Approche micromécanique du comportement d’une suspension de bulles dans un fluide à seuil

Les matériaux aérés (situation où des bulles de gaz sont incorporées ou emprisonnées dans un matériau) sont présents lors d’un certain nombre de processus industriels. L’incorporation de ces bulles d’air crée de nouveaux matériaux qui permettent d’améliorer leurs propriétés d’usage : diminuer la densité, renforcer l’isolation acoustique et thermique, comme dans les cas des bétons de façade aérés et les plaques de placoplâtre par exemple. Au contraire, il est aussi possible d’obtenir des caractéristiques non souhaitées du matériau : engendrer des zones mécaniquement fragiles, comme lors de la mise en œuvre des bétons frais. De nombreuses recherches ont été menées dans la situation où la fraction volumique en gaz est très importante (mousses [15]). Par contre les suspensions de bulles, situation où la phase gazeuse occupe des domaines disjoints entourés d’une matrice de fluide, n’ont pas été beaucoup étudiées. L’objectif de cette thèse est de développer des outils de modélisation du comportement d’une suspension de bulles dans un fluide à seuil et de comparer ces prédictions avec les résultats expérimentaux obtenus notamment par Lucie Ducloué [29] au cours de son travail de thèse mené au laboratoire Navier.

Suspension de bulles dans un matériau homogène

On s’intéresse aux propriétés rhéologiques d’une suspension de bulles dans un matériau homogène. On se restreint ici aux situations pour lesquelles les bulles occupent des domaines disjoints suffisament éloignés les uns des autres pour qu’elles puissent adopter une forme sphérique quand les efforts intérieurs sont nuls dans le fluide suspendant. Les matériaux du type mousse sont donc exclus du domaine de cette étude.

De nombreux travaux ont déjà été consacrés à la modélisation du comportement de ce type de matériaux, que ce soit dans le cadre de la mécanique des milieux poreux [23], la micromécanique des milieux poreux [27], la rhéologie des suspensions de bulles [29], [55]. Alors que dans les études consacrées aux milieux poreux le couplage géométrique entre la déformation des pores et la déformation de la matrice est négligé (hypothèse de petites perturbations [56]), la majorité des travaux consacrés aux suspensions de bulles dans un fluide prend en compte ce couplage. Il convient de souligner qu’à l’exception des travaux expérimentaux menés par Lucie Ducloué durant sa thèse [29], [30], les autres études n’ont considéré que les situations où le comportement de la matrice était linéaire (élastique, visqueux ou viscoélastique). Les émulsions peu concentrées ou suspension de gouttes dans un fluide constituent une classe de matériaux dont les propriétés rhéologiques et morphologiques sont très proches de celles des suspensions de bulles. De nombreux travaux ont été également consacrés à ces systèmes [20], [50].

Comme pour les suspensions de bulles, ces travaux ne considèrent que des comportement linéaires de la matrice.

L’objectif de ce travail est d’étudier le comportement de suspensions de bulles dans des fluides non newtoniens du type fluide à seuil par une approche par changement d’échelles d’espace. Cette étude prolonge donc l’étude par homogénéisation du comportement des suspensions de particules non colloïdales et non browniennes [19] et [65] déjà réalisée au laboratoire. Dans la suite de ce chapitre nous commençerons par présenter rapidement les résultats expérimentaux obtenus par Lucie Ducloué durant sa thèse [29]. Ces résultats expérimentaux nous serviront à valider les approches théoriques développées dans la suite de ce travaux. Nous nous intéressons alors à la prédiction des caractéristiques rhéologiques d’une suspension de bulles dans un fluide à seuil. Après avoir constaté que les approches par changement d’échelle d’espace mise en œuvre classiquement pour traiter du comportement des milieux poreux non saturés [27], [17], [18] sont incapables de rendre compte du couplage entre déformation de la matrice et effets capillaires mis en évidence expérimentalement, nous mettons en œuvre une méthode de changement d’échelle pour étudier le comportement d’une suspension de bulles dans un matériau élastique subissant de grandes transformations. La linéarisation de ce modèle général débouche sur un modèle linéaire couplant déformation de la matrice solide et déformation de la bulle. Dans le (4), nous nous intéressons au calcul effectif des propriétés globales d’une suspension de bulles dans un milieu élastique isotrope. Enfin dans la dernière partie, nous mettons en œuvre une méthode d’homogénéisation non linéaire pour traiter du comportement d’une suspension de bulles dans un fluide à seuil avant de conclure et de recenser les perspectives ouvertes par ce travail.

Problème d’inclusion équivalente de Palierne

Les propriétés rhéologiques globales dans le régime linéaire (module complexe) d’une émulsion constituée de deux fluides viscoélastiques linéaires incompressibles ont été calculées par Palierne [50] dans le cadre d’une méthode de changement d’échelle. Dans ce travail la tension de surface régnant à l’interface dépend de la déformation de l’interface : les interfaces se comportent donc comme des interfaces membranaires élastiques avec une tension initiale non nulle. Comme il est classique pour les méthodes de changement d’échelle, le calcul des propriétés rhéologiques globales de l’émulsion repose sur la résolution d’un problème pour une unique inclusion suspendue dans une matrice.

Etude de Rallison

En 1984, J. M. Rallison [52] a continué les études sur le problème de la déformation d’une petite goutte visqueuse/bulle suspendue dans un fluide soumis à un cisaillement. Ses travaux théoriques et expérimentaux ont pour but d’expliquer la déformation d’une goutte dans un fluide produit par un écoulement ainsi que de trouver la vitesse de l’écoulement provoquant la rupture de la goutte. Il a également cherché le nombre et la taille des gouttes formées après rupture dans un fluide cisaillé.

Les réponses à ces questions peuvent être utilisées afin de formuler des émulsions (situation où une phase de fluide est dispersée dans une autre phase liquide), pour caractériser sa rhéologie et établir des dispositifs efficaces afin de mélanger différentes phases de fluides. Dans ses études, Rallison a supposé tout d’abord que la goutte/bulle est suffisamment petite, que le nombre de Reynold du fluide suspendant est petit et que la force d’inertie est négligeable. La deuxième simplification est que le centre de la goutte est toujours fixé pour que le seul terme de l’écoulement (qui est responsable de la déformation de la goutte) soit un cisaillement linéaire. En résumé, des petites gouttes suspendues dans un fluide soumis à un cisaillement sont seulement déformées et rompues par le gradient de vitesse local lors de l’expérience.

Généralité sur les fluides à seuil 

Les fluides à seuil sont des matériaux qui ne s’écoulent que si on leur applique une contrainte qui est supérieure à la contrainte minimale appelée « contrainte seuil », notée τc. Des exemples de fluide à seuil que l’on trouve dans la vie de tous les jours sont la pâte dentifrice, la mayonnaise, le gel pour les cheveux… Dans le cas où la contrainte appliquée au fluide est inférieure à cette contrainte seuil, il se comporte comme un solide viscoélastique. Si elle est supérieure au seuil de contrainte, le matériau s’écoule et a un comportement de liquide plastique visqueux. En plus de cette transition liquide/solide liée à l’existence d’une contrainte seuil, d’autres phénomènes peuvent compliquer le comportement des fluides à seuil comme la thixotropie, que nous cherchons à éviter dans cette étude.

Les fluides thixotropes
Les fluides thixotropes sont des matériaux dont la viscosité évolue au cours du temps quand on leur applique une contrainte (ou une vitesse de cisaillement) constante. Leurs caractéristiques rhéologiques dépendent donc du temps mais aussi de l’histoire du matériau et de la mise en place de l’échantillon (précisaillement, temps de repos,…). Au repos, le fluide thixotrope se structure. Lorsque la contrainte appliquée au matériau est inférieure à sa contrainte seuil, son module élastique augmente au cours du temps. Quand la contrainte appliquée est supérieure à sa contrainte seuil, il s’écoule et sa viscosité évolue. S’il était dans un état initial très fluide, sa viscosité augmente et atteint à un état stationnaire. S’il était dans un état initial solide, sa viscosité diminue. Ce ne sont donc, du point de vue rhéologique, pas des fluides à seuil modèles. Les matériaux thixotropes sont largement utilisés dans l’industrie comme par exemple le béton [2, 5, 48], la pâte de ciment, certaines peintures [22].

Emulsion floculée
Dans certaines conditions, les émulsions peuvent floculer. Ce phénomène est dû à l’agrégation réversible des gouttelettes sous l’effet de forces attractives. On peut distinguer deux mécanismes de floculation :
– Si la phase continue contient des macromolécules, elles vont s’adsorber sur la surface des gouttes et peuvent provoquer un pontage entre les gouttes et ainsi les réunir en flocs.
– Si la concentration en tensioactif est importante dans la phase continue, de nombreuses micelles vont être présentes en solution. Ceci va réduire le volume libre accessible par les gouttes de la phase dispersée et donc avoir tendance à les coller entre elles et ainsi former des flocs. Des auteurs [7, 8] ont montré que le comportement rhéologique d’une émulsion floculée est très différent du comportement de la même émulsion non floculée. Il faudra donc apporter une attention toute particulière à la formulation des émulsions afin qu’elles ne soient pas floculées, pour qu’elles constituent un fluide à seuil modèle, au comportement rhéologique bien caractérisé.

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Table des matières

1 Introduction générale
2 Etude bibliographique
2.1 Contexte de l’étude
2.2 Suspension de bulles dans un matériau homogène
2.3 Résultats expérimentaux
2.4 Problème d’inclusion équivalente de Palierne
2.4.0.1 Problème pour une inclusion unique
2.4.0.2 Emulsion monodisperse diluée
2.4.0.3 Inclusions de tailles différentes
2.4.0.4 Inclusions aux caractéristiques hétérogènes
2.5 Méthode sécante modifiée
2.6 Etude du cisaillement d’une bulle dans un fluide
2.6.0.5 Etude de Taylor [62]
2.6.0.6 Etude numérique de Cox [24]
2.6.0.7 Etude de Rallison [52]
2.6.0.8 Etude de Rust et Manga [54]
2.6.0.9 Récapitulatif
3 Cisaillement d’une bulle suspendue dans un fluide à seuil
3.1 Matériau modèle
3.1.1 Généralité sur les fluides à seuil
3.1.2 Quelques comportements particuliers
3.1.2.1 Les fluides thixotropes
3.1.2.2 Emulsion floculée
3.1.3 Formulation de fluide à seuil modèle
3.1.3.1 Solution de Carbopol
3.1.3.2 Emulsion
3.1.4 Méthode de préparation
3.1.4.1 Solution de Carbopol
3.1.4.2 Emulsion directe transparente
3.1.5 Caractérisation des matériaux modèles
3.1.5.1 Granulométrie
3.1.5.2 Rhéologie
3.2 Choix du dispositif expérimental
3.2.1 Dispositif de cisaillement à « quatre rouleaux »
3.2.2 Dispositif de cisaillement à « bandes parallèles »
3.2.3 Dispositif de cisaillement « plan-plan »
3.2.4 Dispositif de cisaillement « cellule de Couette »
3.2.5 Conclusion
3.3 Dispositif
3.3.1 Principe
3.3.2 Mise au point
3.3.3 Procédure expérimentale
3.3.4 Résultats expérimentaux
4 Homogénéisation
4.1 Bulle sphérique dans un milieu infini
4.1.1 Chargement en compression isotrope
4.1.2 Chargement en cisaillement pur
4.2 Homogénéisation
4.2.1 Approche générale
4.2.2 Schéma dilué
4.2.3 Schéma de Mori-Tanaka
4.2.4 Schéma autocohérent
4.2.5 Approche par motif morphologique
4.2.5.1 Chargement en compression isotrope
4.2.5.2 Chargement en cisaillement pur
4.2.5.3 Résolution de l’approche par motif morphologique
4.3 Homogénéisation non linéaire
4.3.1 Suspension de bulles très déformables/non déformables dans un fluide
de Herschel-Bulkley
4.3.1.1 Application au schéma dilué
4.3.1.2 Application au schéma de Mori-Tanaka
4.4 Validation expérimentale
4.4.1 Module élastique de la suspension
4.4.2 Contrainte seuil de la suspension
5 Conclusion

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