Apprentissage et validation du modèle de prédiction

Le prolongement de la durée d’exploitation des centrales nucléaires françaises soulève de nombreuses questions sur le vieillissement des ouvrages de génie civil nucléaire. Pour y répondre, l’IRSN (Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire) effectue des recherches afin d’améliorer la surveillance et l’évaluation des risques liés aux mécanismes de vieillissement des matériaux. Ces recherches portent en particulier sur l’enceinte de confinement qui représente un élément important pour la sûreté des installations nucléaires. En effet, elle constitue la troisième et dernière barrière de confinement (Figure 1) d’un relâchement de produits radioactifs dans l’environnement lors d’une hypothétique situation accidentelle.

Les phénomènes intervenant lors du vieillissement des ouvrages de génie civil sont principalement liés au développement de pathologies, notamment les réactions de gonflements internes (RGI). Ces phénomènes sont susceptibles de dégrader le béton et de conduire à l’apparition de fissures dans les structures impactées [7]. Ces réactions sont généralement lentes, pouvant atteindre plusieurs dizaines d’années [8].

Afin d’étudier les couplages entre les différentes pathologies et leurs conséquences sur la structure, des simulations numériques permettent d’accéder à des grandeurs physiques difficilement atteignables expérimentalement [2]. Ces simulations nécessitent la génération de structures numériques représentatives [9, 3]. La génération de bétons numériques est généralement basée sur des descripteurs morphologiques [10, 1, 11] qui synthétisent des informations statistiques et géométriques issues de l’analyse de bétons réels. Les différentes dégradations sont étudiées à partir de ces représentations numériques, à l’aide d’outils de simulation pour la fissuration [12, 2].

Quelques pathologies affectant le béton

Le béton peut être affecté par des attaques physiques et chimiques subies par les structures au cours du temps [28]. Parmi les différentes pathologies existantes, on peut citer :
1. L’alcali-réaction [29] : la silice de certains types de granulats réagit avec le ciment (composé alcalin) formant un gel qui gonfle à l’intérieur du béton et pouvant potentiellement le fissurer,
2. Le retrait [30] : il existe différents types de retraits et à divers stades de la vie du béton engendrant une réduction du volume du béton par réaction chimique. Par exemple, le retrait de séchage se développe dans le béton au cours de son durcissement, pendant les premiers mois. Il est plus important en surface qu’au coeur des structures en béton. En effet, il est causé par l’évaporation de l’eau contenue dans la porosité du béton, à partir des surfaces libres soumises à l’air ambiant ayant un degré d’humidité inférieur à celui du béton,
3. La RSI (Réaction Sulfatique Interne)[31, 2] : cette réaction est due à la formation différée d’une espèce chimique appelée l’ettringite (espèce minérale composée de sulfate de calcium et d’aluminium hydraté), plusieurs mois voire plusieurs années après la prise du ciment (Figure 1.2). Ces dégradations conduisent généralement au développement d’un réseau de fissures [32, 33] plutôt localisé dans les zones d’humidité élevée [34]. L’ouverture des fissures peut varier de quelques dixièmes de millimètres à quelques millimètres. Elles influencent considérablement la tenue des structures en les fragilisant et en augmentant leurs perméabilités. Connaître les caractéristiques de la fissuration, en particulier le faciès de rupture, est donc essentiel dans l’étude du prolongement de la durée de vie d’exploitation des centrales nucléaires.

La phénoménologie de la fissuration

Le béton, dont les propriétés mécaniques dépendent en particulier de sa composition, est souvent considéré comme élastique quasi-fragile [35, 36, 7]. Il est clairement établi que les granulats ont une influence primordiale sur le faciès de rupture [37]. Cette influence est due d’une part à une forte résistance à la rupture des granulats et d’autre part à la relative faiblesse des interfaces granulat/matrice. Les propriétés d’interface dépendent d’une auréole autour des granulats appelée zone de transition (ITZ pour Interfacial Transition Zone) .

Cette zone est très poreuse, réduisant de fait sa résistance à la rupture. Ainsi, les fissures, lors de leur propagation, contournent préférentiellement les granulats .

Il est établi que les granulats et leurs frontières ont une influence significative sur le comportement mécanique du béton [43]. En effet, selon Husem [44], la résistance en compression d’un béton dépend pour 21% de la pâte de ciment, pour 12% des granulats et 67% de l’interphase. Pour résumer, la présence des granulats entraîne [45, 46] :
• une hétérogénéité des champs mécaniques locaux,
• un accroissement des zones de faiblesses (interfaces granulats/matrice) qui constituent localement des zones privilégiées de fissuration.

Limitation actuelle et indicateurs locaux

Les descripteurs microstructuraux usuels sont majoritairement dédiés aux microstructures périodiques ou aléatoires. Pour les milieux aléatoires, on peut en particulier citer :
a) les moments à n points d’appuis comme la covariance spatiale [10, 1] permettant de caractériser les agencements spatiaux de différentes phases en présence,
b) les fonctions de distribution spatiales de points telles que la fonction K de Ripley [57, 58] permettant de décrire le degré d’agencement des centres des inclusions dans le cas des milieux de type matriceinclusions.

Pour le cas des milieux aléatoires qui concernent ce travail, l’utilisation pratique de ces indicateurs microstructuraux requiert des propriétés de stationnarité et d’ergodicité. Cependant la macrofissuration de tels milieux induit une microstructure locale (la fissure) dont l’évolution spatiale n’est pas stationnaire en milieu hétérogène. Sur la Figure 1.12, deux microstructures avec des descripteurs morphologiques en commun (covarigramme, fraction volumique, etc.) ne permet donc pas d’obtenir une équivalence en fissuration. Aussi pour prendre en compte ce caractère local, il a été choisi de construire un modèle probabiliste de prédiction de chemin de fissure reproduisant la trajectoire point par point. Plus précisément, l’objectif est de disposer d’un modèle permettant, à partir d’une pointe de fissure, de déterminer les prochains points candidats les plus probables pour la propagation de la fissure en prenant en compte les valeurs d’indicateurs locaux associés à leur position relative par rapport à la pointe de fissure.

Dans ce travail, la construction du modèle s’appuie sur les chaînes de Markov, dont les bases sont rappelées dans la section suivante. Les chaînes de Markov permettent de déterminer à partir d’un lot d’informations bien sélectionnées la transition d’un état à un autre sans prendre en compte les événements passés. Elles se prêtent donc particulièrement bien à l’étude de la fissure dont l’avancement est supposé dépendre d’informations locales récupérées en pointe de fissure et non de sa trajectoire en amont.

Représentation de la microstructure et propagation de la fissure

Lors de sa progression, la fissure se propage en fonction de la disposition locale des granulats qui peuvent être interprétés comme des obstacles à contourner [68]. Comme la trajectoire de la fissure est prédite de proche en proche, la discrétisation de l’espace à cette fin est primordiale. Dans ce travail, les granulats sont approchés par des polygones. Chaque coté du polygone est discrétisé avec 5 points soit un total de 16 points dans le cas d’un granulat carré (Figure 2.1). Aucun point de discrétisation n’est introduit dans la matrice entre deux granulats. En d’autres termes, une fissure ne peut se propager qu’en ligne droite entre deux granulats ou suivre les bords des granulats .

Définition des indicateurs
Nous nous intéressons dans cette section à la construction d’indicateurs permettant de capturer le comportement local d’une fissure. Deux indicateurs de nature géométrique sont proposés. Le premier s’appuie sur la notion d’angle et permet de prendre en compte l’effet de la direction préférentielle locale de propagation (Hypothèse (H4)). Le second indicateur est lié à la notion de distance entre les points de la discrétisation et permet de prendre en compte l’attractivité de l’interface matrice-grannulat associé au coût énergétique de la propagation (Hypothèse (H3)).

Calculs des indicateurs locaux

Pour chaque point x correspondant à la pointe de fissure, l’évaluation des indicateurs consiste à calculer la distance dx et l’angle θx pour tous les points dans le champ de vision local susceptibles d’être atteints par la fissure. Une première étape est donc de trier parmi tous les points appartenant au champ de vision local les points candidats. En effet selon l’hypothèse (H2), tous les points du champ de vision local ne peuvent être atteints par la fissure en raison de la présence des granulats et donc doivent être supprimés des points candidats. Pour un granulat donné dans le champ de vision, la procédure de suppression des points non accessibles est basée sur la détection d’une zone non-visible à partir de x due à la présence du granulat (Figure 2.6). Par analogie avec l’ombre générée par un obstacle devant une source de lumière, cette zone d’écrantage est appelée dans la suite une zone d’ombre.

La méthode pour identifier cette zone d’ombre et pour supprimer les points de discrétisation correspondants est donnée par la procédure 2.2.1. Pour éviter une dépendance à l’orientation et la position, elle repose sur des principes de géométrie algorithmique [69]. Ici et pour la suite une hypothèse forte est formulée : les granulats sont supposés convexes. Cette procédure est appliquée à chaque granulat dans le champ de vision et conduit à une forte réduction du nombre de points candidats à la propagation de fissure. Cette procédure est valable quelque soit la direction du champ de vision.

Un modèle probabiliste de prédiction de la trajectoire d’une fissure a été proposé. À partir d’une pointe de fissure, il a pour objectif de fournir une estimation rapide de la probabilité qu’un point donné de la microstructure granulaire discrète soit le prochain point atteint par la fissure. Pour cela, sa construction s’appuie d’abord sur l’évaluation de deux indicateurs géométriques d’angle et de distance associés à chaque point candidat. Ces indicateurs ont été définis formellement et une procédure efficace à base de cone d’écrantage pour les évaluer a été développée. Les résultats issus de leur évaluation ont montré qu’ils permettent de capturer des informations cohérentes avec l’analyse mécanique du comportement d’une fissure. Ces indicateurs ont ensuite servi de base au développement d’une loi de transition d’un modèle de chaîne de Markov homogène qui constitue le modèle de prédiction. Cette loi de transition est suffisamment flexible pour prendre en compte l’attractivité du granulat mais également le respect d’une direction privilégiée de propagation de la fissure. Ses paramètres sont estimés à partir d’un ensemble d’apprentissage de microstructures déjà fissurées. Les différentes étapes pour effectuer une prédiction avec le nouveau modèle ont enfin été décrites. Elles combinent évaluation des indicateurs et tirage aléatoire à partir d’une loi de probabilité discrète pondérée. À l’issue de la prédiction, le modèle fournit plusieurs réalisations de la trajectoire de la fissure qui peuvent être exploitées pour quantifier l’incertitude de prédiction.

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Table des matières

Introduction
1 État de l’art : fissuration du béton et méthodes statistiques
1.1 Le béton
1.1.1 Quelques pathologies affectant le béton
1.1.2 La phénoménologie de la fissuration
1.1.3 Hypothèses de travail
1.1.4 Simulation numérique à l’aide des Modèles de Zones Cohésives
1.1.5 Exemples de simulations XPER sur un béton numérique
1.2 Une stratégie de réduction du coût de calcul
1.2.1 Limitation actuelle et indicateurs locaux
1.2.2 Rappel sur les chaînes de Markov
2 Modèle de prédiction du trajet de fissure
2.1 Représentation de la microstructure et propagation de la fissure
2.2 Indicateurs géométriques locaux pour la caractérisation de la fissuration
2.2.1 Définition des indicateurs
2.2.2 Calculs des indicateurs locaux
2.2.3 Évaluation des indicateurs
2.3 Modèle probabiliste pour la prédiction de la trajectoire d’une fissure
2.4 Prédiction de la trajectoire d’une fissure avec le modèle probabiliste
3 Apprentissage et validation du modèle de prédiction
3.1 Estimation des paramètres du modèle : étape d’apprentissage
3.2 Prédiction de la fissure
3.3 Prédiction de la tortuosité du chemin de fissure
3.4 Influence de la base d’apprentissage
4 Application
4.1 Poutre en flexion trois points
4.2 Couplage entre le modèle probabiliste et un code mécanique Éléments Finis
4.2.1 Détermination de l’orientation de propagation locale de la fissure
4.2.2 Mise en œuvre numérique à l’aide du logiciel Cast3M
4.2.3 Couplage
4.2.4 Étude paramétrique
4.3 Prédiction et analyse des résultats
4.4 Conclusion et discussion
Conclusion et Perspectives
Bibliographie

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