Approche technico-économique de l’automobile électrique

Maintes fois en situation de contester la position acquise du véhicule thermique par le passé, nous considérons que l’automobile électrique (AE) est entrée dans une nouvelle « fenêtre d’émergence », entendue comme une période limitée dans le temps durant laquelle se dessine une adéquation entre les exigences de l’environnement socio-technico-économique et une technologie effectivement mobilisable à court terme. Si l’un des points cruciaux dans les échecs passés provient du fait que l’AE réclamait de nombreux composants ne pouvant être développés que spécifiquement pour lui, de sorte que notamment « aucun transfert de technologie n’était possible avec d’autres secteurs industriels qui auraient poussé au développement de batteries de grande taille et de haute densité en énergie » (Beaume et Midler, 2009, p.6), il semble que cet écueil puisse être contourné désormais. Dans le sillage des théoriciens des cycles technologiques (Abernathy et Utterback, 1978 ; Gille, 1979 ; Dosi, 1982), partageant le constat que le changement technique a un impact profond et de nature exogène sur le rythme et la trajectoire de développement des industries et des firmes, nous souhaitons ouvrir la « boîte noire » de la technologie (Murmann et Frenken, 2006, p.932). Dans la conduite de cet exercice, nous emprunterons notamment à l’économie évolutionniste les concepts de « régime technologique » (Nelson et Winter, 1982 ; Winter, 1984) et, de manière plus diffuse, ceux de « système sectoriel d’innovation et de production » (Malerba, 2002.a, b) et de « système technologique d’innovation » (Carlsson et al., 2002).

Le régime technologique des batteries d’accumulateurs

D’un point de vue technique, la batterie d’accumulateurs constitue le principal élément névralgique d’une AE par la complexité de son fonctionnement et par le défi de l’amélioration de ses performances. D’un point de vue économique, elle est également incontournable par la place qu’elle occupe dans la chaîne de la valeur de l’AE. A la confluence de ces deux observations, les réflexions de nombreux commentateurs, acteurs de la filière automobile (Hochfeld, 2010) ou consultants (BCG, 2010 ; Roland Berger, 2011), soulignent que la batterie d’accumulateurs agrège les principaux verrous techniques et économiques affectant les performances et la rentabilité de l’AE. Pour sonder cette assertion, nous abordons l’analyse technico-économique des batteries d’accumulateurs en quatre temps. Une fois leur mode de fonctionnement détaillé, nous passerons les technologies de batteries avancées au crible des conditions d’opportunité, de cumulativité et d’appropriabilité technologique. Par la suite, nous analyserons les fondements et la dynamique de la demande et de l’offre pour les batteries avancées. Ces jalons fourniront le matériau nécessaire pour réduire le spectre de notre analyse à la compréhension de la dynamique et des enjeux liés à la baisse du coût des batteries fondées sur la technologie au Lithium-ion.

Fonctionnement des technologies de batteries d’accumulateurs avancées

Communément, une batterie (ou accumulateur électrochimique) est un système qui convertit de l’énergie chimique en énergie électrique. Son objet est de stocker l’énergie électrique et à la restituer ultérieurement dans une unité de mesure exprimée en wattheure (Wh) ou en kilowattheure (kWh). Ce fonctionnement repose sur des réactions électrochimiques entre deux électrodes, l’anode et la cathode (Aboulaich, 2007). La propriété de certains couples d’électrodes, qualifiés de couples électrochimiques, réside dans leur capacité à modifier leur structure moléculaire de manière réversible. Cette propriété permet à la batterie d’accumulateurs d’accéder à son caractère rechargeable. Techniquement, les réactions – d’oxydoréduction – chimiques sont activées au sein d’une cellule élémentaire, elle-même située dans un électrolyte solide ou liquide (Ibid.). L’assemblage de cellules élémentaires, regroupées dans des packs, façonne la batterie d’accumulateurs. On distingue plusieurs technologies d’ores et déjà « sur étagères » éligibles à la propulsion électrique (Minefi, 2006).

Les condensateurs constituent un principe alternatif de stockage des charges électriques, inventés par le physicien Von Kleist en 1745. Capables de fournir ou d’emmagasiner de l’électricité de manière quasi instantanée, les condensateurs sont insensibles au phénomène d’usure lié aux réactions chimiques propres aux batteries. Ils bénéficient néanmoins d’une densité énergétique massique modeste, y compris dans leurs versions sophistiquées, les supercondensateurs (Westbrook, 2001). Face à cette limite, ces derniers sont destinés à se cantonner à des niches de marché où le poids de volumineux packs n’est pas un frein à leur usage, tels que pour les tramways ou l’hybridation légère des véhicules routiers et il semble que ce soit surtout en complément des batteries que leur avenir se dessine. Probablement s’agira-t-il des accumulateurs au lithium, les plus prometteuses pour la propulsion électrique. Leur supériorité, qui s’est construite par le biais de recherches menées par des consortiums de dimension internationale au long des années 1990 (Larrue, 2002, 2004), se fonde sur maints aspects techniques, dont nous analyserons les répercussions économiques ultérieurement.

Techniquement, la réaction d’oxydoréduction des batteries au lithium s’opère à travers un transfert d’ions (ou de phosphate de fer) entre l’anode et la cathode (Annexe 2 : Schéma représentatif du fonctionnement d’une batterie Lithium-Ion, p.567). Plus précisément, le lithium relâché par l’électrode négative (anode) sous forme ionique (ou phosphatée) vient s’intercaler dans le réseau cristallin du matériau actif de l’électrode positive (cathode). Réciproquement, cette quantité de lithium est exactement compensée par le passage d’un électron dans le circuit externe, générant ainsi un courant électrique (CIRENE, 2000). La densité énergétique libérée par ces réactions d’oxydoréduction est à la fois proportionnelle à la différence de potentiel entre les deux électrodes et à la quantité de lithium qui se sera intercalée dans l’électrolyte. Or, dans la mesure où le lithium est en même temps le plus léger et le plus réducteur des métaux, les batteries d’accumulateurs comportant du lithium jouissent de densités massique et volumique très supérieures à celles des batteries Plomb-Acide usuelles (Ibid.). A cette densité énergétique importante, les batteries au lithium ajoutent le fait d’être dépourvues d’effet mémoire et de ne nécessiter aucun entretien particulier.

Degrés d’opportunité et de cumulativité des batteries pour l’électromobilité

Revenant sur les composantes du régime technologique, Larrue (2004) propose de caractériser le régime technologique des batteries avancées (Tableau 3 : Le régime technologique des batteries avancées) et met en évidence l’existence d’un faible taux d’opportunité, d’une forte appropriabilité, d’une faible cumulativité entre différentes générations de batteries, ainsi que le faible soutien de connaissances scientifiques peu solides et maîtrisées.

La forte appropriabilité des batteries avancées provient de ce que « le développement d’une batterie est une activité d’ingénierie complexe, avançant par essais et erreurs, affinant progressivement le design des cellules, parfois au moyen de combinaisons très complexes de matériaux pouvant rester inconnues des autres producteurs » (Larrue, 2002, p.35). La faible cumulativité des batteries avancées est liée au degré élevé d’indépendance technologique entre les générations et entre les technologies. La base de connaissances apparaît complexe et spécifique, en particulier à l’égard des recherches en chimie du solide, en métallurgie et en science des matériaux, que toutes les technologies de batteries nécessitent en première maille, et aux connaissances deux à deux spécifiques qu’elles mobilisent, telles que la chimie des carbones, la thermodynamique des liquides, la science des polymères et autre chimie des liens. Enfin, le faible degré d’opportunité des batteries repose, avant tout, sur le nombre fini et relativement limité de couples électrochimiques éligibles à l’électromobilité.

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Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
PARTIE 1. Approche technico-économique de l’automobile électrique : Frontières et définitions ; potentialités et verrous
Chapitre 1. Analyse technico-économique du cœur technologique de l’automobileélectrique. Les batteries d’accumulateurs et la motorisation électrique soumises aurévélateur du concept de « régime technologique »
1. Le régime technologique des batteries d’accumulateurs
2. Le régime technologique de la motorisation électrique
Conclusion du Chapitre 1
Chapitre 2. Coûts, prix et marchés de l’automobile électrique : Calcul du coût total de possession des modes alternatifs de commercialisation de l’automobile électrique
1. Définition et calibrage des facteurs
2. Représentations des modèles d’affaires alternatifs et commentaires
3. Amendements au modèle de base : précisions et perspective dynamique
4. Reconsidération du modèle de base : Eléments de prospective
Conclusion du Chapitre 2
Conclusion de la Partie 1
PARTIE 2. Le bien système « automobile électrique » : une appréhension par leconcept de système d’électromobilité
Chapitre 1. Le « bien-système » : justification et grilles de lecture. Vers la définition de « systèmes d’électromobilité »
1. Le concept de « bien système » : justification et grille de lecture
2. Orientation « produit » et principes régissant la production des bien-systèmes
3. Orientation « bouquet » et structuration d’une offre de bien-système
4. Orientation « intersectorielle » : convergence industrielle et propriété combinatoire
Conclusion du Chapitre 1
Chapitre 2. Quatre modalités génériques d’émergence des systèmes d’électromobilité
1. Systèmes d’électromobilité associés au modèle « substitution rigide »
2. Le modèle « substitution flexible »
3. Le modèle « autopartage »
4. Le modèle « multifaces »
Conclusion du Chapitre 2
Chapitre 3. Les opérateurs de mobilité électrique et agrégateurs de charges : modèles d’affaires et rôle sur la diffusion de l’électromobilité
1. Opérateurs de mobilité électrique et agrégateurs de charges : genèse et marchés
2. Le marché des opérateurs de mobilité électrique : un marché bifaces
3. Application de la notion de marché bifaces aux modèles d’affaires des opérateurs de mobilité électrique et agrégateurs de charges
4. Opérateurs de mobilité électrique et diffusion de l’automobile électrique : les enseignements de l’économie des réseaux
Conclusion du Chapitre 3
Conclusion de Partie 2
PARTIE 3. L’automobile électrique comme bien-système territorialisé
Chapitre 1. Une approche institutionnaliste et évolutionnaire du territoire et des dynamiques d’émergence et de diffusion de l’automobile électrique
1. Territoire et innovation : revue de la littérature des approches institutionnalistes
2. Territoire, industrie et « bien système » : généralisation à partir du cas exemplaire de l’émergence d’une industrie de l’automobile électrique en Californie
3. L’approche par les actifs et ressources territoriaux appliquée au cas de l’émergence des systèmes sociotechniques et de l’automobile électrique
Conclusion du Chapitre 1
Chapitre 2. Le bien-système territorialisé repensé à la lueur d’une grille d’interprétation lancastérienne
1. L’approche lancastérienne du bien-attributs et ses prolongements en termes de « characteristics-based models »
2. Représentation lancastérienne de l’émergence des systèmes d’électromobilité
3. Une dynamique d’émergence et de diffusion de l’électromobilité par capillarité
Conclusion du Chapitre 2
Conclusion de la Partie 3
CONCLUSION GENERALE

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