Les matériaux cellulaires
L’étude des matériaux cellulaires combine la complexité de l’étude d’un matériau classique et la complexité de l’étude d’une structure. Cette dualité est la base de nombreuses études sur les principaux paramètres gouvernant le comportement des matériaux cellulaires. Ce travail bibliographique est important afin de connaître d’abord les particularités du comportement inélastique des matériaux cellulaires, puis d’établir des tendances communes entre toutes les architectures étudiées par les auteurs. En effet, la diversité des matériaux qui les constituent, et la variété des architectures possibles conduisent à autant de comportements effectifs différents. Les lecteurs peuvent donc trouver ici des travaux qui peuvent être appliqués à l’étude du matériau modèle de ce travail de thèse.
Effets de l’architecture sur le comportement macroscopique
Certains matériaux cellulaires sont construits selon une architecture mésoscopique régulière. En fonction du procédé de fabrication choisi, il est possible de construire une très grande variété de morphologies. En s’intéressant uniquement à l’architecture du matériau cellulaire périodique, le comportement macroscopique et sa dépendance aux paramètres géométriques mésoscopiques a été étudié. Les empilements de sphère creuses ont notamment été étudiés par Sanders et Gibson (2003a,b) en modélisant par éléments finis des cellules unitaires de différents types d’empilements en 3D. Le comportement élastique et inélastique a été caractérisé en fonction du motif de l’empilement des sphères : cubique simple, cubique à face centrée ou cubique centré. Les auteurs concluent sur une rigidité et une raideur plus élevées dans la majorité des cas de chargement de l’empilement cubique à face centrée. De plus, la forme de la surface de seuil de plasticité des empilements est soit quadratique soit non-quadratique pour des chargements bi-axiaux comme multi-axiaux. Marcadon et Feyel (2009) ont étudié des cellules unitaires d’empilements 3D de sphères creuses en grandes déformations grâce à un modèle volumique permettant l’analyse des lieux de localisation de la déformation plastique gouvernant le comportement inélastique macroscopique. Une étude paramétrique a été réalisée par les auteurs afin de déterminer l’influence du rapport entre rayon de sphère et épaisseur de paroi sur l’effondrement des cellules sur elles-mêmes. Plusieurs architectures régulières et périodiques ont été caractérisées en 2D par Wang et McDowell (2005). Ils se sont intéressés à des architectures de densités relatives élevées pour privilégier l’allongement et la flexion des liens à l’échelle mésoscopique. En effet, les auteurs affirment que les architectures de faible densité relative sont sujettes principalement au flambement lorsqu’elles sont soumises à des chargements en compression. Les auteurs ont déterminé en fonction de la géométrie des cellules unitaires les seuils de plasticité pour des chargements multi-axiaux. Ils ont été représentées dans l’espace des contraintes principales par des surfaces de charge initiales. Les nids d’abeille étudiés se caractérisent par des formes de surfaces de charge fermées et non-quadratiques. Les nids d’abeille peuvent également être auxétiques en fonction de l’architecture mésoscopique choisie. Ces matériaux architecturés, par le seul effet de l’architecture, ont des coefficients de Poisson négatifs dans leur régime élastique et des déformations plastiques transverses donnant des coefficients de Poisson plastiques négatifs. Ils ont pour application des structures sandwichs à forte rigidité en flexion grâce à leur important module de cisaillement. Dirrenberger et al. (2011) ont étudié par homogénéisation périodique numériquement diverses architectures auxétiques en élasticité, notamment pour quantifier les coefficients de Poisson anisotrope en fonction de l’orientation de la géométrie.
Architectures aléatoires et influence des défauts
Les mousses sont des structures aléatoires à l’échelle mésoscopique à cause de leur procédé de fabrication qui ne permet pas un contrôle strict des tailles et de la distribution des cellules au sein de la mousse. Ces matériaux ont d’abord été modélisés comme des structures régulières par une idéalisation de la structure par un milieu périodique (Gibson et al., 1982). Les mousses ouvertes peuvent être représentées comme une structure de nœds et de liens à fort élancement comme observé par tomographie par rayons X par Burteau et al. (2012). Des auteurs ont étudié les mousses en construisant des modèles constitués d’un treillis de poutres simples suivant un pavage de cellules de Voronoi (Fazekas et al., 2002; Ajdari et al., 2008) et de poutres plus représentatives des cinématiques des liens dans la mousse (Mangipudi et Onck, 2011). Cette méthode permet d’introduire plusieurs paramètres représentatifs du caractère aléatoire de la structure afin d’en observer l’influence. Fazekas et al. (2002) ont alors étudié des mousses afin de déterminer l’influence du désordre, de la distribution aléatoire de taille des cellules et de la présence de défauts. Mangipudi et Onck (2011) ont étudié plusieurs autres paramètres en quantifiant le désordre, par une anisotropie des orientations des cellules ou par l’étude de la localisation dans les cellules de grandes tailles. Il en ressort que le paramètre principal est la densité relative de la mousse et que la distribution aléatoire croissante implique une forte augmentation de la ductilité de la structure, mais n’a que peu d’influence sur la contrainte maximale avant adoucissement de la structure par endommagement de la mésostructure. Bastawros et al. (2000) ont étudié l’inhomogénéité du comportement inélastique de mousses d’aluminium par la technique de la corrélation d’images. Ainsi, les différents comportements macroscopiques observés lors d’essais sous chargements uni-axiaux en compression ont été reliés aux phénomènes à l’échelle mésoscopique. Au delà du comportement élastique, le comportement durcissant est suivi d’un adoucissement dû à l’effondrement des cellules sur elles-mêmes puis la densification de la mousse se fait par bandes successives lorsque les cellules se referment et viennent en contact. Les auteurs ont observé également que, lors de l’apparition des bandes de localisation de la déformation, les cellules autour de la bande sont également déformées sur une longueur de l’ordre de quelques cellules. Les auteurs considèrent que cette taille caractéristique est la limite de validité de l’hypothèse d’un milieu continu. Les matériaux à mésostructure régulière peuvent présenter des défauts. Marcadon et Kruch (2013) ont étudié le cas des sphères creuses. Des calculs éléments finis ont été menés sur des cellules unitaires présentant une distribution des paramètres géométriques tels que l’épaisseur des parois, la taille de ménisques de brasure ou l’absence de sphères, afin de déterminer leur influence sur la rigidité et sur le comportement plastique macroscopique. Ils concluent sur une forte influence de la distribution des épaisseurs de parois des sphères creuses sur le comportement macroscopique, et une faible influence des tailles de ménisque bien que la déformation plastique y soit principalement localisée.
Effet de taille de l’architecture mésoscopique
Le ratio entre la taille des échantillons étudiés et la taille caractéristique des cellules méscoscopiques permet de quantifier les effets de bords et l’influence des chargements locaux sur le comportement mécanique effectif de matériaux cellulaires. Onck et al. (Onck et al., 2001; Mangipudi et Onck, 2011) ont beaucoup travaillé sur la question des effets de taille. Ils ont modélisé des échantillons, de ratio entre largeur d’échantillon et taille de cellule variable, à hauteur constante afin d’étudier l’influence des effets de bord en fonction de la taille de l’architecture à l’échelle de la mésostructure. Ils ont observé que la réponse mécanique est d’abord constante lorsque la largeur des échantillons diminue puis finalement chute rapidement lorsque les effets de bords deviennent dominants pour de faibles largeurs d’échantillon. Ils interprètent ces résultats par la présence d’une zone sur le bord, de taille liée à la taille caractéristique de l’architecture, où la contrainte effective diminue graduellement. Elle passe alors d’une valeur de contrainte nominale à une contrainte nulle au bord. Lorsque la taille de l’échantillon est de l’ordre de grandeur de deux longueurs caractéristiques, la réponse mécanique ne dépasse pas la contrainte nominale dans la partie centrale d’une échantillon de grande taille. En revanche, Lhuissier et al. (2009) n’ont pas observé ce comportement pour des sphères creuses. Andrews et al. (2001) ont étudié l’effet de taille de mousses et sont arrivés aux mêmes conclusions que les travaux de (Onck et al., 2001; Mangipudi et Onck, 2011). Ils ont également montré l’influence de la taille caractéristique des cellules dans le cas de l’indentation d’une mousse. Dans le cadre de travaux de modélisation multi-échelle de nids d’abeille indentés, Asada et al. (2009) ont aussi étudié l’effet de taille dans un but de vérifier la validité de l’hypothèse de la séparation des échelles.
Rôle du matériau constitutif
L’architecture des matériaux cellulaires a une influence très marquée sur le comportement macroscopique. Cependant, le matériau constitutif de la phase solide joue un rôle très important sur le comportement des matériaux cellulaires. L’élasticité a été étudiée grâce à la théorie de l’homogénéisation qui permet un accès fiable aux propriétés effectives d’un matériau. Néanmoins, lorsque des non-linéarités géométriques ou des non-linéarités physiques telles que de la plasticité apparaissent, le comportement effectif devient inélastique. Les effets de chacune de ces non-linéarités sont difficiles à distinguer lorsqu’ils apparaissent simultanément dans un matériau. Un étude paramétrique sur l’influence du module d’écrouissage a été réalisée par Marcadon et Feyel (2009) sur des modèles de cellules unitaires d’empilements de sphères creuses. Ils en concluent que pour certains motifs d’empilement, le matériau constitutif peut avoir un effet du même ordre de grandeur que les paramètres géométriques sur le comportement effectif du matériau. Dirrenberger (2012) a également étudié l’influence de l’augmentation du module d’écrouissage du matériau constitutif dans le cas des matériaux auxétiques dans le régime non-linéaire. Il observe une forte diminution du coefficient de Poisson plastique macroscopique. Des auteurs ont étudié l’influence de l’endommagement qui peut se développer dans le matériau constitutif dans la phase solide (Takahashi et al., 2010; Mangipudi et Onck, 2011; Marcadon et Kruch, 2011). Des flambements locaux sont observés par Takahashi et al. (2010) lorsque le matériaux est adoucissant. Des calculs de cellules périodiques, ont montré que les modes d’instabilités qui apparaissent avec un matériau constitutif adoucissant sont différents des modes observés avec un matériau constitutif durcissant. Mangipudi et Onck (2011) ont investigué le lien qui existe entre les phénomènes observés sur la réponse macroscopique et les endommagements locaux observés dans l’architecture sur les cartographies de calculs éléments finis sur des mousses aléatoires. Caty et al. (2008) ont montré par tomographie par rayons X sur des empilements de sphères creuses qu’il existe des pores dans les parois, montrant ainsi la présence d’hétérogénéités à l’échelle microscopique qui influent sur le comportement du matériau constitutif. Ainsi, Fritzen et al. (2012, 2013) ont étudié cette double échelle d’hétérogénéité qui peut exister dans un matériau. Ainsi sur un Volume Elémentaire Représentatif (VER) d’une matrice avec des pores, les auteurs ont utilisé un modèle de matériau constitutif compressible dans la matrice afin de modéliser le comportement d’une matrice poreuse. En réalisant un très grand nombre de calculs éléments finis sur le VER, ils ont reconstitué son comportement macroscopique multi-axial, notamment le comportement compressible effectif du VER. Ils ont observé un influence importante des porosités aux deux échelles (microscopique par le modèle de comportement de la matrice et mésoscopique par l’architecture du VER). Le matériau constitutif peut également être dépendant de la vitesse de déformation. Les faibles vitesse de déformation ont été étudiées dans le cadre du fluage (Andrews et al., 1999; Tsuda et al., 2010) et les vitesses de déformation importantes ont été étudiées dans le cadre de chargements en dynamique rapide (Papka et Kyriakides, 1999b,a). Les auteurs ont observé dans les deux cas avec des matériaux élasto-visco-plastiques comme pour des matériaux visco-élastiques que la dépendance à la vitesse de déformation est également présente à l’échelle macroscopique.
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Table des matières
Introduction
1 Etat de l’art
1.1 Les matériaux cellulaires
1.1.1 Effets de l’architecture sur le comportement macroscopique
1.1.2 Architectures aléatoires et influence des défauts
1.1.3 Effet de taille de l’architecture mésoscopique
1.1.4 Rôle du matériau constitutif
1.1.5 Instabilités et effets de structure
1.2 Modélisation des architectures cellulaires
1.3 Méthodes de modélisation multi-échelle
1.3.1 Calculs du comportement effectif du Volume Elémentaire Représentatif d’un matériau cellulaire
1.3.2 Méthodes multi-échelles numériques intégrées de calcul de structures
1.3.3 Lois Homogènes Equivalentes
1.4 Conclusion
2 Homogénéisation périodique en grandes déformations
3 Homogénéisation périodique et caractérisation du comportement élastoplastique des empilements de tubes
3.1 Periodic homogenisation analysis of cellular structures
3.1.1 Homogenisation method
3.1.2 Homogenised uni-axial mechanical responses
3.1.3 Planar bi-axial yield surfaces
3.1.4 General multi-axial loading cases
3.2 Identification of homogeneous equivalent laws
3.2.1 Square stacking
3.2.2 Hexagonal squacking
3.2.3 Effective mechanical properties
3.3 Modelling of sandwich structures
3.3.1 Geometries and models
3.3.2 Results and boundary layer effects
3.4 Résultats complémentaires
3.4.1 Calculs sur le Volume Elémentaire Représentatif
3.4.2 Comportement inélastique multi-axial non-quadratique de l’empilement hexagonal
3.4.3 Lois Homogènes Equivalentes et anisotropie hors-plan
3.4.4 Modélisation de structures sandwichs sollicitées en flexion
3.5 Conclusion
4 Simulation du comportement mécanique des architectures cellulaires sous chargements sévères
4.1 Caractérisation expérimentale du comportement de structures sandwichs en compression
4.2 Modélisation des structures sandwichs de taille finie
4.2.1 Définition des hypothèses de modélisation
4.2.2 Réponses mécaniques des structures sandwichs pour des chargements en compression
4.3 Caractérisation du comportement macroscopique de cellules périodiques
4.3.1 Etude de l’empilement carré
4.3.2 Etude de l’empilement hexagonal
4.3.3 Modes d’instabilité et Volume Elémentaire Représentatif
4.3.4 Caractérisation du comportement bi-axial de la cellule périodique
4.4 Identification d’une Loi Homogène Equivalente en grandes déformations
4.4.1 Empilement carré
4.4.2 Empilement hexagonal
4.5 Conclusions
Conclusions