L’augmentation des gaz à effets de serre induit un réchauffement climatique, dont la communauté scientifique cherche à identifier et quantifier les impacts sur les fonctionnements des différents réservoirs du système terre (atmosphère, océan-glace et continents). Ces études s’appuient sur des observations passées mais aussi sur la compréhension qualitative et la quantification des flux actuels qui gèrent les cycles des éléments dans les systèmes naturels. L’océan représente 71% de la surface de la Terre et joue un rôle essentiel dans l’équilibre du climat, en régulant les échanges entre l’atmosphère et l’océan et en pompant annuellement, environ 36% du CO2 atmosphérique. Les échanges de CO2 entre l’atmosphère et l’océan et le transport du C dans l’océan sont principalement régulés par deux « pompes » : thermodynamique et biologique. Dans l’océan, la matière est ainsi présente sous deux formes :
– la forme dissoute avec par exemple, le carbone inorganique et organique dissous (DIC et DOC): dans les eaux de surface, le CO2 (DIC) est consommé lors de la photosynthèse (via la pompe biologique) et de la matière organique est produite (entre 0-100 m de profondeur). Cette dernière est ensuite re-minéralisée en DIC par les organismes marins dans les 500 premiers mètres de la colonne d’eau (respiration, dégradation bactérienne) et ce C peut alors être retourné à l’atmosphère à une échelle de temps assez faible (de l’ordre de quelques mois ou années) par upwelling ou mélange, via la pompe thermodynamique. Une partie du C dissous peut être aussi transporté à de plus grandes profondeurs par subduction ou mélange convectif des eaux de surface.
– la forme particulaire – avec le carbone organique particulaire ou POC produit lors de la photosynthèse (pompe biologique) – représente 80% du C exporté vers le fond des océans. Le transport vertical de la matière organique et le stockage du C dans les sédiments sont donc essentiellement effectués par les particules. Le CO2 est par la suite réinjecté dans les continents, au niveau des zones de subduction, à une échelle plus lente de l’ordre des centaines et milliers d’années.
Ainsi, la pompe biologique joue un rôle essentiel dans le cycle du carbone et si par exemple, l’océan devenait totalement abiotique, la concentration du CO2 atmosphérique augmenterait brutalement et serait de 500 à 1000 ppm contrairement au 360 ppm observés de nos jours. Une fois exportée en dessous de 1000 m de profondeur, la matière ne subit plus ou moins significativement les effets de la pompe biologique et les particules transportant le C sédimentent alors plus ou moins lentement dans la colonne d’eau. Il apparaît donc nécessaire d’étudier les particules marines dans la colonne d’eau puisqu’elles contribuent à l’export de la matière de la surface vers le fond des océans, permettant un stockage du C à plus long terme dans les sédiments. Au cours de leur chute ces particules interagissent avec la colonne d’eau de manière physique (advection, brassage océanique), biologique (dégradation bactérienne, agrégation) et chimique (adsorption/désorption, dissolution/précipitation). Par conséquent, il est difficile de tracer directement le cycle d’un élément tel que le C car il relève de l’ensemble de ces processus et nous n’observons donc que le bilan résultant. Dans la région de l’Océan Austral de tels processus sont observés à proximité des îles, comme aux îles Kerguelen, où des floraisons d’algues (bloom) se développent annuellement. Le plateau des Kerguelen constitue donc un laboratoire naturel idéal pour étudier les échanges et flux entre matière dissoute et particulaire et leurs liens avec d’autres processus biogéochimiques.
Rôle de l’Océan Austral dans les grands cycles géochimiques
L’Océan Austral, défini comme la région au Sud de 40°S, est connecté à 3 bassins océaniques : l’Atlantique, l’Indien et le Pacifique et permet donc les échanges entre ces océans. C’est une région très active dans la formation et la subduction des masses d’eaux, en particulier les masses d’eaux profondes, qui contribuent au stockage du CO2 d’origine anthropique. Le pompage actuel du carbone anthropique par l’océan est estimé d’après les observations, en moyenne sur une décennie, à 2.2±0.4 1015gCan-1 (4ième Rapport de l’IPCC, WG I, 16/06/07). L’Océan Austral est un acteur important de la régulation du CO2 émis dans l’atmosphère, puisque la région au Sud de 50°S représente environ 20 % du pompage océanique du CO2, réalisé principalement par le biais de la pompe biologique (Takahashi et al., 2002).
L’absorption du CO2 anthropogénique par l’océan (puits de CO2) s’effectue suivant deux types de « pompes » :
– La pompe physique ou thermodynamique, est définie comme l’échange de carbone entre l’atmosphère et l’océan sous l’effet des flux de chaleur, de l’advection et de la diffusion et de la circulation océanique. Ce transfert est principalement contrôlé par la circulation de surface générée par le vent et par la circulation profonde associée à la circulation thermohaline . Cette pompe agit essentiellement au niveau des hautes latitudes, où les températures de surface de l’océan sont basses, permettant une meilleure solubilité du CO2 (d’après la loi d’Henry) et la diminution de la pression partielle pCO2 dans l’eau de surface : le gradient de CO2 ainsi induit permet une pénétration du gaz de l’atmosphère vers l’océan. Les mouvements de convection permettent ensuite une pénétration en profondeur de ce gaz, puis l’entraînement par la circulation thermohaline permet le transport et la « séquestration » de ce C à l’état dissous et inorganique (DIC).
– La pompe biologique repose essentiellement sur la consommation du CO2 via l’activité photosynthétique dans la couche euphotique de l’océan (100-150 m), suivie de sa transformation en carbone organique sous forme de matière dissoute (DOC) ou particulaire (POC, dans les particules vivantes ou détritiques), comme pour d’autres éléments tels que l’azote et la silice . Ensuite, une partie du C est exportée vers des couches plus profondes via les particules, qui sont ensuite reminéralisées ou exportées vers les fonds océaniques, contribuant ainsi au stockage à plus long terme du C (de milliers d’années dans les fonds marins à des millions d’années si le C atteint les sédiments).
Bien que le stock de C associé à l’écosystème marin soit faible, environ 3x1015gC, le rôle de ce pompage biologique dans le cycle du C entre l’atmosphère et l’océan est important. Globalement, le phytoplancton marin est responsable pour plus d’un tiers de la production photosynthétique totale brute, soit environ 50 x1015gCan-1 (Carlson et al., 2001). Cependant, l’efficacité de la pompe biologique dépend de nombreux paramètres, comme par exemple 1) la lumière 2) la température 3) la profondeur de la couche mélangée 4) l’abondance d’autres éléments tels que les sels nutritifs (silicates, phosphates, nitrates), ou micronutritifs (Fe, Zn, Co, Cu…) qui sont nécessaires à la photosynthèse (Sedwick et al., 2002) et donc au piégeage du CO2. Dépendante de ces nombreux facteurs, l’efficacité de la pompe biologique varie fortement d’un point à l’autre de l’océan : quasi-nulle dans les centres des gyres, eaux fortement appauvries en sels nutritifs, elle est marquée par une forte saisonnalité dans l’Océan Austral, soumis à de fortes variations saisonnières. Par ailleurs, l’absence de fer dans les eaux de surface de cette région (Martin, 1990 avec « l’hypothèse de la limitation en fer », Boyd et al., 2002), ainsi que la profondeur importante de la Couche Mélangée Océanique (CMO), induit un déficit de production phytoplanctonique par rapport à l’abondance de sels nutritifs (Jickells et al., 2005) : on dit alors que la région est HNLC (High Nutrient Low Chlorophyll).
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Table des matières
Introduction générale
CHAPITRE I PARTIE 1
LE CONTEXTE : LE PROJET KEOPS
I. Rôle de l’Océan Austral dans les grands cycles géochimiques
II. La zone d’étude
II.1. Description du bloom des Kerguelen
II.2. Description générale de la circulation de l’Océan Austral et du plateau des
Kerguelen
II.3. Description biogéochimique
a) Le fer et Mn dissous (Blain et al., Sarthou et al., sous presse, Blain et al., 2007)
b) La production exportée (Savoye et al., sous presse, Blain et al., 2007)
c) Les nutritifs et la chlorophylle (Mosseri et al., sous presse)
d) La silice biogène (Mosseri et al., sous presse)
e) L’écosystème marin : phytoplancton, zooplancton (Armand et al., sous presse,
Sarthou et al., sous presse), bactéries (Obernosterer et al., sous presse)
f) Les traceurs géochimiques (Jacquet et al., sous presse, Savoye et al., sous presse, van Beek et al., sous presse, Zhang et al., sous presse)
CHAPITRE I PARTIE 2
LES TRACEURS GEOCHIMIQUES : 230Th ET 231Pa
I. Que sont-ils ?
II. Les modèles de scavenging
II.1. Le modèle irréversible
II.2. Les premières données de dissous : vers un modèle de scavenging réversible
II.3. Des variations dans le modèle de scavenging réversible
III. Le découplage 231Pa/230Th
IV. 230Th et 231Pa : Quels traceurs pour l’océan actuel ?
IV.1. Le 230Th
IV.2. Le 231Pa
V. Les autres applications, non abordées dans cette étude
VI. Le Thorium : 232Th
CHAPITRE II
PARTIE 1 METHODES ET ANALYSES
I. Echantillonnage
I.1. Echantillonnage à bord
I.2. Procédure d’échantillonnage de l’eau de mer
I.3. Procédure d’échantillonnage des particules
II. Protocole analytique du Th et Pa dissous et particulaires
II.1. Phase dissoute : traitement des co-précipités de Mn
II.2. Phase particulaire : traitement des filtres
a) Attaque partielle
b) Reprise
II.3. Les premières analyses du Th particulaire sur les aliquotes 20 %
II.4. Chromatographie : séparation des éléments
II.5. Rendements
a) Rendements de chimie
b) Rendements de coprécipitation
II.6. Calibration des spikes
a) Spike de 229Th
b) Spike de 233Pa
II.7. Influence de la désintégration du 233Pa
III. Mesures spectrométriques
III.1. Au MC-ICP-MS (Multi-Collection-Inductively Coupled Plasma- Mass
Spectrometer)
a) Pour la mesure du Th
b) Pour la mesure du Pa et de l’U
III.2. Au TIMS (Thermo-Ionisation Mass Spectrometer)
a) Analyses du Th au spectromètre de masse TIMS (Finnigan MAT 261)
b) Principe de la mesure du Th
IV. Traitement des données
IV.1. Pour le Thorium
IV.2. Pour le Protactinium
CHAPITRE II
PARTIE 2 PROTOCOLE DE SEPARATION CHROMATOGRAPHIQUE
I. Tracers used in marine and surface earth geochemistry
I.1. Uranium and Thorium decay series
I.2. Nd isotopes, radiogenic tracers
II. Review of the existing procedures
III. Proposed procedure
III.1. Co-precipitation and mineralization of the samples
a) co-precipitation
b) mineralizations
III.2. Parameters of the chemical extraction
a) Resin volume and column geometry
b) Acids and flow rates
III.3. Zoom on the different fractions
a) Ba proxy of Ra?
b) REE fraction
c) Pa fraction
d) Th and U fractions
III.4. Further purifications required
a) Ra purification
b) Nd purification
c) Pa purification
III.5. Blanks
IV. Confrontation to the real samples: suspended particle samples
V. Conclusion
CHAPITRE II
PARTIE 3 CORRECTION DE LA MESURE
I. Amélioration de la propagation des erreurs affectées à la mesure du Th et du Pa
I.1. Les blancs
I.2. Validation des données
a) Propagation des erreurs
b) Correction du fractionnement isotopique
c) Correction du tailing et de sensibilité en abondance
d) Correction du bleeding dans la fraction Pa
e) Duplicats des échantillons de Thorium
II. Reproductibilité des mesures spectrométriques
II.1. Entre TIMS et MC-ICP-MS
II.2. Entre MC-ICP-MS et ICP-MS
Conclusion générale
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