Un déclin de la lecture et des inégalités marquées : les « lecteurs nomades » dans un paysage « transmédiatique »
A cette complexité du genre et de l’adolescence s’ajoutent de fortes diversités et inégalités d’intérêt des adolescents face à la lecture. Il est indispensable d’en tenir compte car, comme le souligne Pierre Perier dans La lecture à l’épreuve de l’adolescence, cité par Morgane Vasta : « Pour le chercheur, l’école a un rôle fort à jouer dans la diffusion des pratiques de lecture, mais doit s’adapter aux mutations du lecteur et ne peut pas travailler « dans le déni des cultures populaires et de ses manifestations juvéniles ».
». En effet, une enquête réalisée en 2008 par Olivier Donnat pour le Ministère de la Culture ( Les pratiques culturelles des français à l’ère du numérique), les 15-24 ans lisent de moins en moins avec une tendance de la lecture à se féminiser : « Quand ils lisent un livre, les jeunes lisent « utile », c’est-à-dire dans le cadre de leurs études et ils délaissent peu à peu la lecture plaisir au profit d’activités culturelles socialisantes (cinéma, réseaux sociaux, blogs, etc) ». S’il n’existe pas d’étude abordant, même de façon indirecte, les pratiques des adolescents face aux albums rappelons néanmoins les doubles conclusions de la récente enquête du Centre National du Livre (en 2016) qui souligne à la fois « une baisse de la lecture dans le cadre des loisirs entre la primaire et la période post-collège » et le fait que « la lecture comme loisir demeure un marqueur social ». De plus, comme l’affirme Michèle Briziou ces « [lecteurs nomades] lisent moins que leurs aînés mais leurs pratiques se transforment et se multiplient : le temps de lecture s’est éparpillé sur des objets et des supports différents notamment au profit d’internet. ». On ne lit plus de la même façon depuis l’émergence du numérique et les adolescents actuels la vive depuis leur naissance.
Si l’on envisage la littérature de jeunesse comme inscrite dans les pratiques culturelles adolescentes que nous venons d’évoquer, autrement dit, en rapport avec les grands médias actuels que sont internet et « les activités culturelles socialisantes », on peut considérer que « le livre influence de moins en moins les autres médias et est de plus en plus influencé par eux ». L’approche de Matthieu Letourneux envisage cependant chaque média comme «[…] un support de diffusion de l’information […] qui engag[e] la manière de dire le monde [et qu’]il y aurait donc une culture propre à chacun des médias, liée au caractère irréductible de son langage.». C’est à nouveau dans une forme d’hybridité au sens large qu’il faut sans doute envisager les choses quant au livre, avec des phénomènes de circulations diversifiées et ramifiées, car un objet culturel s’inscrit toujours dans une époque, des modes de communication et les pratiques d’un public.
Il apparaît donc essentiel de connaître et garder l’ensemble de ces éléments à l’esprit pour toute médiation en direction des adolescents, en tenant compte d’un contexte aussi particulier que complexe, pour trouver des supports et des moyens de pouvoir toucher l’ensemble des lecteurs dans leur hétérogénéité, tant sur le plan du livre que sur celui des pratiques culturelles plus larges.
Pourquoi l’album au collège ?
Par son format, par sa créativité et la diversité de ses formes, par sa modernité, son rapport à l’image et par la porosité des frontières qu’il explore, l’album de fiction pour adolescent aurait donc sa place auprès des collégiens car il peut correspondre à leur univers et aux caractéristiques des lectures adolescentes actuelles. Ce que nous confirme Sophie Van Der Linden : « A travers ces œuvres, des créateurs, en prise avec leur époque et ses moyens d’expression, s’adressent à une jeune génération aussi à l’aise qu’elle dans le maniement des outils d’expression et de communication. Ces passages fluides entre genres et médiums, ces échanges et circulations entre différents types d’images, leurs offres hybrides me paraissent les plus à même de s’adresser à une jeunesse qui procède de la même manière dans ses acquisitions culturelles. ». Mais pour toucher ce public, avec un genre aussi marginal dans la sphère des lectures adolescentes, la tâche n’est pas des moindres. Car s’il peut correspondre à des critères tout à fait en faveur de ce lectorat, il faudra pouvoir l’en convaincre et pour cela, le trouver. En effet, comme le démontre également l’étude du Centre National du Livre de 2016 « le taux de lecture pour le loisir baisse fortement à l’âge de l’entrée au collège » et parallèlement la fréquentation des médiathèques, lieux de lecture et de prêt, aussi. Mais il demeure un endroit où tous ces jeunes se rendent au moins jusqu’à 16 ans, âge obligatoire de l’instruction en France : le collège.
Comme nous le détaillerons plus loin, les professeurs documentalistes ont donc un rôle fondamental à jouer quant au maintien de la lecture auprès des adolescents et les observations de ces médiateurs du livre, au cœur de ce lectorat complexe, sont tout à fait essentielles puisqu’elles témoignent du fait « que les élèves lisent encore mais préfèrent les textes courts ou illustrés aux romans, récits, synonymes d’activités scolaires ». De plus, selon Michèle Briziou, « la fiction représente un moyen privilégié d’incitation à la lecture […] elle relève de l’imaginaire et de la lecture pour soi non évaluée dans le cadre des cours. ». Il apparaît alors que l’album de fiction pour adolescents correspondrait totalement à ces deux constats fondamentaux. Et si cette rencontre ne va pas de soi, elle peut néanmoins s’inscrire dans les mutations en jeu et offrir une nouvelle entrée possible en littérature, pour une classe d’âge ciblée et paradoxale, qui rompt largement avec la lecture alors même qu’elle vient de quitter l’école primaire.
Vers une typologie possible de l’album pour adolescent et une prescription en voie d’institutionnalisation
Tout comme l’album de jeunesse au sens large, l’album pour adolescents est un domaine totalement foisonnant, dont nous avons pu souligner l’hybridité. Mais l’album de fiction reste le plus représentatif d’une typologie du genre. Il est, par voie de conséquence, le plus exploré et conseillé dans l’ensemble des listes de recommandations que l’on peut trouver en direction d’un public adolescent. Précisons que ces listes proposées sont assez peu nombreuses et proviennent plutôt de spécialistes, voire de passionnés de l’album, qui ont sans doute une connaissance suffisante des adolescents pour suggérer des recommandations d’œuvres qui pourront constituer un corpus élargi.
Au regard des propositions faites par Sophie Van Der Linden, quant à l’établissement d’un corpus, trois grands types d’albums de fiction émergent :
1- « On pourra d’abord proposer aux adolescents des albums qui leur semblent prioritairement adressés, en raison du genre, du thème traité ou bien du style des images.»
« La lecture à l’épreuve de l’adolescence » : l’ébranlement nécessaire de la prescription par la médiation engageante du prix littéraire
L’école, initiatrice d’une littérature légitimée limitative ?
Dès l’école primaire, d’une manière se marquant davantage encore dans le second degré,l’initiation littéraire scolaire en France est imprégnée d’une légitimation induite associée à un patrimoine littéraire de référence. S’il est évident que le système scolaire se doit de transmettre une culture littéraire légitime et reconnue, inscrite dans l’histoire des œuvres et de leurs auteurs, il ne doit pas pour autant ignorer toute autre forme littéraire, plus diversifiée et contemporaine, au risque de faire l’impasse sur une réalité éditoriale foisonnante et proche des élèves. Pierre Perier pointe ce paradoxe démontrant ainsi que l’école reste, pour les adolescents, le lieu majeur des expériences littéraires :
« L’allongement de la scolarité lié à la massification scolaire du secondaire a renforcé pour une part croissante des adolescents l’accès au livre et à la lecture. Si le goût de lire s’enracine dans la famille selon la nature du patrimoine littéraire qu’elle possède et surtout transmet effectivement (Lahire, 1995), l’expérience scolaire pèse de plus en plus fortement, ne serait-ce que par sa durée, sur les parcours et pratiques des lecteurs. La socialisation scolaire de la lecture opère par le biais des œuvres étudiées et consiste plus généralement, en une familiarisation avec l’univers du texte et du livre, en classe et ailleurs.». Est-ce suffisant pour offrir aux jeunes un champ durable pouvant permettre une véritable construction de lecteur ? Pierre Perier alerte justement sur cette insuffisance du système scolaire, associée à des pratiques de lecteurs de formes nouvelles, sans doute plus éloignées des livres : « Pour autant, les enquêtes sur les pratiques de lecture montrent que, du collège au lycée, se produit une décroissance du nombre et de la diversité des livres lus, ainsi que du temps consacré à la lecture en général. ».
La réalité éditoriale française reste une donnée culturelle non négligeable, malgré la diversification et les mutations plurielles des pratiques et des productions. Comme l’explique Matthieu Letourneux les publications constituent un vivier littéraires trop souvent mis en marge des pratiques scolaires: « Pour les jeunes lecteurs, la littérature légitimée apparaît parfois isolée par l’institution académique, liée au monde de l’école. Les éditeurs sont conduits de plus en plus à tenter d’établir des passerelles entre le succès médiatique et leurs propres productions afin d’essayer de séduire les lecteurs. De fait, ces dernières années, les plus grands succès en littérature jeunesse ont correspondu à des phénomènes médiatiques. ». Quelles passerelles l’école est-elle en mesure de construire à son tour pour permettre cette diversification littéraire, inscrite dans un écosystème culturel dont elle ne peut ignorer l’existence ?
Démocratisation et scolarisation d’une tradition française de la consécration : vers des jurys d’élèves-lecteurs de prix littéraires
Selon Sylvie Ducas, les frontières de la légitimité littéraire ne s’inscrivent pas seulement dans un temps patrimonial fermé, mais s’élargissent à de nouveaux espaces médiatiques qui interagissent et impliquent davantage les lecteurs. Ces glissements poreux et dynamiques ne sont d’ailleurs pas ignorés des pouvoirs publics qui les encouragent plutôt, voyant sans doute là de nouveaux moyens de promouvoir la lecture, en s’inscrivant dans des mutations culturelles fortes : « Cette concurrence des expertises profanes [apparue dès les années 1970] a des vertus : elle favorise l’émergence de scènes consécratoires aux allures d’agoras de grands lecteurs, fondées sur l’incitation à la lecture et le plaisir de lire. Elle préfigure “l’État culturel” de Jack Lang des années 1980, la démocratisation culturelle et la lecture pour tous viases festivals, ses salons et ses foires, la loi sur le prix unique du livre, le soutien des pouvoirs publics à tout ce qui peut favoriser la “fureur de lire”, donc la défense des libraires et éditeurs, et l’industrie culturelle qu’est devenue le livre. […] Mais la démultiplication des espaces de légitimation ou de prescription ne tue pas pour autant la légitimité littéraire, elle en change les représentations, et avec elles, celles de la littérature et de l’auteur.».
L’école n’est pas totalement restée éloignée de ces considérations et a su, par des initiatives culturelles de plus en plus ouvertes, s’adapter à ces nouvelles médiations possibles. C’est notamment au travers de l’introduction de pratiques autour des prix littéraires que ces frontières ont pu s’élargir et se dynamiser dans une démarche néanmoins spécifique : « Il faut distinguer deux catégories dans les prix littéraires jeunesse : les prix attribués par des professionnels apparus au XXe siècle et les prix avec des jurys composés de jeunes dont l’essor commence en 1980. Même si des similitudes d’ordre économiques et culturelles coexistent entre ces deux catégories, c’est dans la dimension pédagogique que les enjeux et les pratiques diffèrent. L’école crée des méthodes d’apprentissage, pour en faire un outil de médiation et d’incitation à la lecture.».
Le prix Nénuphar de l’album jeunesse : de la caution experte au projet en lien avec des partenaires internes
Explorer avant tout les contours littéraires et pédagogiques envisageables
C’est grâce à un intérêt conjoint d’un projet professionnel tourné vers le métier de professeur documentaliste et celui d’une conviction d’un album pour adolescents ayant sa place au collège (et plus largement dans la littérature de jeunesse) qu’un article de la revue InterCDI a pu retenir toute mon attention : « Le prix Nénuphar de l’album jeunesse est né en 2014 de la volonté de trois professeurs documentalistes de collège. Toujours à la recherche de lectures à faire découvrir aux jeunes, nous nous retrouvions de plus en plus souvent à feuilleter des livres dans le rayon album de notre librairie jeunesse, chaque fois enthousiasmées par l’imagination et le talent des auteursillustrateurs. Le nom du prix est le fruit d’une rencontre : une librairie spécialisée en littérature de jeunesse et sa libraire. Son logo, une grenouille, nous a inspiré ce nom : le prix Nénuphar était né.». Ce prix Nénuphar, presque artisanal au regard des nombreux autres prix offerts aux enseignants, généralement peu tournés vers l’album, élargissant son action et ses participations, disposait même d’un site grâce auquel j’ai pu découvrir l’esprit du dispositif et la qualité des sélections de six albums proposés chaque année : prixnenuphar.net. Bien entendu, il m’a rapidement fallu accéder à la lecture de la sélection 2020-2021 afin de la découvrir et de prendre la mesure d’une médiation possible, puisque ces albums sont ceux de publications très récentes, de maisons d’édition parfois peu connues mais déployant des initiatives tout à fait adéquates, voire d’avant garde. Pour ces raisons, j’ai fait le choix d’une acquisition personnelle des ouvrages ce qui m’a permis d’explorer finement les contours littéraires et pédagogiques envisageables et de disposer des albums pour pouvoir les soumettre à un projet potentiel.
Le corpus des six albums de la sélection du prix Nénuphar 2020-2021 Comme tout prix littéraire, le prix Nénuphar s’organise autour d’un comité de sélection, celui-ci composé de trois professeurs-documentalistes, d’un professeur de lettres et d’un professeur d’EPS (éducation physique et sportive) qui mènent un large et précieux travail de veille prospective pour constituer le corpus de chaque édition : « Ensemble, nous surveillons les parutions d’albums jeunesse tout au long de l’année, nous nous rendons au salon du livre de jeunesse à Montreuil et rencontrons éditeurs et auteurs afin de repérer et choisir les six albums que nous proposerons l’année suivante ».
Nous avons pu l’évoquer, les sélections constituées le sont exclusivement d’albums de fiction de grande qualité, proposant des publications originales toutes très récentes et audacieuses tant par leurs formes que par les thèmes abordés, de même cette année (Annexe 1). Au-delà des qualités littéraires et visuelles certaines, précisons également que ce corpus est tout à fait représentatif d’un genre tel que l’on a pu le définir de manière théorique : l’album pour adolescent. Les formats des couvertures, la densité des textes, les choix graphiques, les complémentarités signifiantes texte / image sont autant de propositions qu’il y a d’albums et cette sélection en est le fidèle reflet. S’inscrire dans un contexte spécifique : les objectifs de l’établissement et du CDI Où que l’on soit, et particulièrement lorsqu’un établissement d’exercice est nouveau pour nous, on ne peut ignorer le contexte scolaire dans lequel on se doit de s’inscrire pédagogiquement et professionnellement. Une prise de connaissance du projet d’établissement du collège-lycée X 2020-2023 (Annexe 2) et de ses trois grands axes a démontré les lignes directrices envisagées par les partenaires de la communauté éducative afin d’œuvrer en faveur d’une « volonté d’exigence et d’ouverture » ainsi qu’à la formation « d’élèves engagés, créatifs et responsables » au sein d’un « établissement où l’on se sent bien ». Retenons des points encourageants en direction de projets tels que celui que nous souhaitions proposer : « cultiver l’ambition, et le goût de l’effort et la réussite chez les élèves / promouvoir l’innovation pédagogique et éducative / ouvrir l’établissement sur son environnement et développer les partenariats / favoriser l’implication de tous les élèves dans la vie de l’établissement et la conduite de projets / éveiller la curiosité des élèves et les rendre acteurs de leurs apprentissages / entretenir un climat général de bienveillance, de respect et d’attention aux autres / pratiquer une pédagogie qui encourage et donne confiance. ».
De même, les perspectives du bilan d’activité 2019-2020, ainsi que les les axes du projet du CDI ont permis d’inscrire le projet littéraire envisagé dans une continuité et une complémentarité d’actions conformes aux dispositifs généraux du CDI : « Favoriser les projets de lecture et / ou écriture à destination des élèves. ».
Communiquer : dire et montrer pour convaincre
Il est dans les missions du professeur documentaliste de s’engager dans des projets transdisciplinaires et les albums au collège peuvent s’inscrire dans cet esprit, malgré ses nombreux handicaps de représentations, le plus souvent engendrés par ce que nous pouvons lier à une méconnaissance. Une fois le corpus d’albums maîtrisé, les objectifs du projet d’établissement et du CDI connus, j’ai pu soumettre un projet possible à l’équipe des professeurs documentalistes et à celle de direction, qui l’ont accueilli tout à fait favorablement en l’envisageant, comme proposé, dans un axe général de promotion de la littérature de jeunesse et une véritable pédagogie de projet.
L’acquisition des six albums de la sélection, en trois exemplaires chacun a donc été validée et acquise par le CDI, ainsi que la participation forfaitaire pour l’inscription de l’établissement au prix Nénuphar, d’un montant de 15 euros, sur le budget du fonds collège. Mais il m’a d’abord fallu communiquer et convaincre auprès de mes collègues du CDI, de l’équipe de direction, d’un collègue de discipline et du référent ULIS, puis bien sûr, auprès des élèves. Il est à retenir que connaître les albums de la sélection, pouvoir les présenter de façon synthétique et matérielle aux différents acteurs de la communauté scolaire, n’est pas une économie à faire puisqu’elle participe grandement à l’acceptation du projet, créant un sens nouveau quant aux représentations précédemment évoquées. L’album pour adolescents possède les charmes indéniables de ses atouts trop méconnus : il est indispensable de montrer ces objets, les faire connaître avec expertise et conviction pour qu’ils puissent être pris en compte en démontrant leurs potentiels spécifiques. J’ai également pu constater que le fait de proposer un projet national de qualité, inscrit dans la durée au sein de partenariats multiples et riches, a été une caution de premier ordre puisque validant implicitement ce genre au collège et induisant l’économie de nombreux arguments trop spécifiques, parfois peu lisibles aux non initiés. Cent cinq établissements ont pris part au prix Nénuphar cette année, permettant ainsi à l’album d’être au centre d’actions riches et variées. La cité scolaire X en a fait partie, et cela au travers d’un triple dispositif.
Une médiation littéraire ramifiée pour une démocratisation culturelle : vers une construction personnelle et citoyenne qui donne du sens
Le professeur documentaliste et le prix littéraire : une médiation scolaire reconnue mais nécessairement à construire
Un foisonnement de prix littéraires à cerner, maîtriser et cibler : un « outil de médiation »
Le professeur documentaliste qui souhaite s’inscrire dans une démarche de prix littéraire, au-delà d’une connaissance nécessaire d’un genre et d’un corpus ciblé dans le cadre de médiations telles que celles déployées (au sein de séances disciplinaires ou d’actions autonomes), ne peut faire l’économie d’une connaissance théorique plus large, inscrite dans ses missions et dans une tradition française foisonnante. Car un prix de littérature de jeunesse possède toujours des caractéristiques propres, liées à une actualité et à des principes très vivants, que l’on pourrait rattacher à une pédagogie de projet littéraire d’une nature singulière : « Les prix de littérature pour la jeunesse se fixent le plus souvent pour objectif de défendre la diversité de l’offre (cette fonction n’existe pas pour les prix littéraires pour les adultes les plus connus qui emboîtent souvent les pas du succès). Mais surtout, la particularité des prix de littérature pour la jeunesse tient à ce qu’ils se posent comme des outils de médiation. Lorsqu’ils sont attribués en milieu scolaire, les prix aident les enseignants et les élèves à mieux appréhender une littérature vivante, non patrimoniale, c’est-à-dire qui doit être lue et commentée autrement que ne le sont les classiques. […] Participer à un prix de littérature de jeunesse, c’est en effet, pour les enseignants comme pour les élèves, l’occasion de débats et de confrontations de points de vue d’une nature nouvelle. ».
Le Centre National de la littérature pour la jeunesse de la BnF (Bibliothèque Nationale de France) permet de prendre la mesure de ce foisonnement, créant en 2016 une base qui recense à ce jour : « […] plus de 220 prix littéraires français, internationaux et étrangers, dont le plus ancien remonte à 1922. Tous ces prix récompensent des auteurs et illustrateurs de livres pour enfants et adolescents, ainsi que des acteurs du livre pour la jeunesse. ». Pour ne pas s’y perdre, le professeur documentaliste ne peut se dispenser d’une recherche d’informations affinée quant à l’esprit du prix choisi, du corpus concerné et des objectifs scolaires potentiellement associés.
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Table des matières
Introduction
1) Approches littéraires et culturelles pour cerner des contours complexes : l’album / les adolescents / les prix littéraires jeunesse
1.1) L’album pour adolescents : un genre nouveau
1.2) Les pratiques culturelles adolescentes : de fortes correspondances en faveur de l’album
1.3) Une approche généraliste : le plaisir de lire, l’image et la construction de soi
1.4) « La lecture à l’épreuve de l’adolescence » : l’ébranlement nécessaire de la prescription par la médiation engageante du prix littéraire
2) Un prix littéraire de l’album pour adolescents : une médiation inscrite dans une pédagogie de projet
2.1) L’album au CDI : une double médiation « militante »
2.2) Le prix Nénuphar de l’album jeunesse : de la caution experte au projet en lien avec des partenaires internes
2.3) Un triple dispositif de médiation au CDI : des objectifs distincts dans un projet commun en diversifiant les publics par la promotion de l’album
3) Une médiation littéraire ramifiée pour une démocratisation culturelle : vers une construction personnelle et citoyenne qui donne du sens
3.1) Le professeur documentaliste et le prix littéraire : une médiation scolaire reconnue mais nécessairement à construire
3.2) Une pratique de stimulation et de sociabilisation du goût de lire des élèves : accompagner l’engagement et la construction d’une identité de lecteur citoyenne
3.3) Une démarche de médiation multiple et adaptée
3.4) Une pédagogie de projet innovante et des actions élargies
Conclusion
Bibliographie
Annexes