Le présent document regroupe les travaux réalisés durant trois années de thèse sous la direction d’Amaury Lambert au Laboratoire de Probabilités et Modèles Aléatoires (PMA) de l’Université Pierre et Marie Curie (Paris 6). Il est décomposé en trois chapitres formés chacun d’un article (en anglais) publié, en révision ou en voie de soumission. Deux sujets principaux sont abordés. Les deux premiers chapitres portent sur deux modèles de population neutres, liés à certains processus de branchement non markoviens et aux arbres de ramification. Dans le troisième chapitre, on s’intéresse à un nouveau conditionnement de processus de Lévy sans sauts négatifs à rester positifs.
Processus de Crump-Mode-Jagers
Définis indépendamment par K. Crump et C. Mode [16] et par P. Jagers [34], les processus de branchement généraux, ou processus de Crump-Mode-Jagers (CMJ), sont les processus de branchement les plus généraux possibles. Ce sont des processus de branchement en temps continu et à espace d’états discret qui comptent le nombre d’individus vivants au cours du temps. À chaque individu x dans la population sont associés une variable aléatoire λx et un processus ponctuel ξx sur [0, +∞) qui ne sont pas forcément indépendants mais tels que les couples (λx, ξx)x sont indépendants et identiquement distribués (i.i.d.). En fait, λx est la durée de vie de x et ξx son processus de reproduction, c’est-à-dire qu’il décrit les dates de naissance de ses enfants qui vont évoluer indépendamment et suivant la même dynamique. Le processus de Crump-Mode-Jagers est alors le processus en temps continu et à espace d’états discret qui compte le nombre d’individus vivants au cours du temps. Ces processus sont très généraux car les temps de vie ne sont pas forcément exponentiels comme dans les processus de branchement markoviens [3, ch. III], les naissances n’ont pas nécessairement lieu à la mort des individus comme dans les processus de Bellman-Harris ou de Sevastyanov ([3, ch. IV] ou [35, p.124]) et le nombre d’enfants d’un individu peut même dépendre de son âge puisque les processus de reproduction et les durées de vie ne sont pas supposés indépendants. Toutes ces raisons font que les processus CMJ peuvent être plus intéressants et pertinents en vue d’applications biologiques. À noter que même les processus de Bienaymé-Galton-Watson (BGW) peuvent être considérés comme des processus CMJ en choisissant des durées de vie constantes égales à 1 et des processus de reproduction ayant leurs atomes en 1. De nombreux problèmes, concernant notamment les probabilités d’extinction, les taux de croissance des populations et d’autres théorèmes limites, ont été étudiés pour les processus CMJ par des techniques utilisant en particulier la théorie du renouvellement et les caractéristiques aléatoires (voir par exemple [35, 55, 36, 37, 56]). Cependant, même si on arrive à prouver l’existence de limites (en plusieurs sens possibles), celles-ci ne sont en général pas calculables explicitement.
Récemment, A. Lambert [48] a obtenu de nouvelles propriétés dans le cas particulier des processus CMJ binaires et homogènes : les naissances n’arrivent qu’une par une et à taux constant b ∈ (0, ∞) durant la vie des individus. La distribution commune des durées de vie est notée Λ(·)/b où Λ est une mesure positive sur (0, ∞] de masse b. Elle est appelée mesure de longévité.
Si Ξ(t) désigne le nombre d’individus vivants au temps t pour ce cas particulier de processus CMJ, le processus Ξ n’est en général pas markovien sauf si la mesure de longévité est bde−drdr pour d > 0 ou bδ∞. Le processus Ξ est alors respectivement un processus de naissance et de mort avec taux de naissance b et taux de mort d, ou un processus markovien de naissance pure à taux b, également appelé processus de Yule. On considère donc une généralisation du processus de naissance et de mort markovien au sens où les naissances sont poissonniennes et les durées de vie sont i.i.d. mais pas nécessairement exponentielles.
On peut associer naturellement au processus Ξ un arbre généalogique appelé arbre de ramification, traduction française de « splitting tree » défini par J. Geiger et G. Kersting dans [26] et [28] (voir aussi [48]). Il est à noter qu’il existe une définition plus générale d’un arbre de ramification (voir [48]) qui inclut le cas où le taux de naissance b est infini. Nous ne l’utiliserons que très peu et le préciserons quand ce sera le cas.
L’objet essentiel à l’étude d’un arbre de ramification est le processus de contour qui lui est associé. Lorsque l’arbre est fini, ce processus de contour défini par A. Lambert dans [48] parcourt à vitesse −1 tous les individus dans l’arbre une et une seule fois. Il démarre à la date de mort de l’ancêtre puis le « visite » en revenant dans le temps jusqu’à arriver à la date de naissance de sa plus jeune fille ; le processus fait alors un saut d’amplitude égale à la durée de vie de celle-ci et parcourt alors sa vie de la même manière. Quand le processus atteint la date de naissance d’un individu, la visite de celui-ci est terminée et la visite de sa mère reprend au niveau où elle s’était arrêtée précédemment. Le parcours de l’arbre s’achève à la fin de la visite de l’ancêtre, le processus de contour prend alors la valeur 0.
Au contraire des deux premiers chapitres où on utilise des propriétés du contour pour en déduire des résultats sur l’arbre de ramification et sur le processus Ξ, on se sert ici de propriétés connues des arbres aléatoires pour prouver des résultats sur les processus de Lévy. Plus précisément, si on voit X comme le processus de contour d’un arbre de ramification, Ht correspond alors à la hauteur généalogique dans l’arbre de l’individu visité au temps t par le processus de contour, et l’on montre que conditionner X à atteindre la hauteur a avant T0 revient à conditionner l’arbre (critique ou sous-critique) à atteindre la génération a.
On obtient également un résultat sur un arbre de ramification conditionné à atteindre des générations arbitrairement grandes. Soit T un arbre de ramification de mesure de longévité Λ finie et soit P sa loi. Les arbres considérés ici sont sous-critiques ou critiques ce qui est le cas si m est respectivement strictement inférieur ou égal à 1. Chaque individu de l’arbre est étiqueté par une suite finie d’entiers : la racine de l’arbre, c’est-à-dire l’unique ancêtre, a l’étiquette ∅ et si un individu de l’arbre de la génération i est étiqueté par la suite d’entiers u1 . . . ui , on notera successivement par u1 . . . ui1 sa plus jeune fille, par u1 . . . ui2 sa seconde plus jeune fille et ainsi de suite pour toutes ses filles rangées dans l’ordre inverse de leurs dates de naissance. Pour n ≥ 0, soit Zn le nombre d’individus vivants à la génération n dans l’arbre de ramification T et soit
Pn:= P(·|Zn > 0)
la loi de l’arbre conditionné à survivre au moins n générations. Sur l’événement {Zn>0}, on distingue une lignée pour l’arbre tronqué ne prenant en compte que les individus des n premières générations. Cette lignée particulière, notée Bn , est la première lignée à atteindre la génération n pour l’ordre lexicographique lié à l’étiquetage défini précédemment (voir la figure 1.5). On peut montrer que cette lignée distinguée est caractérisée par la suite (An k , Rn k )0≤k≤n−1 et par An n , où An k (resp. Rn k ) est l’âge (resp. le temps qu’il lui reste à vivre) de l’individu de la génération k dans B n quand il donne naissance à sa fille appartenant à B n , et où An n est la durée de vie de l’individu de la génération n dans B n .
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Table des matières
1 Introduction
1.1 Définitions des notions principales
1.2 Principaux résultats obtenus
2 Splitting trees with immigration
2.1 Introduction
2.2 Preliminaries and statement of results
2.3 Proof of the properties of the process Ξ
2.4 Proof of the almost sure convergence of the total population
2.5 Other proofs
3 Splitting trees with mutations occurring at birth
3.1 Introduction
3.2 Preliminaries
3.3 Frequency spectrum
3.4 Tree of alleles
3.5 Ages of old families in (sub)critical case
3.6 Sizes of large families in the supercritical case
3.7 Yule’s problem
4 Lévy process conditioned by its height process
4.1 Introduction
4.2 Finite variation case
4.3 Conditioned Subcritical and Critical Splitting Trees
4.4 Infinite variation case
Bibliographie
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