Envisager la mise en place d’un module pédagogique, abordant des thématiques culturelles et intégrant Internet comme principal support pour la pédagogie lors d’une formation en Français Langue Étrangère (désormais FLE), dans le but de contribuer, d’une part, à aider des apprenants de langue étrangère à comprendre ou s’approprier des éléments culturels de la culture cible, et, d’autre part, afin de pouvoir « provoquer » des occasions de créer des échanges voire des connivences avec les locuteurs de la langue cible est-il réalisable et justifié ? C’est dans cet esprit que nous avons proposé, dès 2003 (recherche de DEA), à des apprenants non francophones de l’École nationale des ponts et chaussées (École des Ponts ParisTech), dans le cadre d’un module de français en présentiel, des activités pédagogiques visant à explorer les potentialités d’Internet pour aborder des thématiques culturelles.
Une recherche à l’École nationale des ponts et chaussées (École des Ponts ParisTech)
Contexte institutionnel : qu’est-ce qu’une Grande École ?
Les Grandes Écoles sont de grands centres de recherche, en relation avec les universités, qui forment des ingénieurs, des enseignants et des chercheurs. Les étudiants ou élèves sont triés sur le volet et reçoivent une formation intellectuelle d’élite (littéraire et scientifique). C’est un enseignement ouvert, passeport pour de nombreuses carrières. Le recrutement se fait sur concours, après deux ans de classes préparatoires littéraires, scientifiques ou économiques, accès d’autant plus sélectif que les promotions sont peu nombreuses.
L’École nationale des ponts et chaussées (École des Ponts ParisTech)
L’École nationale des ponts et chaussés (École des Ponts ParisTech) forme des ingénieurs (niveau Bac + 5, grade de master) dans des domaines variés (génie civil, environnemental ou mécanique) allant des mathématiques appliquées à l’économie en passant par le génie industriel. Les grandes Écoles parlent d’élèves plutôt que d’étudiants. On est donc « élève » de l’École nationale des ponts et chaussées. L’École est un établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel, placé sous la tutelle du Ministère de l’Écologie, de l’Énergie, du Développement Durable et de la Mer. Elle est administrée par un conseil d’administration composé de 24 membres dont six sont des représentants de l’État.
L’École des Ponts ParisTech est située à Champs-sur-Marne où elle est entourée de plusieurs établissements d’enseignement supérieur et de recherche. Ces institutions sont complémentaires et tâchent d’élaborer une politique cohérente pour le site afin d’accéder à une dimension européenne voire internationale. L’École des Ponts ParisTech est membre de deux Pôles de Recherche et d’Enseignement Supérieur (PRES) :
● ParisTech (Institut des sciences et techniques de Paris) qui « a pour mission de contribuer au rayonnement européen et international de l’enseignement supérieur, et en particulier, la formation d’ingénieurs « . Ce groupement de Grandes Écoles rassemble onze des plus prestigieuses écoles d’ingénieurs françaises et une école de commerce. Ces établissements, reconnus comme les meilleurs dans leurs domaines respectifs, sont complémentaires et couvrent l’ensemble des sciences de l’ingénieur. Les écoles d’ingénieurs de ParisTech participent, entre autres, à tous les grands programmes et réseaux d’échanges européens (Erasmus, Socrates, Tempus, etc.) et constituent une véritable université de dimension internationale.
● Université Paris Est qui « intègre dans un même enseignement interdisciplinaire, recherche et enseignement généraux, techniques et professionnels ».
L’histoire de l’École des Ponts ParisTech
Le corps des ingénieurs des ponts et chaussées, chargé d’entretenir et de développer le réseau routier royal, est créé en 1716. Puis la formation spécifique des ingénieurs d’État ouvre ses portes en 1747. En 1775, l’École prend définitivement le nom d’École des Ponts et Chaussées. De 1747 à 1794, elle compte une cinquantaine d’élèves, mais pas un seul enseignant. Les élèves les plus brillants servent de moniteurs à leurs camarades et les font bénéficier de leurs connaissances en géométrie, algèbre, mécanique, etc. La formation théorique se complète, ensuite, par une formation pratique et il arrive que certains élèves partent parfaire leur formation à l’étranger. Le système adopté pour la validation de la formation prend en compte l’assiduité, les études antérieures, les modules suivis au dehors, les campagnes annuelles sur les chantiers de province et surtout les modules proposés ainsi que les résultats aux concours annuels. Menacée par la Révolution française, l’École peut finalement poursuivre sa mission mais avec de nombreux changements : elle s’ouvre aux candidats de tous les départements, le recrutement se fait par voie de concours et elle devient gratuite. À partir de 1794, elle se dote d’un corps enseignant et ajuste ses programmes et ses méthodes pédagogiques à l’évolution des sciences et des techniques. Au cours du 19ème siècle, l’École forme de nombreux savants et ingénieurs illustres : mathématiciens ou mécaniciens (Cauchy, Navier, Barré de Saint-Venant), inventeurs (Ph. Lebon, Vicat), physiciens ou chimistes (GayLussac, Biot, H. Becquerel), ingénieurs (de Prony, Belgrand, Bienvenüe). Le développement des transports et de l’aménagement de la France doit beaucoup aux ingénieurs des Ponts. Au début du 20ème siècle, l’École s’adapte aux progrès incessants des techniques et crée de nouvelles chaires d’enseignement : électricité appliquée, économie sociale, urbanisme, bases aériennes, etc. À partir de 1960, les effectifs augmentent afin de répondre à la demande croissante d’ingénieurs. La diversification des enseignements change la physionomie de l’École. De nos jours, l’École des Ponts ParisTech propose un enseignement à la carte et une formation en alternance. Les modules ouvrent la voie à des métiers très variés et l’on trouve d’anciens élèves dans tous les secteurs de l’économie. Enfin, l’École s’est ouverte à l’international et propose un cursus commun avec d’autres établissements étrangers.
L’enseignement à l’École des Ponts ParisTech
La vocation principale de l’École est de former des ingénieurs de haut niveau scientifique et technique capables de concevoir et de mener à bien des projets complexes en tenant compte tant des aspects techniques qu’économiques et humains. Les départements d’enseignement et de recherche coordonnent les enseignements et sont garants de leur qualité. Ce sont les départements qui définissent le contenu des modules, recrutent les enseignants et assurent l’évaluation des enseignements. Ces départements constituent, en deuxième et troisième année, des filières de spécialisation. Ils sont au nombre de six : génie civil et construction (GCC), génie industriel (GI), ville, environnement, transport (VET), sciences, économie, gestion, finance (SEGF), ingénierie mathématique et informatique (IMI) et génie mécanique et matériaux (GMM). L’ensemble de la formation est organisé en modules semestriels et, pour obtenir le diplôme d’ingénieur, les élèves doivent réussir plusieurs modules dont certains sont obligatoires, d’autres électifs, si bien que le cursus d’études est personnalisé. Pendant la durée de ses études, l’élève alterne entre l’École, les laboratoires et l’entreprise. L’informatique est un outil quotidien car les enseignements y font largement appel : mécanique, résistance des matériaux, calculs des structures, gestion économie, architecture et urbanisme. Les étudiants sont donc accoutumés à utiliser l’informatique, ce qui a facilité la mise en place de notre recherche. En plus de la formation d’ingénieurs, l’École propose des formations spécialisées de type master spécialisé, master professionnel ou master recherche. Enfin, l’École reçoit plus de 300 chercheurs qui se répartissent dans dix laboratoires (mécanique des sols, mathématiques, informatique, calcul scientifique, analyse des matériaux…).
La vocation internationale de l’École des Ponts ParisTech
L’École envoie souvent ses élèves à l’étranger et reçoit des élèves internationaux, car elle est consciente de l’enrichissement intellectuel que les futurs ingénieurs peuvent en retirer : 25 à 30 % des élèves sont des étudiants étrangers, ils représentent une soixantaine de nationalités. La Direction des relations internationales (DRI) participe activement au développement de l’international à l’École. De nombreuses possibilités sont offertes aux élèves pour réaliser des stages, la troisième année ou le projet de fin d’études (PFE) dans l’une des universités étrangères, notamment européennes, avec lesquelles l’École a signé des accords bilatéraux ou des accords de double diplôme. Du reste, tout élève ingénieur doit pouvoir comprendre, parler et écrire couramment l’anglais. Il doit obtenir le TOEIC (750 points) pour recevoir son diplôme. Il est également invité à choisir une deuxième langue : allemand, espagnol, italien, russe, japonais ou chinois. La part consacrée aux langues représente 20 % de l’enseignement de l’École. Au département des langues (Département de la formation linguistique Ŕ DFL), les modules sont assurés par une équipe de professeurs qui enseignent leur langue maternelle. La section d’anglais propose des modules au contenu linguistique et d’autres qui permettent de travailler la langue anglaise à travers un contenu thématique. Les différentes langues, citées précédemment, proposent des cours linguistiques, pour les élèves qui commencent ou reprennent l’apprentissage de la langue, des cours thématico-linguistiques pour les élèves qui possèdent un niveau A2-B1, et des cours thématiques, pour ceux d’un niveau B2-C1.
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Table des matières
Introduction
Première partie Contexte de la recherche
1. Une recherche à l’École nationale des ponts et chaussées (École des Ponts ParisTech)
1.1. Contexte institutionnel : qu’est-ce qu’une Grande École ?
1.2. Public francophone de l’École des Ponts ParisTech
1.3. Public international de l’École des Ponts ParisTech
Conclusion
Deuxième partie Problématique
2. TIC et didactique des langues Ŕ Repères
2.1. Apports anciens de l’utilisation des TIC
2.2. Psychologie des apprentissages et TIC
2.3. Travail individuel et collectif
2.4. Centres de ressources
2.5. Méthodes pédagogiques
2.6. Journal de bord
3. Didactique des langues et documents numériques
3.1. Ressources disponibles
3.2. Multicanalité, multimodalité, multiréférentialité
3.3. Navigation
4. Didactique des langues et Internet
4.1. Cyberenquêtes
4.2. Blogs
4.3. Échanges à distance
4.4. Formation à distance
5. Approche culturelle en didactique des langues et des cultures
5.1. Comment « enseigner » et aider à « l’apprentissage » d’une culture étrangère
5.2. Quels contenus pour la culture ?
5.3. Culture cultivée, culture anthropologique et Interculturel
5.4. Contributions d’Internet pour aborder des thématiques culturelles
5.5. Intérêts d’une approche culturelle utilisant Internet pour la communication ou l’interaction
Conclusion
Troisième partie Sur le terrain
6. L’enseignant chercheur
6.1. La recherche-action
6.2. Les adultes et l’apprentissage
6.3. Rôle de l’enseignant-formateur
7. Des entrevues de groupe et des questionnaires à la conception du module
7.1. Analyse des entrevues de groupe d’élèves français ou francophones
7.2. Questionnaire pour les élèves français ou francophones : analyse et résultats
7.3. Analyse des entrevues de groupe d’étudiants non francophones
7.4. Questionnaires pour les élèves non francophones : analyse et résultats
8. Conception pédagogique
8.1. Choix des thématiques
8.2. Objectifs du module
8.3. Pistes pédagogiques
8.4. La réalisation
9. Analyse et discussion
9.1. Recueil des données : méthodologie et points d’appui
9.2. Analyse
10. Conclusion De l’intérêt d’Internet pour un approche culturelle
10.1. Un module réalisable
10.2. Un module justifié
10.3. Approche culturelle intégrant Internet : l’apprenant, l’enseignant et les activités
10.4. Approche culturelle intégrant Internet : appréciations positives des apprenants
10.5. Ouvertures
Conclusion
Références bibliographiques
Liste des tableaux