Approches de synthèse du Taxol

Généralités sur le Taxol 

Historique

La grande histoire du Taxol a débuté en 1962 lors d’une campagne menée aux Etats-Unis par le National Cancer Institute et le US Department of Agriculture visant à découvrir de nouveaux extraits naturels de plantes potentiellement actifs contres des cellules cancéreuses. C’est ainsi que l’if de l’ouest (Taxus brevifolia) a été testé et que des extraits présents dans son écorce se sont révélés cytotoxiques contre les cellules KB. De nouveaux échantillons d’écorce ont été recueillis en 1965 et ont été testés par Monroe Wall et Mansukh Wani au Research Triangle Institute. Ces extraits ont alors été reconnus actifs chez la souris contre la leucémie en 1966, et en 1969 un nouveau diterpène a pu être isolé avec un rendement de 0.01% : le taxol. Sa structure a pu être élucidée en 1971 grâce à des études RMN du proton, et à l’analyse par diffraction des rayons X des deux produits obtenus après traitement basique de la molécule : la 10-désacétylbaccatine III (10-DAB) et l’ester méthylique de la N-benzoylphenylisosérine.

Les premières études cliniques du taxol n’ont pas été très encourageantes : celui-ci ne présentait qu’une faible activité vis-à-vis de plusieurs leucémies et du carcinosarcome de Walker 256, était extrêmement insoluble dans l’eau, et ne pouvait être isolé que de l’écorce d’un if à croissance lente (les branches et les aiguilles étant beaucoup moins riches en taxol). Les recherches ont néanmoins été poursuivies au National Cancer Institute, et au début des années 1970 il s’est révélé actif chez la souris contre un modèle du mélanome B16. L’intérêt pour le taxol a fortement augmenté avec la découverte de son mécanisme d’action en 1979 par Susan Horwitz : il empêche la réplication des cellules cancéreuses en agissant sur les microtubules, une première à l’époque. Les études précliniques et toxicologiques se sont terminées en 1982, et les essais cliniques ont commencé en 1984. La Food and Drug Administration (FDA) a ensuite donné son accord en 1992 pour l’utilisation du taxol contre le cancer des ovaires , puis contre celui du sein en 1994. Son utilisation clinique a ensuite été étendue au sarcome de Kaposi et à certains cancers du poumon, parfois en association avec d’autres molécules comme le cisplatine.

Bien qu’extrêmement efficace, le taxol souffre d’un inconvénient majeur : sa disponibilité. Il faut en effet pas moins de 1000 arbres pour produire un kilogramme de taxol. Et un if met environ 200 ans à atteindre sa taille adulte… Une forte polémique s’est d’ailleurs installée entre les écologistes et les industriels quant au danger de l’exploitation des forêts d’ifs de l’ouest aux Etats-Unis . D’autres sources de taxol ont alors été explorées. C’est ainsi qu’à la suite d’une collaboration entre Rhône-Poulenc Santé et l’Institut de Chimie des Substances Naturelles de Gif-sur-Yvette a été découvert le taxotère.

En analysant les aiguilles de l’if commun (Taxus baccata), Pierre Potier a découvert que celles-ci étaient riches en 10-DAB, et qu’il ne manquait que l’adjonction d’une chaîne latérale ainsi qu’une acétylation en C10 pour obtenir le taxol. Celle-ci a rapidement été effectuée, et Potier a publié la première hémisynthèse du taxol en 1988. Et c’est au cours de cette hémisynthèse qu’a été isolé un intermédiaire qui s’est révélé plus actif que le taxol lui-même : le taxotère . L’une des principales différences entre ces deux taxanes se situe au niveau du carbone 10 : l’acétate du taxol est remplacé par un hydroxyle, ce qui rend le taxotère beaucoup plus soluble dans l’eau. Le benzoate de la chaîne latérale est en outre remplacé par un groupement tert-butylcarbonate. Les premiers essais cliniques de phase I ont alors débuté en 1990. La FDA l’a ensuite approuvé en 1996, et il est commercialisé depuis lors par sanofiaventis.

Structure et nomenclature 

Le taxol fait partie de la grande famille des taxanes. Celle-ci regroupe plus de 300 composés . Les taxanes présentent pour la grande majorité un squelette diterpénique tricyclo pentadec-11(12)-énique.

Les taxanes possèdent un cycle A de conformation bateau déformé, possédant une double liaison en tête de pont, un cycle B à huit chaînons de conformation chaise-bateau portant deux groupement méthyles en position pseudo-axiale et faisant partie d’un système bicyclo[5.3.1]undécène, et un cycle C de conformation demi-chaise possédant une jonction trans avec le cycle B. Ces composés comportent quatre centres quaternaires, douze centres asymétriques, et dix fonctions oxygénées.

Malgré leur grand nombre, les taxanes ont pu être classés en quatre grands groupes, notamment selon la nature des fonctions oxygénée en C4-C20 :
– Groupe A : Il comprend les taxanes possédant une double liaison exocyclique en C4. On peut citer dans ce groupe la taxine B, un des alcaloïdes responsables de la toxicité de l’if commun.
– Groupe B : Il regroupe les taxanes présentant un époxyde en position C4-C20. La baccatine I fait partie de ce groupe.
– Groupe C : Ce groupe est composé des taxanes qui possèdent un oxétane, comme le taxol ou la 10-DAB.
– Groupe D : Ce dernier groupe est celui qui compte le moins de représentants. Ces taxanes ne présentent pas le système tricyclique habituel, mais deux cycles à six chaînons et un à dix. Y figure notamment la taxine A qui, à l’instar de la taxine B, constitue un poison violent issu de l’if commun.

Biosynthèse 

Les études sur la biosynthèse du taxol ont connu de grandes avancées ces dernières années. La connaissance des mécanismes de biosynthèses pourrait en effet permettre l’augmentation de la production de taxol, par culture cellulaire par exemple. Si les premières hypothèses ont été émises dès les années 1960, les premières étapes ont réellement été élucidées par Croteau en 1995. La formation du squelette résulterait d’une cyclisation du pyrophosphate de géranylgéranyle sous l’effet d’une enzyme : la Taxadiène Synthase (TS).

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Table des matières

CHAPITRE I: INTRODUCTION
I. GENERALITES SUR LE TAXOL
1. Historique
2. Structure et nomenclature
3. Biosynthèse
4. Mécanisme d’action biologique
5. Relations structure-activité
II. APPROCHES DE SYNTHESE DU TAXOL
1. Hémisynthèses
2. Approches de synthèse totale
a. Approches par ouverture de cycle
b. Approches par réaction de Diels-Alder
c. Approches par couplage A+C
d. Autres exemples d’approches
III. SYNTHESE DE CYCLOOCTENES PAR METATHESE CYCLISANTE
1. La métathèse cyclisante
2. Synthèse de cyclooctènes
IV. PRESENTATION DU TRAVAIL
CHAPITRE II: FERMETURE DU CYCLE B PAR METATHESE RELAIS CYCLISANTE
I. TRAVAUX PRECEDEMMENT EFFECTUES AU LABORATOIRE
1. Rétrosynthèse
2. Travaux de Benoît Muller
a. Synthèse de cycles A
b. Premiers couplages A+C
c. Essais de fermeture du cycle B
3. Travaux de Damien Bourgeois
a. Synthèse d’un nouveau cycle C
b. Couplage avec le cycle A et essais de métathèse
II. LA METATHESE RELAIS CYCLISANTE
III. SYNTHESE DE PRECURSEURS MUNIS D’UNE CHAINE CARBONEE
1. Rétrosynthèse
2. Synthèse du cycle A
a. Synthèse du vinylstannane
b. Couplage de Stille
c. Premier essai de silylcyanation
d. Se passer de triflate?
e. Passage par l’alcool libre
3. Couplage A+C
IV. SYNTHESE DE PRECURSEURS MUNIS D’UNE CHAINE OXYGENEE
1. Mise en place de la chaîne par couplage de Stille
2. Mise en place de la chaîne par couplage de Sonogashira
a. Le couplage de Sonogashira
b. Suite de la synthèse
V. ESSAIS DE METATHESE
1. Précurseurs à chaîne carbonée
2. Précurseur à chaîne oxygénée
VI. CONCLUSION ET PERSPECTIVES
CHAPITRE III: SYNTHESE DU TRICYCLE ABC PAR METATHESE TANDEM ENE-YNE-ENE
I. TRAVAUX PRECEDEMMENT EFFECTUES AU LABORATOIRE
1. Retour sur les travaux de Damien Bourgeois
2. Travaux de Stéphanie Schiltz
3. Travaux de Cong Ma
a. Optimisation de la métathèse
b. Synthèse énantiosélective d’un cycle C
c. Synthèse du fragment A
d. Nouvelle rétrosynthèse
e. Vers le 7-désoxytaxol
II. RETROSYNTHESE
III. SYNTHESE DES PRECURSEURS DE METATHESE
1. Synthèse du fragment A
a. Synthèse de l’aldéhyde de départ
b. Crotylation de l’aldéhyde 305
c. Synthèse du fragment A
2. Synthèse du cycle C
d. Une nouvelle hydrazone ?
e. Synthèse d’une hydrazone racémique
3. Synthèse des précurseurs de métathèse
IV. METATHESE ENE-YNE-ENE
1. Présentation
2. Application à nos substrats
V. CONCLUSION ET PERSPECTIVES
CHAPITRE IV: SYNTHESE DE MOTIFS 1,3-DIOL SYN FONCTIONNALISES EN ALPHA PAR UNE DOUBLE LIAISON
I. LA REACTION DE BAYLIS-HILLMAN
1. Présentation
a. Origines de la réaction
b. Mécanisme
c. Développements
2. Variantes asymétriques
a. Electrophile chiral
b. Oléfine chirale
c. Catalyseur chiral
d. Acide de Lewis chiral
e. Déracémisation
II. PREPARATION DES SUBSTRATS D’ADDITION CONJUGUEE PAR METATHESE CROISEE
1. La réaction de métathèse croisée
2. Préparation des substrats
a. Synthèse des précurseurs de métathèse et premiers essais
b. Changement de groupe – Protection de l’alcool
c. Nouveaux essais de métathèse croisée
d. Synthèse du précurseur de l’addition conjuguée
III. PREPARATION DES SUBSTRATS D’ADDITION CONJUGUEE : DEUXIEME APPROCHE
1. Nouvelle voie
a. Synthèse du précurseur bromé
b. Synthèse du précurseur acétylé
2. Retour sur la métathèse croisée
IV. ADDITION CONJUGUEE
1. Présentation
a. Sur des esters et des amides de Weinreb α,β insaturés
b. Sur des sulfones vinyliques
c. Sur des sulfoxydes vinyliques
d. Réaction tandem addition conjuguée/élimination
2. Groupe partant acétylé
a. Essais d’addition conjuguée
b. Sélectivité
3. Groupe partant bromé
V. SYNTHESE D’UNE DOUBLE LIAISON TRISUBSTITUEE
1. Essais de métathèse croisée
2. Addition conjuguée
3. Conclusion et perspectives
CONCLUSION

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