L’EPS est une discipline d’enseignement qui est souvent vécue par les élèves comme offrant un « cadre moins strict » que les autres ce qui invite les élèves à interagir plus spontanément. Si cela peut nuire au bon ordre des leçons et aux apprentissages des élèves, plusieurs études (cf. Saury, J. et Huet, B., Interaction et apprentissage) montrent que ces interactions spontanées peuvent être bénéfiques pour les apprentissages. Notre étude vise donc à déterminer en quoi et comment l’enseignant peut-il promouvoir et orienter les interactions sociales au sein d’un binôme en coopération pour favoriser les apprentissages en Course d’orientation. Ici, nous prendrons appui sur une situation proposée à des élèves de terminale du Lycée Jacques Prévert à Savenay .
Contextualisation
L’EPS est souvent rattachée à l’aspect moteur auquel sont confrontés les élèves dans cette discipline du fait de sa spécificité qu’on ne retrouve pas dans les autres disciplines scolaires. Pourtant, le versant moteur ne constitue pas l’unique apprentissage souhaité chez les élèves. Il convient pour l’enseignant de viser au même titre que les apprentissages moteurs, des apprentissages méthodologiques et sociaux. Par ailleurs, Mascret, N. (2010). Apprentissage coopératif et contexte culturel a précisé : “Chevallard (2002) affirme que les élèves apprennent parfois davantage lors des échanges avec certains de leurs camarades que lors des échanges avec le professeur, car ils se permettent alors d’entrer dans un rapport duel et dialectique qu’ils s’interdiraient avec l’enseignant. Néanmoins, c’est bel et bien l’enseignant luimême qui va mettre en place les conditions pour que les élèves puissent échanger. Se pose alors la question de l’organisation de cette interaction.” Cet aspect de la discipline nous semble particulièrement intéressant à étudier, notamment au regard des apprentissages sociaux des élèves, pour montrer qu’ils sont bénéfiques aux apprentissages moteurs. Ainsi, un lien indéniable est présent entre ces deux types d’apprentissages, et même entre les trois types d’apprentissages.
État des recherches actuelles
Les interactions ainsi que la coopération ont déjà fait l’objet de nombreuses études. C’est pourquoi, avant de poursuivre sur notre propre questionnement autour de ces deux thématiques, nous pouvons mettre en avant les travaux déjà réalisés, sur lesquels nous nous appuierons ultérieurement. Les termes qui seront abordés dans cette partie ne seront pas définis ici, une partie définition leur sera réservée par la suite. Dans un premier temps, il a été montré à plusieurs reprises les multiples bénéfices des interactions sur les apprentissages des élèves. En effet, Darnis, F. et Lafont, L. (2008). Effets de la dissymétrie de compétence pour un apprentissage coopératif en dyades en Éducation Physique et Sportive, précisent dans cet article que la supériorité́ des groupes coopératifs avec interactions verbales, par rapport aux groupes sans interactions verbales, au niveau des scores de performances motrices individuelles. Autrement dit, les élèves ayant des interactions verbales avec autrui obtiennent de meilleurs résultats par rapport aux groupes où il n’y a pas d’interaction entre les protagonistes.
L’APSA Course d’Orientation
Avant d’observer plus attentivement notre objet d’étude, il nous paraît important de préciser le choix de l’APSA course d’orientation. Pourquoi faire une étude sur la course d’orientation en particulier et pas sur une autre APSA. Le choix de cette APSA n’a pas été réellement de notre ressort. En effet, si nous avons basé notre étude sur la course d’orientation c’est en raison du contexte sanitaire. Initialement nous devions réaliser notre étude sur l’APSA badminton. Or, les restrictions liées au COVID-19 nous ont contraintes à pratiquer l’EPS dehors uniquement. De fait, nous avons enchaîné avec la séquence suivante programmée pour cette classe de terminale qui s’avère être celle de course d’orientation. Notre choix est donc en étroite relation avec la programmation établie par l’équipe EPS de l’établissement. Nous aurions pu programmer une autre activité du champ d’apprentissage n°2 « Adapter son déplacement à des environnements variés et ou incertains » (Bulletin Officiel spécial n°1 du 22 janvier 2019), or les moyens et les restrictions sanitaires nous ont limité. À la vue de ce contexte, la course d’orientation semble être l’activité la plus adaptée pour respecter toutes ces contraintes. Quand la séquence de badminton a été interrompue et que nous avons annoncé que nous poursuivons avec la course d’orientation, les élèves ont tout de suite été enthousiastes à l’idée. Hormis trois élèves de cette classe de terminale, tous ont déjà pratiqué une fois de la course d’orientation dans leur scolarité. Ce point est important puisque c’est une APSA qui peut faire peur aux élèves car peu connue.
Par ailleurs, la spécificité de l’activité et du champ d’apprentissage 2, qui souhaite que les élèves évoluent dans un espace inconnu peut accentuer cette crainte qu’ont les élèves à pratiquer une telle activité. Il se trouve notamment qu’une majorité des élèves de notre classe ne connaît pas la zone d’évolution.
Apprentissage et réussite en EPS
Reuchlin (1993) précise « qu’il y a apprentissage lorsqu’un organisme placé plusieurs fois de suite dans une même situation, modifie sa conduite de façon systémique et durable ». Autrement dit, il s’agit de modifier son comportement de façon durable suite à une perturbation et donc une adaptation.
En EPS, nous distinguons trois types d’apprentissages : moteurs, méthodologiques et sociaux. Les apprentissages moteurs correspondent à un changement de comportement au niveau de la motricité des élèves, l’apprentissage par exemple d’un geste technique, ou encore l’adaptation de la motricité à un environnement particulier. Les apprentissages méthodologiques correspondent eux à un changement de comportement dans la capacité à savoir apprendre. Il s’agit par exemple de savoir mobiliser des informations présentes sur une fiche d’observation, ou bien de savoir simplement recueillir des informations sur la prestation d’un camarade. Enfin, les apprentissages sociaux correspondent à une transformation du comportement par rapport à autrui. Il peut s’agir dans notre cas, de prendre part à différents rôles inhérents à la pratique, ou bien d’accepter de travailler avec un camarade, mais aussi d’apprendre grâce aux autres.
Par ailleurs, la notion d’apprentissage est étroitement liée à la notion de réussite. En effet, les apprentissages permettent d’avoir accès à la réussite. Autrement dit, nous pouvons attester des apprentissages d’un élève dès lors qu’il se trouve en réussite. A l’inverse, si l’élève observé n’est pas en réussite (donc en échec), alors il n’a pas atteint les apprentissages visés. Pour autant, nous verrons par la suite que la réussite n’atteste pas forcément des apprentissages. En effet, certains élèves se trouvent en réussite dans une tâche sans pour autant avoir appris, dans la mesure où les apprentissages visés sont déjà acquis par les élèves, consciemment ou non.
Apprentissage et coopération
L’ouvrage sur le « Mieux apprendre par la coopération » (e.g., Cahiers pédagogiques, 2013) montre que la coopération peut être envisagée comme une stratégie et un moyen pour faire apprendre les élèves. « La coopération à l’École peut correspondre à des situations différentes selon les contextes (Connac, 2013), ses avantages ne vont pas de soi » (Thèse, A. Évin). Cela nous fait comprendre qu’il est nécessaire que les élèves apprennent à coopérer avant de coopérer pour apprendre. Nous sommes sur un double enjeu éducatif : “apprendre à coopérer” et “coopérer pour apprendre”. Pour notre étude, nous nous adressons à des élèves de terminale qui ont appris à coopérer au cours de leur scolarité et qui sont donc aptes à coopérer pour apprendre en Course d’Orientation. En tant qu’enseignant, adopter la stratégie d’enseignement de faire coopérer les élèves est propice pour favoriser les apprentissages.
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Table des matières
Introduction
1. Contextualisation
1.1. État des recherches actuelles
1.2. Enjeux liés à l’école, aux élèves, aux apprentissages et à la discipline
1.3. L’APSA Course d’Orientation
2. Partie théorique
2.1. Concepts scientifiques
2.1.1. Les interactions
2.1.2. Interaction et coopération
2.1.3. Apprentissage et réussite en EPS
2.1.4. Apprentissage et coopération
2.1.5. Promotion et orientation des interactions
2.2. Cadre théorique mobilisé
2.3. Hypothèses
2.3.1. Hypothèses générales
2.3.2. Hypothèses spécifiques
3. Problématique
3.1. Question de recherche
4. Méthodologie
4.1. La méthode
4.2. Le protocole expérimental
4.3. Dispositifs d’apprentissage
4.4. Acteurs observés
4.5. Données recueillies
4.6. Organisation du recueil de données
4.7. Outils d’analyse utilisés
5. Conditions expérimentales
5.1. Contexte de l’étude
5.2. Recueil de données
5.2.1. Observable n°1 : Les interactions positives
5.2.2. Observable n°2 : Les interactions négatives
5.2.3. Observable n°3 : Les interactions neutres
5.3. Résultats obtenus et analyse
5.3.1. Résultats de l’observable n°1 : les interactions positives
5.3.2. Résultats de l’observable n°2 : les interactions négatives
5.3.3. Résultats de l’observable n°3 : les interactions neutres
6. Analyse et discussion
Conclusion
Remise en question et perspectives
1. Limites
2. Perspectives
Annexes