Variabilité des paramètres cinétiques et spatio-temporels
La comparaison de la variabilité des paramètres cinétiques et spatio-temporels est une autre approche qui sert à comparer la technique de propulsion entre deux séquences de propulsion (Vegter et al., 2013; Rice et al.,2014). Pour ce faire, l’écart-type d’un paramètre est comparé entre deux groupes ou deux séquences de propulsion d’un même individu. La variabilité est aussi rapportée sous la forme d’un coefficient de variabilité (CV) relative. Ce coefficient est le rapport de l’écart-type sur la moyenne. Par exemple, Rice et al. (2014) se sert de cette approche pour comparer la propulsion entre un groupe ayant des douleurs aux membres supérieurs et un groupe n’ayant pas de douleurs. Une réduction du CV de la force résultante appliquée à la main courante est observée chez les utilisateurs de FRM qui présentaient des douleurs.
En effet, un CV de 9.2% est observé chez les participants qui présentaient des douleurs tandis qu’un CV de 11.9% (ρ<0.016) est observé chez les participants sans douleurs. Par ailleurs, cette différence au niveau de la variabilité n’est pas observée chez les angles de poussée. Somme toute, une plus grande variabilité serait donc un signe d’une meilleure santé au niveau des membres supérieurs. Une plus grande variabilité offre une meilleure répartition du stress au niveau des articulations des membres supérieurs et permet donc de prévenir des blessures (Rice et al., 2014). L’analyse de la variabilité des pics de forces et de moments de forces maximaux permet donc l’observation de changements dans la technique de propulsion. Les deux groupes de participants dans l’étude de Rice et al. (2014) comprenaient des utilisateurs de FRM expérimentés. Sur ce point, les valeurs des CV observés diffèrent pour des participants inexpérimentés en propulsion de FRM. En effet, l’étude de Leving et al. (2015) comprend des participants sans blessures médullaires et sans expérience en propulsion. Les CV observés pour cette étude sont en moyenne de 27.5%. Les participants inexpérimentés en propulsion de FRM sont donc sujets à un plus grand CV. Cela pourrait être dû à un apprentissage moteur au courant de la phase expérimentale de l’étude de Leving et al. (2015).
Les différents montages utilisés pour évaluer la propulsion en laboratoire
La grande majorité des études recensées utilisaient dans leur protocole un ergomètre à rouleaux (Kotajarvi et al., 2006; Collinger et al., 2008; Rice et al, 2009; Gorce et Louis, 2012; Quinones et al., 2014; Vegter et al., 2013; Rice et al., 2013; Rice et al., 2014). Ce montage comprend une plateforme et des rouleaux métalliques sur lesquels un FRM repose (voir figure 1.6). L’ergomètre imite la propulsion grâce une vitesse ou à une résistance fixe (Kotajarvi et al., 2006) au niveau des rouleaux (Rice et al., 2013). Un utilisateur de FRM peut alors s’installer pour propulser de manière stationnaire une fois le fauteuil sécurisé. Également, un tapis roulant est un autre montage présent dans l’article de Vegter et al. (2013). Ce tapis roulant fonctionne à une vitesse fixe lors des essais de propulsion. De plus, une force statique tire le siège vers l’arrière du tapis.
Cependant, les ergomètres à rouleaux offrent un réalisme limité quant à leur capacité d’imiter la propulsion en FRM. En effet, les ergomètres sursimplifient la friction entre le sol et le fauteuil roulant en imposant un seul paramètre à la propulsion (i.e. la friction ou la vitesse). Une solution à ce problème est le simulateur à retour haptique de Chénier et al. (2014a) qui est unique en son genre. Ce simulateur tente de répliquer de manière réaliste la propulsion en FRM. Le montage lui-même comprend un FRM appuyé sur des rouleaux métalliques qui sont liés à des moteurs. Pour ce qui est de son fonctionnement, des roues SmartWheel captent les forces et les moments à la main courante. Ces données sont transmises à un ordinateur qui fonctionne sur un système d’exploitation en temps réel (xPC Target, the MathWorks, Inc.). Des moteurs très précis (Kollmorgen Inc.) tournent ensuite les rouleaux métalliques à une vitesse dictée par un modèle mathématique (Chénier et al., 2011a). La vitesse est calculée en fonction du moment Mz appliqué à la main courante des roues.
Le modèle mathématique intégré dans le simulateur représente un FRM virtuel. Ce modèle fournit un retour de force réaliste parce qu’il considère l’influence d’une roue arrière sur l’autre roue arrière. De plus, le modèle mathématique tient compte de l’influence des roues avant sur la propulsion en FRM (Chénier et al., 2011b).
L’impact d’un retour visuel sur la propulsion en FRM
La littérature montre qu’un entraînement sur ergomètre à rouleaux permet la modification de la technique de propulsion. En effet, l’étude de De Groot et al. (2007) recense en moyenne une augmentation de l’angle de poussée (de 61.89 à 84.86°). L’étude a été réalisée auprès de 14 nouveaux utilisateurs de FRM à travers 7 semaines. Par ailleurs, l’entraînement reçu a permis d’améliorer la technique de propulsion selon les recommandations du CSCM (2005). Cependant, la majorité des études en laboratoire demandent à leurs sujets de se propulser sur un ergomètre à rouleaux avec très peu d’instructions et sans retour visuel (De Groot et al, 2007; Collinger et al., 2008; Gorce et Louis, 2012; Vegter et al., 2013; Jayaraman et al., 2015). En effet, les sujets de ces études ne reçoivent bien souvent que des instructions par rapport à la vitesse de propulsion qu’ils doivent atteindre. Figure 1.7 Simulateur à retour haptique développé par Chénier (2012) C’est pourquoi trois études exploratoires s’intéressent à l’impact de l’ajout d’un retour visuel sur la propulsion sur ergomètre à rouleaux (Kotarjarvi et al., 2006; Rice et al., 2013; Leving et al., 2015).
En effet, propulser de manière stationnaire dans un laboratoire permet l’ajout d’un retour visuel pour guider le mouvement d’un utilisateur de FRM. Kotajarvi et al. (2006) fournissent aux participants de leur étude, à travers un écran d’ordinateur, des graphiques qui varient en temps réel et montrent la progression de paramètres de la propulsion. Ces paramètres sont la vitesse, la puissance et la « fraction of effective force » (FEF). La FEF est le ratio entre la portion tangentielle de la force appliquée sur la main courante et la force totale. Les sujets ont reçu comme seules instructions de maximiser la valeur de la FEF. Grâce au retour visuel, Kotajarvi et al. (2006) observent chez les participants une augmentation de l’angle de poussée (98.7 degrés comparé à 84.3 degrés). Cette variation des angles de poussées est d’ailleurs favorable à une bonne propulsion selon les recommandations du CSCM (2005). Le retour visuel semble donc permettre de guider des usagers de FRM vers une propulsion plus efficiente.
Rice et al. (2013) fournissent aux participants de leur étude des paramètres de leur propulsion qui varient en temps réel sur un écran d’ordinateur (voir figure 1.8). Ces paramètres sont sous forme de graphiques à barres. Les paramètres présentés sont la fréquence de poussée, l’angle de poussée et la vitesse de propulsion. Les instructions données aux participants sont d’augmenter la valeur de l’angle de poussée et de réduire leur fréquence de poussées qui est le nombre de poussées effectuées par seconde. Rice et al. (2013) observent une augmentation de l’angle de poussée (111.8 degrés comparé à 97.9 degrés) et une diminution de la fréquence de poussée (0.87 poussées/seconde comparé à 1.04 poussées/seconde) chez des sujets recevant un retour visuel sur l’ergomètre. En contrepartie, aucun changement significatif de ces variables n’est observé chez des sujets ne recevant pas de retour visuel. Ainsi, le retour visuel a permis aux usagers de FRM d’atteindre une meilleure technique de propulsion. Comme pour l’étude précédente, Leving et al. (2015) fournissent à leurs participants en temps réel des paramètres de la propulsion sous forme de graphiques à barres sur un écran d’ordinateur (voir figure 1.9).
Les paramètres fournis comprennent la fréquence de poussée, l’angle de poussée, la force maximale et la FEF. Les instructions fournies aux participants sont de faire varier le plus possible les valeurs afin d’augmenter la variabilité des paramètres de propulsion. Leving et al. (2015) observent une augmentation de l’angle de poussée et une réduction de la fréquence de poussée chez leurs participants recevant un retour visuel et chez leur groupe contrôle également. Ainsi, les chercheurs n’observent aucune différence significative dans l’évolution de la technique de propulsion des deux groupes. L’étude ici montre que ce ne sont pas tous les types d’entraînement avec retour visuel qui mènent à une propulsion différente lorsque comparé à un entraînement sans retour visuel.
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Table des matières
INTRODUCTION
CHAPITRE 1 REVUE DE LITTÉRATURE
1.1 Contexte
1.2 Approches d’analyse de la propulsion en FRM
1.2.1 Forces et moments de forces de réaction à la main courante
1.2.2 Angle de poussée
1.2.3 Variabilité des paramètres cinétiques et spatio-temporels
1.2.4 Symétrie de propulsion
1.2.5 Outil de mesure
1.3 Les facteurs influençant la propulsion
1.3.1 Impact de la vitesse sur la propulsion
1.3.2 Impact de l’expérience sur la propulsion
1.4 Les montages expérimentaux pour l’analyse de la propulsion en laboratoire
1.4.1 Les différents montages utilisés pour évaluer la propulsion en laboratoire
1.4.2 L’impact d’un retour visuel sur la propulsion en FRM
1.4.3 Les limites des travaux portant sur l’impact d’un retour visuel sur la propulsion en FRM
1.5 Approches d’analyse du mouvement avec un environnement virtuel en réadaptation
CHAPITRE 2 PROBLÉMATIQUE, OBJECTIFS, HYPOTHÈSES ET RETOMBÉES
2.1 Problématique
2.2 Objectifs du projet
2.2.1 Objectif principal
2.2.2 Objectifs secondaires
2.3 Hypothèses de recherche
2.4 Délimitations du projet
2.5 Retombées attendues et importance de l’étude
CHAPITRE 3 MÉTHODOLOGIE EXPÉRIMENTALE
3.1 Approche
3.2 Création de l’environnement virtuel
3.2.1 Prise de mesures
3.2.2 Couloir principal
3.2.3 Fenêtres
3.3 Participants
3.4 Accueil et collecte des informations des participants
3.5 Description des tâches
3.5.1 Parcours rectiligne
3.5.2 Parcours curviligne
3.6 Phase expérimentale
3.6.1 Acquisitions sur le terrain (Phase 1 et phase 3)
3.6.2 Acquisitions sur le simulateur (Phase 2)
3.6.2.1 Ajustement des paramètres du simulateur
3.6.2.2 Récolte des données cinétiques
3.6.3 Acquisitions des réponses aux questionnaires sur le sentiment de présence et sur les cybermalaises
3.7 Traitement des données
3.7.1 Pré-analyse
3.7.1.1 Rééchantillonnage des données
3.7.1.2 Filtrage et retrait de la ligne de base
3.7.1.3 Retrait des sinusoïdes
3.7.2 Extraction des pics maximaux de forces et de moments de forces
3.7.3 Extraction des angles de poussée
3.7.4 Extraction de la variabilité des paramètres cinétiques
3.7.5 Extraction de la symétrie de propulsion
3.7.6 Comparaison des trajectoires sur le simulateur
3.7.7 Compilation des scores des questionnaires sur l’état de présence et sur les cybermalaises
3.7.8 Tests statistiques
CHAPITRE 4 RÉSULTATS
4.1 Effet d’un environnement virtuel sur la locomotion en parcours rectiligne
4.1.1 Forces et moments de forces à la main courante
4.1.2 Angle de poussée
4.1.3 Variabilité de la cinétique
4.1.4 Symétrie de propulsion
4.1.5 Trajectoire de propulsion
4.2 Effet d’un environnement virtuel sur la locomotion sur parcours curviligne
4.2.1 Forces et moments de forces à la main courante
4.2.2 Angle de poussée
4.2.3 Variabilité de la cinétique
4.2.4 Symétrie de propulsion
4.2.5 Trajectoire de propulsion
4.3 Effet d’un environnement virtuel immersif sur le sentiment de présence
4.4 Effet d’un environnement virtuel immersif sur les cybermalaises ressentis
CHAPITRE 5 DISCUSSION
5.1 Parcours rectiligne
5.2 Parcours curviligne
5.3 Discussion générale
CONCLUSION
RECOMMANDATIONS
ANNEXE I QUESTIONNAIRE DE RENSEIGNEMENT PERSONNELS
ANNEXE II QUESTIONNAIRES SUR L’ÉTAT DE PRÉSENCE ET SUR LES CYBERMALAISES
ANNEXE III VITESSES MOYENNES DURANT LES SÉQUENCES DE PROPULSION
ANNEXE IV TABLEAUX DE RÉSULTATS
LISTE DE RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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