Dans le milieu interstellaire, les atomes, les molécules simples ou complexes sous forme radicalaire ou ionique subissent des transformations physiques et chimiques très importantes parce qu’ils sont intensément bombardés par des particules cosmiques et par des rayonnements ultraviolets des étoiles. Au sein des galaxies, les molécules complexes, les agrégats et les poussières qui sont des milieux de très faibles densités évoluent dans des conditions de très basses températures. La compréhension de cette évolution constitue l’objectif unificateur des recherches portant sur le milieu interstellaire (MIS). C’est dans ce cadre qu’il a été mis au point en 1997 le programme Physique et Chimie du Milieu Interstellaire (PCMI) qui a pour vocation de réunir plusieurs disciplines (physiciens, chimistes, astrophysiciens) et de coordonner les recherches dans la dynamique de trouver une base de données afin de mieux interpréter le travail des observateurs pour une bonne compréhension de l’évolution de ce milieu.
Une spectroscopie fine dans les domaines ultraviolet, visible, infrarouge et submillimétrique permet d’accéder à la physique et à la chimie des composantes du MIS, qu’elles soient en phase gazeuse, solide, ou à l’interface de ces deux phases. Le MIS est constitué (en masse) d’environ 99% de gaz (70% H, 30% He, les autres éléments sous forme de traces), et moins de 1% de poussières. Ainsi, la présence de matière interstellaire se manifeste par des raies d’absorption dans le spectre des étoiles bien observables dans le domaine du visible. Combes & Wiklind (1998) ont détecté dans leurs observations la molécule LiH dans le MIS et ont montré que l’abondance de l’atome Li augmente considérablement et de manière continue. La formation et le processus de radiation de LiH contribue significativement à l’évolution du milieu interstellaire (Interstellar Medium : ISM) (Puy et al. 1993, Haiman et al. 1996). La molécule LiH est présente dans l’univers primordial avec une concentration significative (Forni 1999).
La connaissance des types d’interaction entre LiH et Ar, joue un rôle très important pour l’atmosphère. L’argon pur est présent dans l’atmosphère à 99,99 %. Cette présence empêche l’oxydation de la molécule LiH dans l’atmosphère (Ruiming et al. 2006) qui devient stable à la température ambiante. Des études expérimentales ont été faites sur les transitions rotationnelles de la molécule LiH par collision avec l’atome Ar (Wilcomb & Dagdigian 1977) et avec l’atome He (Dagdigian & Wilcomb 1980).
La description exacte de l’interaction entre la molécule et quelques unes de ces espèces abondantes comme les gaz rares jouent un rôle significatif dans la compréhension des complexes de van der Waals pour lesquels plusieurs études (Gianturco et al. 1997(a) ; Gianturco et al. 1997(b) ; Bodo et al. 1998 ; Forni 1999 ; Lu et al. 2000 ; Feng et al. 2004 ; Feng et al. 2005) ont montré la faiblesse des forces d’interaction des gaz rares avec la molécule LiH dans son état électronique fondamental. De plus, les résultats trouvés dans ce travail, en utilisant des méthodes purement quantiques, ont permis de mieux interpréter l’expérience de Wilcomb & Dagdigian (1977) et les calculs de Bhattacharyya et al. (1978) sur ce système.
MÉTHODES DE DÉTERMINATION DE LA SURFACE D’ÉNERGIE POTENTIELLE
Dans l’étude de l’excitation et la désexcitation rotationnelle inélastique d’une molécule diatomique par collision avec un gaz rare, on suppose que le système est isolé de toute perturbation extérieure. L’étude quantique de la structure complexe d’un système moléculaire est faite par la détermination de sa fonction d’onde. Nous considérons un système dont les états sont stationnaires, c’est-àdire la fonction d’onde est indépendante du temps. La détermination des énergies propres à ces états passe nécessairement par la résolution de l’équation de Schrödinger.
Pour la résolution de l’équation de Schrödinger électronique, il existe plusieurs méthodes théoriques parmi lesquelles les méthodes ab initio de la chimie quantique qui sont les plus connues. Nous pouvons citer la méthode de HartreeFock (HF) qui est la plus simple et qui est un point de départ dans de telles études. Les autres méthodes de calculs appelées post-Hartree-Fock, apportent une correction à la répulsion électron-électron en tenant compte de la corrélation électronique qui est exprimée sous forme d’énergie. Parmi ces méthodes nous parlerons de la méthode « Multi-configuration Self-Consistent Field (MCSCF) », la méthode « Complete Active Space Self-Consistent Field (CASSCF) » et la méthode « Multi-Reference Configuration Interaction » (MRCI), qui sont des méthodes d’Interaction de Configuration (CI), les méthodes des Clusters Couplés et les Méthodes des Paires.
La résolution analytique de l’équation de Schrödinger d’un système à plusieurs électrons est quasi-impossible. Pour calculer les énergies d’un tel système, il est nécessaire d’utiliser des approximations. Dans ce travail, la première approximation dans la résolution de l’équation de Schrödinger est celle de BornOppenheimer qui consiste à la séparation de l’équation du système moléculaire en deux parties : une équation électronique et une équation nucléaire.
Approximation de Born-Oppenheimer
L’approximation de Born-Oppenheimer (1927) s’appuie sur le fait que la masse électronique est 1836 fois plus petite que celle du noyau le plus léger. Ainsi, le mouvement nucléaire peut être négligé devant celui des électrons et on peut alors découpler le mouvement nucléaire de celui électronique. Dans cette approximation, on suppose dans un premier temps que le mouvement électronique peut être considéré comme indépendant du mouvement des noyaux qui sont alors supposés fixes. Cette approximation donne la fonction d’onde totale comme une combinaison des fonctions électroniques, dont les coefficients sont les fonctions d’onde nucléaire.
Approximations de Hartree et de Fock
La méthode de Hartree-Fock (HF) ou approximation du champ auto-cohérent (Self-consistent Field : SCF) permet d’obtenir une solution de l’équation de Schrödinger électronique. Cette méthode est dans la pratique une approche itérative. Elle a été proposée par Hartree (1928) et perfectionnée par Fock (1930). L’approximation de SCF, appelée modèle de Hartree, ne tient pas compte du principe d’exclusion de Pauli. La permutation des électrons dans la fonction d’onde de Hartree ne répond pas à la condition d’antisymétrie qui est le changement de signe de la fonction d’onde totale. Slater propose la fonction d’onde ψe qui est complètement antisymétrique, comportant n électrons par un déterminant construit à partir des spin-orbitales. En 1930, Fock représente la fonction d’onde par le déterminant dit déterminant de Slater pour satisfaire l’antisymétrie de la fonction d’onde électronique individuelle.
Méthodes de traitement de la corrélation
La méthode de « SCF LCAO MO » de Roothaan, avec une base optimisée, permet d’estimer l’énergie de corrélation électronique à 1% prés. Généralement, dans les études physico-chimiques, il importe plus de connaitre la différence d’énergie entre les états des systèmes plutôt que l’énergie totale du système. Cette valeur, paraissant faible, devient alors très importante pour décrire les propriétés chimiques des espèces. La solution est de déterminer cette énergie de corrélation pour trouver l’énergie exacte, tout en partant à priori de la méthode de Hartree car elle génère la plus grande énergie qui s’approche de la réalité. L’idée majeure est de modifier l’OM représentée par le déterminant de Slater afin d’optimiser son poids.
La méthode CASSCF (Complete Active Space Self-Consistent Field)
Cette méthode d’interaction de configuration détermine l’espace des OMs par un calcul de Hartree et le partage en plusieurs sous-espaces :
– l’espace des orbitales inactives qui sont gardées doublement occupées dans les configurations. Ce sont généralement celles qui décrivent les états des électrons internes gelés c’est-à-dire ne participant à aucune liaison dans le processus MCSCF.
– l’espace des orbitales actives (ou interne), constitué par les orbitales occupées autre que les orbitales inactives, plus des orbitales virtuelles choisies parmi celles qui correspondent aux énergies les plus basses, qui sert à réaliser toutes les configurations excitées.
– l’espace des orbitales virtuelles, ou externes, qui restent inoccupées et n’interviennent pas dans la description de la fonction d’onde de la molécule.
La fonction d’onde est développée sur l’ensemble des configurations correspondant à toutes les excitations possibles dans l’espace actif. Les configurations sélectionnées dans cette méthode décrivent la quasi-totalité de la corrélation statique, associée aux réarrangements des électrons dans les couches de valence, et génèrent une fonction d’onde de référence qui traite la corrélation dynamique des excitations des électrons des couches internes vers celles externes. La fonction d’onde tient en compte les excitations possibles dans un ensemble d’orbitales actives, ainsi la corrélation électronique dans l’espace de valence et la corrélation dans l’espace externe à celle de valence peuvent être traitée avec la méthode MRCI (Multi-Reference Configuration Interaction), qui est l’une des méthodes d’interaction de configurations les plus performantes.
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Table des matières
INTRODUCTION GÉNÉRALE
Partie A : MÉTHODES ET OUTILS THÉORIQUES
Chapitre 1 : Méthodes de détermination de la surface d’énergie potentielle
1.1. Introduction
1.2. Approximation de Born-Oppenheimer
1.2.1. Approximation adiabatique
1.2.2. Limite de validité de l’approximation de BornOppenheimer
1.3. Approximation LCAO
1.4. Approximation de Hartree-Fock
1.4.1. Approche de Hartree-Fock restreinte
1.4.1.1. Construction de l’opérateur de Fock
1.4.1.1. Energie de Hartree
1.4.2. Approche de Hartree-Fock non restreinte
1.4.3. Limites de la théorie de Hartree-Fock
1.5. Méthodes de traitement de la corrélation
1.5.1. La méthode d’interaction de configuration
1.5.1.1. La méthode multi-configuration Self-Consistent Field (MCSCF)
1.5.1.2. La méthode CASSCF (Complete Active Space Self- Consistent Field)
1.5.1.3. La méthode d’interaction de configuration multi-référence (MRCI)
1.5.2. Les méthodes des Clusters Couplés
1.5.3. Les méthodes des paires
1.6. Les bases d’orbitales atomiques
1.6.1. Nature des fonctions de base
1.6.2. Etendue de base
1.6.3 Bases contractées
1.6.4. Choix de la base
Chapitre 2 : LA THÉORIE DE LA COLLISION
2.1. Introduction
2.2. La méthode de close-coupling CC
2.2.1. Fonction d’onde
2.2.2. Equations couplées
2.2.3. Sections efficaces de transition rotationnelle
2.3. L’approximation Coupled States CS
2.3.1. Fonction d’onde
2.3.2. Des équations couplées aux sections efficaces
2.4. Approximation Infinite Order Sudden IOS
2.5. Calcul numérique des sections efficaces d’excitation rotationnelle
2.5.1. Le code MOLSCAT
2.5.2. Implémentation de la surface
2.5.3. Paramètres de calcul
Partie B : RÉSULTATS ET DISCUSSIONS
Chapitre 3 ÉNERGIE POTENTIELLE DES MOLÉCULES LiH ET LiH-Ar
3.1. Introduction
3.2. La molécule LiH dans son état électronique fondamental (1Σ+)
3.2.1. Effet de la base
3.2.2. Effet de la méthode
3.2.3. Constantes spectroscopiques
3.3. Surfaces d’énergie potentielle (SEP) du système LiH-Ar
3.3.1 Définition des coordonnées de Jacobi
3.3.2 Méthode de Bhattacharyya à partir des moments multipolaires
3.3.3 Méthode ab initio
3.3.3.1 Energie d’interaction
3.3.3.2 Erreur de la superposition de Base
3.3.3.3 Cohérence en taille
3.3.3.4 Calcul de la surface d’énergie potentielle
Chapitre 4 : CALCUL DYNAMIQUE : DÉTERMINATION DES SECTIONS EFFICACES
4.1. Introduction
4.2. Détermination des niveaux d’énergie rotationnelle et des fréquences rotationnelles
4.3. Calcul des sections efficaces de la collision de LiH par Ar
4.3.1. Calcul des sections efficaces par la méthode CC
4.3.1.1. Tests de convergence
4.3.1.2. Sections efficaces partielles
4.3.1.3 Sections efficaces totales
4.3.2 Calcul des sections efficaces par la méthode CS et IOS
4.3.3 Comparaison des sections efficaces à une énergie de 6452,584 cm-1
CONCLUSION ET PERSPECTIVES
Bibliographie
Annexe A : MÉTHODES DE HARTREE-FOCK
Articles B : RÉSULTATS
Articles C: ARTICLES