Architecture de l’information et portail documentaire

Au cours des premiers mois de ma prise de fonction en qualité de professeur documentaliste stagiaire dans un lycée d’enseignement général et technologique, j’ai
pu réaliser le constat suivant : Au sein de l’établissement, il existe peu d’espaces pour que les élèves puissent réaliser leurs travaux personnels. Le CDI reste alors un endroit privilégié pour les accueillir et les accompagner dans leurs travaux. De ce fait, le CDI est majoritairement perçu par ces derniers comme une salle de travail. Si, effectivement, le lieu est équipé de bureaux, de postes informatiques, et de multiples ressources propres à favoriser la recherche documentaire et le travail scolaire des élèves, il demeure néanmoins un espace manquant d’attractivité dans une optique de développement personnel des élèves. Car une analyse du fonds a également révélé l’existence de ressources documentaires ciblées dans l’accompagnement scolaire, au détriment d’une ouverture vers des ressources orientées vers le développement de la lecture plaisir. Si, dans un premier temps, il a fallu travailler sur une politique d’acquisition afin de constituer un fonds composé de ces différents types de ressources, la question qui se pose aujourd’hui est de déterminer comment développer l’attractivité et valoriser l’activité du CDI, en interrogeant la pratique informationnelle numérique des élèves pour créer une interaction avec eux, et les amener à fréquenter l’espace documentaire de l’établissement et participer à ses projets, en alliant deux objectifs : la réussite scolaire et l’épanouissement personnel. L’usage d’outils numériques doit s’entendre de manière globale. En effet, il est question de développer l’attractivité et de valoriser l’activité du CDI, un outil, par définition, étant un instrument permettant de réaliser une opération dans un objectif déterminé.

Construire un dispositif de médiation numérique en prenant en compte la notion d’architecture de l’information

Proposer des informations pertinentes, certifiées, nourrir la curiosité des étudiants et des lycéens et structurer à la fois leurs recherches et leurs pensées, telles sont les missions auxquelles doivent répondre les portails documentaires des établissements scolaires. Pour ce faire, l’outil employé se doit de respecter certains impératifs, aussi bien d’ordre technique, qu’éthique ou encore pédagogique. De manière générale, la construction d’un portail documentaire dépend des objectifs exprimés à travers la politique documentaire d’un établissement, elle-même adossée au projet d’établissement, décomposé en plusieurs axes. Il s’agit alors d’opérer des choix pertinents dans la manière de diffuser l’information à l’ensemble de la communauté scolaire. Outre la prise en compte de ses besoins, il appartient au professeur documentaliste de se questionner sur l’architecture du portail documentaire pour proposer un outil de recherche à la fois lisible, actualisé et fonctionnel. Le portail doit en effet être exploitable afin d’accéder et de valoriser le fonds documentaire du CDI. Il doit ainsi mettre à disposition des élèves tout type de ressources documentaires propres à les accompagner dans leurs travaux scolaires, mais également dans leur épanouissement personnel. Ainsi, la question se pose, par extension, à l’opportunitéde créer une application mobile du CDI, afin de bénéficier de toutes les ressources du fonds documentaire, à portée de main. Bien entendu, plusieurs considérations sont à envisager : le respect du Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD), l’interopérabilité entre les différents systèmes, ou bien encore l’architecture globale de l’application, en fonction des publics de l’établissement. Quoi qu’il en soit, le choix des outils documentaires doit s’opérer dans l’objectif de développer la littératie numérique des élèves à travers trois compétences clés : Utiliser, c’est à dire développer des connaissances techniques permettant d’utiliser aisément l’ordinateur ou l’Internet. Ce sont les savoirs savoir-faire essentiels ; Comprendre, ou acquérir un ensemble de compétences pour analyser, évaluer et utiliser à bon escient l’information disponible sur le web, ces compétences participant au développement de l’esprit critique ; Créer, ou savoir produire des contenus et communiquer efficacement en utilisant divers outils et médias numériques. Il s’agit alors d’adopter une pédagogie autour de la recherche d’information grâce à la découverte du portail documentaire de l’établissement, dès l’entrée en 2nd des élèves.

Architecture de l’information et portail documentaire

En 1976, le designer graphiste Richard Saul Wurman, introduit la notion d’Architecte de l’information face au défi imposé par les masses croissantes d’information et de données produites et diffusées dans nos sociétés contemporaines. Evelyne Broudoux, Ghislaine Chartron et Stéphane Chaudiron, professeurs et maîtres de conférence en Sciences de l’Information et de la communication, ont apporté une définition du concept d’architecture de l’information dans un article publié dans la revue Etudes de Communication en 2013, intitulé « L’architecture de l’information : quelle réalité conceptuelle ? » Ainsi, l’architecture de l’information se situerait « à la croisée du graphisme, de la conception des systèmes d’informations et de la prise en compte de l’usager, trois types de compétences qui semblent correspondre à la boucle de transformation des données en informations puis des informations en connaissances. Il s’agit des compétences liées respectivement à la conception technique des dispositifs, à l’organisation des contenus et au design orienté utilisateur. Sans se substituer aux spécialistes de ces questions, l’architecte de l’information apparaît maîtriser les codes et les exigences de chacune des compétences et en mesure d’imaginer des solutions intégrées de gestion de l’information ». Cette définition met en exergue la mission du professeur documentaliste d’organisation des ressources documentaires de l’établissement et de leur mise à disposition, élaborée à partir d’une politique documentaire. En effet cette dernière comprend « la définition des modalités de la formation des élèves, le recensement et l’analyse de leurs besoins et de ceux des enseignants en matière d’information et de documentation, la définition et la gestion des ressources physiques et numériques pour l’établissement ainsi que le choix des leurs modalités d’accès au CDI, dans l’établissement, à la maison et en mobilité ». De plus, « Le professeur documentaliste assure une veille professionnelle, informationnelle, pédagogique et culturelle pour l’ensemble de la communauté éducative ». Par conséquent, les CDI, au service de la communauté scolaire des établissements, donnent accès à des contenus de plus en plus divers : le traditionnel catalogue du fonds physique, mais également des banques de données en ligne, des sélections de sites web, des fils RSS, des périodiques en ligne, ou encore des documents numérisés. Les sites web traditionnels ont donc laissé la place à des portails documentaires permettant d’accéder à toutes ces ressources par une porte d’entrée unique. La question qui se pose au professeur documentaliste est alors de déterminer les moyens de développer l’attractivité du portail documentaire pour valoriser le fonds et permettre aux élèves et utilisateurs d’accéder aux informations. Trois considérations s’imposent alors, toutes issues des sciences de l’information et de la communication : la conception d’un système d’information en prenant en compte l’organisation des connaissances ; la communication sous une forme graphique qui pourra faciliter la compréhension et l’adhésion du public ; et enfin la prise en compte des besoins de l’usager, dans sa complexité cognitive, affective, et communicationnelle.

L’un des principaux objectifs de l’architecture de l’information est donc de concevoir des systèmes d’organisation des connaissances, tels que des classifications, des taxonomies, des thésaurus, qui satisfassent les besoins des usagers. Il s’agit en premier lieu de représenter des domaines de connaissances dans des dispositifs numériques de médiation et de diffusion. Ainsi, un portail documentaire, espace informationnel numérique, se doit d’adopter un mode structuré de l’organisation de l’information. Il est en effet un site internet offrant une porte d’entrée unique sur toutes les ressources et tous les services proposés par une institution pour ses usagers. Les listes de catégories, les folksonomies, les liens hypertextes sont alors « des aides à la navigation qui dirigent l’usager progressivement, et efficacement, vers des ressources pertinentes dont il ne connaît pas l’existence et qu’il n’aurait pu localiser autrement ». Les dispositifs informationnels ont donc pour vocation de mettre à disposition de l’usager des ressources documentaires de manière claire, intuitive et accessible, autrement dit, de les médiatiser. La communication sous une forme graphique, ainsi que la prise en compte des besoins des usagers complètent alors les perspectives de l’architecture de l’information, au sens d’éditorialisation numérique, dans l’approche autour du portail documentaire. Jean Michel Salaün, professeur à l’Ecole Normale Supérieure de Lyon, considère alors le document, « matière première des bibliothèques », comme un aboutissement de trois dimensions que sont « sa forme, son texte ou son contenu et enfin sa qualité relationnelle ou transactionnelle de médium. » Il construit ainsi cette thèse autour de trois participes passés dans son ouvrage intitulé, Vu, Lu, Su : Les architectes de l’information face à l’oligopole du Web, paru en 2012. Le portail documentaire d’un établissement peut ainsi être considéré comme un document selon cette approche fonctionnelle. L’article intitulé Architecture de l’information versus design de l’information, publié en 2018 au sein de la revue Etude de Communication par Anne Beyaert-Geslin, professeure à l’Université Bordeaux-Montaigne, vient apporter un éclairage sur la notion de design informationnel orienté vers l’usager. Ainsi, ce dernier considère les « les signes, textes, symboles visuels et graphiques, schémas, diagrammes et cartes interactives pour mettre en actes les échanges et interactions usagers-données ». Le design revendique alors sa place en Sciences de l’Information et de la Communication en mettant en avant son « expertise du projet, du social et des interactions ». En effet, il serait envisagé comme « la pratique des signes en vue de la conceptualisation (dessein) et de la réalisation (dessin) des projets. » L’objectif étant de donner la possibilité à l’utilisateur de créer et de « faire son lieu », où tout est « aisément manipulable, clair, intuitif et accessible », autrement dit un dispositif concret de mise à disposition de l’information. En définitive, ces « lieux pour soi, construits à partir des interfaces limpides permettraient de chevaucher à la fois l’univers numérique et physique». Il faut alors considérer la dualité de l’espace CDI. En effet, il existe en tant que lieu physique mais tend à se dématérialiser, devenant un espace accessible sur Internet et proposant de nouvelles ressources numériques. En l’occurrence, le portail numérique en ligne de mon établissement est e-sidoc, proposé comme solution documentaire par l’atelier Canopé avec l’abonnement au logiciel documentaire BCDI. Ce portail « clé en main » est-il alors le reflet du CDI réel ? Permet-il de communiquer les informations et de valoriser le lieu, pour lui conférer une véritable identité numérique ? Le portail documentaire comporte des fonctionnalités de recherche et de communication. Il comprend un accès à un moteur de recherche dans la base de données regroupant la documentation physique et numérique de l’établissement ; aux ressources pédagogiques, y compris aux abonnements numériques spécifiques ; à l’information concernant l’organisation pratique du CDI. Il est ainsi centré sur l’usager et propose au CDI d’avoir une présence numérique sur Internet.

Vers une application mobile du CDI ?

Une application mobile est un logiciel développé pour un appareil électronique mobile tel qu’un Smartphone. Chaque système d’exploitation fonctionnant sur un appareil mobile dispose alors d’un langage de programmation qui lui est propre, permettant ainsi le développement de ces applications. Partant du constat alors que l’information, qui est devenue mobile et constamment accessible grâce aux dispositifs personnels, a radicalement modifié les modes de consommation, les smartphones d’abord puis les tablettes ayant particulièrement transformé nos relations avec celle-ci, la question de proposer une interface mobile du CDI à destination des élèves peut légitimement se poser. Encore une fois, la confection d’un tel outil démarre toujours par une réflexion sur ses finalités à partir de deux points importants : pour qui (public ciblé) et comment (structuration), son caractère attrayant s’analysant, lui, à travers le design choisi. Au delà de ce questionnement de départ, il est primordial d’évaluer la faisabilité d’un tel projet au regard notamment des contraintes juridiques. En premier lieu, le Règlement Général sur la Protection des Données, ou RGPD, est un Règlement européen qui étend et renforce les droits des citoyens de l’Union Européenne sur leurs données personnelles. La loi Informatique et Liberté du 6 Janvier 1978 indique : « Constitue une donnée à caractère personnel toute information relative à une personne physique identifiée ou qui peut être identifiée, directement ou indirectement, par référence à un numéro d’identification ou à un ou plusieurs éléments qui lui sont propres. Pour déterminer si une personne est identifiable, il convient de considérer l’ensemble des moyens en vue de permettre son identification dont dispose ou auxquels peut avoir accès le responsable du traitement ou toute autre personne ». Depuis le 25 mai 2018, le RGPD s’applique à toutes les organisations, privées comme publiques, qui collectent ou traitent des données personnelles de résidents européens. Concernant les établissements scolaires, tout traitement de données personnelles doit désormais être recensé, documenté et inscrit sur un registre maintenu à jour par le responsable de traitement, en relation avec le Délégué à la Protection des Données (DPD) de l’établissement. Dans les collèges et les lycées, ce sont les chefs d’établissement qui sont responsables des traitements de données personnelles réalisés par l’établissement. Par conséquent, il appartient au professeur documentaliste de bien choisir ses outils afin de respecter l’application de ce règlement, que ce soit au niveau du choix du portail documentaire, que d’une éventuelle application mobile.

Le Ministère de l’Education Nationale recommande alors de privilégier l’usage de logiciels libres ou développés par le ministère ; de lire attentivement les informations disponibles sur les sites pour savoir si des données personnelles sont collectées, à quelles fins, et être vigilant à ce qu’aucune réutilisation commerciale ne soit envisagée ; d’utiliser de préférence des logiciels ou applications hébergés dans l’Union européenne ; de vérifier que les parents et les élèves sont informés du traitement de leurs données personnelles et de la possibilité d’exercer leurs droits ; et enfin d’informer le chef d’établissement ou le directeur d’école de l’utilisation en classe d’une ressource collectant des données personnelles. L’objectif est alors de communiquer des informations aux élèves et aux personnels de l’établissement en valorisant et en accroissant la présence numérique du CDI. L’application mobile se doit de respecter la même finalité que le portail documentaire, mais en optimisant son mode de consultation sur Smartphone et tablette mobile. Ainsi, elle contribue à développer un dispositif de médiation numérique visant à satisfaire un besoin d’information au moyen d’un outil s’inscrivant dans des usages informationnels. Le portail documentaire e-sidoc dispose d’une version mobile mais permettant uniquement la recherche sur catalogue. Réseau Canopé, son éditeur, en tant qu’organisme public, applique les règles de confidentialité et de sécurité des données. Par voie de conséquence, la solution e-sidoc s’inscrit et respecte le cadre réglementaire du RGPD pour l’usage des données nominatives. Pour autant, la version mobile ne permet pas réellement de représenter l’identité numérique du CDI puisque les publications y sont absentes. C’est donc un outil qui permet d’effectuer de la recherche documentaire dans le fonds du CDI. Cependant, il ne permet pas de véhiculer une hybridation entre espace physique et espace numérique. Pour ce faire, des éditeurs d’application peuvent être employés, cependant, il appartient au professeur documentaliste de conceptualiser l’architecture de cette application, tout en veillant à respecter les contraintes réglementaires autour de la protection des données personnelles des élèves.

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Table des matières

Introduction
1. Construire un dispositif de médiation numérique en prenant en compte la notion d’architecture de l’information
1.1 Architecture de l’information et portail documentaire
1.2 Vers une application mobile du CDI ?
1.3 Médiation numérique et pédagogie autour de la recherche d’information
2. Communiquer des informations à l’ensemble de la communauté scolaire grâce à l’usage des réseaux sociaux numériques
2.1 Comprendre les usages autour des réseaux sociaux en questionnant l’apport des sciences cognitives
2.2 Choisir un réseau social en fonction des besoins de la communauté scolaire
2.3 Réinvestir ces connaissances dans sa pratique pédagogique : les réseaux sociaux dans l’éducation aux médias et à l’information
3. Valoriser l’activité et les projets menés par le professeur documentaliste
3.1 La diffusion d’un journal scolaire numérique
3.2 La diffusion d’une Webradio sous forme de podcast numérique
Conclusion
Références bibliographiques
Annexes

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