La négociation bilatérale
Le but de Pigou et de Coase sont les mêmes mais leur approche est différente ; l’objectif c’est tout simplement de parvenir à l’internalisation des externalités. Contrairement à l’instauration directe d’une taxe, Coase propose la négociation bilatérale entre l’émetteur des effets externes et la victime. Trouver un compromis ou un accord entre les deux parties sans l’intervention de l’Etat est la solution la plus efficace pour Coase. La négociation bilatérale peut se faire de deux manières : Soit par l’indemnisation de la victime par l’émetteur. La victime reçoit donc une compensation. Cette dernière permet au producteur de poursuivre normalement son activité. Le principe de pollueur payeur est inspiré de cette approche. A titre d’exemple, si une entreprise utilise du charbon de mauvaise qualité pour produire de l’électricité, c’est sûrqu’elle contribue à la dégradation de la qualité de l’air. Donc, c’est à elle de payer le coût de la pollution vers les victimes. Soit la subvention de l’émetteur par la victime. Dans ce cas, la victime verse une compensation à l’émetteur afin que celui-ci réduise son activité. Le principe appliqué ici donc est le principe de non-pollueur payeur. La négociation bilatérale peut se comprendre comme étant tout simplement une négociation libre. L’objectif est d’aboutir à un accord entre parties concernées au lieu de laisser l’Etat intervenir. L’intervention de l’Etat peut être long et demande la mobilisation d’énorme ressources. Dans cette démarche de négociation libre, il est plus facile de trouver un terrain d’entente. Grâce à la négociation libre chacun peut trouver son compte, elle est une solution plus efficace et plus équitable. Contrairement à la taxe pigouvienne qui peut pénaliser les deux parties en même temps. La négociation bilatérale constitue pourtant une condition nécessaire mais pas suffisante dans la réduction des externalités. Pour Coase (1960), cette négociation ne peut se faire sans la définition des droits de propriété. Il insiste sur l’importance de ces droits de propriété si l’on veut atteindre une situation optimale. Dans l’approche coasienne, les externalités sont le résultat d’une défaillance du marché. Le coût des externalités n’est pas contrôlé par le marché et entraîne par conséquent des déséquilibres du prix. Il est impératif de noter que ce dernier constitue un signal pour le marché. L’inexistence d’un marché réel et l’instabilité des prix conduisent à une mauvaise allocation des ressources. Ces externalités peuvent donc être réglées si et seulement si les droits de propriété sont clairement définis.
Les services environnementaux
Les services environnementaux font partie intégrante des services écosystémiques. Ils sont la catégorie des services écosystémiques caractérisés par des externalités. D’après Aznar (2002), « Le service environnemental est comme un produit du capital naturel, les sociétés humaines puisent dans ce stock de capital naturel pour assurer leur reproduction » (Aznar, 2002, p 33). La définition de la FAO (2007) sur les services environnementaux est la suivante : « le sous-ensemble des services écosystémiques caractérisés par des externalités est désignés sous le nom de services environnementaux » (FAO, 2007, p 07). Les services environnementaux procurent un bien-être pour l’homme, et renforcent la sécurité de sa vie. La préservation de ces services environnementaux apporte des bienfaits non seulement pour l’écosystème mais aussi pour l’économie et la société. Selon Wunder (2005), il existe quatre grands types de services environnementaux :
– Primo le service de séquestration de carbone,
– Secundo le service de protection de la biodiversité,
– Tertio le service hydrologique,
– Quarto le service lié à la beauté du paysage.
Mais pour Aznar (2002), il y a encore quatre critères pour définir un service environnemental :
– Tout d’abord, le bien support, c’est-à-dire la base sur laquelle en produit le service environnemental.
– Ensuite, l’acte technique qui peut modifier le bien support. Après, le service doit être un acte volontaire ou intentionnel.
– Enfin, le service doit viser la collectivité car c’est un bien public.
Cette étude sur la notion des services écosystémiques aux services environnementaux va nous permettre d’étudier ce que sont les paiements pour services environnementaux (PSE).
Etat des lieux des PSE
La Convention sur la diversité biologique (CDB) et la Convention cadre des nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) signées en 1992 ont facilité l’essor initial et la propagation du PSE. Les grandes lignes du CDB sont axées sur la politique de conservation et la gestion durable de la biodiversité, et accordent une place importante aux outils de valorisation économique de cette dernière. La CCNUCC a pour objectif de réduire les émissions de gaz à effet de serre, notamment en favorisant la séquestration de carbone, par exemple en luttant contre la déforestation et en reboisant. Il est donc important de souligner l’influence jouée par la politique internationale dans le développement des PSE. Faute d’incitations directes en matière de conservation, le PSE est promu et légitimé pour améliorer la participation. Les bailleurs de fonds adhèrent à ce dispositif car il permet de diminuer les charges de l’Etat et donne plus de place au secteur privé. Pourtant les PSE ne sont pas le premier dispositif incitatif mis en œuvre. Des projets de conservation et de développement intégré (PCDI) avaient débuté en 1980. Les PCDI7 tentaient de concilier développement économique de la communauté et conservation. Le but consistait entre autres à développer les sources alternatives de subsistance en vue de réduire les pressions subies par les aires protégées au nom de la subsistance. Toutefois, au début des années 2000 des critiques ont été lancées à l’encontre de ce modèle d’action, perçu parfois comme une « conservation par diversion » peu efficace. Face à l’accumulation des échecs, l’approche PSE est de plus en plus sollicitée, en tant que dispositif incitatif plus direct et plus participatif. Le PSE est considéré comme un nouveau modèle de conservation qui est plus basé sur des arrangements, des formes de compensation face au renoncement à des pratiques habituelles. Ce système donne une place importante à la négociation entre les acteurs. La démarche dans la mise en place d’un PSE est plus inclusive et permet à la population locale d’avoir un plus grand pouvoir de décision. Les dispositifs de PSE mis en œuvre ne suivent pas toujours normalement tout ce qui est inscrit dans la théorie ou dans les définitions normatives énoncées plus haut. Il existe dans la réalité des PSE non volontaires, ce qui est opposé à la définition de Wunder (2005). La Costa Rica, le Brésil, et le Mexique sont les trois premiers pays ayant mis en œuvre un PSE à l’échelle nationale. Ce dernier est même inclut dans le programme de développement national pour le Costa Rica. En Amérique latine et en Asie, ce dispositif connaît un développement significatif, contrairement à l’Afrique. La situation de cette dernière s’explique en partie par un problème d’organisation, insuffisance de ressources financières dans la mise en œuvre d’une politique publique, et enfin des problèmes dans le domaine foncier avec le faible développement de la propriété privée. Ces obstacles constituent un frein à l’élaboration d’un contrat de PSE sur une vaste échelle. Dans un pays comme les Etats Unis, des systèmes d’achat de crédits pour la compensation de la dégradation de la biodiversité sont déjà fortement développés. L’objectif est aussi d’échanger des crédits sur le marché financier entre les acteurs. Cette politique est également appliquée en Australie. Le PSE de type séquestration de carbone est toujours en première place avec un taux de 27%, ensuite le PSE concernant la préservation de la biodiversité occupe 25% du marché, 21% se concentre sur le PSE protection des bassins versants, 17% pour la beauté du paysage, et enfin 10% combine plusieurs types de services (Landell-Mills et Porras, 2002).
Les différents modes de gestion des bassins versants
Les caractéristiques du bassin et des usages sont un premier paramètre. Cette réalité biophysique (fonctionnement hydrologique, usages) va déterminer les arrangements possibles et le mode de gestion souhaitable du BV. Le choix du PSE à appliquer est conditionné par le contexte institutionnel, et notamment des autres institutions existantes sur le bassin : en effet, le PSE n’arrive pas sur une « feuille blanche » et ne vise pas à se substituer aux règles préexistantes mais à les conforter ou s’articuler harmonieusement avec elles. Si les institutions sont faibles des difficultés peuvent apparaître. Trois modes de gestion sont les plus courants pour les bassins versants. Premièrement, le « système de base commune ». Selon la FAO11 (2007), la gestion dans ce cas-là est le fruit soit des arrangements contractuels et volontaires directs passés au sein de la communauté locale, ou des arrangements des parties prenantes concernées grâce à la présence d’un intermédiaire. Ce premier schéma de gestion nécessite la mise en place d’un mécanisme de financement assurant la distribution des fonds aux fournisseurs de service et une structure de gouvernance entre les parties prenantes pour faciliter la gestion des coûts de transactions. Une fois les arrangements établis, le contrat peut être finalisé. Deuxièmement, il existe un mode de gestion des BV de type contrat volontaire. Il s’agit de mener une négociation directe entre les fournisseurs et les bénéficiaires du service. L’entente directe entre les acteurs doit tenir compte des conditions existantes dans le milieu pour pouvoir aboutir à des arrangements. Dans ce processus de négociation l’Etat est appelé à jouer un rôle de facilitateur. Les arrangements définiront le rôle et le pouvoir des parties prenantes, la manière dont les parties auront accès à l’information, et la gestion des externalités négatives. Contrairement au système de base commune, le passage par un intermédiaire n’est donc pas obligatoire pour un contrat volontaire. Enfin, un mode de gestion à travers un programme public est aussi réalisable. Comme l’eau est un bien public, la protection des BV fait partie des rôles de l’Etat. La contractualisation se fait donc entre l’Etat et un opérateur privé. La création de ressources comme les redevances et les taxes revient ainsi à l’Etat. Ce dernier fixe les règles à respecter, et il devient l’intermédiaire entre les acteurs en amont et en aval pour la négociation des compensations ou des activités à financer. D’après Robinson et Venema (2006), la gestion d’un grand BV devrait être soutenue par une politique publique. Pour Rojas et Alward (2002), la gestion d’un petit BV doit se faire par un contrat volontaire et elle ne nécessite pas d’intermédiaires ne produisant, ni ne bénéficiant de service environnemental. Dans le cas d’un petit BV, le contrat volontaire avec un minimum d’acteurs reste le plus efficace.
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
PARTIE I : REVUE DE LITTERATURE SUR LA NOTION DE PSE
Chapitre 1-Revue théorique sur les fondements du PSE
Section 1 La théorie de Pigou sur les externalités et le rôle régulateur de l’Etat
Section 2 L’approche coasienne par la négociation
Chapitre 2-Analyse de l’évolution de la perception du PSE
Section 1 Du concept de services écosystémiques à la notion de PSE
Section 2 Etat des lieux et critères d’évaluation des PSE
PARTIE II : ANALYSE DE LA MISE EN ŒUVRE D’UN PSE POUR LA PROTECTION D’UN BASSIN VERSANT
Chapitre 1-Analyse du processus de montage d’un PSE
Section 1 Démarche à suivre pour la mise en place d’un PSE pour un bassin versant
Section 2 Analyse du processus de construction du dispositif de PSE à Tolongoina
Chapitre 2 – Analyse du système de PSE pour un bassin versant à Madagascar : cas de la Commune de Tolongoina
Section 1 Les arrangements ayant conduit à la signature du contrat PSE
Section 2 Analyse du dispositif de PSE mis en place à Tolongoina
CONCLUSION GENERALE
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXES
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