Approche synthétique du fragment c28-c46 de l’hémicalide synthèse de δ-lactones fonctionnalisées

En 2012, l’Organisation Mondiale de la Santé estimait à 14 millions le nombre de nouveaux cas de cancers déclarés tandis que 35 millions de patients vivaient avec la maladie depuis au moins cinq ans  Le nombre de cas détectés est en augmentation, notamment dans les pays en développement. On estime ainsi qu’en 2032, 22 millions de nouveaux patients seront diagnostiqués avec un cancer. 1 En France, en particulier, le cancer est la première cause de mortalité avec 385 000 nouveaux cas déclarés en 2015 et 150 000 décès. Dans les pays développés, le taux de mortalité est toutefois en constante diminution depuis les années 1990 en raison de l’amélioration des traitements existants et de la découverte de nouvelles thérapies. Il est ainsi possible de vivre avec une tumeur tant que celle-ci ne se propage pas à des organes vitaux. Cependant, du fait de l’apparition de phénomènes de résistance des cellules cancéreuses aux traitements utilisés, la découverte de nouvelles approches thérapeutiques est toujours un axe majeur de recherche en chimie médicinale. Le cancer est une maladie liée à une prolifération cellulaire anormale et anarchique d’un groupe de cellules causée initialement par des mutations génétiques. La population de cellules cancéreuses (tumeur) peut se propager dans divers tissus (formation de métastases) entraînant alors des dysfonctionnements et éventuellement le décès du patient si des organes vitaux sont touchés. Parmi les stratégies employées pour combattre cette maladie, trois approches sont principalement considérées : la première fait appel à la détection précoce de la maladie qui évite bien souvent les traitements plus lourds utilisés autrement, à savoir la chimiothérapie, la radiothérapie et la chirurgie. La chimiothérapie met en jeu des substances cytotoxiques plus ou moins sélectives des cellules cancéreuses qui entraînent leur mort et diminuent ainsi progressivement la taille de la tumeur. Ces agents antitumoraux utilisent généralement la capacité des cellules tumorales à se multiplier beaucoup plus rapidement que des cellules normales pour les cibler efficacement, par exemple en agissant pendant le processus de division cellulaire. C’est dans le cadre de la chimiothérapie que les chimistes organiciens peuvent apporter leur savoir faire. En effet, l’extraction, la caractérisation et la synthèse de nouveaux composés antitumoraux sont régulièrement nécessaires. La communauté des chimistes organiciens s’est donc naturellement beaucoup impliquée dans la découverte de nouveaux principes actifs en s’inspirant des produits naturels extraits de végétaux, de microorganismes terrestres ou d’organismes marins. Les produits naturels jouent un rôle essentiel en chimiothérapie anticancéreuse. En effet, dans la période 1981 2014, plus de 85% des produits des produits anticancéreux mis sur le marché étaient des produits naturels ou des dérivés, voire des composés synthétiques inspirés par des produits naturels. L’exploration des fonds marins devenant de plus en plus accessible depuis le milieu du siècle dernier, cet espace a pu être mis à profit dans la recherche de produits naturels d’intérêt et celui-ci regorge de molécules prometteuses, tant par leur activité que par leur complexité structurelle. Ce résultat est en réalité assez intuitif : les organismes considérés (mollusques, algues, éponges marines, etc…) sont généralement lents ou immobiles et, bien souvent, ils ne possèdent pas de carapace et vivent dans un environnement liquide. Pour échapper à leurs prédateurs, ces derniers doivent posséder des moyens de défense efficaces mais également très actifs puisque le milieu marin dissout naturellement toute émission de produit chimique.

Isolement et activité biologique de l’hémicalide

Isolement de l’hémicalide

Au cours d’une campagne d’exploration des fonds marins à la recherche de nouveaux composés biologiquement actifs, une équipe de chercheurs de l’unité mixte CNRS – Laboratoires Pierre Fabre, en collaboration avec l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD) a collecté des éponges marines en eaux profondes au large des îles Torres dans l’archipel des Vanuatu (océan Pacifique sud). Un extrait méthanolique d’une éponge marine, l’Hemimycale sp., a présenté une activité antimitotique intéressante et les chercheurs de l’unité mixte CNRS-Pierre Fabre ont voulu en isoler le composé actif.

A partir de 650 g de lyophilisat d’éponge, l’extraction et la séparation des composants ont permis d’isoler 0.5 mg d’un produit naturel baptisé hémicalide, auquel a pu être attribué l’activité antimitotique observée sur l’extrait. Une seconde campagne d’extraction a permis d’amener la quantité totale d’hémicalide à 1 mg et de déterminer la structure plane du produit par spectroscopie RMN. L’hémicalide possède un squelette de 46 atomes de carbone et présente plusieurs motifs structurels remarquables : un acide triénique de configuration (E,E,E) en C1-C7, trois unités propionate (alternance de groupements méthyle et hydroxy) conduisant à un enchaînement de six centres stéréogènes contigus en C8-C13 (désigné par la suite par le terme « hexade »), un diène conjugué en C14-C17 composé de deux doubles liaisons trisubstituées de configuration (E), un enchaînement de deux unités acétate et d’une unité propionate en C27-C32, un alcène disubstitué de configuration (E), et surtout deux δ-lactones monohydroxylée (C37-C41) et bishydroxylée (C19- C23) (Schéma I.1). Si les δ-lactones sont des motifs fréquemment rencontrés dans les produits naturels, les sous-unités C18-C24 et C36-C42 de l’hémicalide incorporant une δ-lactone di- et monohydroxylée possédant deux centres stéréogènes adjacents substitués par des groupements méthyle ont une structure inédite.

Signalons que la détermination de la structure stéréochimique de l’hémicalide par le biais d’expériences de dégradation et/ou de dérivatisation du produit naturel était inenvisageable au vu de la faible quantité isolée.

Activité biologique de l’hémicalide

L’hémicalide a été incubé en présence de diverses lignées de cellules tumorales associées à des cancers humains et a montré une activité cytotoxique très prometteuse à l’encontre de six d’entre elles : A549 (cancer du poumon), BxPC3 (cancer du pancréas), LoVo (cancer du colon), MCF7 (cancer du sein), Namalwa (lymphome de Burkitt) et SK-OV-3 (cancer ovarien). La survie a été évaluée par luminescence et des valeurs de CI50 (concentration inhibitrice médiane : concentration à laquelle la moitié des cellules tumorales meure) comprises entre 0.8 10⁻¹¹ et 1.1 10⁻⁹ M ont pu être mesurées sur ces lignées .

Des études d’immunocytochimie ont en outre été menées pour tenter de préciser le mode d’action de ce produit naturel sur des cellules Hela. Il a été observé que les cellules traitées par l’hémicalide étaient bloquées en prométaphase et dépourvues de squelette microtubulaire, indiquant ainsi que cet agent antitumoral affectait à la fois les sous-unités α et β des microtubules, alors que les microtubules γ et les centrosomes étaient bien présents et séparés. Des études supplémentaires sont évidemment nécessaires pour analyser plus précisément ce mode d’action particulier de l’hémicalide qui diffère de celui des poisons du fuseau mitotique tels que les alcaloïdes du groupe Vinca ou des inhibiteurs de la dépolymérisation des microtubules tels que les taxoïdes. Compte tenu de sa puissante activité antitumorale, probablement associée à un nouveau mécanisme d’action, l’hémicalide a suscité un vif intérêt de la part des chercheurs de l’unité mixte CNRS-Pierre Fabre. Cependant, comme les campagnes de collecte impliquant des plongées en eau profondes sont complexes et difficiles à organiser, l’organisme responsable de la production d’hémicalide n’a pas été identifié (probablement un micro-organisme colonisant l’éponge). De plus, après plusieurs années, de nouvelles campagnes ne permettent pas de garantir la possibilité d’isoler de nouveau l’hémicalide. Aussi, la synthèse totale apparaît comme une alternative possible pour poursuivre l’étude des propriétés biologiques de ce nouvel agent antitumoral prometteur. Dans le but de déterminer la configuration relative des sous-unités de l’hémicalide et de développer des approches synthétiques, les chercheurs de l’unité mixte CNRS-Pierre Fabre ont noué des collaborations avec des laboratoires français spécialistes de la synthèse multi-étapes de produits naturels, tout d’abord avec le groupe du Professeur Janick Ardisson à l’Université Paris Descartes (Paris V) en 2006, puis avec le laboratoire de Chimie Organique de l’ESPCI Paris en 2010.

Les travaux antérieurs réalisés pour déterminer la configuration relative des sous-unités de l’hémicalide vont être présentés.

Détermination stéréochimique de la sous-unité C8-C13. Approche synthétique du fragment C1-C15 

La stratégie employée repose sur la synthèse de plusieurs diastéréoisomères de composés modèles, mimant la structure de sous-unités de l’hémicalide, pour réaliser la comparaison de leurs spectres de RMN avec ceux du produit naturel.

La première étude synthétique et stéréochimique de l’hémicalide a été menée sur le fragment C1-C15 par le groupe du Pr. Janick Ardisson et a fait l’objet de la thèse d’Etienne Fleury (2006-2009).18,19 Le fragment C1-C15 de l’hémicalide incorpore un acide carboxylique triénique en C1-C7 de configuration (E,E,E), un motif de type « hexade » en C8-C13 (trois unités propionates consécutives) et un diène composé de deux oléfines trisubstituées de configuration (E). Les six centres stéréogènes présents peuvent théoriquement engendrer 32 diastéréomères. Dans le but de limiter le nombre de stéréoisomères à synthétiser, une analyse approfondie des spectres de RMN de l’hémicalide et, en particulier, du spectre de RMN 13C, a fourni des informations intéressantes. En effet, le déplacement chimique particulièrement bas du groupement méthyle en C12 (δ = 7.6 ppm) est caractéristique d’une stéréotriade hydroxy-méthyle-hydroxy C11-C13 syn-syn, tandis que celui du groupement méthyle en C10 (δ = 13 ppm), plus élevé, peut correspondre à une stéréotriade C9-C11 anti anti, anti-syn ou syn-anti. L’orientation relative des groupements méthoxy en C9 et méthyle en C8 peut, quant à elle, être syn ou anti (Tableau I.2). Forts de ces observations, l’équipe du Pr. Ardisson a entrepris la synthèse de six des diastéréoisomères M2a-M2f d’un composé modèle afin d’en comparer les spectres RMN avec celui du produit naturel et attribuer ainsi la configuration relative du motif hexade de l’hémicalide.

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Table des matières

Introduction Générale
Chapitre I : Bibliographie, L’hémicalide : Isolement, Activité Biologique, Détermination Structurale et Approche Synthétique de sous-unités
1. Isolement et activité biologique
1.1. Isolement de l’hémicalide
1.2. Activité biologique de l’hémicalide
2. Détermination stéréochimique de la sous-unité C8-C13. Approche synthétique du fragment C1-C15
3. Détermination stéréochimique de la sous unité C17-C25. Approche synthétique du fragment C1-C25
3.1 Détermination stéréochimique du fragment C17-C25
3.2. Synthèse du fragment C1-C25
3.3. Révision de la configuration relative des centres stéréogènes C18 et C19
4. Détermination stéréochimique de la sous-unité C36-C42
5. Bilan
Chapitre II : Synthèse du Fragment C28-C46 de l’Hémicalide, Perspectives pour la synthèse totale
1. Analyses rétrosynthétiques, stratégie et objectifs
1.1. Analyse rétrosynthétique de l’Hémicalide
1.2. Stratégie de couplage des fragments A et B
1.3. Analyse rétrosynthétique du fragment C28-C46
2. Résultats
2.1. Synthèse du fragment C42-C46
2.2. Synthèse du fragment C35-C41
2.3. Synthèse du fragment C35-C46
2.4. Synthèse du fragment C28-C46
2.4.1. Synthèse de la sulfone hétéroaromatique C31-C34
2.4.2 Formation de la double liaison C34-C35 par oléfination de Julia-Kocienski
2.4.2.a Rappels
2.4.2.b Essais d’oléfination, résultats initiaux et analyse
2.4.2.c. Optimisation
2.4.3 Formation de la liaison C30-C31 par aldolisation
2.4. Bilan
3. Résultats : Révision de la stratégie de synthèse du fragment C28-C46 de l’hémicalide
3.1. Essai d’aldolisation
3.2 Révision de l’approche synthétique du fragment II.A
3.2.1 Nouvelle stratégie proposée
3.2.2. Approche synthétique de la sulfone II.47
3.2.3. Approche synthétique de la sulfone II.48
4. Conclusions et perspectives
Chapitre III : Développement d’une voie d’accès à des δ-lactones α-hydroxylées
1. Contexte et objectif des travaux
2. Rappels bibliographiques
2.1. Le réarrangement d’Ireland-Claisen en série propargylique
2.1.1. Rappels sur le réarrangement d’Ireland-Claisen
2.1.2 Le réarrangement d’Ireland-Claisen en série propargylique
2.2. Formation d’hétérocycles à cinq ou six chaînons par cyclisation (endo-trig) de nucléophiles oxygénés sur des allènes catalysée par des métaux de transition
2.2.1. Généralités
2.2.2. Exemples historiques : cyclisations initiées par des acides de Brönsted
2.2.3. Cyclisations initiées par des acides de Lewis
2.2.3.1 Formation de dihydrofuranes et dihydropyranes par cyclisation d’alcools α- et β-alléniques
2.2.3.2. Formation de lactones par cyclisation d’acides α- et β-alléniques (ou leurs dérivés)
2.3.3. Bilan
3. Résultats
3.1. Résultats antérieurs exploratoires du laboratoire
3.2. Réarrangement d’Ireland-Claisen de glycolates propargyliques : Révision de la diastéréosélectivité
3.2.1. Préparation et réarrangement de glycolates propargyliques « modèles »
3.2.2. Révision de la diastéréosélectivité du réarrangement d’Ireland-Claisen
3.2.3. Généralisation : Synthèse d’ α-acétoxy acides β-alléniques diversement substitués
a) Synthèse de glycolates propargyliques diversement substitués
b) Réarrangement d’Ireland-Claisen
3.3 Cyclisation des α-acétoxy acides homoalléniques : Synthèse d’α-hydroxy δ-lactones
3.3.1. Mise au point des conditions réactionnelles
3.3.2 Généralisation : Champ d’application de la réaction
3.3.3. Accès aux α-hydroxy δ-lactones β,δ-disubstituées
3.4. Bilan
Conclusion

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