L’étude de financement de la santé permet d’établir la façon dont un groupe humain s’est luimême organisé, culturellement, socialement et politiquement afin d’assurer à l’ensemble de la société le meilleur niveau de santé possible. Faisant de la santé une mesure de l’adaptation d’une population à son environnement, l’institution spécialisée des Nations unies, l’Organisation mondiale de la santé (O.M.S.), définit la santé comme un état complet de bienêtre physique, mental, social et pas seulement l’absence de maladie ou d’infirmité. Ce bienêtre est considéré comme la satisfaction des besoins et l’accomplissement des capacités physiques, intellectuelles et spirituelles. Selon l’enquête du Millénaire, Organisation des Nations Unies 2000 : « une bonne santé constitue toujours le vœu numéro un des hommes et des femmes du monde entier. La peur de la maladie et d’un décès prématuré fait de la lutte contre la maladie l’une des principales préoccupations de toutes les sociétés et a motivé l’inclusion de la santé parmi les droits fondamentaux de l’homme en droit international.» Entre autre, la santé est à la base du rendement professionnel, du potentiel d’apprentissage à l’école et de la capacité de développement intellectuel, physique et affectif. Sur le plan économique, la santé comme l’éducation figure parmi l’un des piliers du capital humain lequel constitue le fondement de la productivité économique. En effet, Becker définit le capital humain comme un stock de ressources productives incorporées aux individus euxmêmes, constitué d’éléments aussi divers que le niveau d’éducation, de formation et d’expérience professionnelle, l’état de santé ou la connaissance du système économique.
Au même titre que l’aisance économique des ménages, une bonne santé de la population est une condition essentielle du recul de la pauvreté, de la croissance économique et d’un développement économique à long terme à l’échelle de toute une société. D’ailleurs, d’après les signataires de la Déclaration d’Alma Ata : « la santé pour tous contribuerait à une meilleur qualité de vie ainsi qu’à la paix et à la sécurité à l’échelle mondiale. » Dans la plupart des pays, les personnes évaluent également la santé comme l’une de leurs priorités, juste après les problèmes économiques, comme le chômage, les bas salaires et le coût élevé de la vie.
L’article 22 de la Déclaration Universelle de droit de l’homme stipule que: « toute personne, en tant que membre de la société, a droit à la sécurité sociale ; elle est fondée à obtenir la satisfaction des droits économiques, sociaux et culturels indispensables à sa dignité et au libre développement de sa personnalité, grâce à l’effort national et à la coopération internationale, compte tenu de l’organisation des ressources de chaque pays.» De même, l’article 25 de la Déclaration Universelle de Droit de l’Homme stipule aussi que : « toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien et ceux de sa famille, notamment pour l’alimentation, l’habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires. » Elle a droit à la sécurité en cas de chômage, de maladie, d’invalidité, de veuvage, de vieillesse ou dans les autres cas de perte de ses moyens de subsistance par suite de circonstances indépendantes de sa volonté. La possession du meilleur état de santé qu’il est capable d’atteindre constitue l’un des droits fondamentaux de tout être humain, quelles que soient sa race, sa religion, ses opinions politiques, sa condition économique ou sociale».
Si C.B.Gounebana dans sa thèse portant sur « les conséquences des troubles sociopolitiques sur le système éducatif centrafricain de 1991 à l’an 2001 : situation de l’enseignement primaire » essai de primer la place de l’éducation dans le développement tout en annonçant que les individus éduqués seraient supérieurs à autres en termes d’efficacité économique, quel que soit le secteur dans lequel ils exercent ; et grâce à leur changement de mentalité ainsi qu’aux connaissances acquises, ils auront une espérance de vie plus élevée, connaitront de faibles taux de morbidité, de mortalité infantile, de fécondité, etc. L’éducation, par le biais de la croissance économique, émancipe donc l’individu et lui procure de bonheur il en est de même pour le cas de la santé, car l’investissement dans le domaine de la santé ne génère pas seulement que de meilleur état de santé, mais il contribue également à augmenter la croissance économique. La théorie du capital humain développée par Becker (Becker, 1964) le montre dans toute sa pertinence. Le capital humain peut être défini comme les qualités attachées à la personne humaine, relatives au niveau d’éducation-formation et à l’état de santé. Le « capital humain éducation » résulte de l’accumulation des connaissances et diplômes fournis par le système scolaire ou la formation professionnelle. Le «capital humain santé » résulte d’une nutrition adéquate et d’une prise en charge correcte du suivi sanitaire. Bien entendu, dans les deux cas, les caractéristiques personnelles ou les aptitudes des individus et de l’Etat entrent aussi en ligne de compte. La santé figure, si ce n’est le principal, parmi le moteur clé de développement, de la paix et de la sécurité sociale dans une nation.
Toutes ces idées et articles énoncés précédemment mettent en exergue le droit de tous concernant l’accès aux soins de santé et recommandent par la suite l’accomplissement de devoir de tout à chacun et plus précisément celui du pouvoir étatique. Ils sont l’illustration parfaite de la place de la santé dans l’échiquier des facteurs essentiels pour le bien être de l’humanité et de son développement intégral. Effectivement, la santé a une importance capitale dans toutes les sphères de la vie que ce soit économique, sociale ou politique et etc. Elle a une valeur fortement significative aux yeux de tout individu car non seulement elle apporte de la paix tant individuellement que collectivement mais elle contribue également à une meilleur productivité économique. Aussi, elle est une condition sine que non de la croissance économique. Elle constitue un droit auquel toute personne doit bénéficier et chaque Etat se doit de garantir la disponibilité des moyens nécessaires pour faciliter l’accès de la population aux soins et à des soins de qualité. Le secteur santé tient par conséquent une place très importante dans le développement social et économique du pays, l’homme en étant à la fois, l’acteur et le bénéficiaire. Cependant, la crise politique de 2009 a provoqué un coup d’arrêt brutal à cette croissance, dont les effets bénéfiques commençaient à être perçus par la population urbaine, laissant toutefois en marge la majorité de la population qui vit en milieu rural.
APPROCHES THÉORIQUES DE FINANCEMENT DE LA SANTÉ EN PÉRIODE DE CRISE
Wolf-Dieter Eberwein soutient qu’il n’y a pas de théorie bien assise sans concept claire. La formation des concepts est une base essentielle de la construction théorique ; la précision des termes est indispensable pour la désignation des phénomènes que l’on souhaite décrire et expliquer . Sachant que dans une théorie, les concepts s’entremêlent et constituent un système permettant d’expliquer certains aspects de la réalité. Evidemment, toute recherche qui se veut être scientifique devrait avoir une base fondée sur des théories. L’objet de ce chapitre est de faire un rappel sur quelques définitions des concepts clés et quelques théories nécessaires à l’étude d’impacts de la crise politique sur le financement de la santé.
Concept et Théorie de la crise politique
Avant d’aborder la théorie de la crise politique, il nous paraît utile d’évoquer le concept de crise selon les différents précurseurs.
Concept de crise selon les différents précurseurs
Selon A. Bolzinger « le terme clinique de crise désigne l’instant crucial où la maladie touche à son terme, à sa résolution, pour le meilleur ou pour le pire; il signale l’exacerbation des troubles qui annonce le dénouement. (…) La crise est un paroxysme d’incertitude et d’angoisse où tout est en suspens (…) dans l’attente d’une résolution prochaine de la maladie » Cet auteur pense que le concept de crise comporte quelques caractéristiques essentielles, à savoir :
La Soudaineté : la crise est ressentie comme un événement foudroyant qui fait irruption dans la vie du sujet, même lorsqu’elle est progressive et s’installe en quelques jours.
L’Incoercibilité : la crise s’impose jusque dans l’intimité du sujet, avec une actualité pressante et inéluctable, sans trêve ni repos.
L’Incompréhensibilité : la crise est perçue comme un étrange concours de circonstances; même si le sujet en crise adhère entièrement à la logique de la situation qui le saisit, il conserve néanmoins un fond de surprise et de bouleversement mystérieux.
La Facticité : la crise est, pour le sujet, comme une parenthèse brusquement détachée du déroulement habituel de son existence, un moment paroxystique qui est vécu comme une «réalité objective» mais séparé de la «réalité objective ».
Pour sa part, Randolf Starn définit la crise comme une situation où non seulement se situent les points clés dans des processus de changement mais aussi une situation dans laquelle résident les moments de vérité où s’éclairait la signification des hommes et des événements. La crise est ce moment où, brutalement, éclate tout le passé, dont la signification avait échappé aux acteurs. Pour enrichir cette définition, on se réfère à l’acception donnée par Tom Paine qui est la suivante : l’avantage spécifique de ce moment de vérité est qu’elles sont les pierres de touche de la sincérité et qu’elles révèlent des choses et des individus qui, sans elles, seraient à jamais restés dans l’ombre…! Elles passent au crible les pensées des hommes et les rendent à tous manifestes.
Gerald Meyers a identifié dans le monde des affaires, hier comme aujourd’hui, neuf types distincts de crises : la crise d’opinion; la rupture de marché; la crise produit; la crise de succession; la crise de trésorerie; la crise sociale; l’OPA hostile; la crise politique (événement international); la régulation-dérégulation. Chacune de ces phases difficiles et décisives dans l’évolution d’un système social comporte selon cet auteur ses propres indices et traitements, et bien que chacune soit différente des autres, elles ont toutes quelques caractéristiques communes. Dans le but de maîtriser les crises et leurs manifestations, des séries de points bien représentatifs de ces situations ont été repérées par des auteurs qui se sont spécialisés sur cette question. Ainsi Wiener et Kahn ont dégagées les douze dimensions génériques suivantes :
– La crise est souvent un tournant dans un processus général d’événements et d’actions.
– La crise est une situation dans laquelle la nécessité d’agir apparaît de façon pressante.
– La crise est une menace pour les objectifs de ceux qui sont impliqués.
– La crise débouche sur des effets qui remodèleront l’univers des parties impliquées.
– La crise est une convergence d’événements dont la combinaison produit un nouvel univers.
– La crise est une période pendant laquelle les incertitudes sont fortes sur l’évaluation de la situation et les réponses à apporter.
– La crise est une période ou une situation durant laquelle la maîtrise des événements et de leurs effets diminue.
– La crise est caractérisée par un sens de l’urgence, qui produit souvent stress et anxiété. La crise est une période durant laquelle l’information disponible est particulièrement inadéquate.
– La crise est caractérisée par un accroissement de la pression du temps.
– La crise est marquée par des changements de relations entre les participants.
– La crise augmente les tensions entre les acteurs .
Ce type de phénomène menace les buts des personnes concernées ; engendre des tensions au sein des entités concernées, y compris des tensions physiques et de l’anxiété et par la suite, donne lieu à des comportements de faiblesses, tels que l’inefficacité ou la recherche de boucémissaires.
Pour Ch. F. Hermann, une crise est une situation qui crée un changement abrupt et soudain sur une ou plusieurs variable(s) clé(s) du système. Une crise est une situation qui menace les buts essentiels des unités de prise de décision, réduit le laps de temps disponible pour la prise de décision, et dont l’occurrence surprend les responsables .
Ce ne sont pas seulement les buts qui sont menacés; mais les « choix cruciaux » sont en permanence remis en question. Le degré d’incertitude est plus élevé dans la situation de crise. D’où la définition de Uriel Rosenthal qui tente de donner conceptualisation de la crise pouvant s’appliquer à des circonstances plus générales : une crise est une menace sérieuse affectant les structures de base ou les valeurs et normes fondamentales d’un système social, qui en situation de forte pression et haute incertitude nécessite la prise de décisions cruciales. D’après Edgar Morin, crise signifie indécision : c’est le moment où, en même temps qu’une perturbation, surgissent les incertitudes. Considérée du point de vue sociologique, « la crise est une situation collective caractérisée par des contradictions et ruptures, grosse de tensions et de désaccords, qui rendent les individus et les groupes hésitants sur la ligne de conduite à tenir, parce que les règles et les institutions ordinaires restent en retrait ou sont même parfois déphasées par rapport aux possibilités nouvelles qu’offrent les intérêts et les idées qui surgissent du changement, sans que l’on puisse cependant se prononcer clairement sur la justesse et l’efficacité des voies nouvelles» . Une crise est un événement social ou personnel qui se caractérise par un paroxysme des souffrances, des contradictions ou des incertitudes, pouvant produire des explosions de violence ou de révolte. La crise est une rupture d’équilibre.
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : CADRAGE THÉORIQUE DE L’ÉTUDE
CHAPITRE I : APPROCHES THÉORIQUES DE FINANCEMENT DE LA SANTÉ EN PÉRIODE DE CRISE
Section I Concept et théorie de la crise politique
Section. II. Concept et théorie économique de la santé
Section III. Théories générales du système
CHAPITRE II : PRÉSENTATION GÉNÉRALE DE FINANCEMENT DE LA SANTÉ À MADAGASCAR
Section I : Historique de financement de la santé
Section II. Mécanisme de financement de la santé
Section III : Modalités de coopération et objectifs de financement de la santé
DEUXIEME PARTIE : IMPACTS DE LA CRISE POLITIQUE SUR LE FINANCEMENT DE LA SANTÉ
CHAPITRE I : LIENS ENTRE CRISE POLITIQUE ET FINANCEMENT DE LA SANTÉ
Section I : Manifestation de la crise politique
Section II : Conséquences de la crise politique sur le financement de la santé
CHAPITRE II : ENJEUX ET RECOMMANDATIONS
Section I. Enjeux de financement de la santé affecté par la crise politique
Section II. Recommandation
CONCLUSION
Bibliographie