Approche intégrée pour l’analyse prospective de la décarbonisation profonde du système électrique

Différentes échelles de temps caractérisent la description des variables atmosphériques d’un lieu ou d’une région. Les conditions météorologiques représentent l’état instantané ou s’étendant à quelques jours. Elles sont décrites par les données de température, de précipitation ou par la perception ambiante (temps chaud ou froid, clair ou orageux, …). Le climat est défini par une valeur moyenne ou un intervalle de variation des variables climatiques ou des conditions météorologiques observées sur des périodes de temps très longues (supérieures ou égales à 30 ans). Deux types de variations peuvent impacter les valeurs caractéristiques d’un climat. Les variations à l’échelle mensuelle, saisonnière ou annuelle par rapport aux valeurs statistiques de long terme sur la même période sont qualifiées d’anomalies et le terme variabilité climatique désigne ces déviations. On les attribue à des processus internes naturels au sein du système climatique. Le changement climatique désigne quant à lui une variation plus significative des valeurs caractéristiques ou de la variabilité qui est plus marquée dans le temps. Il est défini par la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) comme : « un changement de climat qui est attribué directement ou indirectement à une activité humaine altérant la composition de l’atmosphère et qui s’ajoute à la variabilité naturelle du climat observée au cours de périodes comparables ». Le changement climatique s’évalue sur des échelles de temps qui vont au-delà de plusieurs décennies. Résultant d’une demande énergétique et de biens de consommation croissante depuis la révolution industrielle, les émissions cumulées de gaz à effet de serre (GES) du secteur électrique et des autres activités anthropogéniques entraînent un forçage externe sur le système climatique [1]. En effet, l’augmentation de la concentration des GES dans l’atmosphère réduit l’amplitude du rayonnement retourné dans l’espace par la surface terrestre. On assiste alors à un réchauffement global du climat terrestre entraînant une modification des écosystèmes [2]–[4].

L’impact du changement climatique sur le système électrique européen 

Les différentes projections climatiques à l’échelle européenne s’accordent sur une augmentation globale des températures en Europe, une augmentation des précipitations dans le Nord de l’Europe et une réduction dans le Sud [13]. Partant de ces résultats, différentes études ont cherché à caractériser l’impact à moyen et long termes du changement des conditions climatiques sur la production et la demande électrique en Europe.

Dans l’état de l’art réalisé par M.C. Bonjean Stanton et al. [14], la cinquantaine d’articles parus entre 1997 et 2015 projettent une réduction de la production thermique à travers l’Europe entraînée par une réduction de l’efficacité des centrales. D’autre part, l’augmentation des précipitations dans le Nord sera favorable à la production hydroélectrique tandis que le Sud en produira moins en raison de la baisse des niveaux de précipitation. Ces résultats globaux proviennent d’études dont la couverture géographique varie d’un pays [15], à une région [16] ou à l’ensemble de l’Europe [17]. Ces études portent en outre sur un moyen de production particulier (solaire [18], hydraulique [19], éolien [20], bioénergie[21]) ou un mix de moyens de production électrique [17], [22].

Du côté de la demande, l’étude réalisée par Leonie Wenz et al. [23] sur 35 pays en Europe, décrit des effets opposés du changement climatique sur le pic de la consommation et la demande électrique totale entre le Nord et le Sud de l’Europe. Le pic de consommation hivernal dans les pays du Nord de l’Europe évoluera à la baisse alors que dans le Sud et l’Ouest de l’Europe (à l’exception de l’Italie), les pics estivaux auront des valeurs plus élevées. Dans plusieurs pays, l’étude anticipe également une modification de la courbe de charge et un déplacement de la demande de pic d’électricité de l’hiver vers l’été. En fonction du niveau de forçage considéré, on observe un effet plus ou moins prononcé de la baisse de la demande journalière dans le Nord de l’Europe et d’une augmentation dans le Sud et l’Ouest. Une analyse de l’impact en Europe sur la demande électrique d’une augmentation de la température globale de 2°C a été réalisée par Andrea Damm et al. [24]. En considérant la relation entre la température et les niveaux de consommation dans chaque pays, l’étude conclut à une diminution de la demande électrique totale dans la plupart des pays européens. A l’exception de l’Italie, la demande supplémentaire de froid reste moins élevée que la réduction de la demande de chaleur dans les 25 autres pays étudiés. A travers une simulation du changement climatique sur les 100 prochaines années, l’étude de G. S. Eskeland et T. K. Mideksa [25] confirme l’augmentation de la demande de froid en Italie par rapport à la demande de chaleur et trouve le même effet à Chypre, en Grèce, à Malte, en Espagne et en Turquie. Leur analyse suggère une augmentation de la demande nette d’électricité dans le Sud, une réduction dans le Nord et à la fois des augmentations et des réductions dans le centre.

Toutes ces études sur l’évaluation des impacts du changement climatique dans la production et la demande électrique revêtent un intérêt particulier pour quantifier l’adaptation nécessaire dans le secteur [22], [25], [26]. La longue durée de vie des infrastructures et la participation attendue du secteur pour l’atteinte des objectifs de réduction des émissions de GES justifient le besoin de choix optimaux pour le long terme. La plupart des études citées ci-dessus adoptent cependant une approche statique du système ne prenant pas en compte l’évolution technologique et la possibilité d’investissement dans de nouvelles infrastructures. Aujourd’hui, le potentiel encore exploitable pour les sources d’énergie renouvelable, l’évolution à la baisse des coûts, l’amélioration de l’efficacité énergétique des équipements offrent différentes perspectives face aux conditions climatiques futures.

L’intégration du changement climatique dans la planification à long terme du système électrique européen 

Les études de J. Peter [27], M. Schlott et al. [28] sur le système électrique et celles de P. Dowling [22], P. Seljom et al. [29] sur le système énergétique vont dans le sens d’une planification à long terme qui intègre l’impact du changement climatique. M. Schlott et al. [28] focalisent leur étude sur le scénario RCP 8.5. En utilisant les données issues de trois combinaisons GCM-RCM dont ils projettent les effets sur la ressource éolienne, solaire et hydraulique sur 30 pays en Europe jusqu’en 2100, les auteurs évaluent les investissements en termes de capacité de production et de lignes d’interconnexion nécessaires en fin de siècle. L’effet du climat sur la demande électrique n’est néanmoins pas pris en compte dans cette étude de même que les capacités résiduelles d’une période à l’autre. Elle relève, par ailleurs, une plus grande participation de la production solaire photovoltaïque dans la production électrique future et un besoin d’extension de la capacité d’interconnexion d’un facteur de 9 voire 10. L’étude de J. Peter [27] se consacre également au scénario RCP 8.5. En comparant une planification sans anticipation, avec anticipation partielle, et avec une intégration totale des effets du changement climatique, l’étude identifie des variations importantes sur la place du solaire et de l’énergie éolienne. Les effets du changement climatique considérés ne correspondent pas cependant à une même combinaison d’un modèle climatique global et d’un modèle climatique régional. Ils proviennent de résultats de différentes autres études.

Le projet Clim2Power

Né en 2011 d’une volonté européenne de coordonner les efforts de recherche sur le climat et de financer des activités transnationales, l’initiative JPI Climate constitue une plateforme de support pour différents mécanismes et programmes (Horizon 2020, ERA-NET, Climate KIC, …) européens. Le consortium ERA4CS (European Research Area for Climate Services) en particulier vise à travers ses activités à « fournir des connaissances pour faire face aux impacts de la variabilité et du changement climatique, ainsi que des conseils aux chercheurs et aux décideurs politiques et commerciaux ». C’est dans cette optique que s’inscrit le projet Clim2Power financé par six agences de recherche : l’ANR en France, BMBF en Allemagne, FORMAS en Suède, BMWFW en Autriche, EPA en Irlande et FCT au Portugal. Ce projet de recherche fournira à tous les utilisateurs finaux potentiels, des données concernant l’impact du climat sur la production hydraulique, éolienne, solaire, la demande électrique, de chauffage et de climatisation à une échelle saisonnière et sur le long-terme. Toutes ces données, accessibles à travers une interface web, auront à la fois un but informatif mais aussi décisionnel. Le travail de recherche dans le projet Clim2Power a été rendu possible grâce à l’utilisation d’une suite de méthodes scientifiques éprouvées et novatrices dans le traitement de données climatiques, la simulation de production renouvelables, l’apprentissage automatique, le dispatching électrique et la planification à long terme. Le projet a donné lieu à des communications scientifiques incluant 3 publications dans des journaux scientifiques [30]–[32] ainsi que différents rendus dans des conférences et des réunions de projet .

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Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
Le projet Clim2Power
Objectifs et contributions de cette thèse
Organisation du mémoire
VALORISATION DU TRAVAIL DE THÈSE
Publications
Communication dans un congrès
Posters
CHAPITRE 1 : ENJEUX ACTUELS ET FUTURS DU SYSTEME ELECTRIQUE EUROPEEN
Introduction du chapitre 1
1. Le bilan environnemental de la production mondiale d’électricité
2. Les plans de maîtrise des émissions
3. Quelle place pour le secteur électrique dans la réduction des émissions ?
4. L’appareil productif européen
5. L’essor des interconnexions
6. Le marché électrique européen
Conclusion du chapitre 1
CHAPITRE 2 : CONSTRUCTION D’UN MODELE PROSPECTIF POUR L’ETUDE DU SYSTEME ELECTRIQUE EUROPEEN
Introduction du chapitre 2
La complexité du système électrique
Le réseau électrique
Grandeurs de contrôle : fréquence et tension
La fiabilité du système électrique
Dispatch et planification des investissements
Enjeux de planification : positionnement de la démarche prospective adoptée
Typologie des modèles de systèmes énergétiques
Classification des modèles de prospective
Le choix d’une modélisation TIMES pour étudier le système électrique européen
Le modèle eTIMES-EU pour le secteur électrique européen
Couverture géographique du modèle
Horizon temporel et décomposition en pas de temps
Structure du système énergétique de référence
La confrontation des sources de données
La modélisation des filières non renouvelables
Le nucléaire
Le charbon
Le gaz
Les produits pétroliers, les schistes et les déchets non renouvelables
La modélisation des filières renouvelables
Le solaire
L’éolien
La ressource hydraulique
La géothermie
La biomasse
L’énergie marine
Les moyens de stockage de l’électricité
Le stockage dans les batteries et les STEP
Le stockage sous forme d’hydrogène
Réseaux et interconnexions
La réserve de pic
Les technologies CSC
Conclusion du chapitre 2
CHAPITRE 3: ETUDE PROSPECTIVE DU SYSTEME ELECTRIQUE EUROPEEN AVEC LE MODELE eTIMES-EU
Introduction du chapitre 3
Construction du scénario de référence
La demande de services finaux
L’électricité
La demande électrique du secteur du transport
La demande de chaleur
Le prix des ressources
Le prix des ressources fossiles
Le prix de la tonne de CO2 et les facteurs d’émissions
Le taux d’actualisation
Les rythmes de déploiement de capacité
Le nucléaire
Les sources non renouvelables hors nucléaire
Le solaire
L’éolien sur terre
L’éolien en mer
La ressource hydraulique
La ressource géothermique
La bioénergie
Les centrales marines
Apports de la décomposition temporelle
Construction d’une représentation sur 12 pas de temps
Résultats de la comparaison
L’opération du système électrique
L’évolution des flux d’investissements
Le système électrique dans le scénario de référence
L’évolution du mix de production
A l’échelle globale
L’équilibre offre-demande
A l’échelle des pays
Focus sur des pays particuliers
Les échanges d’électricité
Les émissions de CO2
Les investissements dans les capacités de production
Définition de variantes du scénario de référence
L’effet du prix des ressources fossiles
Description des scénarios alternatifs
Résultats et interprétations
L’effet du taux d’actualisation
Description des scénarios alternatifs
Résultats et interprétations
L’effet du coût des centrales nucléaires
CONCLUSION GENERALE

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