilisées dans le traitement d’attaque de l’infarctus lui même. Ces dernières années, deux orientations nouvelles ont concerné les fibrinolytiques, avec la Streptokinase (après 1959), l’Urokinase et actuellement le rt-PA ont pu démontrer leur supériorité incontestable par rapport à l’héparine en phase aiguë thrombotique de l’infarctus.
Le recours chirurgical est apparu très tôt comme souhaitable dans les insuffisances coronariennes non contrôlées par les traitements médicaux. La revascularisation du myocarde paraît être la solution physiopathologique raisonnable. VINERBERG, en 1946, a implanté l’artère mammaire interne dans le myocarde avec quelques soixante-quinze pour cent de succès contre la douleur angineuse. BAILEY a proposé la thrombo-endartèriectomie coronaire en 1951. En 1968, FAVALORO a proposé, avec un greffon saphène, de faire un pontage coronaro-coronaire puis surtout aorto coronaire. Dés lors, la discussion de l’opération dépend de la tolérance clinique et du siége proximal ou distal des lésions. L’angioplastie transluminale percutanée des coronaires a été introduite par GRUNTZIG en 1977 (92) et s’est progressivement imposée comme une méthode de revascularisation sûre et performante. Dès 1969 DOTTER a proposé la mise en place d’une spirale métallique pour maintenir la paroi artérielle. Ce n’est qu’en 1986 que furent implantés les premiers Stents coronaires chez l’Homme (152). L’avènement actuel des stents couverts a bouleversé la cardiologie interventionnelle des coronaires.
RAPPEL ANATOMIQUE
Les artères coronaires gauche et droite naissent de l’aorte initiale, respectivement dans le sinus de Valsalva antéro-gauche et le sinus antéro-droit au dessus des valves aortiques correspondantes.
ARTERE CORONAIRE GAUCHE
Le tronc de la coronaire gauche mesure environ 10 mm (extrêmes 2 à 25 mm). Il contourne la face postérieure du tronc de l’artère pulmonaire et se divise en artères interventriculaire antérieure et circonflexe.
Artère interventriculaire antérieure ( IVA )
Elle longe le sillon de même nom jusqu’à l’apex où elle peut s’anastomoser avec les branches distales de l’artère interventriculaire postérieure. Son diamètre au premier tiers, mesure selon les patients entre 2 et 4 mm. Ses collatérales sont de deux types: les branches septales, verticales, irriguent les deux tiers antérieurs du septum et la branche droite du faisceau de His ; les branches diagonales se portent à gauche sur la face antérieure du ventricule gauche qu’elles irriguent. L’IVA est divisée arbitrairement en trois segments : le segment proximal compris entre le tronc et la 1 ére septale ; le segment moyen entre la 1ère septale et la 2éme diagonale ; le segment distal au- delà de la 2éme diagonale.
Artère circonflexe (Cx)
Elle forme un angle presque droit avec l’IVA et chemine dans le sillon auriculo-ventriculaire gauche. Elle se termine plus ou moins prés de la croix du cœur où elle peut s’anastomoser avec l’artère rétroventriculaire gauche de la coronaire droite. Ses collatérales sont de deux types : les branches marginales gauches ( encore appelées latérales ) longent le bord gauche du cœur vers la pointe et irriguent la face latérale du ventricule gauche ; les branches auriculaires vascularisent l’oreillette gauche. La Cx est arbitrairement divisée en deux segments :
– le segment proximal, compris entre le tronc gauche et la 1ère marginale gauche ;
– le segment distal au-delà de la 1ère marginale.
ARTERE CORONAIRE DROITE
La coronaire droite (CD) comprend trois segments : Le premier segment, court et horizontal, dirigé vers la droite, est compris entre l’ostium et le premier coude de l’artère où elle rejoint le sillon auriculoventriculaire droit. Dans son deuxième segment, long et vertical, l’artère chemine dans le sillon auriculo-ventriculaire droit jusqu’au bord droit du cœur où un coude accusé l’amène sur sa face diaphragmatique. Le troisième segment, horizontal est dirigé vers la gauche, et se termine habituellement par bifurcation à la croix du cœur en artère interventriculaire postérieure qui chemine dans le sillon du même nom jusqu’à l’apex et artère rétroventriculaire gauche qui parcourt la face diaphragmatique du ventricule gauche vers son bord gauche. Les branches collatérales sont nombreuses : Le premier segment donne naissance à deux branches : l’artère du conus ( qui naît parfois de l’aorte par un ostium séparé ) entoure la racine de l’aorte et de l’artère pulmonaire, et s’anastomose souvent avec une branche analogue venue de la coronaire gauche formant le cercle anastomotique de Vieussens ; l’artère du nœud sinusal se dirige vers l’orifice de la veine cave supérieure et irrigue le nœud sinusal. Du deuxième segment naissent des branches marginales droites qui se portent en avant sur la face antérieure du ventricule droit qu’elles irriguent, et des branches auriculaires droites. L’artère interventriculaire postérieure donne naissance à des branches septales inférieures qui se dirigent vers le haut et irriguent le tiers postérieur du septum, et des branches destinées à la face diaphragmatique du ventricule gauche. L’artère rétroventriculaire gauche donne l’artère du nœud auriculoventriculaire, de direction ascendante et des branches destinées à la face diaphragmatique du ventricule gauche.
NOTION DE DOMINANCE
La notion de dominance sert à designer l’artère coronaire, droite ou gauche, qui vascularise la face inférieure du cœur. Dans la disposition équilibrée, les deux artères participent à cette vascularisation. Dans la disposition dite coronaire droite dominante, la branche rétroventriculaire gauche de la coronaire droite est volumineuse et irrigue toute la face diaphragmatique du ventricule gauche. Dans la disposition dite coronaire gauche dominante (15% des cas), la coronaire droite se termine par une artère marginale droite et la circonflexe par une volumineuse branche postéro-latérale qui irrigue toute la face diaphragmatique du ventricule gauche.
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Table des matières
INTRODUCTION
1. HISTORIQUE
2. RAPPEL ANATOMIQUE
2.1. ARTERE CORONAIRE GAUCHE
2.1.1. Artère interventriculaire antérieure ( IVA )
2.1.2. Artère circonflexe (Cx)
2.2. ARTERE CORONAIRE DROITE
2.3. NOTION DE DOMINANCE
3. EPIDEMIOLOGIE
4. PHYSIOPATHOLOGIE
4.1. FACTEURS DE RISQUES CARDIO-VASCULAIRES
4.1.1. Facteurs de risques modifiables
4.1.2. Facteurs de risques non modifiables
4.1.3. Les nouveaux facteurs de risques de l’athérosclérose
4.2. MECANISMES PHYSIOPATHOLOGIQUES
4.2.1. La rupture de la plaque
4.2.2. La thrombogenèse
4.2.3. Le Spasme Coronaire
5. FORMES ETIOLOGIQUES
5.1. ATHEROSCLEROSE CORONAIRE
5.2. EMBOLIES CORONAIRES
5.3. TRAUMATISMES THORACIQUES
5.4. PATHOLOGIE CORONAIRE NON ATHEROMATEUSE
5.5. INFARCTUS A CORONAIRES ANGIOGRAPHIQUEMENT SAINES
6. DIAGNOSTIC
6.1. DIAGNOSTIC POSITIF
6.1.1. Critères cliniques
6.1.2. Critères biologiques
6.1.3. Critères électriques
6.2. DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL
6.2.1. Diagnostic Clinique
6.2.2. Diagnostic Electrocardiographique
7. FORMES CLINIQUES
7.1. FORMES SYMPTOMATIQUES
7.2. FORMES TOPOGRAPHIQUES
8. FORMES COMPLIQUEES
8.1. COMPLICATIONS HEMODYNAMIQUES
8.1.1. L’insuffisance ventriculaire gauche
8.1.2. Le choc cardiogénique
8.1.3. L’insuffisance ventriculaire droite
8.1.4. Les troubles du rythme et de la conduction
8.1.5. Arrêt cardio-circulatoire
8.2. COMPLICATIONS MECANIQUES
8.2.1. Rupture de la paroi libre du ventricule gauche
8.2.2. Rupture de pilier mitral
8.2.3. Rupture septale
8.3. COMPLICATIONS THROMBOEMBOLIQUES
8.3.1. Les phlébites et embolies pulmonaires
8.3.2. Les embolies artérielles
8.4. COMPLICATIONS ISCHEMIQUES
8.4.1. La récidive ischémique dans le territoire de l’infarctus
8.4.2. La récidive angineuse
8.5. COMPLICATIONS TARDIVES
8.5.1. Anévrisme du ventricule gauche
8.5.2. Le syndrome de Dressler
9. EXAMENS COMPLEMENTAIRES
9.1. EXAMENS COMPLEMENTAIRES D’URGENCE
9.1.1. Electrocardiogramme
9.1.2. Diagnostic biologique
9.1.3. Radiographie thoracique
9.1.4. Echo-doppler cardiaque
9.2. EXAMENS COMPLEMENTAIRES DIFFERES
9.2.1. Epreuve D’effort
9.2.2. Scintigraphie myocardique au thallium
9.2.3. Echocardiographie de stress
9.2.4. Holter rythmique
9.2.5. ECG à haute amplification
9.2.6. Coronarographie
9.2.7. Echographie de contraste myocardique
10. TRAITEMENT
10.1. BUTS
10.2. MOYENS
10.2.1. Moyens médicaux
10.2.2. Reperfusion coronaire en urgence
10.2.3. Chirurgie coronaire
10.3. INDICATIONS
10.3.1. Infarctus du myocarde non compliqué
10.3.2. Infarctus du myocarde compliqué
10.4. TRAITEMENT PREVENTIF
10.4.1. Prévention primaire
10.4.2. Prévention secondaire
CONCLUSION