Au sein de ma formation au Celsa en Médias, dans laquelle je suis la spécialité innovations et créations, je me suis intéressée à l’émergence de contenus en réalité virtuelle produits, co-produits, ou encore commandés par des acteurs du paysage audiovisuel français. Je faisais en effet le constat du nombre, de plus en plus conséquent, d’articles de presse titrant le positionnement des acteurs de l’audiovisuel télévisuel français sur la production de contenus en réalité virtuelle . Petit à petit, tous semblaient se mettre à proposer leur propre offre de contenus en 360°, voir même leur plateforme de lecture de ces contenus, ce que font par ailleurs les chaînes ARTE, qui possède son propre player de visionnage de vidéo à 360° ainsi que son application ARTE 360° et M6, qui possède 6play | 360 .
ARTE, une figure d’exception dans le paysage audiovisuel français
En 2016, Fabrice Puchault, Directeur de l’unité « Société et Culture » d’ARTE France décrit la chaîne d’ARTE comme « une affirmation particulière, une « personnalité éditoriale » tout à fait singulière. C’est en quelque sorte une contre-programmation permanente par rapport à l’ensemble de l’offre télévisuelle. », lors d’une interview adressée au site web Le Blog Documentaire, et titrée « Sunny Side : Les nouveaux projets de Fabrice Puchault chez ARTE France » . L’ancien directeur de l’unité documentaire de France 2, qui occupe désormais le poste de Directeur de l’unité « Société et Culture » d’ARTE France poursuit ensuite par ses mots « Nous ne cherchons pas, bien sûr, à nous inscrire en opposition aux autres, ni à réagir aux programmes de nos concurrents ou partenaires, mais nous travaillons fondamentalement sur des objets audiovisuels différents. En essayant à chaque fois de trouver la meilleure articulation possible entre le tissu créatif (les auteurs, les producteurs, etc.), l’innovation (en termes d’écritures comme de technologies) et les téléspectateurs pensés dans toutes leurs diversités. ».
À la lecture des propos tenus par l’un des principaux acteurs de la chaîne, ARTE serait donc à entendre comme la chaîne particulière du paysage audiovisuel français en ce qu’elle travaille sur des objets audiovisuels « différents ». Cette différence, ARTE la cultivait en veillant à toujours bien articuler « le tissu créatif » avec « l’innovation » et en ayant toujours à l’esprit les téléspectateurs dans leurs diversités.
Tout au long de cette première partie, il sera justement question de ce qui participe à la différence des contenus de la chaîne par rapport aux contenus des autres chaînes télévisées du paysage audiovisuel Français. C’est à cette différence que nous avons cherché à nous intéresser et c’est celle-ci que nous tenterons ensemble de mieux entendre et cerner, pour peut-être mieux comprendre le terreau qui a permis à la chaîne d’entamer un premier travail de recherche, de création et de distribution des contenus en réalité virtuelle.
Une chaîne Européenne dans le paysage audiovisuel Français
ARTE : l’exception télévisuelle européenne
À travers le discours tenu par Bruno Patino, Directeur Éditorial de la chaîne ARTE, « Arte est une chaîne franco-allemande. C’est une richesse car elle offre une multiplicité de regards, de cultures, de langues. C’est aussi une complexité. L’union est un projet, et pas forcément quelque chose de naturel. » , la première des originalités de la chaîne ARTE tiendrait en sa double nationalité. En effet, à la fois média français et média allemand, ARTE se nourrit d’une culture double par sa nature de chaîne franco-allemande et de chaîne européenne. La chaîne franco allemande a d’ailleurs été créée, le 2 octobre 1990, alors que France et l’Allemagne signent ensemble un traité sous l’impulsion de François Mitterrand et Helmut Kohl. ARTE serait ainsi « l’antenne culturelle européenne” à laquelle était assigné la mission de produire et de diffuser « des émissions ayant un caractère culturel et international au sens large et propres à favoriser la compréhension et le rapprochement des peuples en Europe. » .
Une première identité qui amènera rapidement la chaîne à se porter vers l’Europe, puis vers l’ouverture générale au monde, aux cultures et aux savoirs. Tant dans les sujets qu’elle décide d’aborder que dans sa politique qu’elle a engagée dans l’hyper distribution de ces contenus, la chaîne n’a jamais cessé de rendre accessible ces contenus à un public toujours plus large et plus européen. En effet, Fabrice Puchault, Directeur des Programmes de la chaîne explique que sous la direction de Véronique Cayla et de Bruno Patino, ARTE s’est inscrite dans une dynamique d’« ouverture permanente ». Il poursuit en détaillant comment cette dynamique implique à la chaîne de porter de façon permanente « un regard ouvert sur le monde, avec une préoccupation importante pour les sujets internationaux. Il est aussi important pour la chaîne de cultiver l’ouverture vis-à-vis des téléspectateurs et vis-à-vis des écritures d’auteurs, des points de vue affirmés. » Suivant cette volonté, ARTE a entamé de traduire un maximum de ces contenus afin des les rendre disponibles et distribuables dans une bonne partie de l’Europe. Ainsi, à la fin de l’année 2016, la chaîne rendait déjà accessibles en Europe deux tiers de ses programmes antenne sur son site et ses applications. ARTE proposait en effet ces contenus en Français, en Allemand mais aussi en Anglais, en Espagnol et en Polonais.
En 2017, lors de la grande conférence de presse tenue par la chaîne, Véronique Cayla, la présidente d’Arte France annonçait qu’en 2018 la chaîne proposerait ces contenus en six langues, ajoutant alors l’Italien au Français, à l’Allemand, à l’Anglais, à l’Espagnol et au Polonais et renforçant par cette initiative, la volonté de la part de la chaîne franco-allemande de renforcer sa dimension européenne. C’est en effet en ces mots que Véronique Cayla s’est exprimée « Notre objectif en matière d’audience dépasse les frontières de la France et de l’Allemagne » .
Une position de médias européen qui rend nécessaire l’accessibilité de la chaîne, en France, à l’Europe mais aussi à l’international.
ARTE et l’hyperdistribution : de l’importance de l’accessibilité des contenus de la chaîne
En prolongement de son positionnement sur une diffusion européenne de ses contenus et sur une ouverture permanente, dans sa ligne éditoriale, au monde, à toutes formes de cultures et à la créativité, la chaîne a entamé depuis 2007 une politique d’hyperdistribution. Par hyperdistribution, nous entendons ici la volonté de la chaîne d’être présente sur une pluralité de supports (téléviseurs, ordinateurs, smartphones, réseaux sociaux, radio), en fonction d’usages divers (consommation en direct et consommation en différé, linéaire et délinéarisée), mais aussi sur une multiplicité de territoires (France, Allemagne, Angleterre, Espagne, Pologne et Italie). En octobre 2007, ARTE lançait ARTE+7 avec, par là, la volonté de mettre à disposition l’ensemble de ces contenus pendant une durée de sept jours suivants la diffusion à l’antenne. La chaîne culturelle est alors pionnière en la matière puisqu’elle est la seule chaîne du PAF à offrir une télévision de rattrapage. Suivant cette logique « d’hyperdistribution », et face au succès rencontré par la plateforme ARTE+7, ARTE entame dès les années qui suivent un positionnement sur les plateformes web sociales que sont Dailymotion, Youtube, puis Facebook et Instagram, multipliant ainsi sa présence au sein de l’écosystème numérique. Suivant cette même politique d’hyperdistribution, la chaîne a annoncé en 2017, qu’elle proposerait bientôt ses fictions à la plateforme américaine Netflix .
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Table des matières
Introduction
Partie 1 – ARTE, une figure d’exception dans le paysage audiovisuel français
1.1- Une chaîne Européenne dans le paysage audiovisuel Français
1.1.1 ARTE : l’exception télévisuelle européenne
1.1.2 ARTE et l’hyperdistribution : de l’importance de l’accessibilité des contenus de la chaîne
1.1.3 ARTE et son positionnement de média global
1.2- ARTE : une personnalité éditoriale singulière
1.2.1 L’exception éditoriale d’ARTE
1.2.2 Une politique de distribution de contenus unique
1.3- Un discours de la culture et du numérique
1.3.1 Une télévision culturelle
1.3.2 Une chaîne 100% numérique
Partie 2 – Une nouvelle mission pour ARTE : démocratiser la réalité virtuelle
2.1- ARTE, premier acteur du PAF positionné dans la réalité virtuelle
2.1.1 Premières expériences de réalité virtuelle pour ARTE
2.1.2 Objectif d’accessibilité de la chaîne et difficulté de distribution de la Réalité virtuelle : un paradoxe pour ARTE ?
2.1.3 La réalité virtuelle comme gage de l’innovation ?
2.2- Discours et imaginaires de la réalité virtuelle
2.2.1 « Vivre l’expérience de fiction » et « plonger au coeur de l’expérience » : vers une révolution de l’œuvre audiovisuelle ?
2.2.2 Un nouvel espace narratif à conquérir
2.2.3 La réalité virtuelle : un média total
2.2.4 La réalité virtuelle : une nouveauté médiatique
2.3- Renouveler l’expérience télévisuelle par la réalité virtuelle
2.3.1 Les « nouvelles écritures » télévisuelles : une porte d’entrée pour la réalité virtuelle
2.3.2 ARTE, médiateur de la réalité virtuelle
2.3.3 Former les acteurs de l’audiovisuel à la réalité virtuelle, nouvelle mission du service public
2.3.4 Interpénétration des contenus en réalité virtuelle et des programmes de flux
2.3.5 Renouveler les publics par la réalité virtuelle
Partie 3 – Réalité virtuelle et audiovisuel : De la nécessité d’une rupture
3.1- La réalité virtuelle sinon rien
3.1.1 Qui dit nouveau média et nouvelle écriture dit réalité virtuelle
3.1.2 Vers un désintéressement de toute autre forme de productions interactives
3.1.3 Une nouvelle contrainte à la création audiovisuelle
3.2- Réalité virtuelle : entre discours et réalité un écart se creuse
3.2.1 De l’enthousiasme à la réalité des coûts de production
3.2.2 De la difficulté de distribuer les œuvre en réalité virtuelle
3.2.3 Un modèle économique qui peine à trouver ses marques
3.3- Un nécessaire affranchissement entre réalité virtuelle et chaîne TV
3.3.1 Le retard des chaînes TV dans l’industrie de la réalité virtuelle
3.3.2 De l’importance de distinguer production télévisée et réalité virtuelle
3.4- Quelles solutions pour la VR
3.4.1 Une industrie propre à la réalité virtuelle
3.4.2 De l’hypothèse d’une filiale de co-production
3.4.3 ARTE devient éditrice de contenus
Conclusion
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