Floculation – agglomération des particules du sol
D’un point de vue macroscopique, des études rapportent que l’ajout de chaux provoque rapidement une floculation des particules argileuses (Cabane, 2004; Little, 1995; Rogers and Glendinning, 2000). D’un point de vue physico-chimique, cela se traduit par une attraction de particules qui va aboutir à la formation de flocs. La plupart des minéraux argileux ont la particularité de posséder une charge de surface non nulle, qui résulte :
– d’une part, de substitutions isomorphiques au sein des couches tétraédriques et octaédriques. En fonction de la nature du minéral argileux, le nombre de substitutions et par conséquent la charge créée, sont plus ou moins importants ;
– d’autre part, de l’ionisation des groupements silanols (Si – OH) et aluminols (Al – OH), situés à la surface des particules. La charge créée par l’ionisation de ces groupements dépend du pH de la solution en contact avec les minéraux. En milieu acide, on se trouve en présence d’une charge positive, alors qu’elle est négative en milieu basique (eq. 3 et 4) : X – OH + H+ Æ X – OH2+ (en milieu acide) (eq. 3) X – OH + OH- Æ X – O-+ H2O (en milieu basique) (eq.4) Les charges développées par les minéraux sont compensées par l’adsorption d’ions de charges opposées (les contre-ions) afin de garder une structure globalement neutre. Ces contre-ions se localisent soit dans l’espace interfoliaire des minéraux (c’est le cas pour les minéraux de type smectite, vermiculite et micas) et/ou à la surface externe des particules. C’est notamment le cas de la kaolinite, lorsque celle-ci présente des substitutions (Bergaya, 2006). La particularité des contre-ions est d’être faiblement liés à la surface et de pouvoir être échangés par d’autres cations présents en solution. C’est l’échange cationique. En considérant un échange entre les cations Xn+ et Ym+ et les atomes de surface chargés négativement S-, on peut décrire cette réaction de la manière suivante (eq.5), où, au cours de la réaction, la neutralité structurale est conservée : m[(S-)nXn+] + nYm+ Æ n[(S-)mYm+] + mXn+ (eq.5) La réaction d’échange cationique dépend de plusieurs facteurs qui sont la nature des cations adsorbés dans l’espace interfoliaire et/ou à la surface du minéral argileux, la nature des cations en solution, et leurs concentrations. De manière générale, les cations présentant une forte valence remplacent ceux présentant une faible valence. Lorsque deux cations de même valence sont en compétition, c’est celui qui présente le rayon ionique hydraté le plus important qui remplace celui qui présente le plus faible. Ceci se généralise par la série suivante, où les cations de droite remplacent ceux situés à leur gauche (Little, 1995): Li+< Na+< H+< NH4+< Mg2+ < Ca2+ < Al3+ Cette série est valable pour des concentrations identiques et en fonction de la concentration des cations en solution, cet ordre peut être différent. En effet, les ions en forte concentration auront tendance à remplacer ceux en faible concentration. Ainsi par exemple, les ions sodium Na+ peuvent remplacer les ions calcium Ca2+, si leur concentration est plus élevée. Dans le cas du traitement des argiles, l’ajout de chaux conduit à la libération d’ions calcium et favorisera la déprotonation de la surface des minéraux argileux et la création de charges négatives. Cet apport en ions calcium peut également conduire à une réaction d’échange cationique, en fonction de la nature des cations initialement adsorbés à la surface des minéraux argileux. Toutefois, tous les minéraux argileux ne possèdent pas la même capacité à échanger leurs cations, de par leur différence de structure et de leur taux de substitution au sein des feuillets.
La carbonatation
Plusieurs études (Bell, 1996; Le Runigo, 2008; Rossi et al., 1983) ont montré la formation de calcite (CaCO3) lors du traitement des sols à la chaux. Celle-ci résulte de la carbonatation de la chaux avec le dioxyde de carbone de l’air. La formation de calcite peut être décrite par une succession de deux réactions. Une fois dissout dans l’eau interstitielle, le dioxyde de carbone réagit avec les ions hydroxyles pour former des ions carbonates (eq.7). Les ions carbonates peuvent ensuite réagir avec les ions calcium apportés par la chaux pour former du carbonate de calcium (eq.8). CO2(aq) + 2HO- Æ CO32- + H2O (eq.7)CO32- + Ca2+ Æ CaCO3 (eq.8) Les cristaux de carbonate possèdent une propriété liante très faible (Diamond et Kinter, 1965). Les performances mécaniques ne sont pas ou très peu améliorées par la présence de carbonates. Par conséquent, la carbonatation est considérée comme une réaction perturbatrice du traitement, puisqu’elle consomme une partie de la chaux destinée aux réactions pouzzolaniques, sans pour autant améliorer les performances mécaniques des matériaux traités.
Effets des solutions alcalines sur les minéraux non argileux
Les travaux d’Elert et al. (2008) montrent que le quartz réagit également en milieu alcalin, notamment avec KOH. Le quartz est un minéral souvent présent dans les matériaux argileux. Il est donc intéressant de connaître sa réactivité dans un milieu alcalin. Brady et Walther (1990) ont montré que la dissolution du quartz est d’autant plus importante que le pH et la température sont élevés (Figure I-13). La cinétique de dissolution du quartz est plus grande que celle des minéraux argileux. En effet, on peut comparer les données obtenues par Brady et Walther (1990) avec celles de la kaolinite obtenues par Huertas et al. (1999), à 25°C. Comme on a pu le voir auparavant, la kaolinite apparaît comme le minéral argileux qui se dissout le plus rapidement. On présente sur la figure I-14, les différences de cinétique entre les deux minéraux, pour des pH compris entre 7 et 13. Pour des pH supérieurs à 12, on constate qu’il y a une différence d’environ un ordre de grandeur entre les solubilités des deux minéraux. En présence de chaux, le quartz conduit à la formation de silicate de calcium hydraté (Bell, 1996 ; Diamond et al., 1963). D’autres minéraux, tels que les feldspaths ((Ca,Na,K)(Al,Si)4O8), sont également souvent présents dans les matériaux argileux. En milieu alcalin, ces minéraux présentent des similitudes avec les minéraux argileux, puisqu’ils présentent également une charge de surface qui croît avec le pH, suite à la déprotonation de sites Si-OH et Al-OH. La charge présente favorise l’adsorption de cations. En présence d’hydroxyde de potassium, Hellmann et al. (1997) ont montré qu’il y avait un enrichissement en potassium à la surface, avec le pH. De la même manière, ces auteurs ont montré qu’il y avait un enrichissement de baryum à la surface, en présence d’une solution d’hydroxyde de barium (Ba(OH)2). La présence de feldspaths dans les matériaux argileux pourra alors avoir une influence sur la réactivité de la chaux. En plus des minéraux argileux, les ions calcium apportés par la chaux pourront être adsorbés par les feldspaths. Ces minéraux se dissolvent également en milieu alcalin. Le mécanisme évoqué par certaines études (Fiebig and Hoefs, 2002; Putnis, 2002) est une dissolution suivi d’une reprécipitation de phases, à la surface du feldspath. Ceci rappelle un mécanisme évoqué pour les minéraux argileux avec la dissolution suivi d’adsorption des cations par le minéral. Par conséquent, les feldspaths, dans les matériaux argileux, peuvent être des sources de réactivité avec les ions présents en solution, tout comme les minéraux argileux, de par leur capacité à adsorber des éléments.
Conclusions
Les caractérisations physico-chimiques présentées dans ce chapitre ont permis de montrer deux types de réactivité, pour les deux matériaux étudiés, qui se différencient, d’une part, par la cinétique de réaction et, d’autre part, par les phases formées. Concernant la cinétique, la bentonite a montré une forte réactivité qui se traduit par une consommation totale et rapide de la chaux. Par exemple, pour l’étude en milieu dilué réalisée avec 10% de chaux à 20°C, ce matériau a consommé la totalité de la chaux, en moins de 3 jours, malgré le fort dosage initial. Dans le cas de la kaolinite, pour le même dosage en chaux, la consommation de la chaux n’a été que partielle au terme de 98 jours de traitement. En parallèle de la consommation de la chaux, on trouve la formation de silicate de calcium hydratés, dans le cas de la bentonite calcique, qui apparaît aux premières échéances de traitement. Cette phase hydratée évolue dans le temps, notamment par la substitution de silicium par l’aluminium. Dans le cas de la kaolinite, la réactivité est plus lente et se résume par une adsorption de calcium suivi d’une formation de carboaluminate de calcium hydraté (C4AC H11) puis à plus long terme d’aluminate tricalcique hydraté (C3AH6) et de silicate de calcium hydraté (C(A)SH). Concernant la réactivité des minéraux initialement présents dans les matériaux argileux, les résultats obtenus dans les deux cas ont montré une consommation des minéraux argileux (montmorillonite, kaolinite, muscovite), notamment par dissolution.
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
CHAPITRE I – LE TRAITEMENT DES SOLS A LA CHAUX
I.1. LES SOLS
I.2. TRAITEMENT DES SOLS A LA CHAUX
I.2.1. LES EFFETS A COURT TERME
I.2.1.1. Modification de l’état hydrique du sol
I.2.1.2. Floculation – agglomération des particules du sol
I.2.2. LES EFFETS A LONG TERME
I.2.2.1. Les réactions pouzzolaniques : Généralités
I.2.2.2. Les réactions pouzzolaniques : mécanismes réactionnels
I.2.3. LA CARBONATATION
I.2.4. CONCLUSION
I.3. COMPORTEMENT DES ARGILES EN MILIEU ALCALIN
I.3.1. EFFETS DES SOLUTIONS ALCALINES SUR LES MINERAUX ARGILEUX
I.3.2. EFFETS DES SOLUTIONS ALCALINES SUR LES MINERAUX NON ARGILEUX
I.3.3. CONCLUSION
I.4. LES ALUMINATES ET SILICATES DE CALCIUM HYDRATES
I.4.1. LES SILICATES DE CALCIUM HYDRATES (CSH)
I.4.2. LES ALUMINATES DE CALCIUM HYDRATES
I.4.3. CONCLUSION
I.5. CONCLUSIONS
CHAPITRE II – MATERIAUX ET APPROCHES EXPERIMENTALES
II.1. CHOIX DES MATERIAUX
II.2. CARACTERISATION DES MATERIAUX
II.2.1. LA CHAUX
II.2.2. LES MATERIAUX ARGILEUX
II.2.2.1. Analyse chimique
II.2.2.2. Analyses minéralogiques
II.2.2.3. Analyses géotechniques et physiques
II.3. CARACTERISATIONS MECANIQUES ET SPECTROSCOPIQUES
II.3.1. APPROCHE MACROSCOPIQUE
II.3.1.2. Résistance à la compression simple
II.3.1.2.a. Préparation et traitement des matériaux
II.3.1.2.b. Détermination des conditions optimales de compacité
II.3.1.2.c. Confection des éprouvettes
II.3.1.2.d. Mesure de la résistance à la compression simple
II.3.1.3. Essai scissométrique
II.3.1.3.a. Préparation des matériaux
II.3.1.3.b. Principe de l’essai scissométrique
II.3.1.3.c. Mesure de la cohésion non drainée
II.3.1.3.d. Caractère réversible du traitement
II.3.2. ARRET D’HYDRATATION
II.3.3. APPROCHE PHYSICO-CHIMIQUE
II.3.3.1. Diffraction des rayons X
II.3.3.2. Analyses thermogravimétriques (ATG) et calorimétriques différentielles (DSC)
II.3.3.3. Spectroscopie par résonance magnétique nucléaire (RMN) du solide
II.3.3.4. Microscopie électronique à balayage
CHAPITRE III – COMPORTEMENT MECANIQUE DES MATERIAUX ARGILEUX TRAITES A LA CHAUX
III.1. COMPORTEMENT MECANIQUE DE LA KAOLINITE
III.1.1. RESISTANCE A LA COMPRESSION SIMPLE
III.1.2. COHESION NON DRAINEE
III.1.2.1. Cohésion non drainée à 1 WL
III.1.2.2. Cohésion non drainée à 2 WL
III.1.2.3. Conclusion de l’étude réalisée sur les matériaux préparés à 1 et 2WL
III.1.3. SYNTHESE DE LA CARACTERISATION DE L’EFFET DE LA CHAUX SUR LE COMPORTEMENT MECANIQUE DE LA KAOLINITE POLWHITE
III.2. COMPORTEMENT MECANIQUE DE LA BENTONITE CALCIQUE
III.2.1. RESISTANCE A LA COMPRESSION SIMPLE
III.2.2. COHESION NON DRAINEE
III.2.2.1. Cohésion non drainée à 1 WL
III.2.2.2. Cohésion non drainée à 2 WL
III.2.2.3. Conclusion de l’étude réalisée sur les matériaux préparés à 1 et 2WL
III.2.3. SYNTHESE DE LA CARACTERISATION DE L’EFFET DE LA CHAUX SUR LE COMPORTEMENT MECANIQUE DE LA BENTONITE CALCIQUE IKOBOND
III.3. COMPARAISON KAOLINITE / BENTONITE
III.4. CONCLUSIONS
CHAPITRE IV – ETUDE DE L’EVOLUTION PHYSICO-CHIMIQUE DES MATERIAUX TRAITES A LA CHAUX
IV.1. CARACTERISATION PHYSICO-CHIMIQUE DE LA KAOLINITE
IV.1.1. ETUDE MINERALOGIQUE DE LA KAOLINITE TRAITEE A LA CHAUX
IV.1.1.1. Evolution minéralogique par diffraction des rayons X et par RMN de la kaolinite traitée à la chaux
IV.1.1.1.a. Caractérisation des éprouvettes (L/S = 0,3) par diffraction des rayons X
IV.1.1.1.b. Caractérisation des éprouvettes (L/S = 0,3) par RMN du solide
IV.1.1.1.c. Caractérisation des pâtes (L/S = 0.5 et 1)
IV.1.1.2. Caractérisation minéralogique de la kaolinite traitée à la chaux par analyses thermiques
IV.1.1.2.a. Analyse thermique de la kaolinite Polwhite
IV.1.1.2.b. Caractérisation des éprouvettes (L/S = 0.3)
IV.1.1.2.c. Comparaison entre les différentes conditions de traitement
IV.1.1.3. Synthèse de la caractérisation minéralogique des éprouvettes et pâtes de la kaolinite Polwhite traitée à la chaux
IV.1.2. OBSERVATIONS MICROSCOPIQUES DE LA KAOLINITE TRAITEE A LA CHAUX
IV.1.3. SYNTHESE DES RESULTATS DU TRAITEMENT A LA CHAUX DE LA KAOLINITE POLWHITE
IV.2. CARACTERISATION PHYSICO-CHIMIQUE DE LA BENTONITE
IV.2.1. ETUDE MINERALOGIQUE DE LA BENTONITE TRAITEE A LA CHAUX
IV.2.1.1. Caractérisation par diffraction des rayons X et RMN du solide
IV.2.1.1.a. Caractérisation des éprouvettes de bentonite (L/S = 0.4) par diffraction des rayons X
IV.2.1.1.b. Caractérisation des éprouvettes de bentonite (L/S = 0.4) par RMN du solide
IV.2.1.1.c. Caractérisation des pâtes (L/S = 1.6 et 3.2)
IV.2.1.2. Caractérisation par analyses thermiques (ATG/DSC)
IV.2.1.2.a. Analyse thermique de la bentonite calcique Ikobond
IV.2.1.2.b. Caractérisation des éprouvettes de bentonite (L/S = 0.4)
IV.2.1.2.c. Comparaison entre les différentes conditions de traitement
IV.2.1.3. Bilan minéralogique
IV.2.2. OBSERVATIONS MICROSCOPIQUES DE LA BENTONITE CALCIQUE TRAITEE A LA CHAUX
IV.2.3.SYNTHESE DES RESULTATS DU TRAITEMENT A LA CHAUX DE LA BENTONITE CALCIQUE IKOBOND
IV.3. ETUDE DU TRAITEMENT EN MILIEU DILUE
IV.3.1. PROTOCOLES EXPERIMENTAUX
IV.3.2. RESULTATS
IV.3.2.1. Etude du traitement de la kaolinite en milieu dilué (L/S = 10)
IV.3.2.1.a. Suivi pHmétrique des suspensions
IV.3.2.1.b. Analyses élémentaires
IV.3.2.1.c. Caractérisation minéralogique de la phase solide par diffraction des rayons X
IV.3.2.1.d. Caractérisation de la phase solide par spectroscopie RMN du solide
IV.3.2.1.e. Caractérisation minéralogique de la phase solide par analyses thermiques (ATG/DSC)
IV.3.3.1.f. Observations au microscope électronique à balayage de la kaolinite Polwhite traitée à la chaux en milieu dilué
IV.3.3.1.g. Discussion
IV.3.3.2. Etude du traitement de la bentonite en milieu dilué (L/S = 10)
IV.3.3.2.a. Suivi pHmétrique des suspensions
IV.3.3.2.b. Analyses élémentaires
IV.3.3.2.c. Caractérisation minéralogique du solide par diffraction des rayons X
IV.3.3.2.d. Caractérisation du solide par spectroscopie RMN
IV.3.3.2.e. Caractérisation minéralogique du solide par analyses thermiques
IV.3.3.1.f. Discussion
IV.3.4. CONCLUSIONS
IV.4. CONCLUSIONS
CHAPITRE V – SYNTHESE : COUPLAGE ENTRE LES ASPECTS MECANIQUES ET PHYSICO-CHIMIQUES
V.1.TRAITEMENT DE LA KAOLINITE A LA CHAUX
V.1.1. EFFET DU TEMPS DE CURE
V.1.2. EFFET DU DOSAGE EN CHAUX
V.1.3. EFFET DE LA TENEUR EN EAU SUR LE COMPORTEMENT MECANIQUE
V.1.4. SYNTHESE
V.2. TRAITEMENT DE LA BENTONITE CALCIQUE A LA CHAUX
V.2.1. EFFET DU TEMPS DE CURE
V.2.2. EFFET DU DOSAGE
V.2.3. EFFET DE LA TENEUR EN EAU SUR LE COMPORTEMENT MECANIQUE
V.2.4. SYNTHESE
V.3. CONCLUSION
CONCLUSION GENERALE
BIBLIOGRAPHIE
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