Apprentissage par l’image

Utiliser le cinéma pour travailler sur le passé

À partir des 400 coups de François Truffaut, j’ai choisi de construire un apprentissage par l’image. J’ai voulu comprendre dans quelle mesure le cinéma pouvait être un apport, un outil, dans la construction de représentations historiques et de notions d’Enseignement moral e  civique (EMC). Le film de Truffaut permet de travailler sur la représentation de l’école des années 1950, celle que Truffaut a filmée et représentée à travers le personnage d’Antoine Doinel, écolier parisien du 9e arrondissement de Paris, en 1958.
Ce choix s’inscrit dans une réflexion sur la possibilité d’un apprentissage transversal, où le cinéma permet de croiser plusieurs domaines et attendus du programme. Le choix d’un film de fiction et non d’images de films documentaires pour « travailler sur le passé » s’appuie sur une volonté de mise en œuvre du Parcours d’éducation artistique et culturelle de l’élève, d’apporter une dimension de critique et esthétique d’une partie de l’œuvre de François Truffaut. Cela m’a également permis de mettre en place un enseignement dialectique à partir de l’histoire de l’école et de sa représentation, impliquant un va-et-vient constant entre la réalité historique et l’image de fiction.

Travailler sur les représentations initiales des élèves : leur vision de l’école des années 1950

Pourquoi travailler sur les représentations initiales

Avant d’utiliser le cinéma comme outil pédagogique permettant de réfléchir à l’histoire et à ses représentations, j’ai choisi de débuter par un travail sur les représentations initiales de mes élèves en leur demandant quelles sont leurs représentations de l’école des années 1950.
Mes élèves ont déjà acquis, par le travail sur la frise chronologique préalablement réalisé en classe (dans le domaine « se situer dans le temps »), une perception du temps proche et du temps lointain (des générations proches au temps historique). J’ai choisi de leur poser la question sous une forme qui leur permet de la situer dans le passé, en la raccrochant à un repère familier tel que : « Comment imaginez-vous l’école de vos grands-parents ? » . Mon hypothèse concernant leurs représentations de l’école des années 1950, était que les grandsparents ou la famille de la génération des grands-parents avait pu transmettre, raconter, quelle avait été leur école, leur quotidien d’écolier « de leur temps » et, laisser une trace dans la mémoire de mes élèves. J’ai choisi de mettre en scène cette première séance en amorçant de cette manière : « Aujourd’hui nous allons un peu voyager dans le temps, nous allons parler de l’école telle qu’elle était du temps de vos grands-parents… ».
En questionnant leurs représentations initiales, avant d’introduire le cinéma en tant qu’outil pédagogique, mon objectif était de connaitre et d’amener mes élèves à s’exprimer sur leur vision de l’école des années 1950, en d’autres termes, mettre en place une évaluation diagnostique de leurs représentations puis, après un ancrage historique de ces représentations en classe, les mettre en lumière avec le visionnage des 400 coups.

Mise en place d’un questionnaire

Pour lancer le travail sur les représentations initiales, j’ai choisi d’utiliser un questionnaire (sur papier). J’ai conçu ce questionnaire autour de plusieurs questions qui permettent de s’interroger sur le quotidien d’un écolier des années 1950 en classe et, en dehors de la classe.

Le questionnaire : un outil pour aller au plus proche des besoins des élèves

Comme je l’ai expliqué précédemment, un des objectifs principaux de ces questionnaires était d’effectuer une évaluation diagnostique de la représentation de l’école des années 1950 de mes élèves. Cela m’a permis de construire, à partir de l’analyse de leurs réponses, une séquence d’apprentissage répondant le plus précisément possible à leurs besoins. Les élèves ont exprimé leurs représentations en dessinant et en écrivant.
Voici l’analyse des réponses des questionnaires (j’indique entre parenthèses le nombre d’élèves pour chaque réponse) :
À la première question : « Comment imagines-tu une classe des années 1950 ? » : Les élèves répondent par des éléments matériels qui appartiennent à leur classe actuelle, à leur quotidien d’élève : un tableau (13), un bureau pour l’enseignant face à la classe (4), des bureaux et des chaises pour les écoliers (10). Majoritairement, les éléments appartenant à la salle de classe des années 1950 qu’ils imaginent sont : un pupitre décrit comme « un banc avec une table collée » (1) ou dessiné (5), la plume pour écrire, systématiquement dessinée comme une plume d’oiseau (10), l’encrier décrit ou dessiné comme un trou dans la table « des tables en bois avec un trou dedans pour l’encre » (4) ou dessiné comme un petit pot d’encre posé sur la table de l’élève (6) ; deux élèves ont dessiné un trou dans la table sans lui attribuer de fonction particulière. Des élèves ont dessiné des bonnets « d’âne » et « d’ânesse » (3), ainsi que « des ceintures » (2) dont il est précisé par l’un des deux élèves qu’elles étaient destinées aux « enfants pas sages ». Cet élève, lors de la phase dialoguée en classe nous précisera sa réponse en nous expliquant que pour représenter cette salle de classe, il avait pensé à ce que lui racontait son grand-père, ainsi qu’à ce qui était raconté dans Matilda. Ce dessin fait ainsi se croiser dans l’imaginaire des représentations issues de la réalité (les traces de témoignage du grand-père) et des représentations issues de la littérature (l’écoute de la lecture de Matilda par l’enseignant).

Des représentations initiales à l’ancrage historique

Ces réponses et leur analyse ainsi que la phase dialoguée qui a suivi avec mes élèves, m’ont permis d’élaborer la suite de l’apprentissage, au plus proche des besoins des élèves.
J’ai commencé par raconter à mes élèves, à la séance suivante, très simplement : « À l’origine de votre école, telle que vous la connaissez maintenant, il y a une loi qui a été écrite par un homme politique, Jules Ferry, en 1882. À partir de cette loi, l’école devient gratuite, obligatoire, laïque. » Un moment d’échanges et de questions a suivi sur le sens de ces trois mots associés à l’école. La question de la mixité des classes qui n’est pas apparue au moment des questionnaires, a été posée durant cette phase orale et a permis d’expliquer l’historicité de celle-ci.
J’ai élaboré une trace écrite constituée en deux parties, l’une rédigée, l’autre illustrée et légendée. Cette trace écrite reprend les questions posées dans la séance précédente, je confronte les représentations initiales de mes élèves à des éléments concrets et historiques. La plupart des éléments sont identifiables dans le premier visionnage des 400 coups.

L’école de François Truffaut : l’école des années 1950 représentée et filmée par Truffaut

De l’ancrage historique à l’annonce du projet cinéma

Ce n’est qu’après avoir fait ce premier travail d’ancrage historique de l’école des années 1950 que j’ai annoncé à mes élèves que nous allions voir un film qui montre cette école du passé : « Nous allons regarder un film qui montre la vie d’un écolier en 1958, à Paris ». Je leur ai montré l’affiche et nous l’avons commentée. C’est à partir de là que le cinéma est entré dans la classe, le film de Truffaut est devenu un de nos axes de travail.

Premiers visionnages, questionnaire et observation

Découpage

J’ai découpé les visionnages du film en plusieurs temps, qui répondent à mes objectifs et à ma séquence d’apprentissage. Le découpage du visionnage correspond également à ma progression d’apprentissage : le premier temps de visionnage répond à des objectifs de compréhension et d’identification de repères historiques, le deuxième visionnage intervient après une phase dialoguée avec mes élèves et montre la fugue d’Antoine dans des rues de Paris, familières à mes élèves. Les trois derniers visionnages répondent à des objectifs de compréhension narrative, de réinvestissement lexical et d’entrainement à l’analyse d’image.
Ces derniers visionnages sont décrits dans la deuxième partie (Cf. infra, Deuxième partie : Éducation à l’image, 6.2 Visionnages).
Durant le premier visionnage, les séquences présentes permettent à la fois de confronter les représentations initiales de l’école des années 1950 et d’identifier les repères historiques appris en classe.
Lors du premier visionnage, nous voyons : La salle de classe, le maitre – les élèves apprennent la poésie « le lièvre » – Antoine se fait punir au piquet, pendant sa punition il écrit sur le mur – la récréation – le maitre découvre qu’Antoine a dégradé le mur, il est puni pour l’avoir dégradé – Antoine rentre chez lui, s’occupe de quelques tâches ménagères, il commence à faire sa punition puis l’oublie – diner avec ses parents – Antoine se réveille, il se rend compte qu’il n’a pas fait sa punition – Antoine décide de sécher la classe avec son camarade René – Antoine et René font l’attraction de la place de Clichy – Antoine voit sa mère embrasser un homme – Antoine rentre à la maison, il ne dit pas qu’il a séché l’école, il fait la cuisine avec son père en plaisantant.
Lors du deuxième visionnage, nous voyons : Antoine retourne à l’école, il n’a pas écrit de mot d’excuse – un camarade de classe passe chez Antoine et fait comprendre à son père qu’Antoine a séché la classe – Antoine dit à son maitre que sa mère est morte – les parents d’Antoine viennent à l’école – Antoine décide de ne pas retourner chez lui, il erre dans les rues de Paris, dort dans une imprimerie – le lendemain, Antoine retourne à l’école – sa mère vient le chercher, ils rentrent à la maison – ils font un pacte. Pour ce visionnage, suivi d’un échange oral, les objectifs sont de repérer et nommer les espaces reconnus de Paris, « raconter » ce que l’on a vu, compris, en justifiant sa réponse.

Questionnaire et observation

Pendant le premier visionnage, j’ai demandé aux élèves de répondre à un questionnaire . J’ai lu et explicité les questions aux élèves avant le visionnage, en leur demandant de répondre, quand ils le pouvaient, durant le visionnage, et en leur expliquant qu’ils auraient également quelques minutes pour finaliser leurs réponses et, pour choisir quel a été leur moment préféré de l’extrait du film visionné. Mon objectif a été de rendre les élèves actifs pendant le film, d’accentuer leur écoute, de leur donner des points d’accroche pour leur compréhension en d’autres termes, une grille de lecture, et, d’initier une posture critique. Les questions étaient les suivantes : Dans quelle ville se passe le film ? Comment s’appelle le personnage principal, Quel est le titre du poème que les élèves doivent copier sur leur cahier ? Quel est ton moment préféré ?
J’ai installé l’écran de télévision et le lecteur DVD en fond de classe, à chaque fois que nous allions avoir un moment de visionnage. Quand les élèves voyaient en entrant en classe cet écran, ils savaient et disaient « On va voir les 400 coups ! ». J’ai pu constater avant chaque visionnage, l’enthousiasme suscité par les moments de cinéma.

Apports pédagogiques constatés

Mes élèves ont une pratique régulière des outils informatiques, répondre à un questionnaire en format numérique ne posait pas de problème de manipulation. La seule explication nécessaire à la prise en main du questionnaire a été : comment faire des va-et vient entre le questionnaire et les pages de recherche, expliquer la réduction et l’agrandissement de pages, l’onglet. J’ai lu le chapeau explicatif du questionnaire aux élèves, je leur ai dit qu’ils avaient la possibilité de répondre aux questions dans l’ordre qu’ils souhaitaient pour mener leur enquête, de cliquer sur « envoyer » pour que je reçoive leurs réponses. Je leur ai précisé qu’ils ne devaient pas écrire leur nom, que les réponses à ce questionnaire étaient « anonymes », et que tous les éléments de recherche seraient mis en commun à la fin de l’enquête.
La concentration et l’autonomie que mes élèves ont manifestées pendant cette activité m’ont étonnée. Je l’explique de plusieurs manières : d’abord le fait que ce soit un questionnaire en ligne et que je puisse recevoir leurs réponses instantanément donnait une finalité directe. La forme du questionnaire, avec différentes modalités de réponses (dont des choix multiples), a permis aux élèves en difficulté de production d’écrit, de compréhension de répondre plus facilement. De plus, les élèves pouvaient répondre dans l’ordre qu’ils voulaient aux questions, c’était « leur enquête » ce qui leur permettait de hiérarchiser les difficultés, de manière autonome. Quand mes élèves ont vu les questionnaires prêts pour eux dans la salle informatique, il y a eu de l’étonnement et de l’enthousiasme. L’enthousiasme d’utiliser un outil numérique, conçu pour eux, et celui de mener une enquête, individuellement. L’amorce « d’enquête » a particulièrement bien fonctionné. L’esthétique du questionnaire a également eu, me semble-t-il, un rôle important, les élèves ayant pu y trouver un aspect ludique (comme le serait un jeu-quizz, auquel ils peuvent être habitués dans des contextes plus informels), qui a contribué à leur motivation.

Langage et lexique cinématographiques

Initiation au langage cinématographique

J’ai fait en sorte que les élèves conçoivent l’enjeu d’étude de l’image cinématographique, et ce de manière progressive. D’abord en leur indiquant, tout simplement, sur l’emploi du temps du jour, que lorsqu’il y avait cinéma au « programme du jour », cela voulait dire que, ce jour-là, nous faisions du français, du lexique. J’ai toujours associé les séances (d’apprentissage) de cinéma à un/des domaine(s) , je l’ai explicité à mes élèves.
Ainsi je leur ai fait comprendre que regarder des images peut être associé à un travail de classe, à un travail sur le lexique par exemple. Je leur ai progressivement donné des outils pour lire l’image, pour comprendre que l’image a un sens, qu’elle est construite, tout en les préparant à développer un esprit critique face à l’image. Ces sont les enjeux d’éducation à l’image, que soulignent d’ailleurs les auteurs de l’ouvrage Du cinéma à l’école:
« Dans l’étude de l’image, il s’agit de donner, par les mots, un sens à un message d’une autre nature, essentiellement symbolique. La présentation d’une image dans le cadre de la classe ne peut à elle seule constituer un acte pédagogique. La lecture de l’image s’enseigne et s’apprend comme celle du texte. La fonction de “médiateur” de l’enseignant s’avère ici encore primordiale : doter les élèves d’outils, même rudimentaires, d’analyse d’image (composition, point de vue, symbolique, référence explicites et implicites, etc.), mais également leur donner les informations extérieures à l’image (sa date, l’auteur et son œuvre, le contexte de l’époque, etc.). Et surtout, les sensibiliser à la richesse informative et émotionnelle de l’image. »

Visionnages

Les trois derniers visionnages répondent à des objectifs de compréhension narrative, de réinvestissement lexical et d’entrainement à l’analyse d’image. Ils sont à chaque fois suivis d’une phase orale. Dans ces trois derniers visionnages nous voyons : l’épisode du vol de la machine à écrire et lorsqu’en Antoine se fait prendre – lorsque le père d’Antoine décide de l’accompagner au commissariat et de le placer en centre d’observation pour mineurs – le centre d’observation pour mineurs – la fuite d’Antoine vers la plage.
J’ai choisi de ne pas montrer certains passages du film, car, d’une part, leur contenu ne m’a pas semblé adapté au public que constituent des élèves de CE2, à leur sensibilité, d’autre part, parce que ne pas les montrer ne faisait pas obstacle à la compréhension. Je n’ai pas montré les passages suivants : lorsque l’on voit Antoine et René faire la fête : ils boivent du vin et fument des cigares , l’entretien de la mère d’Antoine avec le juge et l’entretien d’Antoine avec la psychologue du centre d’observation pour mineurs (y sont évoqués la grossesse non désirée, l’avortement, c’est-à-dire des notions abordées plus tard dans la scolarité des élèves). Lorsque j’ai sauté des passages, j’ai raconté ce qui était nécessaire pour faire le lien avec la suite du visionnage.

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Table des matières

INTRODUCTION 
Première partie : apprentissage par l’image 
1. Utiliser le cinéma pour travailler sur le passé
2. Travailler sur les représentations initiales des élèves : leur vision de l’école des années 1950
2.1. Pourquoi travailler sur les représentations initiales
2.2. Mise en place d’un questionnaire
2.3. Le questionnaire : un outil pour aller au plus proche des besoins des élèves
2.4. Des représentations initiales à l’ancrage historique
3. L’école de François Truffaut : l’école des années 1950 représentée et filmée par Truffaut
3.1. De l’ancrage historique à l’annonce du projet cinéma
3.2. Premiers visionnages, questionnaire et observation
3.2.1. Découpage
3.2.2. Questionnaire et observation
3.3. Résultats du questionnaire et de l’observation
Deuxième partie : éducation à l’image 
4. Fiche d’identité des 400 coups
4.1. Conception d’un questionnaire en ligne : objectifs et intérêt
4.2. Résultats du questionnaire
4.3. Apports pédagogiques constatés
5. Analyser des séquences de cinéma pour éduquer à l’image
5.1. École et cinéma
5.2. Le choix du dispositif
6. Langage et lexique cinématographiques
6.1. Initiation au langage cinématographique
6.2. Visionnages
7. Manipuler une séquence du film
7.1. Enjeux pédagogiques
7.2. La scène du manège
CONCLUSION 
BIBLIOGRAPHIE
Articles de revue
Ouvrages
Pages sur internet
Documents audiovisuels
ANNEXES 
Résumé (français)
Résumé (anglais)

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