Approche écosystémique des énergies marines renouvelables

Le concept de resilience

                 Le développement de la résilience écologique a commencé en 1960 avec des tentatives de modélisation mathématique d’un écosystème dynamique (Leowontin, 1969 ; May, 1977). Ainsi, si la dynamique d’un système est décrite par un système d’équations différentielles, les équilibres correspondent aux valeurs pour lesquelles toutes dérivées sont nulles. Reprenant ces notions d’équilibres et de stabilité autour d’un état, la résilience a dans un premier temps été défini comme le temps mis par le système pour retourner à cet équilibre après y avoir été éloigné par une perturbation (Pimm, 1984). En écologie, il existe deux approches de la résilience reflétant chacune différents aspects de la stabilité (Holling, 1996). La première approche est appelée « Engineering resilience ». Dans cette approche la résilience est définie comme la mesure du temps de retour à un équilibre unique. Cette approche suppose l’existence d’un équilibre ou un état stable. Un système avec un temps de retour court à l’équilibre serait plus résilient que celui avec un temps de retour plus long (Pimm, 1984 ; Holling, 1996). La deuxième approche est appelée « Ecological resilience » et suppose qu’un système puisse exister sous plusieurs états stables (Holling, 1996). Dans cette approche, la résilience se définit par la capacité d’un écosystème à absorber une perturbation sans changer d’état. C’est cette dernière approche que nous priviligierons dans la thèse. En effet, il a été démontré que l’« Ecological resilience » est un concept plus applicable aux changements observés par les écologistes (Gunderson, 2009). Ainsi, penser la résilience, revient à comprendre les conditions dans lesquelles un écosystème franchit un seuil et évolue vers un nouvel état stable (Mathevet et Bousquet, 2014). Dans cette approche, la résilience est une propriété émergente de l’écosystème qui s’organise et évolue avec le temps grâce à des cycles adaptatifs (Gunderson, 2000 ; Gunderson et Holling, 2009). À mesure que ces changements se produisent, la capacité du système à absorber les perturbations (sa résilience) change également (Walker et Salt, 2006, 2012). La métaphore de la balle et du bassin, (où la balle représente l’état du système et les bassins représentent l’ensemble des états d’équilibre stable sous lesquels le système peut exister) est souvent utilisée pour illustrer comment un système peut évoluer (Figure I-1). D’un côté la balle peut subir des perturbations qui peuvent la faire rouler, deux cas se présente alors : 1) soit la balle se situe au fond d’un bassin (a) et dans ce cas la perturbation la fera bouger mais cette dernière reviendra à son état d’origine ; 2) soit la balle se trouve à la fois au sommet d’une bosse et est proche d’un seuil entre deux bassins (b) et dans ce cas, la perturbation peut la faire rouler vers un autre état. D’un autre côté, les bassins peuvent également évoluer soient s’éroder (c) soient se combler (d).

L’énergie éolienne offshore

                Les éoliennes offshore fonctionnent selon le même principe que les modèles terrestres traditionnels. Elles utilisent l’énergie cinétique du vent pour la transformer en électricité. Bien que de nombreuses améliorations de développement soient encore importantes l’industrie éolienne offshore peut être considérée comme établie (Leung et Yang, 2012) et l’éolien offshore posé reste à ce jour la technologie d’EMR la plus mature qui se développe de façon importante dans les pays du Nord de l’Europe. La plupart des parcs éoliens offshore sont installés dans des zones de faibles profondeurs (inférieure à 40 m de profondeur) et sont situés à proximité des côtes (environ 20 km). Au-delà, il est difficile d’un point de vue technique et très coûteux d’implanter des parcs éoliens offshore posés. S’affranchir de la contrainte de la profondeur d’eau est une piste intéressante, surtout dans les pays comme la France, où les profondeurs dépassent rapidement les 40 m lorsque l’on s’éloigne de la côte (notament dans le sud du Golfe de Gascogne et en Méditerrannée), et permettrait d’élargir les zones potentielles de développement de parcs éoliens offshore en France et dans d’autres pays. A l’heure actuelle aucun parc éolien offshore n’a été construit le long des côtes françaises. Cependant, sept zones ont été choisies pour l’implantation de futurs parcs. Parmi eux, quatre seraient construits en Manche : le parc éolien de Courseulles-sur-mer (50 km², 75 éoliennes pour une puissance totale de 450 MW), de Fécamp (65 km², 83 éoliennes pour une puissance totale de 498 MW), de Dieppe-Le Tréport (67 km², 62 éoliennes pour une puissance totale de 496 MW), de Saint Brieuc (77 Km2 , 62 éoliennes pour une puissance totale de 500 MW), un en mer du Nord, le parc de Dunkerque (59 km2 , le nombre d’éoliennes n’est pas encore connu, puissance d’environ 500 MW) et deux le long des côtes atlantiques ; le parc éolien de Saint-Nazaire (78 km², 80 éoliennes pour une puissance totale de 480 MW) et celui de Noirmoutier (83 km², 62 éoliennes pour une puissance totale de 496 MW) (Figure I-3). Ces infrastructures devront s’insérer dans des écosystèmes déjà fortement anthropisés (Figure I-3).

Champs Electro-Magnetiques (CEM)

              Le terme champ électromagnétique est général et inclut le champ électrique (CE) lié à la tension et qui se mesure en Volt par mètre (V/m) et le champ magnétique (CM) lié au courant et qui se mesure en Ampère par mètre (A/m). On utilise plus couramment l’unité de mesure du flux d’induction magnétique (le Tesla). Dans la plupart des milieux (y compris la mer) on a l’équivalence 1A/m=1,25µT. Dans le domaine des basses fréquences le CE et CM sont indépendants, de même que le courant. Il est important de noter que les câbles de transmission électrique sont entourés d’un isolant et d’une gaine métallique et de ce fait, ne génèrent pas de CE (Raoux et al., 2012, 2013). En revanche, dans un milieu conducteur (comme la mer) le CM génère par induction un champ électrique appelé champ électrique induit (noté Ei). Ce champ sera fonction de la quantité de charges contenue dans le fluide et de la vitesse du fluide Raoux et al., 2012) . Ce champ électrique induit peut également être généré par le déplacement d’un poisson dans un champ magnétique. En effet un poisson est constitué d’un ensemble de charges électriques en mouvement. Ce champ électrique induit sera alors proportionnel à la vitesse du poisson et dépendant de ses caractéristiques morphologiques (résistance interne et résistance de la peau)

Pollution chimique

               Les 75 éoliennes du parc seront équipées d’anodes dites «sacrificielles» en aluminium présentant une masse de 15 tonnes. Ces anodes sacrificielles permettent, par leur oxydation plus rapide que celle du métal sur lequel elles sont posées, de protéger ce dernier de la corrosion, on parle alors de « protection cathodique». Cette technique efficace de protection contre la corrosion est l’une des plus répandue (Rousseau et al., 2009) mais implique une diffusion d’éléments métalliques dans le milieu (avec une potentielle accumulation aux niveaux des sédiments et dans les organismes) lors de l’oxydation des anodes (Gabelle et al., 2012 ; Gouali, 2013). Les anodes qui seront utilisées au sein du parc présenteront une durée de vie de 25 ans. Il est prévu que leur masse résiduelle en fin de vie soit de 15% de leur masse initiale, correspondant ainsi à un transfert d’aluminium dans l’eau d’environ 100 kg/jour pendant 25 ans. Des expériences réalisées sur les communautés microphytobenthiques ont montré que ces dernières étaient affectées par l’exposition à l’aluminium (Gouali, 2013; Leleyter et al., 2016). Cette sensibilité à l’aluminium de ces producteurs primaires est susceptible de constituer une menace pour tout le réseau trophique marin. Il apparait donc nécessaire d’étudier les risques de bioaccumulation de ces éléments métalliques et les risques écotoxicologiques sur les communautés benthiques et épibenthiques qui vont coloniser les mats des éoliennes. A ce jour très peu d’études abordent cette question et une thèse s’intitulant «Evaluation des effets des anodes sacrificielles en aluminium : répartition et transfert dans les différents compartiments (eau, sédiment, biote) et évaluation des effets biologiques» a d’ailleurs été proposée par le laboratoire BOREA. Le principal objectif de cette thèse est d’étudier les effets de la dissolution des anodes sacrificielles en aluminium sur l’environnement marin (eau, sédiment) et sur des espèces marine d’intérêt économique (huître, moule et ormeau) à différents stades de leur vie.

Effet récif et espèces invasives

                De nombreuses études suggèrent que des organismes benthique utilisent des structures isolées comme tremplin ou corridors biologiques afin de se propager dans de nouvelles zones (Langhamer, 2012 ; Mineur et al., 2012 ; Miller et al., 2013 ; Ros et al., 2013 ; Krone et al., 2013a ; Adams et al., 2014 ; Coates et al., 2014 ; De Mesel et al., 2015 ; Stap et al., 2016). Cet effet de corridors biologiques générés par des structures offshores (ex : plateformes pétrolières) a fait l’objet de modélisation (Adams et al., 2014). Ainsi, Adams et al. (2014) ont mis en évidence que ces structure génèrent des habitats pour des larves qui auraient péri au large sans ces dernières et qu’elles pouvaient augmenter le potentiel de dispersion de ces espèces. Si cet effet tremplin ou corridor a été décrit au travers de modèles, il n’existe pas à ce jour et à notre connaissance de preuves empiriques que les parcs éoliens agissent comme des corridors biologiques pour les espèces non natives. Or, certains auteurs suggèrent que ces derniers pourraient faciliter l’extension d’espèces invasives (Wilhelmsson et Malm, 2008 ; Sheehy and Vik, 2010 ; De Mesel et al., 2015) du fait que ces structures soient verticales et s’étendent sur toute la colonne d’eau générant une zone intertidale au large des côtes pouvant agir comme une zone de tremplin (De Mesel et al., 2015) notamment pour des espèces présentant des cycles larvaires de plusieurs semaines (ex : crépidule avec un cycle lavaire de 2 à 3 semaine (Shanks, 2009)). Des études ont mis en évidence la présence d’espèces non natives et invasives aux niveaux des fondations des éoliennes tels que l’amphipode Jassa marmorata, le crabe Hemigrapsus sanguineus ou encore le balane Megabalanus coccopoma (Degraer et al., 2009, 2011, 2012 ; De Mesel et al., 2015 ; Stap et al., 2016). Ces dernières pourraient être à l’origine d’une altération de la biodiversité locale (compétition spatiale et trophique avec des espèces natives) (Degraer et al., 2011).

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Table des matières

Introduction Générale
1 Problématique environnementale
1.1 Introduction
1.2 Le concept de résilience
1.3 De la définition d’indicateurs de santé des écosystèmes à une gestion écosystémiques des ressources marines
2 Objectifs de la thèse
Chapitre I : Contexte Scientifique
1 Transition énergétique
1.1 Introduction
1.2 L’énergie éolienne offshore
1.3 Impacts environnementaux potentiels des éoliennes en mer
1.3.1 Principaux impacts potentiels sur la biodiversité en phase de construction
1.3.1.1 Destruction d’espèces et d’habitats
1.3.1.2 Emissions sonores
1.3.1.3 Impact sur l’avifaune
1.3.2 Principaux impacts potentiels sur la biodiversité en phase d’exploitation
1.3.2.1 Champs Electro-Magnétiques (CEM)
1.3.2.2 Température
1.3.2.3 Pollution chimique
1.3.2.4 Effet récif
1.3.2.5 Effet réserve
1.3.2.6 Impact sur l’avifaune
1.3.2.7 Impacts cumulés
2 Zone d’étude
2.1 Baie de Seine
2.1.1 Contexte hydro-sédimentaire et communautés benthiques
2.1.2 Les communautés de poissons
2.1.3 Mammifères marins
2.1.4 Contexte humain
2.2 Le parc éolien au large de Courseulles-sur-mer
2.2.1 Historique du site d’étude
2.2.2 Principales caractéristiques du futur parc éolien au large de Courseulles sur- mer
3 Descriptions des modèles de réseaux trophiques
3.1 Approche écosystémique
3.2 Présentation des modèles de réseaux trophiques utilisés
3.2.1 Le modèle Ecopath with Ecosim (EwE)
3.2.2 Les principales limites du modèles EwE
3.2.3 La routine ENA tool
3.2.4 Les indices de l’analyse des réseaux écologiques
3.2.5 Le modèle qualitatif
4 Rappel du contexte et des principaux objectifs de la thèse
Chapitre II: Benthic and fish aggregation inside an offshore wind Farm: Which effects on the trophic web functioning?
1 Introduction
2 Material and methods
2.1 Study area
2.2 Courseulles-sur-Mer OWF
2.3 Presentation of the trophic modelling approach
2.4 Parametrisation of the Ecopath model describing the situation before the wind farm
2.5 Balancing the Ecopath model
2.6 Simulating the “reef effect” due to the wind farm implantation using ecosim simulations
2.7 Analysing ecosystem organisation, major interactions and emergent properties
3 Results
3.1 Compartments’ ecological roles before the installation of the offshore wind farm
3.2 Ecosystem structural features after the installation of the wind farm
3.3 Sensitivity analyses
4 Discussion
4.1 Food web control before the installation of the offshore wind farm
4.2 Simulating the “reef effect” due to the wind farm implantation using ecosim simulations
4.3 Advantages and limitations of the EwE models
5 Conclusion
Chapitre III: An ecosystem approach of MRE: The potential effects of Offshore Wind Farms on ecosystem structure and functioning
1 Introduction
2 Material and methods
2.1 Study area
2.2 Courseulles-sur-Mer OWF
2.3 The pre-existing Ecopath model
2.4 Time dynamic simulations: the “reef effect” and “reserve effect” due to the OWF implantation
2.5 Linking ecosystem health with two types of OSPAR indicators
2.5.1 Traditional Indicator (The Mean Trophic Level)
2.5.2 Candidate Indicators (the Ecological Network Analysis indices)
2.6 Statistical analysis on the ENA indices
3 Results
3.1 Biomass profiles
3.2 MTL comparisons between the four situations
3.3 ENA indices and ecosystem attributes comparisons between situations
4 Discussion
4.1 Methodological issues
4.2 The MTL a good indicator to asses changes in trophic webs
4.3 Ecosystem maturity and resilience: interpreting ratios and ENA patterns
5 Conclusion
Chapitre IV: Assessing cumulative ecological and socio-ecological impacts of OWF development in the Bay of Seine (English Channel)
1 Introduction
2 Materials and methods
2.1 Study area
2.2 Courseulles-sur-Mer OWF
2.3 Qualitative modelling
2.3.1 Qualitative Courseulles-sur-mer OWF model
2.3.2 Alternative models
2.3.3 Assessment of model stability
2.3.4 Assessment of perturbation response and Bayesian Networks
2.3.5 Comparability of the quantitative and qualitative core models
3 Results
3.1 Assessment of model stability
3.2 Comparison of qualitative and quantitative model predictions
3.3 Pertubation response
4 Discussion
4.1 Qualitative model: A newtool to study cumulative impacts
4.2 From trophic web models to management policy
Chapitre V : Discussion et perspectives
1 Innovations et limites des approches utilisées
1.1 Une thèse innovante
1.2 Limites des approches utilisées et perspectives
1.2.1 Limites du modèle Ecopath
1.2.2 Limites liées aux simulations
1.2.3 Perspectives liées aux modèles quantitatifs
1.2.4 Limites du modèle qualitatif et perspectives
2 Les modèles trophiques et les isotopes stables : deux outils pour analyser les réseaux trophiques
2.1 Introduction
2.2 Validation de la structure trophique du site d’implantation du parc éolien au large de Courseulles-sur-mer : comparaisons des niveaux trophiques dérivés du modèle Ecopath avant la construction du parc avec ceux issus des analyses isotopiques
2.2.1 Introduction
2.2.2 Matériel et Méthodes
2.2.2.1 Calcul du niveau trophique avec Ecopath
2.2.2.2 Les analyses isotopiques
2.2.3 Résultats
2.2.4 Discussion
2.2.5 Conclusion
2.3 En route vers le LIM
3 Positionnement du fonctionnement de l’écosystème du site d’implantation du futur parc éolien dans son contexte régional
3.1 Comparaison de réseaux trophiques de même type d’habitat sédimentaire (comparaison intra-sables graveleux)
3.2 Comparaison de l’effet de stress de la construction d’un parc éolien sur le fonctionnement d’un écosystème par rapport à d’autres activités anthropiques (comparaison inter-stress)
3.2.1 Présentation des modèles utilisés pour la comparaison
3.2.2 Comparaisons des indices de l’analyse des réseaux trophiques
3.3 Les ENA comme nouveaux indicateurs de santé ?
4 And so what ? Effet de la construction du parc éolien sur les services écosystémiques et le bien-être humain
4.1 Identifications des services écosystémiques qui pourraient être altérés par la construction du parc
4.2 Liens entre les services écosystémiques et le bien-être humain
4.3 Conclusion
5 Protocoles de suivis
5.1 Protocole de suivi des substrats meubles à l’échelle du parc
5.1.1 Localisation
5.1.2 Engins de prélèvement utilisés
5.1.3 Périodicité
5.2 Protocole de suivi des substrats meubles à l’échelle de l’éolienne
5.2.1 Localisation
5.2.2 Engins de prélèvement utilisés
5.3.2 Périodicité
5.3 Propositions de suivi de l’effet récif (communautés benthiques des substrats durs)
5.3.1 Localisation
5.3.2 Engins de prélèvement utilisés
5.3.3 Périodicité
5.4 Proposition de suivis des communautés suprabenthiques
5.4.1 Localisation
5.4.2 Engins de prélèvement utilisés
5.4.3 Périodicité
5.5 Approche écosystémique : coordination avec les autres compartiments
5.5.1 Faune pélagique et ressources halieutiques
5.5.2 Mammifères marins
5.6 Lien entre substrats meubles et substrats durs : ENA et ratios comme indicateur de changement
5.7 Les EMR sont –elles un cumul d’activité en mer ?
6 Vers une analyse du cumul d’impacts
Bibliographie
Annexes

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