Le concept du devenir réfère à celui d’évolution. Devenir enseignant, c’est « une transformation graduelle de l’être humain orientée vers le développement de l’ensemble de ses potentialités sous l’influence de son milieu et de sa propre maturation » (Legendre, 2005, p. 650). L’évolution est étroitement liée au changement, dans une optique de mouvance progressive, de perpétuelle progression vers un avenir quelconque. Autrement dit, devenir c’est changer. Et le changement fait partie intégrante de la vie personnelle et professionnelle des individus. C’est une permanence des systèmes humains, indissociable des relations et des interactions établies (Carton, 2011; Vaillancourt, 2003). Ce faisant, le parallèle avec les nouveaux enseignants en FP se met en place. Les hommes et les femmes qui prennent la voie de l’enseignement en formation professionnelle s’insèrent bien dans ce concept de devenir, de changement, de transformation des systèmes humains. Souvent déjà reconnus dans le métier d’où ils viennent, ils ont un cadre de référence auquel il se réfère et une manière d’aborder les relations, les situations, le travail ou les conflits. Cependant, s’ils s’engagent réellement à changer, à devenir des enseignants, ils amorcent des changements profonds se reflétant par une évolution de leurs schèmes de pensée et de leurs façons de voir le monde. Ce recadrage de leurs perceptions et de la représentation de leur réalité professionnelle se transpose inévitablement dans leurs comportements. Balleux (2006a) écrit à propos des enseignants en FP : « on leur demande donc d’assumer en pleine responsabilité leur propre culture de métier tout en les amenant à la regarder avec des yeux nouveaux, car une de leurs fonctions premières sera justement de transmettre cette culture du métier » (p.606), donc d’être des agents de changement à leur tour. Vaillancourt (2003) ajoute aussi que l’on ne peut mobiliser les autres, en l’occurrence les élèves, que si l’on n’est personnellement engagé activement dans une dynamique de changement, car « le changement ne peut venir que de l’action des acteurs de base du système » (Demailly cité dans Valentin, 1997, p. 114).
C’est d’ailleurs l’individu qui entreprend volontairement une bifurcation de sa carrière initiale pour aller vers l’enseignement. Il lui revient ensuite d’effectuer des choix tout au long de son intégration et de son parcours professionnel, ses choix ayant des impacts sur ses collègues, ses élèves et sur ceux qu’ils côtoient. Ses prises de décisions s’appuient, entre autres, sur le système de valeurs propre à l’individu, la section suivante en présente les caractéristiques .
Approches des systèmes de valeurs
La nature des valeurs
Le concept de valeur n’est pas simple, d’ailleurs il ne fait toujours pas l’objet d’un consensus sur le plan des définitions qui varient selon les auteurs et les domaines d’études. Si Reboul (1992) associe la valeur au sacrifice, c’est qu’il tient compte de la nature aussi quantitative du terme. Il propose l’axiome suivant : « il n’y a pas d’éducation sans valeur, sans l’idée que quelque chose est préférable à autre chose; qu’éduquer, c’est toujours faire passer quelqu’un à un stade qu’on estime meilleur » (p.13). L’estimation de ce qui est important, de ce qui a de la valeur ou de ce qui doit être sacrifié est variable selon l’état du sujet, de son époque ou de sa culture. Appliqué autant à l’individu, qu’aux sociétés, le concept possède en effet un caractère économique et fonctionnel, « la valeur d’un produit est le quotient établi entre la qualité et le cout » (Legendre, 2005, p. 1430). Ce n’est visiblement pas le sens qui est donné aux valeurs lorsqu’il en est question dans les interactions humaines et les schèmes de pensées. Helkama (1999) qui a dressé un bref retour en arrière sur les recherches ayant eu pour objet les valeurs, débute par les travaux de Spranger au début du 20e siècle qui considérait les valeurs comme un reflet fonctionnel et institutionnel. Cela signifiait qu’à chaque grande institution était rattachée une valeur signifiante. Par la suite sont venus à mi-siècle les travaux d’Allport et Vernon, puis de Morris qui ont surtout servi à établir des tests d’orientation et étudiaient les styles de vie des personnes par des méthodes de questions-réponses longues et fastidieuses. Les travaux de Rokeach, Kahle et Schwartz dans les années 70 et 80 ont permis d’établir plus concrètement une méthode d’analyse, mais aussi la nature, la structure et l’universalité des valeurs .
Malgré tout, cerner les valeurs n’est pas encore simple. Afin d’en spécifier la portée, voici d’abord ce que les valeurs ne sont pas, les distinguant ainsi d’autres concepts largement répandus (Rokeach, 1973). Les valeurs diffèrent :
– des attitudes : une attitude réfère à une organisation de plusieurs croyances autour d’un objet ou d’une situation donnée, alors que la valeur ne renvoie qu’à une seule croyance spécifique
– des normes sociales : une norme sociale se réfère aux comportements spécifiques attendus dans une situation spécifique, les comportements prescrits ou proscrits sont externes à la personne et proviennent de consensus social;
– des besoins : une valeur est la représentation et la transformation intellectuelle d’un besoin individuel, mais aussi d’une exigence sociétale ou institutionnelle;
– des traits de personnalité : un trait de personnalité est très peu sujet à se modifier et reste stable, alors qu’une valeur se modifie en fonction des changements de condition sociale;
– des intérêts : un intérêt est une manifestation des valeurs qui s’apparente aux attitudes.
Ainsi différenciées, comprendre le sens et la nature des valeurs n’est pourtant pas encore aisé. Les valeurs comportent de multiples facettes et caractéristiques, afin d’en dresser un portrait plus précis, des caractéristiques communes à différents auteurs sont retenues. Les valeurs sont :
– omniprésentes, fondamentales, elles se traduisent dans les comportements et le discours de l’individu (Lagarrique, 2001; Reboul, 1992);
– désirables, souhaitables, elles se rapportent à des buts et des objectifs ou des préférences (Reboul, 1992; Schwartz, 2006);
– commune aux individus de toutes sociétés, c’est l’importance relative que la personne associe à chacune des valeurs qui varie (Schwartz, 2006);
– intimement liées à l’individu et à sa conduite, elles nomment et légitiment ses choix et ses gestes, plus une valeur est importante pour la personne, plus elle a d’influence (Paquette, 1982);
– acquises, consolidées et modifiées dans les interactions sociales (Beauvois, Dubois & Doise, 1999; Paquette, 1982) .
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Table des matières
INTRODUCTION
CHAPITRE 1 PROBLÉMATIQUE
1.1 Éléments d’introduction
L’enseignement professionnel a son histoire
Le portrait des enseignants en formation professionnelle
1.2 Éléments de la problématique
L’entrée dans la carrière enseignante
L’identité professionnelle
Les valeurs à explorer
1.3 Problème de recherche
Question de recherche
Objectifs spécifiques
CHAPITRE 2 CADRE THÉORIQUE
2.1 Approche systémique
Notion et théorie des systèmes
Devenir enseignant : transformation d’un système humain
2.2 Approches des systèmes de valeurs
La nature des valeurs
Une organisation en système
2.2.2.1 Les valeurs selon Rokeach (1973)
2.2.2.2 Les valeurs selon Kahle (1983)
2.2.2.3 Les valeurs selon Schwartz (2006)
2.3 Les processus d’insertion et de transition professionnelles
2.4 Le processus de construction de l’identité professionnelle
2.5 Choix des approches et proposition d’un modèle systémique
CHAPITRE 3 CADRE MÉTHODOLOGIQUE
3.1 Approche méthodologique
Type de recherche
Population
3.1.2.1 Échantillon
3.1.2.2 Contexte écologique et temporel de la recherche
Collecte et analyse des données
3.1.3.1 Instruments de collecte des données
3.1.3.2 La posture du chercheur
3.1.3.3 Traitement des données
CONCLUSION
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