Approche centrée sur la défaillance du marché
Théorie des actionnaires
Dans la présentation de ce mémoire, j’ai introduit l’idée selon laquelle les lois encadrant les activités des entreprises ne seraient pas assez contraignantes pour empêcher certaines entreprises d’exploiter les défaillances du marché. Plutôt que d’augmenter la réglementation pour réduire les failles du système, certains auteurs suggèrent plutôt que les gestionnaires de grandes entreprises devraient avoir l’obligation morale d’en faire plus pour la société que ce que la loi prescrit. La question est non seulement de savoir si les gestionnaires devraient avoir de telles obligations, mais si c’est le cas, il faudrait en plus déterminer la forme que prendraient ces obligations. Dans ce chapitre, j’explorerai tout d’abord l’évolution historique de l’entreprise afin de mettre en relief les différents rapports de forces qui existent entre les divers acteurs regroupés de manière contractuelle pour former des organisations aux ramifications multiples. Pour bien comprendre ce que sont devenues les grandes entreprises, il faut mettre en évidence les changements qu’ont occasionnés les nouvelles connaissances provenant des domaines juridique, financier, technologique et celui des relations industrielles, sur les activités des entreprises. Vous verrez ensuite le contexte dans lequel Milton Friedman a écrit son article intitulé : The Social Responsibility of Business is to Increase its Profits et je chercherai à vous faire comprendre les fondements de la TA (Friedman, 1970). Il sera aussi question de la place de la question de la liberté dans la philosophie de Milton Friedman et de quelle façon il estimait que la mise de l’avant des intérêts individuels bénéficiait au bien-être collectif. Vous constaterez que bien que la protection de nos libertés individuelles soit un objectif primordial en société, l’abdication de certaines d’entre elles peut contribuer à l’avancement d’une société.
Je développerai par la suite la raison pour laquelle Friedman estime qu’il peut être nuisible, pour la société dans son ensemble, que les décisions adoptées par les gestionnaires soient prises en fonction de principes démocratiques qui tiennent compte des intérêts de groupes autres que les actionnaires. Pour Friedman, de telles décisions finissent inévitablement par être sanctionnées par le marché. Selon ce dernier, la logique même du principe de concurrence pousse les entreprises, qui ne cherchent pas avant tout à maximiser les profits des actionnaires, vers la faillite. Il sera ensuite question des raisons pour lesquelles cet économiste voyait la philanthropie comme une forme non souhaitable de RSE. Afin de mettre en contexte le concept de responsabilité des dirigeants d’entreprises, j’étudierai par la suite le cas de BP dans le golfe du Mexique. À la fin de ce chapitre, je présenterai la question de la responsabilité du consommateur et de la raison pour laquelle ses choix de consommation ne reflètent pas nécessairement ses choix politiques. Vous pourrez ensuite prendre connaissance des raisons pour lesquelles une stratégie de coopération, à travers les outils règlementaires qu’offre l’État, offre des solutions intéressantes aux individus qui doutent des impacts de leurs efforts individuels.
Qu’est-ce qu’une entreprise au 21e siècle? Avant que les moyens de transport et de locomotion soient particulièrement développés, les artisans portaient plusieurs chapeaux au sein, de ce qu’on pourrait appeler aujourd’hui, leur entreprise. Ils devaient non seulement fabriquer leurs produits, mais bien souvent également assurer personnellement la vente et la distribution de leurs produits. Les lieux de rencontre entre les artisans et leurs clients étaient circonscrits en des endroits spécifiques qu’étaient les marchés locaux ou directement dans leurs ateliers de production. Ainsi, les activités d’un seul producteur avaient généralement très peu d’influence au-delà des frontières de son marché local. Ayant plusieurs tâches à effectuer, les artisans étaient limités dans leurs capacités de production. Bien que certains maîtres étaient secondés par un ou plusieurs compagnons et assistants, l’offre de produits ne pouvait excéder la demande des consommateurs qui était elle-même limitée par le manque d’accès à ces produits en raison de moyens de transport restreints. L’avantage principal de la petite taille des activités des artisans était qu’ils avaient le contrôle absolu sur toutes les activités de leur commerce et leurs revenus étaient directement liés au nombre d’unités qu’ils avaient produites et vendues (Booth, 1985).
Voyant l’opportunité d’élargir les ventes sur de nouveaux marchés et d’en tirer profit, certains individus ont compris qu’il y avait un bénéfice possible à faire à titre d’intermédiaire entre les producteurs et les consommateurs. C’est ainsi que l’emploi de marchand est né afin de permettre aux artisans de se concentrer sur la tâche dans laquelle ils étaient le plus spécialisés, c’est-à-dire la production. À l’aide des divers moyens de transport disponibles à travers les époques, les marchands ont fait connaître les produits d’une région spécifique à un plus large public en allant au-delà des frontières explorées par les artisans auparavant. De cette façon, les marchands ont été en mesure d’augmenter la demande jusqu’au point où les artisans ne pouvaient plus suffirent à la demande et devaient engager davantage d’assistants.
Il est encore possible aujourd’hui pour un artisan de contrôler toutes les étapes de production jusqu’à la vente de son produit, mais dans bien des secteurs, le recours à des fournisseurs, distributeurs, sous-traitants, etc. permet aux entrepreneurs de se débarrasser de certaines tâches dans lesquelles ils ne possèdent pas de compétences spécifiques. Par conséquent, une grande majorité d’entrepreneurs font aujourd’hui le choix d’abandonner, d’une certaine façon, une partie de l’autonomie de leur entreprise afin de maximiser leurs chances de réussites en affaires. Au-delà des avantages ou inconvénients que comporte une stratégie de décentralisation des activités d’une entreprise, on comprend que les étapes de production et de distribution d’un bien nécessitent la collaboration d’une foule d’acteurs. Plusieurs des étapes de transformation sont aujourd’hui faites loin des lieux de ventes des produits et par le fait même, à l’abri des regards des consommateurs. Cela pousse de plus en plus de gens à se questionner sur la provenance des biens qu’ils consomment. Je reviendrai plus spécifiquement sur cette question à la section sur les responsabilités du consommateur.
À travers les âges, les innovations technologiques ont transformé le fonctionnement des 8 entreprises de façon telle que les méthodes de gestion ont dû être adaptées aux nouvelles préoccupations de la main d’oeuvre. Durant la révolution industrielle, engendrée entre autres par l’avènement de nouveaux moyens de production, le travail à la chaîne a donné un tout autre sens au travail. L’ingénieur américain Frederick Winslow Taylor, se penchant sur les raisons justifiant le manque de productivité des employés dans une usine, a développé ce qu’on appelle aujourd’hui l’organisation scientifique du travail (Segrestin, 1996:58). Ce système, qui occupe encore une place prépondérante au sein de plusieurs entreprises, a permis de réaliser des gains de productivité dès son implantation puisqu’on a divisé les tâches des ouvriers afin d’en simplifier les opérations. Bien que ce changement de gestion ait permis de dégager de plus grands profits pour les propriétaires des entreprises, cela a créé du mécontentement du côté des employés. Certains jugeaient que la technologie avait altéré leur travail au point tel que leurs tâches étaient comparables à celles d’un automate. Pour plusieurs raisons, l’insatisfaction des travailleurs est devenue si grande qu’ils ont commencé à s’unir contre leurs employeurs pour exiger de meilleures conditions de travail. Résultat, plusieurs gestionnaires ont compris que la satisfaction des consommateurs n’était pas le seul facteur sur lequel ils devaient se baser pour prendre des décisions pour leur organisation. Ainsi, la satisfaction des intérêts des employés est devenue un enjeu de taille pour les entreprises
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Table des matières
Résumé
Table des matières
Introduction
Chapitre 1. Théorie des actionnaires
1.1 Introduction
1.2 Qu’est-ce qu’une entreprise au 21e siècle?
1.3 Mise en contexte de l’article de 1970 de Friedman
1.4 Milton Friedman et le libéralisme politique
1.5 L’entreprise et la politique
1.6 La RSE et la philanthropie
1.7 Le cas BP
1.8 Responsabilité du consommateur
1.9 Conclusion
Chapitre 2. La théorie des parties prenantes
2.1 Introduction
2.2 Fondements théoriques de la théorie des parties prenantes
2.3 Les responsabilités du gestionnaire
2.4 Un leader « éthique »
2.5 Activisme politique
2.6 Le cas Whole Foods Market
2.7 Autres critiques de la TPP
2.8 La TPP et les entreprises étatiques
2.9 Conclusion
Chapitre 3. Approche centrée sur la défaillance du marché
3.1 Introduction
3.2 Éthique du gestionnaire au sein de l’entreprise
3.3 Responsabilités sociales externes des gestionnaires
3.4 Critiques de l’approche centrée sur la défaillance du marché
3.5 La théorie de second rang
3.6 Conclusion
Conclusion
Bibliographie
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