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Arrivée d’une nouvelle maladie inconnue, mort de Foucault
Parmi les autofictions sur l’expérience de la maladie, dans son livre A l’ami qui ne m’a pas sauvé la vie(17), Hervé Guibert témoigne, dans la crudité de son écriture, de l’époque d’émergence du SIDA à travers le récit de son parcours et de la description des derniers jours de vie de Michel Foucault (Muzil). Dévoiler des aspects intimes de la vie de Michel Foucault, lui a été reproché à l’époque. Hervé Guibert à travers ce récit, expliquera qu’il écrit sur sa propre mort, dépassant ainsi le sentiment de trahison qu’il n’a pas manqué de ressentir. Pour l’auteur « tout est vrai dans ce livre » et « pourtant c’est un roman ».
Dans ce livre Hervé Guibert décrit très bien à travers sa subjectivité et son parcours singulier, l’arrivée d’une rumeur depuis les Etats-Unis celle du « cancer Gay », la réaction de Muzil quand il lui parle en 1981 de l’alarme d’une fameuse maladie décrite par « Bill » revenu des Etats-Unis « il (Muzil) se laissa tomber par terre de son canapé, tordu par une quinte de fou rire : « Un cancer qui toucherait exclusivement les homosexuels, non ce serait trop beau pour être vrai, c’est à mourir de rire » (17)(p 21) témoignant de l’incrédulité initiale de Foucault et de l’ensemble de la population vis à vis de cette épidémie à une époque où on ne savait pas qu’il s’agissait d’un virus, plus encore nous pensions en avoir fini avec les maladies transmissibles grâce aux vaccins et antibiotiques. La communauté homosexuelle aux Etats-Unis commençait à être touchée par le sarcome de Kaposi, provoquant des tumeurs cutanées en lien avec un virus opportuniste.
Le livre décrit ensuite parfaitement bien à la fois, les remaniements psychologiques, identitaires, la honte, la violence sociale, auxquels l’auteur est confronté et les différentes périodes, d’incrédulité, d’errance, d’accumulations des connaissances, d’organisation progressive des soins. Hervé Guibert ne fait pas l’impasse sur les ambitions opportunistes des uns et des autres, et les conflits de pouvoirs qui s’installent dans ce nouveau contexte.
Illustration : dans le champ de la toxicomanie
Afin d’illustrer mon propos, visant à étudier les rapports entre l’épidémie, la démocratie sanitaire, les revendications identitaires et d’autonomie d’une communauté, la prise en compte du sujet dans sa singularité, je vais rappeler les modifications que l’épidémie de VIH a pu engendrer dans le champ de la toxicomanie, alors même que la population des sujets dépendants aux toxiques n’était pas majoritaire dans les associations de lutte contre ce virus.
Jusque dans les années 1980/90, le traitement de la toxicomanie reposait sur le principe d’abstinence, ceci quel que soit l’approche thérapeutique prise comme référence. Avec le VIH, le sujet toxicomane est d’abord en danger de mort avant d’être dépendant à un toxique. Ceci induit quatre grands axes de réflexion : l’introduction puis le développement des produits de substitution, l’éducation sanitaire du consommateur de drogue (le shoot propre, stéribox…), l’amélioration de leur accès aux soins et la promotion de leur organisation en groupe d’autosupport. (30)(p339)
Produits de substitution/ éducation sanitaire
La mise en place des produits substitutifs en France constitue une révolution thérapeutique. Le Pr Olivienstein, fondateur du centre Marmotan figure incontournable du soin aux toxicomanes, est favorable à la vente libre de seringues propres dès l’émergence de l’épidémie. Il sera un peu plus difficile à rallier à la cause du traitement substitutif refusant d’abord de faire de ses patients des « drogués médico-légaux » (30)(p341) il finira par céder à la nécessité de prévenir l’expansion du VIH.
Du côté de l’accès aux soins :
« La seule hâte, c’était de faire sortir très vite le toxicomane, parce qu’il allait mettre le bordel. (…) Au départ ce n’était pas écrit, mais c’était pratiquement interdit de prendre des toxicomanes. Alors que maintenant, c’est une majorité de patients. Il y a eu une révolution, en quelques années, impressionnante. » (30) Propos d’un médecin hospitalier recueillis par Philippe Pinell à la fin des années 80. L’objectif est de stabiliser le comportement ou la situation psychologique de malades du sida dépendants pour qu’ils puissent suivre comme les autres, les traitements prophylactiques des infections opportunistes, voire entrer dans les protocoles de traitements antiviraux précoces (ex : essai de traitement avec l’AZT pendant la phase asymptomatique de la séropositivité). Et ce, alors même que la majorité des cliniciens estime que les toxicomanes, à cause de leur comportement, ne doivent pas être inclus dans des essais thérapeutiques (p340)
Sans assister à une déstigmatisation des patients consommateurs de drogue, des structures sont créés permettant de répondre aux besoins spécifiques des personnes à risque de sevrage somatopsychique.
Promotion de l’autosupport
Une des figures de « l’auto-support » à cette époque est l’égyptien Abdalla Toufik. Doctorant en histoire, il décide de rester en France et de s’engager comme bénévole dans une association de travail communautaire du quartier de la Goutte d’or à Paris qui intervient auprès des toxicomanes. C’était par ailleurs, un militant politique clandestin dans son pays d’origine.
« Je trouvais mon compte dans le travail communautaire ; j’ai transporté mon expérience de militant communiste gauchiste : mobilisation, travail souterrain, vers le travail communautaire et ça a marché. Tout de suite j’ai été valorisé et reconnu, j’ai trouvé plus de plaisir à faire ça qu’à faire des recherches en histoire, c’était une sorte de réconciliation à l ‘intérieur de moi-même, entre Marx et Freud … En toxicomanie, je suis très sensible à la question politique, le statut du toxicomane dans la société … » (entretien avec Abdalla Toufik Pinell p343)
ASUD (ASUD : auto-support des usagers de drogues), naît en 1992 de la rencontre de cet intervenant de terrain, Abdalla Toufik, et de trois usagers de drogues, Philippe Marchenay, Gilles et Phuong Charpy.
Ayant mis l’association sur rails, Abdalla Toufik, qui a toujours pensé que son rôle, en tant que militant non usager de drogues, était d’aider à la création du groupe d ‘autosupport puis de s’effacer, met ses actes en accord avec ses principes et quitte ASUD en 1993, il y acquiert le statut de membre bienfaiteur (30) (p346)
Dans un texte écrit à deux, Abdalla Toufik et Marie Jauffret nous explique en quoi consiste l’autosupport pour ASUD et pour les NA (Narcotique Anonyme):
Groupes d’autosupport d’usagers de drogues (1994) A. Toufik et M. Jauffret(32) « L’objectif de ASUD est de développer l’identité commune des usagers, de militer contre la répression et d’être reconnu comme partenaire et expert à part entière dans la lutte contre le sida. L’objectif de NA (narcotique anonyme) est l’abstinence totale des usagers et l’adoption de comportements individuels grâce à une approche communautaire de soutien individuel, ceci dans une logique d’indépendance et de fermeture du groupe vis-à-vis de toute contribution extérieure.
Les groupes d’auto-support peuvent être rattachés historiquement, d’une part, au modèle américain, naissance de NA dans les années 50, et apparition des modèles cliniques associant les usagers à leur traitement ; d’autre part, au modèle hollandais des Junkie bonds dans les années 80. Depuis l’apparition du Sida, la nature des groupes s’est transformée et se fonde sur trois concepts : éducation par les pairs, autosupport (action collective), auto-organisation (entraide mutuelle) »
Dans ce texte l’auto-support est défini comme tel : Dans son acception générale, le terme désigne selon De Katz et Bender « un regroupement de personnes volontaires, issues de la même catégorie sociale, des « pairs », en l’occurrence des usagers de drogues, réunis dans le but de s’offrir une aide mutuelle et de réaliser des objectifs spécifiques : satisfaire des besoins communs, surmonter un handicap, résoudre un problème social auquel le groupe est confronté dans son ensemble »
L’homme malade dans la recherche clinique
Ma dernière illustration concernera l’homme malade comme objet de la science expérimentale dans les essais thérapeutiques.
Chaque association de lutte contre le SIDA dans les années 1990 a, en son sein, des militants séropositifs inclus dans des essais thérapeutiques. Se crée en 1992 une alliance TRT-5, regroupant les 5 associations principales de l’époque, avec l’idée d’intervenir sur la recherche dans l’intérêt du malade. Chacune des associations est concernée par cette thématique avec le prisme des idéologies qu’elles portent. Par exemple Action-traitement a été fondée avec cet objectif unique « s’occuper des nouveaux traitements »(30). Act up quant à elle, défend une triple critique, celle des normes scientifiques justifiant les stratégies de traitement, le fonctionnement des institutions médicales, et la politiques des trusts pharmaceutiques. Par exemple la méthodologie de randomisation en double aveugle est sévèrement critiquée, car jugée inhumaine et irréaliste. ARCAT est directement impliquée dans les recherches sur les médicaments prophylactiques (aérosol de Pentamidine visant à prévenir la pneumocystose) et AIDES est confrontée à l’accompagnement croissant de patients participant aux essais thérapeutiques (30) (p315). L’essai thérapeutique randomisé en double aveugle crée une tension entre la revendication des patients à l’autonomie, et l’inclusion aléatoire du malade comme objet expérimental dans un « bras » (groupe contrôle => celui qui reçoit le traitement testé) ou dans l’autre (groupe témoin => qui reçoit le médicament de référence). Ceci, sans que ni le malade ni le médecin ne sache quel médicament est administré, cette situation est source de grand stress pour « l’objet expérimental » qui reste quoiqu’il arrive un sujet qui éprouve ce qui lui est donné à subir.
(30) (p319) Il s’agit pour le cartel TRT-5, de « construire le cadre d’un partenariat explicite » qui « permettrait aux autres acteurs de la recherche thérapeutique (cliniciens, chercheurs, institutionnels, industriels…) d’entendre, de comprendre et de prendre en compte les préoccupations, les besoins et les propositions des patients, notamment en matière de droit à l’information, d’accès aux traitements, de qualité de vie et du suivi médical » (brochure de 1993) Et, d’autre part, de permettre au patient «d’agir en tant qu’acteur à part entière de la recherche thérapeutique ». Le groupe affirme la nécessité d’associer « les personnes vivant avec le VIH » aux différentes étapes du développement des essais, « en fonction de leurs compétences spécifiques et dans le respect des règles du travail scientifique », afin que leurs intérêts puissent être pris en compte prioritairement lors des décisions sur les orientations de la recherche, sur l’élaboration et le déroulement des essais. Progressivement le groupe TRT-5 impose le point de vue de ses représentants dans les réunions avec l’ANRS (agence nationale de recherche sur le SIDA), il transforme ce qui était uniquement un lieu d’information en véritable groupe de travail (30) (p318). Des réunions entre l’ANRS-associations et les industriels pharmaceutiques s’organisent de manière plus fréquente et moins conflictuelle (Act-up comprise) (30) (p319), et enfin pour le troisième partenaire l’agence du médicament qui s’occupe de l’examen des dossiers d’AMM (Autorisation de Mise sur le Marché) les associations deviendront également des interlocuteurs (30) (p320).
Les discussions les plus animées concernent toujours les essais thérapeutiques avant que les succès de la trithérapie ne se confirment, on observera alors une modification des discussions qui se tourneront alors du côté de la revendication à l’égalité d’accès aux traitements pour les associations, et une demande de compliance aux médicaments pour les médecins. (30) (p324)
Du savoir expérientiel à la professionnalisation
Cette expression (cette réduction) employée pour nommer quelqu’un qui se sent tellement familier dans un lieu de soin du fait de sa fréquentation : « patient professionnel » circule également, j’ai déjà évoqué plus haut de ce terme.
Afin de lever maintenant toute ambiguïté ; personne ne devient « patient professionnel », certains acquièrent un savoir complexe à définir, qu’ils professionnalisent.
Pour illustrer la professionnalisation du savoir expérientiel en France je m’appuie sur une initiative décrite en annexe 2.
Celle du développement des médiateurs pairs en santé portée par le CCOMS pour la recherche et la formation en santé mental (Centre Collaborateur de l’Organisation Mondiale de le Santé)
Ce choix est motivé par le fait que parmi les sujets qui ont acceptés de répondre à mes questions deux personnes ont pris ce chemin proposé par le CCOMS. En 2012, a été créée un Diplôme Universitaire de Médiateurs de Santé-Pairs (MSP), à l’initiative du CCOMS et en collaboration avec l’université Paris 8. La formation se déroulait sur une année avec 8 semaines de cours et 36 semaines de stage dans un service de psychiatrie. Et donnait lieu à l’obtention d’un Diplôme Universitaire de Médiateur de Santé-Pair. Puis les MSP ont continué leur travail dans les équipes soignantes. 29 personnes porteuses de troubles psychiques, équilibrés ou en voie de l’être, ont été formées et embauchées, au sein de différents établissements de santé mentale.
Le projet a fait l’objet d’une recherche par un dispositif externe sous la direction scientifique de la sociologue Lise Demailly : Le dispositif des médiateurs de santé pairs en santé mentale : une innovation controversée Rapport final de la recherche évaluative qualitative sur le programme expérimental 20122-2014 (39)
Il conclut à la faisabilité de l’intégration des pairs aidants dans les services psychiatriques, malgré les controverses suscitées, et la rupture institutionnelle créée avec l’existant, à l’aptitude à susciter des débats constructifs dans les équipes. Lise Demailly conclut à la possibilité pour des personnes incluses dans le programme d’accéder à l’emploi, en faisant évoluer les approches sociales. Était préconisé non pas une généralisation mais une continuation du processus dans le cadre de la poursuite de recherche action.
Des points restaient à approfondir : dont précisément le mode de professionnalisation des MSP (Médiateur Santé Pairs) et l’orientation de leur éthique et déontologie professionnelle, leur positionnement symbolique et pratique vis-à-vis de l’institution.
Il existe bien d’autres initiatives / projets qui mènent au partenariat-patient et à la professionnalisation du savoir expérientiel, je citerai dans le domaine de la santé mentale le projet EMILIA qui s’est déployé sur 5 ans (2005-2010) basé sur le principe d’une recherche action participative, qui s’est développé sur plusieurs sites européens. En France à Paris il a été coordonné par le laboratoire de recherche de l’EPS MB (Etablissement Psychiatrique Maison Blanche)
Le programme visait à développer des compétences sur les prises de traitement, le prendre soin de soi, l’autodiagnostic des symptômes, les connaissances du système sanitaire, social et d’insertion professionnelle de personne majeure, ayant un diagnostic de maladie mentale sévère et de longue durée (schizophrénie (f20) ou trouble bipolaire (f31) selon le dsm-IV), utilisant depuis au moins trois ans les services psychiatriques, et étant sans emploi. Avec comme prérequis la valorisation des compétences et savoirs comme fondement du rétablissement de la personne et de son émancipation (empowerment) en tant que citoyen vivant avec un trouble psychique.
Parmi les effets du programme, les chercheurs ont observé une inclusion des patients dans des collectifs de travail hospitaliers, comme représentants bénévoles, pairs-aidants, formateurs, chercheurs, à des places qui autrefois étaient occupés par des professionnels (40) (41).
Formations non spécialisées « patients-partenaires »
* un patient partenaire a le parcours universitaire d’un chercheur docteur en sciences de l’éducation, maître de conférences, pionnier dans la valorisation du savoir expérientiel, engagé dans cette voie avant l’existence de diplôme spécifique, il participe lui-même activement à la réflexion et à la construction de formation. L’objet de ses travaux et de ses activités concerne le savoir expérientiel (PP1).
* un patient partenaire est « physicien de formation, ancien directeur de recherche », « j’ai travaillé beaucoup dans le traitement de l’information » (PP8). Il engage ses efforts vers la progression de la démocratie en santé notamment, par la valorisation du savoir expérientiel et par la formation des patients. Il est « président d’une association de patients partenaires qui est une structure de formation pour patients chroniques créée fin 2014 par des patients ». Son engagement est également antérieur à la création des diplômes universitaires spécifiques. (PP8) * un patient partenaire a fait des études littéraires universitaires. Je n’ai pas de précision. Il a spontanément mis en avant pour décrire son parcours non pas le cursus scolaire mais une culture familiale de l’engagement associatif auprès des personnes démunies dans laquelle il a grandie, et qu’il n’a jamais quitté. Avec les années SIDA qui l’ont amenées à voir un ami partir dès 1983 dans des conditions traumatiques, son premier contact avec les hôpitaux fût marqué par la violence de la stigmatisation des patients atteints par ce virus à son émergence.
« (Mon) premier contact direct avec le lieu de soins a été un contact très négatif. D’abord il y avait une vraie discrimination autour de la maladie. C’était le pédé de la 122 qui mourait (…) homosexuel ou pas (…) Alors comme je vais utiliser le terme de soignant je mets vraiment tout le monde, le médecin comme les parameds (…) on s’est retrouvé propulsé dans quelque chose où entre le moment de l’annonce de la maladie et le moment du décès de X s’est écoulé 9 mois, et… cette déchéance aussi rapide nous a fait toucher du doigt aussi l’inconnu de la science » Son engagement associatif s’est enrichi à partir de cette expérience vers la promotion de la démocratie sanitaire, d’abord par le biais d’AIDES. Il dit ne pas avoir reçu de formation spécifique « (…) je vous dis j’ai pas de diplôme universitaire expérience patient ou autre, je me suis quand même formé. (…) Des formations d’animation, des formations en éthique, je suis en formation pendant 2 ans au centre d’études cliniques(…) » PP10.
* un patient diplômé de sciences-politiques. Puis après avoir été journaliste puis professeur en lycée professionnel il est aujourd’hui « pensionné de l’éducation nationale » PP4 « En fait quand je dis prof, il faut savoir que pendant une heure de cours tu es alternativement éducateur, assistant social, infirmier psy, flic, et de temps en temps enseignant, avec la hiérarchie sur les épaules qui te dit faut faire ci faut faire ça. Quand mon psy m’a fait réformer j’allais bien en fait ! A posteriori, maintenant je comprends qu’il avait raison. En gros j’ai compris son raisonnement : “le mec est en train de s’en sortir, si je le laisse là-dedans il peut replonger. C’est-à dire que si je le laisse dans son bahut (avec tout ce que je viens d’évoquer) c’est trop dangereux en fait. Donc le gars il faut le réformer, comme ça il sera tranquille et il pourra continuer à se remettre doucement tranquillement de sa maladie”. C’est vrai que (…) quand on vous dit ça, vous vous êtes battu pendant des années pour votre boulot et on vous dit “faut s’arrêter”… on sort par la petite porte(…) on le prend pas très bien puis finalement c’était vraiment la meilleure décision ! (Rires) ça ne veut pas dire que je fous rien. Parce qu’en fait je me suis investi sur tout un tas d’activités bénévoles, parce que je touche une petite pension »
MIXTE : professionnel de santé et patient-partenaire
Lorsque PP1 est tombé malade, il a été confronté aux limites de l’organisation des soins et des connaissances médicales. En cherchant des réponses à ses questions il s’est rendu compte qu’il était lui-même une source de connaissance. Le savoir sur la maladie est dans le corps même du malade qui la porte : « Je me suis rendu compte que euh juste être en relation avec des professionnels ça ne suffisait pas donc je suis allé rencontrer des associations pour trouver des réponses et très vite je me suis retrouvé à être une ressource au sein de ces associations »
PP1 explique qu’il découvre une inhomogénéité dans les soins en fonction : « J’avais passé plusieurs mois à l’hôpital (…) on m’a envoyé dans un centre de moyen séjour et dans ce centre de moyen séjour je suis arrivé et puis y’avait douze personnes qui avaient des chambres implantables elles étaient toutes bouchées, là j’ai réalisé (…) que le système de santé n’était pas homogène parce que…que ce soit à l’hôpital ou bien avec l’équipe de soins à domicile qui m’accompagnait (…) avant de partir, les soins me paraissaient assez sécure quoi »
Instinctivement dans ce centre de moyen séjour il se dit que s’il veut s’en sortir il va devoir prendre les choses en main, gagner en autonomie : « j’ai vécu cette expérience-là, j’ai pris conscience que le système de santé n’était pas si homogène que ça et qu’il fallait mieux avoir la maitrise »
C’est pourquoi de retour chez lui il demande à l’équipe de soins à domicile de l’aider à accéder à une autonomie de soins. L’équipe accède à sa demande, il le découvrira plus tard, pour des motifs initialement compassionnels. PP1 décrit les résistances initiales à sa demande inhabituelle.
« Ils ont accepté (…) et puis ils ont commencé à monter le protocole entre eux et puis là je les ai questionnés et puis je leur ai dit je ne comprends pas vous voulez m’amener à l’autonomie et puis vous regardez entre vous peut être qu’on peut regarder ça ensemble ».
« Mon but c’était pas de me passer d’eux ».
« À la fin du processus je me suis retrouvé avec (..) c’est une image mais avec des ados en fait des gens qui tombent amoureux pour la première fois ils ont appris quelque chose et puis ils voulaient le faire savoir à tout le monde donc on s’est retrouvé à faire des interventions auprès de cadres hospitaliers aux gars (…) de mes pathologies et tout ils ont voulu faire un film enfin il y a vraiment eu tout un déroulé et pis ça m’a fait réfléchir ».
PP1 décrit cette expérience de co-construction entre une personne malade et ceux qui la soignent comme fondatrice dans son parcours de patient-chercheur, qui s’intéresse à la réflexivité et la mobilisation du savoir expérientiel des patients sur la maladie.
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Table des matières
I : Contexte
1 : INTRODUCTION
1.1 PRESENTATION
1.2 TOMBER MALADE
1.3 POINTS DE VUE
1.4 ASSIGNATION IDENTITAIRE
2 : LECTURE D’AUTOBIOGRAPHIES
2.1 PRESENTATION
2.2 MALADIE-MAUX-MOTS
2.3 CORPS-ESPRIT
2.4 SOIGNER LA VIE
2.5 OEUVRES GRAPHIQUES
2.6 RELATIONS MEDECIN-MALADE
3 : ANNA O : PREMIERE PATIENTE PARTENAIRE ?
3.1 PRESENTATION
3.2 ANNA O
3.3 EMMY VON N. ET KATARINA
4 : VIH ET DEMOCRATIE EN SANTE
4.1 ARRIVEE D’UNE NOUVELLE MALADIE INCONNUE, MORT DE FOUCAULT
4.2 NAISSANCE D’AIDES
4.3 INSTITUTIONNALISATION DE LA DEMOCRATIE EN SANTE
4.4 ILLUSTRATION : DANS LE CHAMP DE LA TOXICOMANIE
4.4.1 Produits de substitution/éducation sanitaire
4.4.2 Promotion de l’autosupport
4.5 L’HOMME MALADE DANS LA RECHERCHE CLINIQUE
5 : DE L’ENTRAIDE AU SAVOIR EXPERIENTIEL
5.1 L’ENTRAIDE
5.2 COMMENT PASSER DE L’ENTRAIDE, A LA PROFESSIONNALISATION D’UN SAVOIR ACQUIS PAR L’EXPERIENCE
5.3 DES DEFINITIONS DU SAVOIR EXPERIENTIEL
5.3.1 Borkman
5.3.2 Eve Gardien
5.3.3 Flora L., Jouet E., Las Vergans O.
5.3.4 Le savoir déporté
5.3.5 Du savoir expérientiel à la professionnalisation
II : Présentation de la question de recherche
III : Travaux
6 : MATERIELS ET METHODE
6.1 LA TERMINOLOGIE
6.2 LES ENTRETIENS
6.3 RECRUTEMENT
6.4 PRESENTATION DES PATIENTS PARTENAIRES
6.4.1 Formation
6.4.1.a Formations spécifiques universitaires
6.4.1.b Formation spécifique patient-partenaire ou pair-aidant non universitaire
6.4.1.c Formation de formateur-pair non universitaire
6.4.1.d Formations non spécialisées « patients-partenaires »
6.4.2 Résumé
6.5 RECUEIL ET ENREGISTREMENT
7 : ANALYSE DES ENTRETIENS
7.1 REMUNERATION
7.1.1 Patients-partenaires bénévoles
7.1.2 Patients-partenaires rémunérés
7.2 STATUT
7.3 PRATIQUES COMMUNES / COMPETENCES / POSITIONNEMENT
7.3.1 Transmission du savoir/recherche
7.3.1.a Professionnels / futur professionnels
7.3.1.b Université populaire
7.3.1.c Mixte : professionnel de santé et patient-partenaire
7.3.1.d Pair-aidant / Patient-partenaire
7.4 VOCATION
7.4.1 Aide et entraide
7.4.2 Donner du sens à un événement de vie
7.4.3 Aliénation / Liberté
7.4.4 Trouver ou retrouver une place dans la société dont la maladie a privé le sujet
8 : DISCUSSION
8.1 LA MALADIE CHRONIQUE : UN NOUVEAU PARADIGME ?
8.2 MILITANTISME
8.3 SAVOIR EXPERIENTIEL ET ENFERMEMENT
8.4 COMMENT JE ME PAYE ? COMMENT JE ME FAIS PAYER ? OU LA QUESTION DU RETOUR
8.5 REPARTITION DES POUVOIRS
8.6 CETTE PARTICIPATION DES PATIENTS S’OBSERVE A TOUS LES NIVEAUX :
8.6.1 Dans la recherche
8.6.2 Dans l’enseignement
8.6.2.a Des étudiants
8.6.2.b Des équipes soignantes
8.6.2.c De la population
8.6.2.d Accompagnement des pairs
8.6.2.e Dans la formation des patients eux-mêmes
8.7 DIFFERENTS ASPECTS DE LA PROFESSIONNALISATION :
8.7.1 Vocation
8.7.2 Recul et capacité réflexive
8.7.3 Articulation avec des compétences antérieures, et ultérieures
8.7.4 Créativité
8.7.5 Savoir expérientiel / Savoir académique
8.7.6 Statut
8.7.7 Rémunération
8.8 QUEBEC
8.9 FORMATION ? DEBATS ET QUESTIONS
8.10 PSYCHOTHERAPIE INSTITUTIONNELLE
8.10.1 Empowerment
8.10.2 Entraide
8.10.3 Patient acteur
8.10.4 Science du profane
8.10.5 Conception d’une démocratie participative plus que représentative
8.10.6 Transmission
8.10.7 Partenariat patient et psychothérapie institutionnelle, à travers l’histoire et la figure de son fondateur, liens et divergences
8.11 POUR TERMINER LA DISCUSSION AVANT DE CONCLURE
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
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