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Approches qui visent à décrire le contexte topographique
Ces recherches proposent des restitutions d’architectures passées souvent dévastées. La restitution est effectuée à partir des formes relevées par acquisition laser et/ou photogrammétrique (Cariou 2005; Lecocq 2003; Sideris & Roussou 2002.
Losier et al. 2007), soit à partir de documents anciens (Stojakovic & Tepavcevic 2009). Ces travaux visent à élaborer des simulations topographiques des modèles théoriques d’édifices dans le but d’approfondir la recherche scientifique. Pour faire cela, (Cariou 2005) par exemple propose des maquettes neutres des temples du forum romain (à la période du IIIe-IVe siècle) parfaitement intégrés dans le cadre urbain. Les vestiges in situ sont donc différenciés grâce à l’application de textures par rapport aux restitutions hypothétiques. La confrontation du modèle informatique à la topographie du lieu permet d’arriver à des constats intéressants sur les dimensions supposées des
éléments architecturaux : la visualisation d’une ou plusieurs interprétations permet de vérifier la justesse des restitutions ou des propositions hypothétiques qui sont effectuées sur la base des interprétations sur les éléments existants et par analogie avec d’autres artefacts.
Approches qui visent à représenter les évolutions
Par rapport aux systèmes décrits auparavant, d’autres travaux sont axés sur la représentation de plusieurs états historiques. La nécessité de visualiser les divers états historiques ouvre des perspectives de recherches très variées. D’une part, certaines approches (Spallone 2005; Bernard 2007) visent à mettre en évidence les évolutions des sites. L’évolution historique de l’église de San Pietro, (Asti), est identifiée en 5 étapes historiques qui se sont déroulées entre le XIIe et le XXe siècle. Les transformations morphologiques subies sont signalées par des codes de couleurs qui soulignent les apports (les modifications) à chaque étape. Même si ce genre de restitutions permet des questionnements sur la démolition et la reconstruction de certaines parties de la morphologie, il ne permet pas une véritable comparaison des évolutions.
D’autres systèmes permettent d’afficher les évolutions et de formuler des requêtes pour isoler les différentes restitutions géométriques des époques historiques qui sont contenues dans une base de données (Carrozzino et al. 2009; SanJosé-Alonso et al. 2009; Hetherington et al. 2006; Sabry F. El-Hakim et al. 2008). Vergauwen intègre aux scénarios concernant les états historiques des photos aériennes (Vergauwen et al. 2004). De telles animations sont partiellement interactives au fil du temps. Les photos actuelles du paysage urbain sont enregistrées en même temps que les reconstructions virtuelles du même paysage au fil du temps. Cette technique permet de montrer l’évolution temporelle des édifices historiques géo référencés selon différents angles de vues. Toutefois, l’interaction est possible seulement avec les rendus et non à travers le modèle 3D, qui n’est pas structuré (Figure 9).
Le travail de (Schindler et al. 2007) part d’un principe opposé à celui que nous venons de décrire. L’auteur décrit une méthode pour ordonner chronologiquement une collection de photos historiques de la ville d’Atlanta éparpillées sur une centaine d’années. Cette méthode se base sur l’analyse des édifices visibles sur chaque photo. L’ordre d’apparition des photos est formulé comme un problème de satisfaction siècle jusqu’au 1930, (Spallone 2005). de contraintes (CSP3). Cette méthode permet de définir l’ordre chronologique des images malgré la présence d’occlusions sur certaines images. Le modèle 3D qui varie dans le temps à partir des images est créé automatiquement, en s’appuyant sur la technique de segmentation suivante. Les correspondances calibrées des photos sont insérées dans une matrice de visibilité : d’abord ses colonnes sont ordonnées pour déterminer l’ordre temporel, ensuite ses lignes sont réorganisées pour regrouper les points ayant les mêmes dates d’apparition et de disparition. Enfin, les enveloppes convexes de ces points sont calculées et la géométrie résultant est texturée automatiquement pour visualiser toute la scène. Les textures sont calculées en faisant premièrement la projection des triangles de la géométrie dans chaque image et deuxièmement la déformation de la région de l’image correspondante à la géométrie 3D.
Analyse critique des expériences présentées
Il semble qu’il n’y ait pas de raison logique qui conduirait à considérer que l’on ne peut pas représenter le passé. En réalité actuellement quatre facteurs nous empêchent de décrire correctement le passé en patrimoine historique :
· La discrétisation du passé. En infographie la description du passé manque de continuité : les évolutions historiques sont déléguées à de simples représentations d’états figés (si connus) ayant une durée limitée par rapport à la réelle évolution historique d’un site.
· Indépendance des événements. Les restitutions historiques ont tendance à montrer des édifices ayant un cycle de vie très élémentaire : par exemple un édifice est créé, ensuite une partie est rajoutée, et en l’occurrence il est détruit. La relation cause – effet entre divers événements et le cycle de vie du bâtiment ne sont pas pris en compte. A part la création et la démolition, les autres types de transformations que les édifices peuvent subir (union, division, variation, reconstruction, amplification, réaffectation, enterrement, déplacement), ni les causes conditionnant un changement du bâti ne sont considérées. Les restitutions se limitent à donner des informations brutes concernant l’époque de construction et les éléments techniques présents, sans pouvoir réellement expliquer les causes qui ont produit un changement, ni leur durée. De plus, les diverses étapes ne peuvent pas être comparées entre elles.
· Incohérence des restitutions. Certaines approches décrites auparavant mettent en évidence une faille fondamentale de l’infographie actuelle. Ces approches se basent sur une représentation de l’état passé conçu comme simple opportunité de visualiser et comprendre un espace autrement impossible à maîtriser et imaginer avec profusion de détails. Les restitutions sont donc rendues avec un niveau de détails élevé, même si on ne peut pas connaître avec certitude l’ancien aspect du site. Les rendus des sites anciens deviennent séducteurs (Kensek et al. 2004) et risquent de fausser la connaissance de l’objet car le public est amené à croire que le site avait vraiment cette apparence visuelle. Dans ce sens, la restitution est conçue comme « idée de rendu », selon la notion de (Golvin 2003). Au contraire, d’autres restitutions abstraites représentent les états historiques à l’aide de codes de couleurs qui mettent en évidence les parties rajoutées. Toutefois, la maquette 3D pourrait représenter bien plus que les édifices modifiés de chaque étape : elle pourrait être un outil pour décomposer, comprendre, structurer, analyser et comparer le processus de construction du bâti.
Les transformations du patrimoine historique
Le patrimoine historique, par sa nature, est composé d’édifices, monuments, statues et décors (plus génériquement appelés artefacts) qui n’ont en général pas une forme constante dans le temps. Dans la plupart des cas ils subissent des nombreuses transformations, d’une de leurs parties ou de l’ensemble. Si on assume que le patrimoine historique par sa nature n’est pas uniforme dans le temps, il faut donc différencier les deux phases qui décrivent la vie d’un artefact : la phase de transition (changement) et celle de persistance (invariabilité).
· La phase de transition d’un artefact désigne une succession de modifications physiques de l’objet historique. Le processus de variation peut avoir diverses causes (d’origine naturelle ou humaine). Par exemple, une guerre ou un tremblement de terre peuvent être à l’origine d’une destruction d’un complexe d’édifices.
· La phase de persistance d’un artefact est un arc temporel pendant lequel l’artefact ne subie pas de transformation, et il reste donc invariable.
De toute évidence, ces deux notions sont strictement liées à celle de durée de vie des artefacts. En effet le cycle de vie d’un artefact est composé d’une succession d’états de transition et de persistance. Un cycle de vie démarre toujours avec un état de transition (qui désigne la création de l’artefact), ensuite il peut être constitué de l’alternance de plusieurs phases de transition et de persistance, et enfin, s’il n’est pas Figure 12. a) L. Da Vinci. Etude de proportions sur le corps humain ; b) Symétrie dans la géométrie des mosaïques murales de l’Alhambra, Grenade, Espagne ; c) Villa Capra dite la Rotonda, Vicenza, Italie. terminé, il peut représenter l’état courant par une transformation en cours ainsi que par un état d’invariabilité.
De façon générale, la relation cause-effet domine le processus de transformation des bâtiments (Leyton 1992). Premièrement, les transformations des édifices sont dominées par des causes variées, qui peuvent avoir une origine naturelle (cataclysmes naturels tels qu’un incendie, des vents forts ou un tremblement de terre) ou qui peuvent dériver des actions humaines (une modification apportée sur l’artefact par volonté du propriétaire, un changement de propriété, une guerre, l’abandon d’un édifice). Deuxièmement, les causes ne sont pas toujours connues. Parfois l’action qui a déterminé un changement n’est plus observable, et on connaît seulement ses effets ; d’autres fois les actions qui ont causé une transformation sont connues et quelque fois leurs traces sont lisibles sur les bâtiments. En tout cas, alors qu’un événement est toujours en cours, sa durée ne peut être évaluée. Troisièmement, l’effet (l’état de persistance d’un artefact) est la trace d’un processus de transformation (Dudek & J.-Y. Blaise 2008). A titre d’exemple, suite à un tremblement de terre, l’action n’est plus observable, mais sa trace, la démolition partielle ou entière des édifices ou leur dégradation, est observable. Le cycle de vie d’un édifice peut donc être affecté par différents types de transformations qui seront définis ci-après.
La durée des transformations
Les facteurs qui contribuent à une transformation peuvent causer des variations graduelles et lentes, ou encore des modifications soudaines. Les changements concernant un édifice peuvent avoir différentes granularités7 temporelles : ses transformations peuvent donc être soudaines ou graduelles. Le changement de propriété est un événement soudain, matérialisé par un acte de vente ; en revanche d’autres changements progressifs existent : à titre d’exemple la démolition d’un
bâtiment est un événement presque instantané (normalement elle occupe quelques journées) ; en revanche, la construction d’une cathédrale gothique est un événement plutôt long (si on imagine que le chantier de construction durait quelque siècle).
Encore, la dégradation d’un bâtiment peut prendre des siècles ou des milliers d’années. On s’aperçoit que la modélisation spatio-temporelle doit représenter des transitions à la fois graduelles et aussi instantanées.
Etat de l’art des modèles existants pour la représentation des transformations
La notion temporelle était toujours considérée comme imprécise et presque inutile. Les premières approches utilisaient le temps seulement comme attribut pour indexer des faits précis. Ce n’est que depuis 15 ans que la formalisation des changements (de faits et situations) entre deux états temporels successifs a commencé à être développée. Les premières réponses à la problématique du changement spatio-temporel proviennent du domaine du SIG (Système d’Information Géographique). La recherche dans ce domaine a commencé depuis environ 30 ans quand s’est manifestée la nécessité de structurer des relations entre les notions d’espace et de temps. Le traitement des données géographiques a fourni les premières occasions pour gérer des données spatiales. Les SIG sont devenus des outils de gestion, de diagnostic, de négociation et d’aide à la décision concernant le développement du territoire. Actuellement, les approches de modélisation visent à résoudre les problématiques liées aux changements dans le monde réel au travers des développements informatiques incluant des bases de données dynamiques. Par conséquent, les concepts autour desquels le processus de modélisation doit être décrit sont la notion d’espace, de temps, d’évolution, de continuité, de discrétisation du changement, et enfin de dynamique du changement (pour des notions plus détaillées, consulter l’Annexe B). Tout au long de l’histoire des ordinateurs et du développement des systèmes informatiques, une abondance de langages de modélisation conceptuelle sont apparus, comme par exemple les diagrammes entités-relations et diagrammes de flux des données. Chaque modèle est plus ou moins adapté à certaines utilisations et il peut révéler des qualités et des défauts par rapport à l’optimisation de la requête et aux résultats obtenus. (Krogstie & Sølvberg 1996) divisent les langages de modélisation différents points de vue :
Le point de vue structural. Cette perspective se base sur la notion de données et de modèle. Ses principales composantes sont les entités, les relations, les attributs et les contraintes sur les relations.
Le point de vue fonctionnel. Cette perspective se concentre sur les processus plutôt que sur les données. Les diagrammes de flux de données sont le langage conceptuel le plus connu.
Le point de vue du comportement. Ces modèles décrivent comment les objets changent au fil du temps à travers la notion d’états et transitions. Leur désavantage est que les systèmes trop grands et complexes deviennent rapidement ingérables.
Le point de vue basée sur les contraints. Leur principale application sont les systèmes de connaissance et intelligence artificielle. Ces systèmes expriment des contraintes sur les autres modèles (tel que celui structurel ou fonctionnel).
Le point de vue orienté objet. Cette perspective s’est développée pour soutenir les langages de programmation orientés objet comme Smalltalk, C++ et Eiffel.
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Table des matières
1. INTRODUCTION
1.1. CONTEXTE
1.2. OBJECTIF
1.3. PORTÉE, LIMITES, APPORTS PRINCIPAUX
1.4. TERRAIN D’EXPÉRIMENTATION
1.5. STRUCTURE DU DOCUMENT
2. RESTITUTION DES ÉTATS PASSÉS
2.1. PROBLÉMATIQUE
2.1.1. La collecte iconographique
2.1.2. La fiabilité des sources
2.1.3. L’interprétation des sources
2.2. ETAT DE L’ART DES APPROCHES POUR LA REPRÉSENTATION DES ÉTATS PASSÉS
2.2.1. Approches qui visent à représenter l’apparence visuelle des états
2.2.2. Approches qui visent à décrire le contexte topographique
2.2.3. Approches qui visent à décrire la morphologie
2.2.4. Approches qui visent à représenter les évolutions
2.2.5. Approches qui visent à représenter les incertitudes
2.2.6. Analyse critique des expériences présentées
2.3. CONCLUSIONS
3. REPRÉSENTATION DES TRANSFORMATIONS
3.1. PROBLÉMATIQUE
3.1.1. La perception d’un seul état
3.1.2. Les transformations du patrimoine historique
3.1.2.1. Les types de transformations
3.1.2.2. La durée des transformations
3.1.3. Modélisation spatio-temporelle d’édifices patrimoniaux
3.2. ETAT DE L’ART DES MODÈLES EXISTANTS POUR LA REPRÉSENTATION DES TRANSFORMATIONS
3.2.1. Modèles visant à représenter les objets
3.2.2. Modèles visant à représenter les changements
3.2.3. Modèles visant à représenter le mouvement
3.2.4. Modèles visant à décrire des échelles multiples de représentation
3.2.5. Modèles visant à représenter le processus
3.2.6. Analyse critique des modèles de conception
3.3. CONCLUSIONS
4. ARCHITECTURE GLOBALE DE L’APPROCHE PROPOSÉE
4.1. PRÉOCCUPATIONS RETENUES
4.2. APPROCHE MÉTHODOLOGIQUE
4.2.1. Le modèle pour la description temporelle
4.2.1.1. Le système de notation
4.2.1.2. Modélisation des états et des évolutions
4.2.1.3. Les résolutions
4.2.2. Le modèle de structuration spatiale
4.2.2.1. La description sémantique
4.2.2.2. Organisation morphologique en fonction du temps
4.2.2.3. Granularité spatiale
4.3. DÉMARCHE GLOBALE
4.4. ENVIRONNEMENT DE PROGRAMMATION
4.4.1.1. Le langage Mel
4.5. CONCLUSIONS
5. APPROCHE DE RECONSTRUCTION 3D DES ÉTATS ET OUTIL ASSOCIÉ
5.1. RECONSTRUCTION 3D DES ÉTATS
5.1.1. Référencement spatial des sources
5.1.2. Modélisation géométrique 3D de chaque état
5.1.3. Restitution de l’apparence visuelle
5.1.4. Comparaison des moyens de restitution
5.2. STRUCTURATION SPATIO-TEMPORELLE
5.2.1. Outils de structuration
5.2.2. Création de groupes et entités
5.3. QUALIFICATION DES ENTITÉS
5.3.1. Référencement temporel de la source iconographique
5.3.2. Référencement temporel des entités : les attributs temporels et de relation.
5.3.2.1. Attributs temporels
5.3.2.2. Attributs de relation
5.3.2.3. Visualisation des états d’existence
5.3.3. Qualification de l’incertitude
5.3.4. Archivage des attributs et des représentations
5.3.4.1. L’exploitation de la maquette évolutive
5.4. CONCLUSIONS
6. APPROCHE DE VISUALISATION ET DE CONSULTATION DES ÉVOLUTIONS ET OUTIL ASSOCIÉ
6.1. ETAT DE L’ART DES SYSTÈMES DE VISUALISATION D’INFORMATIONS TEMPORELLES
6.1.1. Systèmes linéaires de représentation
6.1.2. Systèmes bidimensionnels de représentation
6.1.3. Systèmes tridimensionnels de représentation
6.1.4. Systèmes hybrides de représentation
6.1.5. Analyse critique des systèmes
6.2. STRUCTURATION D’INFORMATIONS TEMPORELLES
6.2.1. Architecture du système
6.2.2. Environnement de développement
6.2.3. La scène 3D
6.2.4. L’interface des graphes historiques
6.2.5. La base de données
6.2.6. Dialogue entre les parties du système
6.3. OUTILS DE SÉLECTION ET MANIPULATION DES TRANSFORMATIONS
6.3.1. La formulation de requêtes temporelles
6.3.2. Visualisation des états historiques
6.3.3. La visualisation des évolutions
6.3.4. Interaction entre les graphes et la géométrie
6.3.5. Modification des résolutions des évolutions
6.4. OUTILS DE CONSULTATION ET MANIPULATION EN FONCTION DES CRITÈRES TEMPORELS
6.4.1. Visualisation des états temporels
6.4.2. Visualisation et manipulation des hypothèses
6.4.3. Visualisation des incertitudes spatiales
6.4.4. Visualisation des incertitudes temporelles
7. CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES
7.1. LIMITES
7.1.1. Granularité spatiale de la structuration
7.1.2. Modélisation des évolutions
7.1.3. Sauvegarde de l’historique des évolutions
7.1.4. Topologie et granularité temporelle
7.1.5. Exploitation de l’historique des évolutions
7.2. PERSPECTIVES DE RECHERCHE
7.2.1. Mise en relation des représentations passées avec l’iconographie
7.2.2. Spatialisation de l’incertitude
7.2.3. Résolutions multiples en fonction des sources
7.2.4. Graphes historiques tridimensionnels
7.2.5. Domaines d’application
7.3. RÉFLEXIONS CONCLUSIVES
BIBLIOGRAPHIE
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