Art théâtral et Philosophie à l’école ?

Le théâtre jeunesse symboliserait-il la réunion de deux concepts originairement opposés ?

               Avant tout, il est nécessaire de s’interroger sur la place accordée à l’enfant au sein du théâtre, et des représentations dramatiques, au cours des siècles. Il semble que l’apparition d’un théâtre dédiée à la jeunesse ne soit pas si récente, bien qu’ayant considérablement évolué ces dernières décennies. Les considérations portées à l’enfant ne sont plus du tout celles d’autrefois, nous verrons comment celles-ci influent sur les rapports de l’enfant à l’art théâtral. Étant désormais considéré comme un spectateur à part entière, un nouveau répertoire théâtral se développe. Nous verrons en quoi l’émergence de ce théâtre implique une nouvelle définition du genre. En effet, les pièces écrites à l’attention de la jeunesse, comme celles créées par Dominique Paquet, invitent leurs spectateurs, non plus à simplement tirer un apprentissage de ce qu’ils voient, mais à vivre un spectacle qui les poussent à se questionner sur ce qui les entourent, sans pour autant leur fournir de réponses ou de méthodes toutes faites. Pour finir cette première partie, nous reviendrons sur la pensée de grands auteurs pour essayer de mieux comprendre ce qui distingue théâtre et philosophie. Nous verrons ensuite comment l’association de ces deux concepts fait du théâtre de jeunesse un nouvel espace d’écriture et de réflexion. Dans une deuxième partie, nous analyserons les œuvres de Dominique Paquet. Celles‐ci présentent de nombreux éléments qui ont pour but de nous rappeler la façon dont se construisent les contes. L’auteur s’appuie sur une culture propre à l’enfance tout en nous invitant à la dépasser pour découvrir autre chose. Les sujets d’ordre universel qu’elle évoque nous invite, en effet, à réfléchir avec ses personnages autour de questions portant aussi bien sur l’identité, que sur l’amour, la vie, etc.. Nous tenterons donc de définir la portée philosophique des œuvres de Dominique Paquet. Puis dans une troisième partie, nous nous intéresserons à la relation qui s’insinue de plus en plus entre théâtre et philosophie. La prise en compte grandissante de l’aspect philosophique dans les œuvres dramatiques, nous amènera à réfléchir sur l’émergence d’une nouvelle forme théâtrale. Nous verrons comment théâtre et philosophie pourraient être travailler en classe, notamment par le biais du jeu dramatique.

L’Enfant et le théâtre

                  Au cours de l’Histoire, le statut ainsi que les considérations portées à l’enfant ont évoluées. Celui-ci considéré comme un don de la Terre avant la christianisation est au XVIIe siècle décrit comme étant un être « hautain, dédaigneux, colérique, envieux, curieux, intéressé, paresseux, volage, timide, intempérant (et) menteur ». Ce n’est qu’à partir du XVIIIe siècle, et notamment grâce à L’Émile de Rousseau que s’amorce un courant visant à reconnaître l’enfant comme un individu à part entière. Avant cette période, l’enfant ne semble pas avoir de véritable place au milieu du monde adulte. Françoise Dolto se tourne vers la peinture pour décrire l’évolution de la place de l’enfant. Dans une réflexion sur la découverte de l’enfance, elle écrit : Du XVème au XVIIIème, le déguisement de l’enfant en adulte est une constante de la peinture. On le voit bien sur une gravure du Dürer représentant un enfant du peuple aux traits de petit vieux. (…) La représentation du petit enfant jusque dans la peinture classique montre bien que son corps n’est pas pris pour ce qu’il est dans la réalité mais pour ce que la société veut occulter de l’enfance. Ce n’est qu’au XIXème siècle qu’il apparaît seul dans un costume d’écolier avec des attitudes d’enfant. L’enfant devient un être humain doté d’affectivité8. Dans le cadre de la poésie dramatique, des observations étroitement similaires à celles précédemment faites pourraient tout aussi bien caractériser la place qu’occupait l’enfant au regard des représentations dites théâtrales. Pendant plusieurs siècles, le milieu théâtral n’accorde pas de réelle importance à l’enfant. Celui-ci est tantôt spectateur aux côtés d’adultes et tantôt spectateur de pièces commerciales ou pédagogiques jouées par d’autres enfants. Au Moyen-Âge, il est considéré comme une « petit adulte », il assiste au même spectacle que les « grands » et partagent avec eux les mêmes sources de distractions. Dans le théâtre jeune public de Nicolas Faure, Jean-Pierre Bordier précise : Il n’est pas exagéré (…) de dire que tout le monde au XVe siècle peut voir du théâtre ; il le serait à peine de dire que tout le monde joue ou peut jouer. Le théâtre de ce temps n’est réservé à aucune catégorie sociale, à aucun milieu. Certaines formes comme la farce et les mystères sont destinées à tous les publics. A cette époque le théâtre n’est pas encore considéré comme une pratique professionnelle. Les enfants prennent parfois part à des représentations en tant qu’acteurs. Il s’agit principalement alors de spectacles collectifs religieux, tels les mystères interdits en 1548. C’est à la fin du Moyen-Âge que le théâtre devient pratique professionnelle. Le XVIIe siècle est marqué par un accroissement de salles dédiées au spectacle ainsi que par une augmentation du nombre de troupes professionnelles. Que ce soit à la cour, dans les villages ou dans les familles, le théâtre continue de mêler enfants et adultes. Ces derniers se rencontrent de manière fréquente aussi bien dans le public que sur les scènes de spectacle. Philippe Ariès précise à ce sujet que « (pareille à) la musique et (à) la danse, les jeux réunissaient toute la collectivité et mélangeaient les âges aussi bien des acteurs que des spectateurs». Un incroyable foisonnement de spectacles théâtraux continue de rassembler petits et grands au cours du XVIIIe siècle. En revanche, comme la plupart des spectacles deviennent payants, les enfants sont contraints d’occuper les places situées tout en haut des théâtres. Considérés comme étant des spectateurs inconvenants, comme le sont également les femmes du peuple et les soldats, ils ne peuvent plus accéder aussi facilement à cette art. Durant ce siècle, le théâtre devient phénomène de société. Ce « théâtre de société », comme il est tout bonnement appelé, se caractérise par le fait qu’il relie l’art théâtral à la sociabilité. En évoquant les spectacles de l’époque, Martine Rougemont indique « (qu’) une gamme étonnante (de spectacles) va des associations ouvrières (…) aux spectacles de la cour. (D)es granges (sont) aménagées pour une cinquantaine d’invités aux théâtres réguliers et payants ». Contrairement au XVe siècle où tout le monde pouvait assister à des pièces d’art dramatiques, les modes et coutumes du XVIIIe siècle instaurent des règles qui ont pour effets de faire du théâtre, un lieu réservé à une certaine classe de la population. Il y avait cent à cent cinquante représentations par an avant 1750, cent cinquante à deux cents ensuite, et le théâtre de société «était très à la mode parmi la noblesse. (…) Le théâtre est essentiellement un lieu public de sociabilité mondaine. « On loue une place au théâtre non pour assister à un spectacle,  d’où le gros problème de l’organisation des salles et la distinction cruciale entre « abonnés » et spectateurs ordinaires. Une forme de ségrégation dissocie les plus riches, qui disposent des moyens financiers et des titres nécessaires pour assister à ce genre de représentations, des plus pauvres qui se trouvent, par delà même, privés d’une certaine forme de culture. Toutefois, à côté de ces théâtres réservés aux élites, des pratiques plus accessibles subsistent notamment à travers les jeux dramatiques (que nous qualifierions aujourd’hui de pratique amateur). Un théâtre enfantin se développe, parallèlement au théâtre de société, durant cette même période. Celui-ci, composé de pièces instructives, a pour but d’éduquer ses jeunes spectateurs. Ce théâtre n’est pas exclusivement affaire d’adulte puisqu’il met également en scène des enfants. En fait, il semblerait que l’histoire d’un théâtre spécifiquement conçu pour les enfants se confonde d’abord avec un théâtre dans lequel l’enfant est acteur, en témoigne l’apparition du théâtre scolaire. Cette forme théâtrale se développe dès 1571 dans de nombreux collèges jésuites. Ces derniers font jouer à leurs élèves des pièces morales écrites en latin devant des publics choisis d’élèves et de proches. D’après un Père jésuite, les pièces issues du théâtre scolaire se caractérisent par les fortes répercussions qu’elles ont sur les jeunes spectateurs. Leurs buts étant de guider les élèves pour les conduire à la religion (et donc à une certaine forme de morale), ces pièces ont d’après ce Père jésuite plus d’effets « que les sermons des plus grands prédicateurs ». Après de nombreuses années, durant lesquelles publics et représentations ne cessent d’augmenter, le théâtre scolaire se fait plus discret dans les collèges après l’expulsion des Jésuites de France en 1762. Il faudra attendre le XXe pour que l’art dramatique, tout comme la littérature, explore de nouvelles pistes pédagogiques à l’attention des enfants. Toutefois, dès le XIXe , l’enfant suscite des intérêts nouveaux. On ne cherche plus à le corriger et à la conformer à un monde adulte. Au contraire, on souhaite qu’il préserve son innocence le plus longtemps possible afin qu’il soit le mieux disposer à intégrer les préceptes morales et religieux de la société dans laquelle il vit. L’école est alors considérée comme le lieu idéal permettant aux enfants d’évoluer collectivement sans qu’ils aient à quitter trop vite leur bulle d’innocence. Elle remplace ainsi les méthodes d’apprentissages antérieures qui consistaient à confronter l’enfant le plus tôt possible aux autres classes d’âge. Toutefois, l’éducation institutionnalisée ne suffit pas, seule, à épanouir les enfants dont elle a la charge. Même lorsque l’école est devenu universelle, on a bien été obligée de constater que de longues heures chaque jours restaient inoccupées, que les enfants (…) se livraient à toutes sorte d’activité marginale (…) qui les détournaient en tout cas du dessein éducatif. (…) Les pouvoirs publics, les Églises, des particuliers de bonne volonté s’employèrent donc à mettre sur pied des organisations d’encadrement destinées à protéger l’enfance, à l’épanouir ou à la discipliner. (E)lles devaient compléter l’action de l’école, la relayer au point où elle cessait. Ainsi se développèrent les sociétés de tir et de gymnastique, le patronage, les colonies de vacances, le scoutisme, etc. La littérature de l’enfance et de la jeunesse apparue au XVIIIe , et qui n’a de cesse de se développer au XIXe siècle, confirme ce souci à la fois d’éducation et de divertissement. A priori, cette littérature se révèle comme étant le prolongement de l’école, étant donné qu’elle présente comme cette dernière les objectifs de divertir, d’occuper et d’instruire. Toutefois, il ne s’agit pas encore de provoquer la rencontre artistique entre un enfant et une œuvre. Les activités et la littérature qui se développent au XIXe siècle en direction de la jeunesse sont encore conçues comme un encadrement et une protection de l’enfance.

Jeunes spectateurs et nouveau défi

                   L’enfant est aujourd’hui source de nouvelles préoccupations. Alors qu’il devait nécessairement être redressé pour pouvoir vivre parmi les adultes du Moyen-Âge, on ne cherche désormais plus à le faire grandir trop vite. Au XXe siècle, la période de l’enfance est considérée comme une étape prometteuse puisque c’est durant celle-ci que l’enfant tire le plus d’enseignements qui lui permettent, en outre, de tirer des leçons de vie et de se forger véritablement en qu’être humain. À travers ses expériences, l’enfant se confronte au monde et à la violence du réel et c’est à mesure qu’il grandit qu’il devient capable de mettre des mots et de comprendre ce qu’il vit. L’adulte joue un rôle important aux côtés de l’enfant. Il l’accompagne dans ses découvertes, il le sollicite, guide son attention. En bref, il l’aide à grandir, à s’épanouir, et comme le souligne Nicolas Faure, « à devenir lui-même ». Le rôle des éducateurs et des parents a ainsi évolué, comme l’écrit François de Singly : Ils ne sont plus d’abord des individus appartenant à une génération précédente qui doivent transmettre à la génération suivante les savoirs et les expériences accumulées. Ils sont des individus chargés de décrypter, d’interpréter les besoins des enfants afin d’aider ces derniers à devenir eux-mêmes. Ils doivent aussi mettre en place un environnement susceptible de les aider dans cette ambition. Dans un contexte où l’enfant n’est plus considérer comme « un futur adulte à façonner26 », et qu’il n’est plus ce petit être dénué de sens et d’intelligence, tel qu’il était décrit dans des paroles27 rapportées par Alphonse Allais dans les années 60, il semble que l’art devienne un moyen privilégié pour le mener plus loin dans ses quêtes personnelles. On cherche ainsi, à travers des œuvres littéraires et des spectacles en tout genre, non plus à bêtement distraire l’enfant mais, au contraire, à le pousser dans ses questionnements. Toutefois, il n’est pas toujours évident de comprendre la nuance entre le fait de vouloir « éduquer » et la volonté d’aider l’enfant à « grandir ». Il semblerait pertinent de dire que l’un inclut forcément l’autre, car « grandir » c’est aussi apprendre et devenir un être sociable. Toutefois, le fait de vouloir éduquer fait forcément appel à une forme d’autorité. Et, c’est justement cette notion d’’autorité qui fait débat aujourd’hui. L’objectif n’’est plus de brusquer et d’imposer aux enfants une manière de faire, de voir et d’entendre mais d’amener les jeunes à se découvrir eux-mêmes et à se former culturellement et intellectuellement. L’adulte doit nourrir le potentiel qui sommeille en l’enfant et le guider dans ses découvertes. Il ne faut cependant pas oublier que l’enfant, même s’il jouit d’une nouvelle considération qui lui permet davantage de se révéler, n’en reste pas moins un petit être fragile et facilement manipulable. Dans notre société, les enfants ont très vite accès à un monde virtuel et sophistiqué qui a tôt fait de gâcher et ruiner leur part d’innocence et de créativité, si les adultes ne font rien pour les protéger. La génération des moins de 25 ans évolue dans un monde dominé par le tout médiatique. Nombreux sont les enfants qui, éduqués par la télé, passent de nombreuses heures à « gober » toutes sortes d’images, dont certaines très choquantes sont diffusées durant le journal télévisé. Cependant, et comme le souligne Serge Tisseron, que ce soit la télévision la radio, ou encore Internet, surtout, ces outils transforment le rapport des jeunes à la culture et à l’autre28. Jacqueline Wilson, auteur réputée de livre pour enfants, constate : Notre société a pris la décision collective d’empêcher les enfants d’être des enfants. Nous souhaitons qu’ils grandissent plus vite, en les gavant de notre culture matérielle de consommation. La plus grande part de l’innocence de l’enfance leur est dérobée. La faute est en partie due à internet et à la télévision qui prennent, aujourd’hui, des places trop conséquentes dans l’univers de l’enfant. « Plutôt que de s’amuser ou de sortir, ils entrent dans un monde adulte qui n’est pas filtré» et qui n’est ni filtrable pour eux, toujours selon les propos de Jacqueline Wilson. Les enfants multiplient les contacts avec des écrans, ils développent un nouveau type de relation où le virtuel leur permet en un simple clic de rompre des liens et d’en créer d’autres. En France, les enfants passent plus de 3 heures et demi par jour devant leurs écrans, soit plus de 1200 heures par an contre 9000 heures sur les bancs d’école. (…) La consommation de télévision, comme la navigation sur Internet, est désormais une activité « solitaire », y compris pour l’enfant, encore « illettré » de l’image et particulièrement vulnérable à ses excès. Il semble évident que les heures passées sur Internet additionnées à celles passées devant la télévision (15 h par semaine en moyenne32) modifient fortement la relation des jeunes face aux autres. En effet, et comme le souligne Annette Dumesnil, « Internet ne se contente pas d’ouvrir les enfants sur une multiplicité de mondes, il modifie en positif ‘l’art de se rencontrer’. » Les notions d’espace, de temps et de proximité sont littéralement bousculées, voire même anéanties par ces moyens technologiques. En tant que téléspectateur, nous sommes « bombardés » d’images, de sons et d’informations en tout genre. Nous sommes en quelque sorte privés de nous-même. Captivés par ce que l’on nous montre, nos cerveaux se mettent en « veille ». Pour l’enfant qui regarde la télévision, le monde décrit n’existe que dans une « boite ». Il observe ce qui s’y passe, se distrait. Rien ne l’aide à décrypter ce qu’il voit. Tout bouge, tout va très vite, et on zappe ! Beaucoup d’enfants (…) vivent dans un univers dominé par l’image télévisuelle. Les informations sont triées, mastiquées, vulgarisées et le plus souvent vidées de leur « substance didactique ». Le culte du vedettariat et du « star système », qu’il soit inspiré par la variété, le cinéma ou le ballon rond, amène aussi à privilégier l’aspect extérieur de la personne à travers des attitudes et des comportements préfabriqués. Il est difficile pour les enfants d’apprendre à se situer par rapport à tout ce qui défile sur les écrans. Face à sa télé, l’enfant est un spectateur passif. Or s’il est un lieu où l’enfant peut devenir spectateur actif, c’est bien au théâtre. Dans ce lieu de spectacle dramatique, l’enfant accède à la densité du geste et du mot. Il entre dans un univers où il « existe des places : celle de celui qui écoute, celle de celui qui parle, de celui qui montre, de celui qui regarde, de celui qui arrive, de celui qui part…» Tandis que la télévision offre une image de la réalité semblant distante et lointaine due à l’écran de verre qui sépare les téléspectateurs de ce qu’il scrutent, l’art dramatique permet aux enfants d’apprendre à voir et à entendre. Chez lui, l’enfant est seul, ou entouré de ses proches, près de la radio ou devant la télévision. L’espace protecteur qu’il habite le rassure et l’inscrit dans un « ailleurs », où il pense ne pas pouvoir être atteint par les brutalités qu’il scrute. La chaleur de son intérieur renforce la distance qu’il y a entre lui et les images qu’il voit à l’écran. Écran, qui d’ailleurs, retire une part d’humanité aux personnes qu’ils voient défilées dessus. Au théâtre, l’expérience qu’il fait est tout autre. Des êtres vivants jouent sous ses yeux, aucune caméra ne réalise de gros plans pour lui indiquer « où » et « ce » qu’il doit regarder. Au théâtre, le spectateur se doit de rester attentif aux dialogues, aux gestes, à la lumière et aux sons se produisant sur scène. Il expérimente la brutalité du réel mis en acte au théâtre. Il y a parfois tant de similitudes entre la vie qu’il mène et la pièce présentée, que celui ci peut vouloir s’identifier et se projeter davantage dans l’intrigue théâtrale. Ce qu’il voit se présente comme une expérience qu’il ferait de lui même, laquelle peut lui permettre de se contempler, de réfléchir et de mûrir. Le théâtre restaure un élément fondamental : la dimension symbolique de l’espace. Quand nous amenons les enfants au théâtre, ils sont très étonnés de découvrir un espace où l’on ne fait pas n’importe quoi et dans lequel, par exemple, un faisceau de lumière isole tel ou tel endroit en produisant du sens. Le théâtre lui-même en tant que lieu, après la disparition presque totale des règles de l’espace religieux et de l’espace scolaire, reste aujourd’hui, avec l’espace judicaire, un des rares endroits où l’enfant peut apprendre à sortir de cet agglutinement dans les rapports humains qui caractérise notre société et d’où plus rien ne peut émerger35.L’espace théâtrale est un espace symbolique. Suivant les places que l’on y occupe, on se voit attribué un rôle différent. Certains restent passifs, c’est le cas des spectateurs. Et pourtant, ils jouent un rôle primordial vis à vis de la pièce puisque c’est leur présence qui légitime l’acte théâtrale. Dans le procès qu’est la représentation théâtrale, dans cet événement à multiples personnages, les répliques prononcées ne s’adressent pas seulement aux personnages eux-mêmes. Il se trouve un personnage clé qui n’apparaît pas sur scène et qui semble ne rien produire; il s’agit du spectateur. Ce dernier détient un rôle majeur dans le déroulement de la pièce puisqu’il s’inscrit comme étant le récepteur d’un message complexe, visuel et auditif. Les messages transmis au spectateur, tout au long de la pièce, sont soumis à son jugement ainsi qu’à ses qualités de récepteur. Le spectateur cadre et organise sa perception de la pièce. Selon son expérience personnelle, il construit une relation entre l’œuvre théâtrale vue et le monde qu’il habite. Le spectateur est en fait celui qui fabrique le spectacle. Il est autant présent dans le projet d’écriture que dans celui de la représentation. Comme le précise Anne Ubersfled : Il serait faux de dire que le rôle du spectateur dans le procès de communication est passif. Le spectateur trie les informations, les choisit, les rejette, pousse le comédien dans un sens, par des signes faibles, mais très clairement perceptibles en feedback par l’émetteur. (…) (Au théâtre) tout message reçu est réfracté (sur les autres spectateurs), répercuté, repris et renvoyé dans un échange très complexe37. Le théâtre offre un spectacle vivant. Nous quittons un espace régit par des apparences et caractérisé par une tendance au « tout consommé », pour entrer dans un espace faisant appel aussi bien à nos capacités sensorielles que nos aptitudes intellectuelles. Au théâtre, on ne se « gave » pas d’effets spéciaux et de préfabriqués, tout est fait au contraire pour nous inviter à vivre, ressentir et apprécier la force d’une pièce, et la qualité du jeu des comédiens, qui se joue sous nos yeux. (Les enfants) vivent (…) dans le chaos, dans un monde où il leur semble que tout est dans tout et réciproquement. Or l’une des fonctions de l’éducation, c’est précisément la séparation : séparer l’enfant de sa mère, séparer l’enfant d’un milieu ou d’un groupe qui le retiennent prisonnier, le séparer aussi de ses propres obsessions pour le faire accéder àd’autres centres d’intérêt que lui-même, le sortir de son chaos. Au total, par le symbolique, le théâtre fait entrer dans l’intelligence, au sens où celleci consiste précisément à pouvoir tenir le réel à distance, y introduire des lignes de force, en faire émerger des invariants, se dégager de la précipitation quotidienne pour pouvoir comprendre ce qui la structure, prendre de la distance pour mieux entrer ensuite dans un monde où la vie n’est plus agglutinement incohérent mais “ drame ”assumé, relations entre des hommes qui se reconnaissent chacun dans leur humanité́.À travers une expérience théâtrale, l’enfant apprend à focaliser. Il quitte un instant cette vie, dans laquelle il s’affaire et se presse, où il vaque d’une occupation à une autre, pour se consacrer à une activité qu’il vit de manière collective. Le fait d’être spectateur, à la fois individuellement et dans un ensemble lui permet d’apprendre à se « mettre vraiment ‘en jeu’, donc aussi ‘en Je’, dans sa propre vie… ».

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Table des matières

1er Chapitre : Histoire et évolution du théâtre
I- Émergence d’un nouveau théâtre
A. L’enfant et le Théâtre
B. Vers un théâtre qui s’adresse à l’enfant
II- L’Enfant, un spectateur à part entière 
A. Jeunes spectateurs et nouveaux défis
B. Théâtre jeunesse : Nouvelle Espace d’écriture et de réflexion.
2ème Chapitre : Analyse des œuvres de Dominique Paquet
I- Découverte des œuvres de D. Paquet et gros plan sur l’enfance
A. Trois pièces et peu de personnages
B. Repères spatio‐temporels incertains
1‐ Univers Clos
2‐ Temps suspendu
C. Langage et poésie de l’enfance
II- Théâtre et Merveilleux 
A. Un théâtre qui ne montre pas tout
1‐ Comme une histoire qui nous serait contée
2‐ Des personnages acteurs de leur histoire et narrateurs des pièces
B. De l’universalité du conte à une initiation au discours philosophique
1‐ L’univers des contes : Passerelle entre le théâtre et l’enfant
2‐ Le jeu – Outil de libération et d’apprentissage
a. Du conte au jeu théâtral
b. Questionnements philosophiques et jeux d’enfants
C. Des thèmes et des questions – Recette philosophique
1‐ Des peurs, des dilemmes – Violence faites à l’enfance
2‐ Et ils vécurent heureux jusqu’à la fin des jours
3 ème Chapitre : Théâtre et Philosophie à l’École Primaire
I- Vers une nouvelle définition du « Théâtre » ?
A. Théâtre VS Philosophie ? Vrai ou Faux. Retour sur la pensée de grands auteurs
B. Un théâtre à lire
II- Des activités théâtrales et philosophiques en classe ?
A. Un compromis entre les deux : Le Jeu Dramatique Le jeu : Outil de libération et d’apprentissage
B. Du théâtre au débat philosophique ? Ou philosopher d’abord pour théâtraliser ensuite ?

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