Architecture du sommeil

Architecture du sommeil

Au Québec, les troubles anxieux et de l’humeur affectent entre 6,9 % (Statistique Canada, 2005) et 10,3 % des personnes âgées questionnées (Statistique Canada, 2002). Ces troubles sont souvent peu ou mal diagnostiqués et conséquemment peu souvent traités (surtout en ce qui a trait à l’ anxiété). D’ aucuns ont vu l’importance de les étudier pour en connaître les interactions, les facteurs de risque et de protection (Vink, Aartsen, & Schoevers, 2008). Il est inévitable de constater le débat en cours concernant les points communs comme les spécificités de la dépression et de l’ anxiété (Beck, 1976; Beuke, Fisher, & McDowall, 2003; Brown, Chorpita, & Barlow, 1998; Clark, Steer, & Beck, 1994; Dobson, 1985; Feldman, 1993; Joormann & StOber, 1999; Lamberton & Oei, 2008; McDowell, 2011 ; McLaughlin & Nolen-Hoeksema, 2011; Meeks, WoodruffBorden, & Depp, 2003 ; Olivier, 2002; Vink et al., 2008). Certains auteurs abondent dans le sens de les considérer comme un seul et même trouble (Beuke et al. , 2003 ; Brown et al., 1998; Clark et al., 1994; Dobson, 1985; Feldman, 1993; Flannery-Schroeder, 2006; McDowell, 2011 ; Mc~aughlin & Nolen-Hoeksema, 2011 ; Meeks et al., 2003). D ‘ autres les voient davantage comme deux catégories distinctes de troubles (Joormann & StOber, 1999; Lamberton & Oei, 2008, Olivier, 2002). Enfin, certains repèrent leurs facteurs de risque communs (Vink et al., 2008).

L’impact de ces troubles mentaux peut être dramatique, qu’on pense simplement aux idéations suicidaires reliées aux troubles de 1 ‘humeur ou au malaise intense et aux limitations associés à plusieurs troubles anxieux (American Psychiatric Association, 2000). Ces troubles mentaux sont également en relation avec les difficultés de sommeil, qui affectent des millions de Canadiens et n’épargnent pas non plus la population âgée (Tjepkema, 2005). On ne peut passer sous silence les coûts annuels dus à l’insomnie dans la province de Québec, qui sont estimés à 6,6 milliards de dollars, ce qui inclut les frais associés aux consultations médicales, la médication prescrite et en vente libre et l’alcool souvent utilisé pour favoriser le sommeil (Daley, Morin, LeBlanc, Grégoire, & Savard, 2007). Les relations bidirectionnelles et les comorbidités qui concernent les troubles mentaux et les difficultés de sommeil sont importantes et doivent être prises en considération (Royant-Parola & Escourrau, 2010). Plusieurs auteurs recommandent effectivement d’inclure ces troubles lors de l’exploration de la problématique de l’insomnie (Camey, Edinger, Manber, Garson, & Segal, 2007; Clark, 2001; L6pezTorres Hidalgo et al., 2012; Salib, 2007) pour les différencier des changements développementaux liés à l’âge. Enfin, les comportements et les cognitions liés au sommeil sont fréquemment envisagés comme facteurs de maintien des difficultés de sommeil (Fiorentino & Martin, 2010) et la présente étude vise à vérifier s’ils sont des facteurs associés plus directement aux troubles mentaux.

L’objectif de cette thèse est de vérifier le type de difficultés de sommeil (difficulté à s’endormir, réveils, somnolence diurne, mauvaise qualité du sommeil et prise de médication pour dormir) dans l’ article 1, de cognitions liées au sommeil (croyances et attitudes dysfonctionnelles) dans l’article 2 et de comportements liés au sommeil (sieste, activités intellectuelles au coucher, usage de caféine, relaxation, exercices physiques au coucher) dans l’article 3 et leurs relations avec les troubles de l’humeur et anxieux. En fait, cette vérification a pour but de mettre en lumière la prévalence et les facteurs associés aux troubles anxieux et de l’humeur.

Il s’agit aussi de favoriser le développement d’outils de détection et des interventions plus précises et efficaces et d’enrichir le bagage d’informations propres à soutenir les actions préventives visant un groupè précis, les personnes âgées aux prises avec ces difficultés. C’est dans cette perspective d’éclaircissement et de nuances que les variables ont été déterminées. Globalement, l’information obtenue à cet égard amènera une perspective intéressante aux plans théorique et appliqué auprès de cette clientèle et ces résultats pourront s’inscrire dans un modèle tenant compte non seulement des composantes médicales, mais également des composantes psychosociales.

Le sommeil 

Architecture du sommeil 

Le sommeil occupe environ le tiers de notre vie et fait partie des fonctions vItales de l’organisme. Il s’agit d’un comportement spontané, réversible, caractérisé par des périodes de diminution de l’activité motrice, d’augmentation des seuils de réponse sensorielle, de facilitation de la mémorisation et de discontinuité de l’activité mentale (Royant-Parola & Escourrau, 2010). Le sommeil est composé de deux états physiologiques fort différents : le sommeil à ondes lentes et le sommeil à ondes rapides (ou paradoxal) (Corman, 2006; Vitiello, 2009; Williams, 2004).

Le sommeil lent est caractérisé par un ralentissement progressif de l’activité du cerveau et il est composé de quatre stades successifs comportant des activités cérébrales différentes. Le stade 1 est une période de transition entre l’état de veille et le sommeil (Corman, 2006; Vitiello, 2009). Le moindre bruit peut réveiller le dormeur à ce stade, qui ne se perçoit pas comme ayant dormi ou qui est vaguement somnolent (RoyantParola & Escourrau, 2010). Le stade 2 correspond aussi à un sommeil léger et marque l’entrée dans le sommeil. Il peut représenter jusqu’à la moitié du sommeil au total. Le sommeil profond appartient aux stades 3 et 4. Il s’agit d’un sommeil à ondes lentes qui permet une grande restauration physique (Corman, 2006; Vitiello, 2009). L’activité cérébrale ralentie des stades 3 et 4 fait en sorte qu’il est plus difficile de se réveiller. Le cerveau est de plus en plus imperméable aux stimulations extérieures (Royant-Parola & Escourrau, 2010). Donc, pendant le sommeil lent, on observe un ralentissement de l’activité cérébrale au fur et à mesure que le sommeil s’approfondit; le dormeur passe du stade 1 au stade 4. Au plan corporel, on constate une diminution progressive des principales fonctions de base de l’organisme telles que le pouls, la respiration, la tension artérielle, le tonus musculaire et la température corporelle (Royant-Parola & Escourrau, 2010). Le sommeil paradoxal fait partie de la deuxième catégorie de sommeil, soit celle à ondes rapides. Durant cette portion de la nuit, le dormeur est difficile à réveiller et son tonus musculaire est diminué. On reconnaît le sommeil paradoxal aux mouvements oculaires rapides du dormeur (Royant-Parola & Escourrau, 2010). Ce stade permet la régulation des émotions et la récupération psychique en plus de la consolidation de la mémoire et des différents apprentissages. Il peut représenter le quart de la nuit (Vitiello, 2009). Un cycle complet de sommeil dure en moyenne de 60 à 90 minutes et près de six cycles successifs remplissent une nuit complète (Corman, 2006).

Changements liés au vieillissement 

Avec le vieillissement, le sommeil tend à se modifier pour bon nombre de personnes âgées. Il peut changer sur le plan de sa qualité, de son rythme et des cycles circadiens. Ainsi, il comporte encore des cycles de 90 minutes, mais il est plus léger avec davantage de sommeil en stades 1 et 2 (Beek-Little, 2000; Koch, Haesler, Tiziani, & Wilson, 2006; Moller, Barbera, Kayumov, & Shapiro, 2004; Neikrug & Ancoli-Israel, 2010) et une diminution du sommeil profond des stades 3 et 4 (Alapin, 2000; Dijk, Duffy, Riel, Shanahan, & Czeisler, 1999; Fiorentino & Martin, 2010; McCrae & Lichstein, 2001; Morin, 1993; Vecchierini & Touchon, 1997). On constate également une diminution de l’intensité des ondes lentes (Martin, Shochat, & Ancoli-Israel, 2000; Royant-Parola 2008; Swift & Shapiro, 1993), qui diminuent de 2 % par décennie d’âge jusqu’à 60 ans (Neikrug & Ancoli-Israel, 2010). À 80 ans, il est exceptionnel d’accéder au sommeillent profond (Royant-Parola & Escourrau, 2010). Le sommeil paradoxal diminue aussi (Beek-Little, 2000; Koch et al., 2006; Moller et al., 2004; Neikrug & Ancoli-Israel, 2010; Swift & Shapiro, 1993) et se répartit différemment au cours de la nuit: il apparaît plus précocement et devient plus abondant dans la première partie de la nuit (RoyantParola, 2008; Royant Pa~ola & Escourrau, 2010). La durée totale du temps passé au lit augmente (Martin et al., 2000; Swift & Shapiro, 1993). La quantité de sommeil diurne s’accroît également (avec des siestes plus ou moins prolongées) au détriment du sommeil nocturne (Beek-Little, 2000; Koch et al., 2006; Royant-Parola, 2008; RoyantParola & Escourrau, 2010; Swift & Shapiro, 1993). En bout de ligne, les sujets âgés de plus de 65 ans dorment un peu moins que les plus jeunes (Dijk et al., 1999; Fetveit, 2009; Martin et al., 2000). Ils se couchent souvent tôt et ils ont une latence d’endormissement augmentée (Beek-Little, 2000; Fiorentino & Martin, 2010). Cette latence peut aller jusqu’à 30 minutes chez 20 % à 45 % des personnes âgées (HabteGabr et al., 1991). Cette latence d’endormissement se situe normalement autour de 16 minutes à 20 ans et autour de 17 minutes à 40 ans (Ohayon, Carskadon, Gui Il emi nault, & Vitiello, 2004). L’augmentation de la latence d’endormissement se produit graduellement jusqu’à la vieillesse. Ainsi, selon la méta analyse menée par Ohayon et al. (2004), seules les études comparant les jeunes adultes et les personnes âgées obtiennent des latences d’endormissement significativement différentes. Les aînés ont aussi plus de difficulté à dormir le matin (Fiorentino & Martin, 2010; Royant-Parola & Escourrau, 2010). En effet, le rythme du sommeil se modifie: la somnolence survient plus tôt, avec un réveil plus précoce (Koch et al., 2006; Martin et al., 2000; RoyantParola, 2008; Vecchierini & Touchon, 1997). Le seuil de réveil est plus bas (Morin, 1993), amenant des réveils plus fréquents et plus longs (Dijk, Duffy, & Czeisler, 2001 ; Martin et al., 2000; Ohayon et al., 2004; Roepke & Ancoli-Israel, 2010; Royant Parola, 2008; Swift & Shapiro, 1993). Le sommeil devient ainsi plus fragmenté, c’est-à dire qu’il présente plusieurs périodes d’éveil après l’endormissement (Koch et al., 2006; Roepke & Ancoli-Israel, 2010; Vecchierini & Touchon, 1997). Cet effet du vieillissement est plus ou moins marqué selon les individus.

Le vieillissement provoque une modification des rythmes circadiens chez bon nombre de personnes âgées (Dijk et al. , 1999; Moller et al. , 2004; Morgan, 2001; Shochat, Loredo, & Ancoli-Israel, 2001). Ces changements chronobiologiques sont reliés au rythme du sommeil sur une période de 24 heures. Ils incluent des cycles irréguliers de veille-sommeil, ainsi que des phases de sommeil avancées (Sivertsen, 2006). Ces changements chrono biologiques concernent les horloges biologiques internes et les synchroniseurs externes (zeitgebers), qui règlent les rythmes sommeil-veille. Le synchroniseur externe le plus connu est l’alternance entre les périodes de lumière et , celles d’obscurité (Corman, 2006). En effet, il est le plus pertinent et le plus synchronisant, apporté par la lumière naturelle qui donne au corps un signal fort sur le temps qui passe et permet une parfaite synchronisation avec la journée de 24 heures (Royant-Parola, 2008). D’autres synchroniseurs existent; toutes les activités qui se reproduisent périodiquement comme les repas, l’exercice physique, les activités sociales, ont valeur de synchroniseurs. Elles ont, certes, un effet sur l’horloge humaine, mais nettement moins important que celui de la lumière (Royant-Parola, 2008). Avec l’avancée en âge, un certain décalage entre l’horloge interne et les synchroniseurs externes peut survenir (Corman, 2006). Ainsi, les rythmes circadiens se dérèglent (McCrae & Lichstein, 2001), s’affaiblissent, deviennent désynchronisés et perdent de l’amplitude. Les phases du rythme circadien sont devancées (Duffy et al., 2002; , Fiorentino & Martin, 2010; Neikrug & Ancoli-Israel, 2010; Shochat et al., 2001) ou bien le sommeil survient avec un retard de phase (Vecchierini & Touchon, 1997). Le cycle sommeil-veille peut être plus grand que 24 heures et comprendre des irrégularités (Duffy et al., 2002). On a mentionné l’impact des activités sociales sur les synchronisateurs. On sait aussi que la sphère sociale chez les personnes âgées affecte leur sommeil et leur santé mentale. Cela comprend les dysfonctionnements sociaux (Mosolov, 2012), l’isolement, une diminution des activités orientées vers un but, une perte de renforcements positifs de la part de l’environnement, une perte de soutien et de . ressources (Benoit & Dorey, 2011) et moins de pairs pouvant aider à remettre en question ses distorsions cognitives et autres croyances (Fiske, Wetherell, & Gatz, 2009). Tous ces éléments peuvent également avoir un impact sur la satisfaction générale, le bien-être et la qualité de vie de la personne âgée (Beekman et al., 2002).

L’insomnie 

La vie est parsemée d’événements qui peuvent occasionnellement causer de l’insomnie, même chez ceux dormant bien habituellement. Cependant, pour plusieurs, cette insomnie se répète quotidiennement, hebdomadairement et dure plusieurs mois, voire des années (Ohayon, 2002). Le vieillissement occasionne ou exacerbe les problèmes de sommeil vécus par les personnes âgées (Ancoli-Israel & Cooke, 2005 ; Foley et al., 2010; Morphy, Dunn, Lewis, Boardman, & Croft, 2006; Sivertsen, 2006; Sivertsen, Krokstad, Overland, & Mykletun, 2009).

L’insomnie se caractérise par des difficultés à entrer dans le sommeil ou à le maintenir et s’accompagne de conséquences diurnes. Les sous-types d’insomnie incluent l’insomnie d’endormissement (difficulté à entrer dans le sommeil), de maintien (difficulté à demeurer endormi toute la nuit), du matin (réveil hâtif avec difficulté à retrouver le sommeil) et psychophysiologique (difficultés conditionnées provenant de cognitions ou de comportements inadaptés). L’insomnie peut être qualifiée de transitoire (quelques jours ou durant un événement stressant), à court terme (quelques semaines ou durant une période stressante ou une adaptation) ou chronique (plusieurs mois ou des années après un événement précipitant) (Roepke & Ancoli-Israel, 2010). Le DSM-IVTR (American Psychiatric Association, 2000) distingue trois catégories d’insomnie: l’insomnie primaire, l’insomnie due à un trouble mental (p. ex., dépression) et l’insomnie due à une condition médicale. Enfin, l’insomnie peut être considérée comme un simple symptôme (une difficulté de sommeil) ou un trouble (des plaintes plus sérieuses au sujet du sommeil, accompagnées de détresse émotionnelle et d’un fonctionnement perturbé) (Harvey, 2001a).

Prévalence. L’insomnie est un trouble psychologique fréquent (Harvey, 2002). En 2002, selon le Rapport sur la santé provenant de Statistique Canada, 3,3 millions de Canadiens ont souffert d’insomnie (Tjepkema, 2005). La prévalence de symptômes d’insomnie dans la population générale s’échelonne de 10 à 20 %, la même que pour les personnes âgées en bonne santé. Les symptômes les plus fréquents chez les personnes âgées sont les réveils nocturnes et hâtifs (Fiorentino & Martin, 2010). Les personnes âgées en mauvaise santé affichent des taux pouvant aller jusqu’à 40 % (Fiorentino & Martin, 2010), des taux similaires à ceux trouvés par Morin et al. (20 Il), dont l’étude révèle que 40,2 % des 2000 adultes canadiens interrogés ont présenté au moins un symptôme d’insomnie pour au moins trois nuits durant le même mois. Les taux plus spécifiques aux personnes âgées de plus de 60 ans sont de 10,1 % qui rapportent un syndrome d’insomnie selon la même étude. Toujours selon le rapport de Statistique Canada, en ce qui concerne les personnes âgées du groupe d’âge allant de 65 à 74 ans, la prévalence de l’insomnie est de 15,6 % et pour le groupe de plus de 75 ans, la prévalence est de 19,7 % (Tjepkema, 2005). D’autres auteurs situent ces taux entre 20 à 40 %, au moins quelques nuits par mois (Ancoli-Israel & Cooke, 2005). Certains auteurs rapportent même que plus de 50 % des participants âgés déclarent avoir au moins un symptôme d’insomnie survenant la plupart du temps (Foley et al., 1995; Vitiello, 2006). De plus, moins de 20 % de ces participants souffraient peu ou rarement d’insomnie (Foley et al., 1995). Une étude menée par Ohayon et Lemoine (2004) a démontré un risque d’insomnie deux fois plus grand chez les personnes âgées de plus de 65 ans, comparativement à celles âgées de moins de 45 ans. L’incidence de l’insomnie s’accroîtrait avec l’âge (Alapin, 2000; Ancoli-Israel & Cooke, 2005; Beek-Little, 2000; Buysse, 2004; Corman, 2006; Floyd, Medler, Ager, & Janisse, 2000; Mallon, Broman, & Hetta, 2000; Morin, 1993, 2010; Roberts, Shema, Kaplan, & Strawbridge, 2000).

L’insomnie résulte rarement d’une seule condition; elle est souvent multifactorielle (Avidan, 2005; Bastien, Vallières, & Morin, 2004; MacLeod, 2000; Morgan, 2001; Morin & Gramling, 1989), composée de facteurs prédisposants, précipitants et de maintien (Beaulieu, 2006; Fiorentino & Martin, 2010; Morin, 1993; Spielman & Glovinsky, 1991).

Les facteurs prédisposants. Les facteurs prédisposants sont constitués des prédispositions génétiques et familiales, des changements dans l’architecture du sommeil (stades et cycles), des changements des rythmes circadiens et des conditions médicales (Fiorentino & Martin, 2010). Les aînés peuvent souffrir de plusieurs problèmes physiques: la douleur corporelle, l’obésité (Foley, Ancoli-, Britz, & Walsh, 2004), l’hyperthyroïdie, le reflux gastro-œsophagien, l’asthme nocturne, les rhumatismes (Royant-Parola & Escourrau, 2010; Swift & Shapiro, 1993), la fibromyalgie, l’arthrite, la maladie de Parkinson, les problèmes dorsaux, la migraine, le diabète, les maladies cardiaques, le cancer, la bronchite chronique, l’emphysème, la maladie pulmonaire obstructive chronique, les ulcères gastriques et les troubles intestinaux (Buysse, 2004; Fiorentino & Martin, 2010; Foley et al., 2004; Tjepkema, 2005). Les désordres primaires du sommeil tels que le syndrome d’impatience des membres inférieurs, le syndrome des secousses périodiques des membres et le syndrome d’apnée du sommeil constituent également des facteurs prédisposants de l’insomnie (Swift & Shapiro, 1993; Vecchierini & Touchon, 1997).

Les facteurs précipitants. Les facteurs précipitants favorisent l’insomnie de type psychophysiologique et celle-ci apparaît généralement après une période d’insomnie dont la cause est connue: souvent une période de stress et une exacerbation des symptômes psychiatriques, des conditions médicales ou des hospitalisations. On retrouve aussi des facteurs psychosociaux pouvant affecter les aînés (Morin & Gramling, 1989) : les relations interpersonnelles (conflits familiaux, isolement social, solitude, deuil, séparation), la santé de l’individu ou de sa famille (douleur, maladie, intervention chirurgicale, médication, réduction de la mobilité), une diminution des activités quotidiennes et une surcharge de tâches ménagères (Ancoli-Israel & Cooke, 2005; Bastien et al., 2004; Fiorentino & Martin, 2010; Kappler & Hohagen, 2003; MacLeod, 2000; Moller et al., 2004; Sivertsen, 2006; Swift & Shapiro, 1993). Alors que la cause a disparu, l’insomnie persiste par un mécanisme de conditionnement entretenu par la peur de ne pas dormir; elle évolue ensuite pour son propre compte (Morin, 1993; RoyantParola & Escourrau, 2010) .

Les facteurs de maintien. Les facteurs de maintien comportent des facteurs comportementaux et cognitifs (Fiorentino & Martin, 2010). Ils font en sorte de perpétuer les problèmes de sommeil mais ont également une incidence potentielle sur les troubles anxieux et de l’humeur, quand on tient compte des relations de comorbidité qui concernent ces troubles mentaux et les difficultés de sommeil (Royant-Parola & Escourrau, 2010).

Comportements. Les conséquences de l’adoption de certains comportements au détriment du sommeil sont souvent sous-estimées (Cuellar et al., 2007; Rumble et al., 2010; Stepanski et al., 2003). Les comportements liés au sommeil comprennent les actions nuisibles ou de sécurité. En lien avec la crainte de compromettre un sommeil déjà précaire, les comportements de sécurité, chez les aînés, incluent l’abandon des activités sportives et les rencontres entre amis (Bernegger et al., 2003 ; Stepanski et al., 2003), une diminution des sorties extérieures, le fait de demeurer souvent alité (Koch et al., 2006; Royant-Parola, 2008). On peut ajouter le fait d’annuler ses activités le lendemain d’une mauvaise nuit.

Les comportements nuisibles incluent le fait de prolonger les heures au lit, d’aller se coucher trop tôt, d’avoir des heures de sommeil et de veille irrégulières, de se coucher quand on croit qu’il est temps et non quand la fatigue est ressentie et de demeurer couché quand le sommeil tarde. La consommation de repas trop lourds avant le coucher, de caféine, d’alcool, de nicotine, le manque d’activités physiques, l’activité intellectuelle ou physique intense avant d’aller se coucher ou l’absence de rituel, vérifier l’heure la nuit et, enfin, l’absence d’exposition à la lumière du jour et des sources lumineuses intenses en fonction la nuit (Corman, 2006; Fiorentino & Martin, 2010; MacLeod, 2000), dormir dans une chambre où la température de la chambre est soit trop ou pas assez élevée ou le fait de dormir sur un matelas inconfortable (Belleville et al., 2003; Benca, 2005; Espie, 2002; Fiorentino & Martin, 2010; Kamel & Gammack, 2006; MacLeod, 2000; McCrae & Lichstein, 2001; Moller et al., 2004; Montgomery & Shepard, 2010; Schnelle et al., 1998) sont des comportements possiblement nuisibles au sommeil. Enfin, les personnes âgées sont sensibles aux stimuli environnementaux et facilement réveillées par les bruits ambiants (Zepelin, McDonald, & Zammit, 1984) .

Ces habitudes ou comportements, dont certains pourraient être considérés comme favorables au sommeil, peuvent à long terme perturber le sommeil (Alapin, 2000; Benca, 2005; Bemegger et al., 2003; Edinger et al., 2001; Espie, 2002; Fiorentino & Martin, 2010; Kamel & Gammack, 2006; MacLeod, 2000; McCrae & Lichstein, 2001; Ouellet, 1995; Rumble et al., 2010; Shochat et al., 2001; Stepanski et al., 2003; Swift & Shapiro, 1993). Certains de ces comportements pouvant être adoptés par les personnes âgées sont abordés plus en détail.

Tabagisme. La nicotine est un stimulant et le tabagisme a été lié à l’insomnie chez les personnes âgées (Ancoli-Israel & Cooke, 2005; Benca, 2005; MacLeod, 2000; McCrae & Lichstein, 2001 ; Montgomery & Shepard, 2010; Phillips & Danner, 1995; Shochat et al., 2001 ; Stepanski et al., 2003). Les fumeurs rapporteraient davantage de difficultés à s’endormir, plus de réveils et de somnolence diurne que les non-fumeurs (Cuellar et al., 2007; Phillips & Danner, 1995). D’ autres études proposent des conclusions différentes. En effet, les hommes âgés qui fument auraient même une plus longue durée de sommeil que les non-fumeurs (Ito et al., 2000). Ito et ses collègues (2000) ont remarqué que chez les personnes âgées, il n’y aurait pas de différence entre les bons dormeurs et les mauvais dormeurs relativement à leur consommation de cigarettes. Cependant, ces chercheurs n’ont pas considéré le moment de la consommation de nicotine et ont simplement classifié les participants en fumeurs fréquents ou non-fumeurs. Il apparaît primordial que le délai entre la consommation de nicotine et le sommeil soit davantage précisé. Une autre étude (McCrae et al., 2006) va dans le même sens, c’est-à-dire qu’elle minimise le lien entre l’insomnie et la nicotine et, ne tient compte que de la consommation totale de cigarettes par jour; le taux de tabagisme parmi les participants était aussi presque nul.

Alcool. L’alcool est souvent considéré, à tort, comme un moyen efficace pour favoriser le sommeil. L’insomnie et l’automédication prolongée par l’ alcool semblent associées (Tjepkema, 2005). Cette habitude nuirait à la seconde moitié de la nuit et affecterait ainsi la qualité du sommeil (Ancoli-Israel & Cooke, 2005; MacLeod, 2000; McCrae & Lichstein, 2001; Montgomery & Shepard; 2010; Shochat et al., 2001 ; Swift & Shapiro, 1993; Tjepkema, 2005 ; Williams, 2004). Ainsi, quoique l’alcool raccourcisse la latence d’endormissement, il décroît les mouvements oculaires rapides et favorise un réveil plus matinal. L’alcool tend aussi à mener à la déshydratation et à provoquer des réveils à cause du métabolisme de l’éthanol, amenant un sommeil fragmenté (Espie, 2002). Les effets sédatifs de l’alcool augmentent avec l’âge dû au ralentissement du métabolisme et, ainsi, de plus petites quantités d’alcool peuvent affecter le sommeil (Martin et al., 2000). Une étude de McCrae et al. (2006) signale cependant que chez les personnes âgées, il n’y aurait pas de différence entre les bons dormeurs et les mauvais dormeurs relativement à leur consommation d’alcool; cependant, ces chercheurs n’ont pas tenu compte du moment de la consommation d’alcool et n’ont considéré que la quantité prise hebdomadairement. Aussi, le taux de consommation d’alcool parmi les participants de tous les sous-groupes était très faible (une à trois consommations hebdomadaires).

Sieste. La sieste est un phénomène courant chez les personnes âgées (CohenMansfield, & Jensen, 2005) et elle peut occasionner des difficultés de sommeil (Benca, 2005; Cuellar et al., 2007; Espie, 2002; Kamel & Gammack, 2006; Moller et al., 2004; Shochat et al., 2001 ; Stepanski et al., 2003). Dans une tentative de pallier les interruptions de sommeil, les gens font plus la sieste, ce qui tend parfois à augmenter la vulnérabilité aux difficultés de sommeilla nuit suivante (Goldman et al, 2008; Stepanski et al., 2003). Il semble cependant que les siestes prises en matinée ou en début d’aprèsmidi et d’une plus courte durée affectent moins le sommeil nocturne (Cuellar et al., 2007); elles seraient même bénéfiques en ces circonstances (Tanaka et al., 2002). La sieste a été étudiée en lien avec les difficultés de sommeil plus fréquemment que dans sa relation avec les troubles mentaux. À ce propos, la seule étude trouvée concernant la sieste, les personnes âgées et les troubles mentaux a démontré que les siestes sont positivement corrélées aux symptômes obsessionnel-compulsifs chez les 75 ans et plus (Frisoni, de Leo, Rozzini, & Trabucchi, 1996).

Caféine. La caféine ne se retrouve pas que dans le café. Elle se retrouve aussi dans certains aliments, breuvages et médicaments tels que les boissons gazeuses, le chocolat, les analgésiques, les stéroïdes, les broncho-dilatateurs, les antihypertenseurs, les décongestionnants et les coupe-faim. La caféine nuit au sommeil (Ancoli-Israel & Cooke, 2005 ; Kamel & Gammack, 2006; Montgomery & Shepard, 2010; Roehrs & Roth, 2008; Shochat et al. , 2001). En effet, ce stimulant augmente le délai d’endormissement, augmente la fragmentation du sommeil et en diminue la quantité totale (Benca, 2005; Espie, 1991 , MacLeod, 2000; McCrae & Lichstein, 2001; Moller et al., 2004; Swift & Shapiro, 1993). Il est recommandé d’éviter la consommation de caféine après le dîner ou en fin d’après-midi afin que le sommeil ne soit pas perturbé. Certaines études montrent que les personnes âgées sont particulièrement sensibles aux effets de la caféine (Cuellar et al., 2007; van Boxtel & Schmitt, 2004). Enfin, le fait de boire du café pour contrer les effets de l’insomnie peut engendrer un cercle vicieux (Carney & Edinger, 2010). Une étude de McCrae et al. (2006) signale cependant que . chez les personnes âgées, il n’y aurait pas de différence entre les bons dormeurs et les mauvais dormeurs relativement à leur consommation de caféine. Encore une fois, ces chercheurs n’ont pas pris en compte le moment de la consommation de caféine et n’ont évalué que la quantité prise quotidiennement. Il apparaît primordial que le délai entre la consommation de caféine et le sommeil soit précisé. De plus, cette étude a exploré uniquement le nombre de prescriptions totales et non le type de médicaments. On sait que plusieurs types de médicaments peuvent contenir de la caféine et il aurait été intéressant de mesurer l’impact possible de la caféine contenue dans la médication. Enfin, aucune recherche à propos de la consommation de caféine en soirée n’a été trouvée chez les personnes âgées, dans sa relation avec les troubles mentaux.

Cognitions. Les cognitions réfèrent à toute activité mentale qui comprend la perception, la mémoire, les croyances, les attributions et les attentes et plusieurs recherches, dont celle de Gamaldo, Allaire et Whitfield (2010), étudient davantage l’impact des mauvaises nuits de sommeil sur ces cognitions et la diminution des capacités cognitives avec l’ âge. Concernant l’insomnie et la comorbidité avec les troubles mentaux, deux types de cognitions sont examinés : les croyances et attitudes dysfonctionnelles liées au sommeil, des facteurs de maintien reconnus de l’insomnie.

Conséquences. De façon générale, l’insomnie s’accompagne de conséquences de toutes sortes mais, plus particulièrement chez les aînés, on note des assoupissements dans la journée et une baisse des fonctions cognitives (dont la résolution de problèmes et la mémoire) (Ancoli-Israel, 2006; Beck-Little, 2000; Corman, 2006; Harvey, 2009; MacLeod, 2000), un sentiment de bien-être diminué, un risque plus élevé d’accidents (Corman, 2006) et de la fatigue (Roth & Ancoli-Israel, 1999). L’insomnie amène aussi, chez cette population, de l’anxiété, des difficultés de concentration et peut exacerber des maladies chroniques ou psychiatriques et entraîner un risque accru de comorbidité et de mortalité (Ancoli-Israel, 2006; Bemegger, Meier-Rossi, & Schwander, 2003; MacLeod, 2000). L’insomnie peut mener au développement d’une dépression qui, en soi, est un prédicteur de problèmes de santé et d’ utilisation accrue des services de santé (Cuellar, Rogers, Hisghman, & Volpe, 2007; MacLeod, 2000). L’insomnie peut provoquer une diminution de la qualité de vie (Beck-Little, 2000; Harvey, 2009; MacLeod, 2000). Un sommeil déficient et inadéquat interfère aussi avec l’intégration sociale des personnes âgées (Ancoli-Israel & Cooke, 2005) en raison de leur tendance à adopter des comportements de sécurité liés au sommeil, qui impliquent la diminution ou l’abandon des’ activités physiques et sociales (Bemegger et al., 2003 ; Stepanski et al., 2003). Ces changements peuvent augmenter le risque de troubles médicaux et psychologiques (Cuellar et al., 2007).

Troubles anxieux et de l’humeur 

Ainsi, dans les conséquences et les comorbidités de l’insomnie, on retrouve les troubles mentaux, plus particulièrement les troubles anxieux et de l ‘humeur. Les troubles anxieux les plus communs chez les personnes âgées sont la phobie spécifique, l’agoraphobie, le trouble d’ anxiété généralisée et le trouble d’ anxiété sociale (Gauthier, 2005). Les changements neurobiologiques qui surviennent avec l’ âge augmentent la vulnérabilité à l’anxiété et les différentes pertes qui surviennent lors du processus du vieillissement (p. ex., la perte d’un être cher, de la santé, des capacités intellectuelles et de l’autonomie) sont souvent des déclencheurs. En plus, ces pertes . anticipées (imaginaires ou réelles) s’accompagnent de perceptions de danger ou d’une impression de vulnérabilité (Gauthier, 2005).

Prévalence 

Une recherche de Préville et al. (2010) indique que 6,2 % des personnes âgées du Québec ont développé un trouble mental sur une période de 12 mois. Cela représente près de 50 000 personnes âgées vivant dans la communauté qui ont besoin de services en santé mentale chaque année. Une autre recherche a révélé que 12,7 % des répondants vivent de la détresse psychologique accompagnant un diagnostic du DSM-IV (Préville et al., 2008). La comorbidité entre les troubles anxieux et de l’humeur est importante chez cette population (Flint, 1994). Une étude de Lenze et al. (2000) nous apprend que près de 35 % des personnes âgées dépressives ont eu un trouble anxieux au cours de leur vie. La symptomatologie anxieuse était présente chez 27,5 % des participants dépressifs et elle augmentait la sévérité de leur dépression, en plus de diminuer l’efficacité des interventions. Aussi, dans une recherche menée par Beekman et al. (2000), près de la moitié des participants souffrant d’une dépression majeure présentaient aussi un trouble anxieux et plus du quart des participants souffrant d’un trouble anxieux rencontraient les critères d’un trouble dépressif majeur.

Conclusion

Les cliniciens qui reçoivent des demandes d’aide ont tout intérêt à procéder à une analyse fonctionnelle, qui consiste à identifier les facteurs prédisposants, précipitants et de maintien, ces derniers impliquent les comportements et les cognitions liées au sommeil. Ils ont ensuite avantage à procéder à une certaine psychoéducation durant leur consultation afin d’informer la clientèle âgée et souffrante de cette composante psychiatrique tout autant que de normaliser certains changements possibles liés au sommeil (Fiorentino & Martin, 2010; Galea, 2008; Gauriau, Raffray, Choudat, Corman, & Léger, 2007; Johnson, 1991; Reid et al., 2010) et d’ aider à la conscientisation des habitudes affectant négativement leur sommeil (Adachi et al., 20 Il ; Bloom et al., 2009; Epstein, 1994; Hoch et al., 2001 ; Roszkowska & Geraci, 2010).

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Table des matières

Introduction
Contexte théorique
Le sommeil
Architecture du sommeil
Changements liés au vieillissement
L’insomnie
Prévalence
Facteurs prédisposants
Facteurs précipitants
Facteurs de maintien
Comportements
Tabagisme
Alcool
Sieste
Caféine
Relaxation
Exercices physiques
Cognitions
Croyances
Attitudes
Conséquences
Troubles anxieux et de l’humeur
Prévalence
Liens entre insomnie et troubles anxieux et de l’humeur
Troubles de l’humeur
Troubles anxieux
Pistes de recherche
Chapitre I Les difficultés de sommeil reliées aux troubles anxieux et de l’humeur
chez les personnes âgées
Chapitre II Les cognitions liées au sommeil associées aux troubles anxieux et de
l’humeur chez les personnes âgées
Chapitre III Les relations entre les comportements liés au sommeil et les
troubles anxieux et de l’humeur chez les personnes âgées
Discussion générale
Conclusion

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