Chronostratigraphie du Crétacé supérieur de la zone d’étude
Sur le terrain comme sur la carte, le changement de faciès est flagrant entre le Maastrichtien et le Campanien. Alors que le Membre Anembalemba du Campanien est caractérisé par des dépôts franchement continentaux constitués par des grès argileux, le Maastrichtien est caractérisé par des dépôts marins transgressifs constitués par des marnes. On observe sur les affleurements des hardgrounds qui témoignent d’un arrêt de sédimentation avant la phase transgressive qui a permis le remplissage par les dépôts marins des étages supérieurs (figure 29). Les fossiles retrouvés dans le Membre Anembalemba sont ceux d’animaux et de grands vertébrés terrestres, surtout de dinosaures et de tortues, alors que ceux rencontrés dans la formation de Berivotra sont marins et composés en abondance par des requins (dents), Alectryonia, Pycnodonta et Crania costata. Sur le terrain, ces fossiles sont parfois mélangés surtout à proximité des zones de contact entre le Campanien et le Maastrichtien. Cela est dû à l’érosion : en effet, les fossiles de l’étage supérieur sont transportés vers l’étage inférieur. Ainsi, la présence occasionnelle des fossiles caractéristiques de la Formation de Berivotra dans des sites à dinosaures du Membre Anembalemba justifie tout simplement l’ordre de la superposition des strates et témoigne du remaniement des fossiles du Maastrichtien vers le Membre Anembalemba par les agents d’érosion ou par la tectonique. Tous les paramètres réunis, on peut en déduire la chronologie des évènements qui est la suivante (tableau 6):
– Les animaux et les grands vertébrés terrestres s’épanouissent puis meurent durant le Crétacé supérieur dans la zone d’étude ;
– Il y a un arrêt de sédimentation marquant la fin du Campanien ;
– Il y a une transgression marine au Maastrichtien durant laquelle les dépôts marins et les petits animaux marins qui s’en suivent, se déposent sur les dépôts continentaux de l’étage inférieur constitué par le Campanien ;
– L’étage du Danien, appartenant déjà au Tertiaire, surmonte le Maastrichtien avec ses dépôts franchement marins assimilés à une grande inondation qui a eu lieu depuis le Crétacé terminal ;
– Les conditions sont favorables à la bonne conservation des fossiles jusqu’à l’ère actuelle ;
– Le remaniement des fossiles caractéristiques des étages étudiés témoigne de l’activité de l’érosion et d’accidents tectoniques éventuels.
DISCUSSION GENERALE
Durant cette étude, certains points ont été relevés pour faire l’objet d’une discussion :
Le premier porte sur une modification de la délimitation du Campanien par Bésairie dans la zone d’étude : Bésairie a effectué un travail pertinent dans sa délimitation du Campanien en se basant surtout sur la stratigraphie. Cependant, l’érosion a élargi le pourtour de la formation surtout au niveau des pentes. Ainsi la nouvelle délimitation de cette étude (figure 32) tient compte des facteurs récents observés sur terrain et relevés sur les images satellites et sur les cartes, surtout celles qui représentent les reliefs (hillshade, SRTM – MNT).
Le deuxième point porte sur la délimitation du Maastrichtien – Danien affleurant dans les limites du Campanien sur la carte. La délimitation de Bésairie est toujours basée sur ses données stratigraphiques. Cependant, l’on a retrouvé sur le terrain des affleurements des Formations de Berivotra et de Betsiboka pointés dans la zone campanienne définie par Bésairie. De ce fait, il y a nécessité d’ajuster cette carte de délimitation. Dans cette étude, le paramètre pris en compte pour cette délimitation est l’altitude. D’après les travaux effectués dans ce mémoire, la Formation de Berivotra se trouve à une altitude supérieure à 197m au moins et celle du Danien à une altitude encore plus élevée (251m/ limite Maastrichtien – Danien aux coordonnées X : 418202 ; Y : 1130509). La nouvelle délimitation du Maastrichtien – Danien dans la zone campanienne de la zone d’étude a été faite suivant ces altitudes et apporte quelques modifications sur la délimitation du Maastrichtien – Danien dans cette zone (figure 33). L’intérêt de cette délimitation du faciès marin du secteur est qu’autour de chaque pourtour, les altitudes s’abaissent progressivement suivant des pentes plus ou moins raides laissant souvent affleurer la couche inférieure constituée par la formation de Maevarano contenant le gisement fossilifère. En d’autres termes, les zones, même relativement petites datées du Maastrichtien et du Danien nouvellement représentées sur cette carte induisent la présence d’affleurement de sites à dinosaures ou au moins du Membre Anembalemba sur des pentes potentiellement abruptes se trouvant entre elles et les zones de faibles altitudes. Ces zones se trouvent pour la plupart dans des zones de pentes entre le faciès marin et le faciès continental.
Le troisième point porte sur les variations latérales observées dans le secteur (figure 34). Leur présence dans le secteur peut s’expliquer comme suit :
– Le bassin de Mahajanga est un monoclinal concave vers la mer et tous les dépôts qui s’y accumulent épousent cette morphologie en le remplissant.
– La variation verticale constitue la lithostratigraphie du secteur. Quant à la variation latérale, elle concerne surtout le paléoenvironnement du milieu.
– En effet, dans la zone d’étude, le changement de faciès est parfois observé suivant une discontinuité latérale selon laquelle le faciès continental passe au faciès marin de la Formation de Berivotra (latéralement) et se rencontre souvent à proximité de la limite Campanien – Maastrichtien.
– Les caractéristiques lithologiques et structurales permettent de comprendre le faciès. L’empilement de sédiments sur une longue période ne se fait que s’il y a création d’un espace disponible à la sédimentation. La création de cet espace se fait par la tectonique, par le niveau des mers et selon les apports sédimentaires, mais le facteur dominant est le niveau relatif des mers.
– D’après la carte structurale du bassin de Mahajanga (figure 2), la zone d’étude est sujette à beaucoup d’accidents tectoniques.
– Cette variation latérale résulte alors des paramètres de dépôt imposés par la morphologie du bassin et des facteurs structuraux pendant et après la phase de remplissage du bassin.
Le dernier point porte sur les sites à dinosaures de tout le bassin de Mahajanga. D’après les travaux antérieurs effectués dans ce bassin, les sites à dinosaures appartiennent au Membre Anembalemba de la Formation de Maevarano datée du Campanien. Dans la carte stratigraphique de Bésairie, le Campanien est présent dans tout le bassin, mais les sites à dinosaures n’affleurent potentiellement que dans le secteur de Berivotra dans la zone d’étude. En effet, la zone d’étude est fortement érodée et laisse affleurer le Membre Anembalemba alors que dans les autres zones du bassin de Mahajanga, il se trouve encore sous les dalles calcaires du Maastrichtien et du Danien non encore sujettes à de fortes érosions. Ainsi, si des sites à dinosaures du Campanien affleurent dans la zone d’étude, il n’est pas exclu qu’ils existent ailleurs dans le bassin de Mahajanga (figure 35), selon les deux principes stratigraphiques suivants :
– Le principe de continuité : selon lequel une même couche a le même âge sur toute son étendue ;
– Le principe de l’identité paléontologique : selon lequel deux couches ayant les mêmes fossiles sont considérées comme ayant le même âge.
Mis à part dans le secteur de Berivotra, des recherches sur les dinosaures et autres fossiles caractéristiques de la Formation de Maevarano ont déjà été effectués (Rogers, 2005, 2013 ; Gaffney et al., 2009) dans le Campanien du lac Kinkony, dans la zone de Masiakakoho et dans celle de Befandrama. Un nouveau Membre a même été nommé entre le Membre Anembalemba et la Formation de Berivotra dans la zone d’étude du lac Kinkony : le Membre Lac Kinkony appartenant à la Formation de Maevarano. Ce Membre correspond au Membre Miadana du secteur de Berivotra. Parmi ces zones d’études :
– Le secteur de Berivotra comprend des sites à dinosaures déjà exposés grâce à l’érosion.
– Celui de Kinkony affleure probablement à proximité du lac où l’altitude est comprise entre les élévations propres à la formation de Maevarano, à défaut d’érosion.
– Dans le secteur de Masiakakoho, le Campanien affleurerait au-dessous des plateaux, c’est-à-dire au niveau des glacis d’épandage ;
– La partie la plus au nord demeure cependant la plus inexplorée et nécessite des expéditions pour trouver des affleurements éventuels.
CONCLUSION
Le bassin de Mahajanga, situé dans le Nord-Ouest de Madagascar, est connu pour les fossiles de grands vertébrés terrestres et surtout de dinosaures compris dans les strates du Crétacé supérieur, plus précisément dans le Membre Anembalemba de la Formation de Maevarano datant du Campanien. Dans tout le bassin, les meilleurs sites à dinosaures sont localisés dans le secteur de Berivotra, une zone accessible vu qu’elle est traversée par la RN4. Cependant, les paramètres naturels additionnés aux études stratigraphiques et aux données cartographiques ont permis de répertorier et de déterminer les affleurements des sites à dinosaures entre les baies de Bombetoka et de Mahajamba. En effet, les paramètres pris en compte dans ce mémoire sont les érosions fortes de la zone, les systèmes de pentes qui résultent des variations d’altitudes dues à la géomorphologie du milieu et la compatibilité des données prélevées sur le terrain avec les données cartographiques. Le SIG et la télédétection appliqués sur la zone, compte tenu de ces paramètres, ont alors conduit à déduire que les sites à dinosaures du Membre Anembalemba sont localisés potentiellement dans des pentes d’une certaine valeur entre des altitudes bien définies, mises en valeur dans la zone d’étude grâce à l’érosion. Par ailleurs, cette méthodologie peut être extrapolée pour toutes les zones du bassin de Mahajanga présentant les mêmes caractéristiques que la zone d’étude, ce qui n’est pas le cas. Cependant, ajoutée à d’autre méthodes utilisant le SIG et une expédition sur terrain, cette détermination peut être réalisée pour tout le bassin de Mahajanga dans des travaux ultérieurs.
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Table des matières
INTRODUCTION
Partie I : GENERALITES
1.1. Historique
1.2. Contexte géodynamique
1.3. Bassin de Mahajanga
1.3.1. Cadre géographique
1.3.2. Cadre géologique
1.3.2.1. Les formations du Karroo
1.3.2.2. Les formations du Post-Karroo
1.3.2.3. Le Crétacé supérieur du bassin de Mahajanga
1.3.2.4. Le Membre Anembalemba
1.3.2.5. Les dinosaures du bassin de Mahajanga
Partie II : METHODOLOGIE DE TRAVAIL ET MATERIELS
2.1. Cadrage de la zone d’étude
2.2. Matériels utilisés
2.2.1. Le GPS (Global Positioning System)
2.2.2. Les logiciels utilisés
2.2.3. Les cartes utilisées
2.2.3.1. La carte géologique du bassin de Mahajanga
2.2.3.2. La carte géomorphologique du bassin de Mahajanga
2.2.3.3. Le MNT (Modèle Numérique de Terrain)
2.2.4. Les images satellites
2.3. Démarche adoptée
2.3.1. Acquisition de données sur terrain
2.3.2. Comparaison des caractéristiques observées sur terrain et identifiées sur carte
2.3.2.1. Caractéristiques identifiées sur carte
2.3.2.2. Les caractéristiques observées sur terrain
2.3.3. Extraction des données cartographiques
2.3.4. Superposition et intersection des données extraites
2.3.5. Délimitation et ajustement de la zone d’affleurement aux moyens de la télédétection
2.3.6. Détermination du gisement fossilifère à partir des altitudes et des pentes
Partie III : RESULTATS ET INTERPRETATION
3.1. Résultats cartographiques
3.1.1. La zone d’affleurement du Campanien
3.1.2. Zone d’affleurement ajustée du Membre Anembalemba au moyen de la télédétection
3.1.3. Représentation du gisement fossilifère sur la carte topographique de la zone d’étude
3.1.4. La carte des pentes
3.2. Résultats stratigraphiques
3.2.1. La fossilisation des dinosaures de la zone d’étude
3.3.2. Chronostratigraphie du Crétacé supérieur de la zone d’étude
3.3. Interprétation générale
Partie IV : DISCUSSION GENERALE
CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXES
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