L’utilisation des composites à matrice polymère et renfort fibreux dans les applications industrielles est longuement restée cantonnée à des pièces semi-structurales ou d’habillage. Néanmoins, les progrès de la technologie des composites sont tels qu’on assiste de plus en plus à leur emploi comme matériaux de structure. Leur certification pour une application industrielle est en grande partie déterminée par leur capacité à supporter les diverses sollicitations en service. La réalisation des structures fait souvent appel à des opérations d’enlèvement de matière à l’outil coupant. Selon la nature de cette opération, des endommagements (délaminages, dégradations thermiques, arrachement de fibres) peuvent être occasionnés. Les composites ne sont généralement pas conducteurs de l’électricité, l’électroérosion est donc impossible, ce qui limite les procédés utilisables à, essentiellement, l’usinage conventionnel, parfois qualifié d’usinage par enlèvement de copeaux, l’usinage par laser, par jet d’eau et par ultrasons. Les ultrasons ne sont que rarement utilisés, car ils sont plutôt adaptés aux matières dures. Les matériaux composites sont constitués d’une matrice contenant un réseau de fibres en nappe, éventuellement tissées (hétérogénéité). Il faut donc usiner simultanément deux matières de natures différentes (résine et fibres). Avec ce type de matériau, l’usinage par enlèvement de copeaux se traduit en fait par une création de poudre et non pas par la formation d’un copeau. Ces poudres sont souvent propulsées dans l’air autour de l’outil de coupe avant de retomber. Il faut alors penser que ces poudres peuvent être abrasives ou conductrices d’électricité et susceptibles de générer un court-circuit (fibres de carbone). Dans le cas de composites à fibres orientées, on peut aussi avoir une structure anisotrope (comportement différent selon la direction envisagée), ce qui s’ajoute aux difficultés d’usinage. La rigidité, par exemple, sera plus grande dans le sens longitudinal des fibres que dans le sens perpendiculaire, ce qui peut, lors de l’usinage, générer des déformations non souhaitées. La chaleur créée par l’opération d’usinage restant concentrée sur la zone usinée peut entraîner une déformation thermique importante et un risque de dégradation thermique. La présence des fibres engendre une usure très rapide des outils traditionnels (acier rapide), les outils en carbure, voir revêtus, sont impératifs.
L’interface outil-pièce est un lieu d’interactions complexes entre phénomènes mécaniques, thermiques et physico-chimiques. La surface de l’outil en contact avec la pièce subit diverses formes d’usure, la plus significative est l’usure par abrasion. La qualité de la surface usinée, ainsi que la durée de vie des outils dépendent largement des conditions dans lesquelles s’effectue la coupe. Dans le souci de protection de l’environnement la tendance actuelle est de limiter, et même de supprimer, l’emploi des lubrifiants. Dans le cas de l’usinage des composites, la suppression des fluides de coupe est liée au coût du lubrifiant, de son traitement et de l’entretien de la machine-outil, car le système de lubrification va être encrassé par la poussière abrasive de fibres de carbone. L’usinage à sec des composites doit alors passer par le développement de géométries d’outils optimisées, la recherche de conditions de coupe optimales et/ou la réalisation des nouveaux revêtements d’outils. Dans l’industrie, les méthodes d’optimisation sont encore largement basées sur les connaissances acquises au cours des années et sur des essais longs et coûteux. Mais avant de mettre en place des solutions ou de développer des modèles, il est nécessaire de caractériser de manière précise les différents modes d’endommagement et de maîtriser tous les facteurs qui conduisent à l’usure des outils.
Description des matériaux composites
Dans la suite de la présentation, nous nous intéresserons uniquement aux composites Hautes Performances à matrice thermodurcissable utilisés dans l’industrie aéronautique.
Les constituants
Les performances mécaniques des composites fibreux sont directement liées aux caractéristiques mécaniques de leurs constituants : la matrice, les fibres mais aussi l’interface fibre-matrice. La rigidité d’un composite est assurée principalement par les fibres qui possèdent des caractéristiques mécaniques beaucoup plus élevées que la matrice organique. Quant à la matrice, elle permet de donner la forme géométrique de la structure, d’assurer la cohésion de l’ensemble des fibres et de les protéger contre le milieu ambiant. Mais son rôle principal est de transférer les efforts mécaniques d’une fibre à l’autre. L’interface est la zone de transition entre les fibres et la matrice. Elle possède des caractéristiques chimiques et mécaniques différentes de celles des fibres et de la matrice. Une large gamme de fibre et de matrices est disponible, mais dans ce qui suit, nous présenterons rapidement quelques-uns des matériaux les plus couramment utilisés.
Les renforts
Les fibres ou les renforts, doivent assurer la bonne tenue mécanique des matériaux. Le renfort se présente généralement sous la forme de fibres dont l’orientation au sein du composite dépend de la sollicitation mécanique qu’elles doivent supporter. Leurs caractéristiques doivent être les suivantes : caractéristiques mécaniques élevées en termes de rigidité et de résistance, compatibilité physico-chimique élevée avec les matrices.
Fibre de carbone
Les fibres de carbone ont d’excellentes caractéristiques mécaniques et on les rencontre principalement dans les structures composites fortement sollicitées. Leurs températures d’utilisation peuvent être importantes car leurs caractéristiques mécaniques augmentent jusqu’à 1100°C dans une atmosphère non oxydante. Leur utilisation est limitée parce que le coût de fabrication reste élevé. En effet, il est nécessaire de faire subir 4 traitements pour obtenir le produit final. Une oxydation à 300°C, suivi d’une carbonisation à 1100°C, permet d’obtenir une structure hexagonale d’atomes de carbone. Les fibres obtenues possèdent une bonne résistance à la rupture et un module d’Young de l’ordre de 200GPa. Pour augmenter leur rigidité on effectue une graphitisation à 2600°C en atmosphère neutre, ce qui entraîne une réorientation des réseaux hexagonaux suivant l’axe de la fibre, mais pendant ce traitement des défauts apparaissent qui diminuent leur résistance à la rupture. Apres ce dernier traitement on obtient des fibres qui ont une rigidité autour de 600GPa. Au cours de la dernière étape, la rugosité des fibres est augmentée par un traitement de surface dans le but d’améliorer la liaison fibre-résine.
Autres fibres
Il existe sur le marché beaucoup d’autres fibres telles que : les fibres de verre, d’aramide, etc. Le renfort a pour rôle d’assurer la tenue mécanique du composite et est souvent de nature filamenteux : fibres organiques ou inorganiques. Les fibres sont constituées par plusieurs centaines ou milliers de filaments de diamètres variant de 5 à 15µm. La fibre de verre possède une très bonne résistance à la rupture dépassant même celle de certains métaux. Cependant, le verre est un matériau très fragile du fait de sa forte sensibilité aux microfissures. Cette fragilité diminue lorsque le verre est sous forme de fibre puisque les microfissures sont moins nombreuses, ce qui lui confère de bonnes performances. Il existe différents types de verre : le verre E, C, D, R ou S, qui sont obtenus suivant une composition différente du mélange de préparation, par conséquent, leurs propriétés diffèrent également. La fibre d’aramide est non abrasive et sa structure n’est pas cristalline, contrairement aux fibres de carbone et de verre. Le caractère ductile de la fibre la rend difficile à couper par l’outil. En plus elle a le désavantage de mal adhérer avec la résine. Les fibres servant de renfort sont recouvertes d’un ensimage dont le rôle est le suivant : favoriser l’agglomération des filaments, protéger la fibre contre l’abrasion, améliorer l’accrochage de la matrice, créer des liaisons chimiques avec la matrice, et augmenter la résistance interlaminaire.
Les résines
La matrice maintient les fibres dans leur direction principale, distribue les efforts entre les fibres, fournit une résistance à la propagation de fissures, et détermine toutes les propriétés de cisaillement du composite. Elle limite en général la température d’utilisation du composite. La matrice permet de lier les fibres du renfort fibreux entre elles, ainsi que de répartir les efforts (résistance à la compression ou à la flexion). La matrice est facilement déformable et assure la protection chimique des fibres. Les deux types de résines les plus utilisés sont les résines thermodurcissables et thermoplastiques. Les résines thermodurcissables sont des polymères, qui, après un traitement thermique ou physico-chimique (catalyseur, durcisseur), se transforment en des produits essentiellement infusibles et insolubles. Ces résines ont donc la particularité de ne pouvoir être mises en forme qu’une seule fois. Les résines thermoplastiques, en revanche, peuvent être alternativement ramollies par chauffage et durcies par refroidissement dans un intervalle de température spécifique du polymère étudié. De plus ces résines présentent l’aptitude à l’état liquide de se mouler facilement par plasticité. Il existe d’autres catégories de résines : les résines thermostables et les polymères thermoplastiques, dont l’usage reste spécifique et dont la fabrication dans les matériaux composite reste limitée. Les résines thermostables sont caractérisées par des caractéristiques mécaniques stables sous des pressions et des températures élevées (> 200°C) appliquées de façon continue. Cette propriété se mesure en déterminant la température que peut supporter la résine durant 2000h sans perdre la moitié de ses caractéristiques mécaniques. Les élastomères sont caractérisés par une forte élasticité avec un module d’Young très faible. La matrice constituant le matériau composite de cette étude est une matrice thermodurcissable. Les époxydes sont les plus utilisées pour la fabrication de structures aéronautiques. Elles possèdent de bonnes propriétés thermomécaniques et d’adhésion avec la fibre. Leur facilité de traitement et de mise en œuvre permet d’obtenir des coûts de fabrication acceptables.
L’interface fibre-matrice
L’interface fibre-matrice peut être considérée comme un constituant du composite car elle possède des propriétés physiques et mécaniques différentes de celles de la fibre et de la matrice. C’est l’interface fibre-matrice qui permet le transfert des charges de la matrice aux fibres. Les matériaux composites structuraux sont classés en trois catégories : les monocouches, les stratifiés, et les sandwichs. Les monocouches (unidirectionnelles) représentent l’élément de base de la structure composite. La forme du renfort caractérise les différents types de monocouche. Le renfort peut être à fibres longues (ce sont les plis unidirectionnels), courtes ou à fibres tissées. Les stratifiés sont constitués d’un empilement de monocouche ayant chacun une orientation propre par rapport à un référentiel commun aux couches et désigné comme le référentiel du stratifié. Le choix de l’empilement et plus particulièrement des orientations permettra d’obtenir des propriétés mécaniques spécifiques. Les stratifiés peuvent être de trois types :
– équilibrés : le stratifié contient autant de couches orientées suivant la direction+θ que de couches orientées suivant la direction –θ.
– symétriques : les couches du stratifié sont disposées symétriquement par rapport à un plan moyen.
– orthogonaux : le stratifié comporte autant de couches à 0° que de couches à 90°.
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
I ETUDE BIBLIOGRAPHIQUE
1.1 Introduction
1.2 Description des matériaux composites
1.2.1 Les constituants
1.2.1.1 Les renforts
1.2.1.2 Les résines
1.2.1.3 L’interface fibre-matrice
1.3 Matériaux des outils de coupe
1.4 Géométries des outils
1.5 Usure des outils de coupe
1.6 Paramètres de coupe
1.7 Endommagement du composite
1.7.1 Formation du copeau
1.7.2 Endommagements produits par la coupe des composites
1.8 États de surface
1.9 Analyse thermique pendant l’usinage
1.9.1 Caractérisation du flux thermique
1.9.1.1. Bilan thermique de la zone de coupe
1.9.1.1.1 Les méthodes de mesure existantes
1.10 Modélisation de la coupe des composites
1.10.1 Analyse mathématique de l’effort de pénétration pour différents forets
1.10.1.1 Modèle de charge distribuée – Modèle de Piquet
1.10.1.2 Modèles de Hocheng et Tsao
1.11 Conclusion
II PROCEDURES EXPERIMENTALES
2.1 Machines-outils utilisés
2.1.1 Raboteuse
2.1.2 Banc de perçage
2.1.3 Machine 5 axes
2.2 Instrumentation des machines outils
2.2.1 Instrumentation de la Raboteuse
2.2.1.1 Mesure des efforts de coupe
2.2.1.2 Mesure de la température
2.2.1.2.1 Mise en place de la thermistance
2.2.1.2.2 Principe du modèle inverse
2.2.1.2.3 Identification du modèle
2.2.1.3 Mesure de rugosité
2.2.1.3.1 Rugosimetre
2.2.1.3.2 Profilometrie optique
2.2.1.4 Observation par Camera rapide
2.2.2 Instrumentation du Banc de perçage
2.2.2.1 Mesure des efforts de coupe et du couple de perçage
2.2.3 Instrumentation de la machine 5 axes
2.2.3.1 Mesure des efforts de coupe
2.3 Pièces et outils utilisés
2.3.1 Techniques utilisées pour l’examen des surfaces
2.3.1.1 Topographie des surfaces
2.3.1.1.1 Microscopie électronique à balayage – MEB
2.3.1.2 Caractérisation chimique
2.3.1.2.1 Analyse en spectroscopie dispersive des rayons X-EDS
2.3.1.2.2 Spectroscopie des électrons Auger-AES
2.3.2 Analyses des Outils utilisés
2.3.2.1 Plaquettes
2.3.2.2 Forets
2.3.3 Analyses des Pièces utilisés
2.3.3.1 Composite unidirectionnel
2.3.3.1.1 Détection non destructive des dommages de la pièce
2.3.3.2 Composite multidirectionnel
III RESULTATS EXPERIMENTAUX
3.1 Coupe orthogonale
3.1.1 Résultats d’essais
3.1.1.1 Influence des paramètres de coupe et de la géométrie des outils
sur les efforts de coupe
3.1.1.2 Influence de l’usure des outils sur les efforts de coupe
3.1.1.3 Influence de la nature des carbures sur les efforts de coupe
3.1.1.4 Mesure du flux en rabotage
3.1.1.5 Influence de la nature du revêtement sur les efforts de coupe
3.1.1.6 Endommagement du composite
3.1.1.6.1 Formation du copeau
3.1.1.6.2 Endommagement produit par la coupe
3.1.1.6.3 Etat de surface
3.1.1.7 Endommagement des outils
3.1.1.7.1 Usure par abrasion
3.1.2 Conclusion
3.2 Perçage sur banc
3.2.1 Résultats d’essais
3.2.1.1 Influence des paramètres de coupe et de la géométrie des outils
3.2.1.1.1 Modèle de prévision de la géométrie de l’outil idéal
3.2.1.1.2 Comparaison prototypes en carbure au niveau de l’effort axial
3.2.1.2 Influence de la nature du revêtement
3.2.1.3 Endommagement du matériau
3.2.1.3.1 Défaut produit sur la face d’entrée de la plaque
3.2.1.3.2 Défaut produit sur la face de sortie de la plaque
3.2.1.3.3 Dégradation thermique de la matrice
3.2.1.4 Endommagement des outils
3.2.2 Conclusion
3.3 Perçage sur machine 5 axes
3.3.1 Essais d’endurance
3.3.1.1 Influence de la géométrie des outils sur l’usure
3.3.1.1.1 Comparaison prototypes en carbure au niveau de l’usure
3.3.1.2 Influence de la nature du revêtement sur l’usure
3.3.1.3 Endommagement du matériau
3.3.1.4 Endommagement des outils
3.3.2 Conclusion
CONCLUSION GENERALE
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