Approche contextuelle des dispositifs de formation des ingénieurs en France

On oublie trop souvent que derrière toutes les activités humaines il y a des ingénieurs. L’électricité qui nous éclaire et qui fait tourner nos machines, l’ordinateur ou le smartphone que nous consultons compulsivement, la voiture ou le métro que nous utilisons pour rejoindre notre travail, le train que nous prenons pour nous rendre à un rendez-vous, l’avion que nous réservons pour partir en vacances, le site Internet sur lequel nous avons acheté un voyage ou encore le système bancaire qui permettra de le payer, rien de tout cela n’existerait sans les ingénieurs. C’est ce qui est rappelé dans un éditorial intitulé « Métier d’avenir » (L’USINE NOUVELLE, 2013:3) :

[…] Si la science fait progresser la connaissance, les ingénieurs la mettent en musique et à notre service. Ils imaginent, conçoivent, réalisent, fabriquent, maintiennent absolument tout ce qui fait notre quotidien, des objets les plus banals aux systèmes faisant appel aux technologies les plus avancées dans la médecine, l’aéronautique, les énergies vertes ou le numérique. 

S’interroger sur la formation en langues que les ingénieurs français reçoivent pour pouvoir réaliser toutes les activités mentionnées ci-dessous revient à vouloir circonscrire les traits caractéristiques d’un métier qui a des spécificités bien françaises. L’une d’elles consiste à vouloir former des ingénieurs trilingues. Ceci est d’autant plus nécessaire aujourd’hui que la profession est en train de subir de profonds changements qui font émerger dans l’activité professionnelle des ingénieurs un nombre incalculable de tâches langagières, souvent effectuées grâce au maniement des langues vivantes étrangères (LVE).

APPROCHE CONTEXTUELLE DES DISPOSITIFS DE FORMATION DES INGÉNIEURS EN FRANCE

Avant d’aborder le sujet proprement dit des besoins langagiers en espagnol dans les écoles françaises d’ingénieurs, il nous semble essentiel de faire le point, par le biais d’un état des lieux circonstancié, sur la situation actuelle des langues vivantes étrangères (LVE), et en particulier de l’espagnol, dans ce dispositif spécifique de formation. Nous suivons, en ce sens, les préconisations de PUJOL BERCHÉ (2003 : § 8) : « tout acte didactique prend comme point de départ la contextualisation de l’enseignement aussi bien par rapport à l’institution […] que par rapport à la LSP en question afin d’adapter les contenus et la méthodologie aux besoins du public apprenant ».

Dans ce chapitre initial, nous allons adopter une approche contextuelle des dispositifs de formation des ingénieurs en France. Pour y parvenir, nous commencerons par constater que la formation en sciences humaines et sociales (SHS) , dans laquelle nous incluons les LVE, est une spécificité du profil des ingénieurs français. Ces enseignements dits « d’ouverture », qui confèrent à ces professionnels des compétences managériales d’une grande utilité, sont suivis principalement pendant leur formation initiale. Dans ce contexte, le choix des LVE et l’organisation des enseignements linguistiques deviennent un enjeu capital puisqu’il s’agit de paramètres qui peuvent conditionner le l’accès à l’emploi des étudiants et l’évolution de leurs futures carrières professionnelles.

LES TRAITS DISTINCTIFS DES FORMATIONS FRANÇAISES D’INGÉNIEURS

La France fait partie d’une poignée de pays dans le monde qui cultive l’excellence de ses ingénieurs à partir d’un modèle non pas unique et standardisé mais au contraire très diversifié. C’est peut-être cela qui étonne et déconcerte l’observateur non averti qui essaye de comprendre le dispositif de formation des ingénieurs français. Ce dispositif a des caractéristiques propres que nous allons découvrir tout au long de ces pages en prenant acte de la variété des situations qui l’identifient. Le rappel historique de cette formation nous permettra de comprendre d’abord les caractéristiques la structurent pour, ensuite, connaître le sort qui lui est actuellement réservé.

Un ensemble contrasté d’écoles

La notion d’école d’ingénieurs recouvre en France une grande diversité d’établissements aux statuts très variés. La plupart des écoles sont autonomes et ont un statut d’établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel (EPCSCP). Mais, depuis quelques années et sous l’effet des injonctions des pouvoirs publics visant une meilleure visibilité nationale et internationale des formations françaises d’ingénieurs , un certain nombre d’écoles sont directement intégrées aux université . Il faut savoir que ce dernier phénomène s’est considérablement accru ces dernières années et qu’il est fort probable qu’à terme un nombre considérable d’écoles d’ingénieurs rejoignent les universités.

Si nous nous limitons à répertorier l’ensemble d’écoles d’ingénieurs qui opèrent sur le territoire français en 2016, force est de constater que la plupart d’entre elles dépendent du Ministère de l’Éducation Nationale, de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche (MENESR), mais qu’il y en a d’autres qui sont sous la tutelle  du Ministère de l’Économie et de l’Industrie, du Ministère de la Défense, du Ministère de l’Agriculture, du Ministère de l’Équipement ou, encore, de la ville de Paris .

Selon l’arrêté du 19 février 2016 fixant la liste des écoles accréditées à délivrer un titre d’ingénieur diplômé, paru dans le Journal Officiel de la République Française (MENESR, 2016) , il existe à la rentrée 2015, 199 formations habilitées à délivrer un titre d’ingénieur par la Commission des Titres d’Ingénieur (CTI) . Parmi celles-ci, 55 formations (28 %) relèvent d’établissements privés, tandis que la plupart d’entre elles, 144 au total (72 %), sont de statut public. Dans le tableau 1, nous pouvons vérifier la distribution de ces dernières et en conclure que, sans conteste, le MENESR est la tutelle de la plupart des écoles françaises d’ingénieurs .

La diversité des écoles d’ingénieurs n’est pas seulement due à la diversité des instances officielles qui en sont les tutrices. Elle découle aussi d’autres variables comme la modalité de recrutement des futurs élèves-ingénieurs à partir de laquelle on peut établir un classement des établissements fondé sur le niveau de difficultés des épreuves du concours  d’entrée poussant les écoles à une rude compétition pour recruter leurs effectifs.

La Conférence des Grandes Écoles  (CGE) regroupe les écoles d’ingénieurs selon quelques points communs : a) la reconnaissance de l’école intervient après examen par la CTI ; b) l’entrée est sélective ; c) la formation privilégie, en général, les connaissances de base d’une culture pluridisciplinaire solide, ainsi que l’acquisition de méthodes et d’outils de travail ; d) la coopération est très étroite avec les milieux économiques à la fois à travers les formations (participation des professionnels à la définition des contenus des programmes, aux conseils, à l’organisation des stages et des projets de fin d’études) et à travers les contrats de recherche et de transferts de technologie.

La construction historique du dispositif de formation

fin de mieux comprendre le dispositif français de formation d’ingénieurs, une succincte analyse des grandes étapes de l’histoire de cette construction nous permettra de faire un retour en arrière pour expliciter la situation actuelle d’un système complexe et difficile à cerner. En suivant le raisonnement de MAURY (2010: 2), nous allons distinguer cinq grands cycles de développement, de 1747 à nos jours, pour expliquer la variété déconcertante des situations institutionnelles qui caractérisent la formation des ingénieurs en France.

La première période part de la création de l’École des Ponts et Chaussées , en 1747, et s’étale jusqu’au développement de l’École Centrale , en 1829 . La France comptait alors très peu d’écoles. L’ingénieur était vu essentiellement comme (MAURY, 2010 : 2) :

[…] un homme, appelé par sa compétence à servir le pouvoir de l’État et ses ambitions, en particulier militaires. […] On comprend que dans ce contexte Napoléon ait très vite militarisé l’École Polytechnique […], pour la simple raison qu’une bonne artillerie demandait des ingénieurs aptes à calculer au mieux les trajectoires des obus. On peut interpréter de la même manière l’attention précoce portée aux ingénieurs de ponts et chaussées comme la traduction du souci de disposer de bonnes routes et de ponts pour transporter rapidement les troupes.

L’École des Arts et Métiers, fondée en 1780 sur ordonnance royale, fut créée pour former à la maîtrise technique. En 1783 fut aussi créée la prestigieuse École des Mines de Paris dans le but de former des directeurs pour les mines du royaume. À cette époque, l’exploitation des mines représentait l’industrie de haute technologie par excellence, où se retrouvaient toutes sortes de problèmes allant de la géophysique à la sécurité minière en passant par la gestion économique. Dans tous les cas, ce qui caractérisait le métier d’ingénieur pendant cette période était le prestige des études qui amenaient vers l’appartenance à un corps d’État. C’était un lien sans équivalent dans d’autres pays .

La seconde période s’étend de la moitié du XIXème siècle jusqu’au début de XXème siècle. Elle commence avec la création de l’École Centrale et son objectif de former des ingénieurs pour l’industrie. MAURY rappelle (2010 : 3) : « […] La création d’écoles ou d’instituts va se faire essentiellement à la demande d’industriels privés, autour des grandes spécialités techniques qui émergent progressivement, de l’électricité à la chimie ou à la mécanique ». Dans ce contexte, une quarantaine d’écoles d’ingénieurs voient le jour sous statut privé qu’elles garderont jusqu’à être intégrées par l’État.

La troisième période, marquée par une nette déflation des effectifs des écoles, va de la première à la deuxième guerre mondiale . Elle est marquée par une instabilité due à la crise internationale de 1929. Selon MAURY (2010 : 3), « cette situation conduira indirectement en 1934 à la création de la Commission des titres d’ingénieur, constituée initialement en élément de protection pour les formations répondant à des critères de sérieux et de qualité ».

La quatrième période s’étend de la fin de la seconde guerre mondiale à 1970 . À partir de 1945, on assiste à une étape de reconstruction et de développement. Les besoins en ingénieurs sont énormes et l’État réorganise l’offre de formation pour répondre aux exigences de l’économie. La formule des concours et des classes préparatoires ne semble plus convenir à la situation. MAURY explique que (2010 : 3) « cette politique allait conduire à la création de nouvelles écoles (passage de 50 à 175 établissements), à la construction des grandes familles d’écoles comme les ENI  ou les ENSI , et enfin, […] au lancement de l’INSA , sur le modèle d’une formation intégrée en cinq ans ».

La cinquième période, à partir des années 1970 jusqu’à nos jours , connaît une expansion considérable des formations d’ingénieurs développées au sein des universités représentant aujourd’hui globalement un quart des filières existantes. On passe alors de 175 à plus de 200 établissements. Des développements significatifs sont menés en parallèle des formations internes aux universités (MAURY, 2010 : 4) : d’une part, « la création d’universités de technologies  […] avec l’idée intéressante d’hybrider la tradition française des écoles et le modèle nord-américain (cursus totalement modulaire à base d’unités de valeur, tutorat …) » et, d’autre part, « […] un mouvement récent de fusions et de regroupement, conduisant par exemple à la constitution de Polytechs  internes aux universités ».

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Table des matières

INTRODUCTION
PARTIE I : CONTEXTUALISATION ET DÉTERMINATION DU CADRE CONCEPTUEL DE LA RECHERCHE
Chapitre 1 : Approche contextuelle des dispositifs de formation des ingénieurs en France
Chapitre 2 : Cadre théorique de l’analyse des besoins langagiers
Chapitre 3 : Concepts clés de l’ABL destinée aux ingénieurs
Chapitre 4 : Concepts clés de l’ABL destinée aux élèves ingénieurs
PARTIE II : MÉTHODOLOGIE, RÉSULTATS ET IMPLICATIONS DIDACTIQUES DE LA RECHERCHE
Chapitre 5 : Choix des instruments d’enquête et procédure de recueil des données
Chapitre 6 : Variables sélectionnées pour l’élaboration des enquêtes
Chapitre 7 : Analyse des résultats obtenus à partir des enquêtes de terrain
Chapitre 8 : Proposition de modélisation de l’enseignement de l’espagnol dans les formations françaises d’ingénieurs
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES
GLOSSAIRE
SIGLES ET ACRONYMES
INVENTAIRE DES TABLEAUX
RÉPERTOIRE DES FIGURES
RÉCAPITULATIF DES ANNEXES
INDEX TERMINOLOGIQUE
LISTE DES AUTEURS

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