Architecture de l’humérus

Architecture de l’humérus

HISTORIQUE

Beaucoup d’auteurs ont proposé le traitement orthopédique en première intention pour les fractures humérales. Bézes [4] et Goudoté en 1958, De Mourgues [5] en 1975, Babin [6] en 1978, ont publié des séries de fractures traitées par plâtre pendant. En 1989 Dufour à la suite de l’expérience de Sarmiento [7] publie les résultats de 50 fractures traitées par un brassard plâtré ou en plastique. Si la facilité de réalisation et le coût de cette technique constituent un avantage, son inconfort, sa pénibilité et la longueur de la rééducation la rendent difficilement acceptable par les blessés. D’autre part, le taux de cals vicieux et de raideurs articulaires ainsi que de pseudarthroses était assez important. Les techniques d’ostéosynthèse juxta corticales classiques à foyer ouvert ont fait diminuer les taux de cal vicieux et raideur, mais sans faire disparaître les pseudarthroses et surtout un taux non négligeable de complications iatrogènes : atteintes neurologiques, suppurations et démontages du matériel d’ostéosynthèse. L’enclouage centromédullaire à foyer fermé a été adapté à l’humérus assez tardivement, d’abord dans sa forme antérograde qui nécessite un passage à travers la coiffe des rotateurs pouvant altérer la fonction de l’épaule, et plus récemment l’enclouage centromédullaire rétrograde qui peut fragiliser la palette humérale au point d’introduction. En 1961, K.H. Hackethal [3] à Berlin a proposé de stabiliser les fractures humérales à foyer fermé par un faisceau de broches de Kirschner introduites au dessus de la fossette olécrânienne. Le remplissage de la cavité médullaire par plusieurs broches, leur divergence intra-épiphysaire céphalique, et leur blocage distal au niveau de la fenêtre corticale assurent la stabilité du montage.

Par la suite d’autres techniques d’embrochage ont été proposées :

Embrochage par voie postéroexterne sus-épicondylienne selon De La Caffinière [8] et Sessa [9] ;

Embrochage par voie interne sus-épitrochléenne selon Rogez [10] décrit en 1978;

Embrochage bipolaire ascendant selon Vichard [11] décrit en 1978. 0

ANATOMIE CHIRURGICALE

La diaphyse humérale peut être divisée en trois zones [16]. Le 1/3 proximal comporte un os compact, triangulaire à la coupe, avec un canal médullaire large ; le deltoïde couvre sa surface antéro-latérale et le vaste latéral sa face postérieure. La face antéro-médiale reçoit les tendons du grand dorsal et du grand rond. L’accès aux surfaces corticales est ainsi barré par de larges insertions musculaires, ou par le paquet vasculo-nerveux brachial. Le 1/3 moyen est celui du nerf radial, qui croise toute la face postérieure de la diaphyse en se glissant entre les insertions des muscles vastes latéral et médial. Sa face antéro-médiale, plane, donne insertion au coracobrachialis et au brachialis ; son accès médial est situé sur le trajet du pédicule vasculo-nerveux. Le 1/3 inférieur, l’humérus est constitué d’un os compact épais, autour d’une cavité médullaire étroite, avec des bords très marqués limitant des faces étroites sur lesquelles s’insèrent le vaste médial dans la loge postérieure, le brachialis dans la loge antérieure. Seule, la face postérieure est plane et lisse. Le nerf radial est antéro-latéral ; le pédicule vasculaire, le nerf médian, le nerf ulnaire sont internes.

Répartition selon la méthode thérapeutique

Durant la période d’étude entre janvier 2000 et janvier 2006, 149 nouveaux cas de fractures de l’humérus ont été colligées au service de chirurgie traumatologie-orthopédique de l’hôpital militaire Avicenne de Marrakech, seuls 130 dossiers ont été retrouvés et exploités, représentants les différentes modalités de stabilisations orthopédiques et chirurgicales. 21 patients (16,1%) ont été traités orthopédiquement avec 9 immobilisation coude au corps (par bandage type Mayo ou Dujarier), 6 attelle directionnelle, 5 plâtre pendant et un patient a bénéficié d’un plâtre de Sarmiento (figure n°3). Parmi les 130 fractures, 38 (29,2%) ont été ostéosynthèsées par plaque, 40 (30,8%) ont été traitées par embrochage fasciculé selon Hackethal, 20 (15,4%) traitées par embrochage selon Kapandji, 9 (6,9%) par enclouage centromédullaire et 2 fractures (1,6%) ont été traitées par fixateur externe. Ce collectif se caractérise par son type de recrutement « hospitalier » se traduisant par un fort pourcentage de polytraumatisés et ou de polyfracturés. Il en résulte une grande fréquence du traitement opératoire.

Voie d’abord et technique opératoire L’abord se faisait par une incision longitudinale, médiane et postérieure, débutant à 2 cm au dessus de l’extrémité palpée de l’olécrâne et se poursuivant vers la diaphyse sur 5 à 6 cm. La fossette susolécrânienne était abordée en incisant longitudinalement le tendon tricipital, la face postérieure de l’humérus abordée et exposée par un écarteur autostatique. L’emplacement de l’orifice de pénétration devait être bien choisi (figure n°12) :

– Exactement médian ou très légèrement interne pour ne pas fragiliser les deux piliers.

– 20 mm au dessus du bord supérieur de la fossette olécrânienne, la cortical postérieure était trépanée pour réaliser une fenêtre osseuse « en timbre-poste » de un centimètre sur deux centimètres au-dessus de la fossette.

– L’orifice était pratiqué à la pointe carré puis à la mèche, il pouvait être agrandi à la pince- gouge fine afin de passer le plus grand nombre possible de broches, de sorte que le fût diaphysaire soit rempli entièrement, bloquant ainsi toute possibilité de rotation au niveau du foyer de fracture et tout risque de migration.

On utilisait des broches de 1,8 à 3mm dont le bout pointu aurait été auparavant épointé et légèrement béquillé (bout de pénétration). Le passage de la première broche présentait l’étape la plus cruciale, elle était poussée à la pince (type Facom) ou par une poignée de Jacob jusqu’au foyer de fracture, en ce moment la réduction se pratiquait, consistant en une traction dans l’axe du membre supérieur pour corriger le chevauchement, une mise en flexion abduction pour corriger l’angulation à sinus. Le passage de la broche par le foyer de fracture était contrôlé par l’amplificateur de même que sa position dont l’extrémité devait être placée à 10 mm du cartilage céphalique, tout excès de traction ayant été alors supprimé. La broche était alors coupée à 10 mm de la corticale puis recourbée pour ne pas traumatiser le tendon du triceps et tout en conservant un effet « console » au niveau de la fenêtre osseuse, qui ici aussi garantissait l’absence de migration de broches.

En fonction de leurs diamètres, 2 à 5 autres broches coupées à la même longueur pouvaient être alors enfoncées au marteau puis à la pince après avoir coudé leur extrémité distale à angle droit afin de faciliter leur orientation dans la tête humérale puis ultérieurement leur ablation. Les broches étaient ainsi placées, les plus divergentes possible, et leur position dans la tête suffisamment loin du cartilage devait être une dernière fois contrôlée. Le foyer de fracture était ensuite impacté avec le plat de la main sur l’olécrâne, en cas de communication importante. Le tendon tricipital était enfin soigneusement réparé. Un drainage était mis en place, étant donné l’existence d’une communication avec la cavité médullaire. Le foyer de fracture a été abordé dans 6 cas (17%) après plusieurs tentatives infructueuses de réduction et de passage à foyer fermé. Face au trois cas de paralysies radiales post-traumatique, notre attitude était une abstention thérapeutique et surveillance clinique et électrique avec une rééducation fonctionnelle des muscles extenseurs.

La technique de Sarmiento : Le principe s’appuie sur une mobilisation active précoce dans une contention inextensible réalisant un système de pression hydraulique permettant à la fois alignement fracturaire et stimulation du cal osseux. Sur le plan technique, il s’agit de réaliser un appareil parfaitement moulé sur le moignon de l’épaule ainsi que sur épicondyle et épitrochlée, plâtré ou mieux thermo-formé avec resserrage possible rendant l’appareil plus modulable. Il ne s’agit pas du traitement initial de la fracture de la diaphyse humérale mais le relais avisé de la traction transolécrânienne, du plâtre pendant, du Dujarier avec ou sans attelle directionnelle. Le délai de mise en place est de l’ordre de dix jours. Les avantages en sont la consolidation en huit semaines avec taux faible de pseudarthrose et une moindre raideur de l’épaule par la mobilisation précoce autorisée.

Les inconvénients se résument aux contre-indications que sont l’obésité, l’absence de coopération, le polytraumatisé ou polyfracturé, la fracture ouverte de stade III. Cette technique était réalisée dans 4,8 % de nos traitements orthopédiques. Si l’on respecte le dogme dicté par nos aînés : « le traitement chirurgical ne vit que des échecs du traitement orthopédique », ce traitement orthopédique garde de larges indications pour les fractures de l’humérus. Or, dans notre série 21 cas seulement de patients traités orthopédiquement ont pu être colligés, ils représentaient 16,1% de nos patients. Ce faible pourcentage peut être mis sur le compte d’un biais de recrutement par insuffisance de codage des dossiers traités orthopédiquement aux urgences.

Enclouage centromédullaire

L’enclouage centromédullaire a vu ces dernières années augmenter ses applications depuis l’apport du verrouillage, et grâce à un matériel spécifique [42], adapté à l’anatomie brachiale. Ils se distinguent par leur système de verrouillage et leur technique de mise en place, antéro ou rétrograde. Le clou de Seidel [43,44] creux, sans fente, se verrouille en proximal par deux vis et distalement par un système spécifique de palette s’ouvrant dans la cavité médullaire à partir d’un vissage longitudinal effectué au point d’introduction trochitérien (figure n°25). D’autres clous comportent un verrouillage proximal et distal uniquement par vis : clou de Grosse et Kempf modifié [45], clou de Russel-Taylor [46,47]. Ce matériel peut être aussi introduit en distoproximal (figure n°26).

Le clou de Marchetti comporte une courte portion distale verrouillable surmontée d’un faisceau de broches, remplissant la cavité médullaire et divergeant dans le spongieux métaphysoépiphysaire proximal. Il ne faut pas négliger le risque iatrogène sur le nerf radial : manipulations laborieuses du foyer pour obtenir la réduction, les fausses routes, augmentation de la comminution ou du déplacement de fragments intermédiaires. En cas de paralysie contemporaine de la fracture, beaucoup contre-indiquent le clou, car la position précise du nerf radial ne peut être établie [20]. Il en est de même pour le verrouillage proximal pour lequel Riemer [48] a souligné les risques neurovasculaires. Enfin, pour l’enclouage antérograde, le risque de raideur de l’épaule et/ou de lésions de la coiffe est souligné par beaucoup d’utilisateurs [45, 49]. L’enclouage centromédullaire verrouillé doit encore trouver sa place au sein des méthodes d’ostéosynthèses.

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Table des matières

INTRODUCTION
HISTORIQUE
RAPPEL ANATOMIQUE
I- Généralité
II- Architecture de l’humérus
1. Les surfaces corticales
2. Les bords
3. Le canal médullaire
III- Vascularisation
1. Le système périosté
2. Le système nourricier
IV- Le nerf radial
V- Anatomie chirurgicale
PATIENTS ET METHODES
I- Patients et méthodes
II- Fiche d’exploitation
RESULTATS ET ANALYSES
I- Etude épidémiologique
1. Répartition selon la méthode thérapeutique
2. Répartition selon l’âge
3. Répartition selon le sexe
4. Répartition selon la profession
5. Répartition selon le côté atteint
6. Répartition selon l’étiologie
7. Répartition selon le mécanisme
8. Tares associées
II- Etude diagnostic
1. Etude clinique
2. Etude paraclinique
III- Etude anatomo-pathologique
1. Siège de la fracture
2. Trait de la fracture
3. Les lésions associées
IV- Traitement
1. Délai d’intervention
2. Type d’anesthésie
3. Installation du malade
4. Réduction
5. Voie d’abord et technique opératoire
6. Immobilisation
7. Rééducation fonctionnelle
8. Durée d’hospitalisation
9. Ablation de broches
V- Evolution et complications
1. Complications postopératoires
2. Résultats thérapeutiques
2.1. Recul
2.2. Consolidation
2.3. Résultats fonctionnels
2.3.1. Critères d’appréciation
2.3.2. Résultats globaux
2.3.3. Mobilité active
2.4. Etude comparative des résultats
2.4.1. Résultats selon l’âge
2.4.2. Résultats en fonction du côté dominant
2.4.3. Résultats en fonction du délai d’intervention
3. Reprise de l’activité antérieure
DISCUSSION
I- Epidémiologie
1. Fréquence et incidence
2. Age
3. Sexe
4. Etiopathogenie
4.1. Etiologie
4.2. Mécanisme
4.3. Le côté atteint
II- Diagnostic
1. Clinique
2. Bilan radiologique
III- Anatomie pathologique
1. Le trait de la fracture
2. Le siège de la fracture
3. L’ouverture cutanée
4. Paralysie radiale post-traumatique
IV- Traitement
1. Buts
2. Moyens thérapeutiques
2.1. Traitement orthopédique
2.2. Traitement chirurgical
2.2.1. Ostéosynthèses à foyer fermé
a) Embrochages
? Embrochage fasciculé selon Hackethal
? Embrochages sus-tubérositaires
? Embrochage bipolaire ascendant
? Embrochage en palmier par voie sous deltoïdienne
b) Enclouage centromédullaire
c) Fixation externe
2.2.2. Ostéosynthèse à foyer ouvert
3. Considérations sur le choix thérapeutique
V- Complications postopératoires
1. Etude comparative avec les autres séries
1.1. Paralysie radiale iatrogène
1.2. Infection postopératoire
1.3. Migration des broches
1.4. Pseudarthrose
2. Etude des complications selon le mode de traitement
2.1. Paralysie radiale iatrogène
2.2. Infection postopératoire
2.3. Cals vicieux
2.4. Pseudarthrose
VI- Résultats thérapeutiques
1. Etude comparative avec les autres séries
1.1. La consolidation
1.2. Les résultats fonctionnels
2. Etude comparative des résultats selon le mode du traitement
2.1. La consolidation
2.2. Les résultats fonctionnels
CONCLUSION
RESUMES
BIBLIOGRAPHIE

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