Apprendre à parler avec des comptines et des jeux sur les sonorités de la langue, en maternelle

Les parallèles entre la musique et le langage

La musique : un langage universel ?

On qualifie souvent la musique de « langage universel ». En me questionnant sur le bien fondé de cette conception, j’ai tout d’abord pensé à aborder l’idée selon laquelle la musique constituerait un médium qui aurait la capacité de transcender les lieux et les époques.
Depuis plusieurs dizaines d’années, les anthropologues et les musicologues étudient les différentes formes musicales existant de par le monde. Tous s’accordent pour dire que tous les peuples de la Terre, jusque dans les contrées les plus isolées du globe, possèdent des formes musicales. Cette présence de la musique dans toutes les cultures suggère alors l’existence d’une sorte de capacité musicale naturelle et commune à tous les être humains.
Or, la plupart des spécialistes s’entendent également pour dire que la musique n’est pas un langage universel. Avec tous les moyens technologiques que nous possédons aujourd’hui, chacun peut avoir accès à un véritable pluralisme de styles musicaux au quotidien.
Pourtant, pour chaque forme ou style musical, il existe une manière singulière de la concevoir. Chaque type de musique a ses propres codes et s’inscrit dans des habitudes et des coutumes sociales propres à la communauté à laquelle elle appartient. La musique n’est donc pas « seulement musicale », elle est avant tout une construction culturelle humaine qui implique de la diversité (diversité de codes, de normes et de modèles de référence).
Le caractère universel de la musique n’est cependant pas contesté, puisque celle-ci est omniprésente dans toutes les cultures humaines.
Qu’en est-il alors de la question de l’universalitéde la musique comme médiateur du langage ? La musique est en effet un langage de l’affectif, et sa capacité à produire des réactions émotionnelles explique certainement le caractère universel du phénomène musical. Selon Tecumseh Fitch (2004), psychologue àl’université de St. Andrews, la musique serait un « protolangage » (Première forme de langage permettant d’exprimer des représentations, mais inapte à construire des récits complexes ou des discours abstraits) né au cours de l’évolution de la langue, et dont découlerait la communication parlée. Musique et langage auraient donc évolués conjointement, en lien avec une volonté et un besoin de coopérer et de communiquer pour subvenir aux besoins du groupe et assurer sa cohésion.
Cette idée de la musique comme protolangage est également partagée par le neuroscientifique américain Steven Brown (2000), qui parle de « musilangage ». Ce musilangage serait l’ancêtre commun du langage et de la musique, et aurait évolué en donnant naissance tout d’abord aux langues dites tonales, comme le chinois ou le birman, puis aux langues non tonales, comme le français. Lesens des mots dans une langue tonale dépend de l’intonation avec laquelle on les prononce. Selon Brown, les langues tonales seraient donc historiquement les plus anciennes, alors que les langues non tonales seraient plus modernes, ce qui serait un indicateur de la séparation ayant eu lieu entre musique et langage. Si on compare une langue tonale à une langue non tonale, on pourra remarquer qu’elles utilisent toutes les deux la musicalité pour produire du sens, mais pour l’une l’intonation est capable de modifier le sens d’un mot, alors que pour l’autre l’intonation sert principalement à donner une nuance émotive à la phrase (phrase affirmative, interrogative, exclamative). Dans cette même idée, Steven Mithen (2005), archéologue britannique, considère que musique et langage ont comme point de départ un même système de communication capable d’exprimer plusieurs choses. Ce système reposerait sur l’existence de nombreuses expressions, dont chacunepourrait transmettre un message sans nécessairement être combinée avec d’autres expressions similaires. Selon lui, la bipédie aurait permis à l’Homme d’acquérir un langage fait de combinaison de mots, se rapprochant de la forme utilisée par les populations humaines actuelles. Ce qui est resté de cette évolution du langage se serait alors transformé en musique, et celle–ci serait redevenue un moyen de communication au moment de l’apparition des rites religieux.
A l’échelle de l’Histoire, on peut voir que la musique a longtemps entretenu des rapports réciproques avec le langage. En effet, de nombreux textes religieux ainsi que des poèmes ont été mis en musique : chez les Grecs, l’aède homérique composait la musique et les paroles des sagas épiques ; les Hébreux chantaient leurs psaumes ; au Moyen-Age, les troubadours et les trouvères étaient à la fois poètes, compositeurs et musiciens. Cela confirme donc qu’en plus de sa dimension culturelle, la musique a aussi fait partie des premiers moyens de communication.

Les étapes du développement musical et langagier de l’enfant

En consultant les documents d’accompagnement de programmes de 2002 sur le langage en maternelle, j’ai pu lire ceci : « On naît dans une langue ; les enfants, même les plus petits et ceux qui ne parlent pas encore ou ne s’expriment pas de manière intelligible, baignent dans cette langue depuis leur naissance, dans sa ‘‘musique’’ avant même leur naissance. » (Scéren, 2002, CNDP, 2006, p9). La référence à cette notion de musicalité de la langue m’a amené à étudier en parallèle le développement musical et le développement langagier de l’enfant.
Dès la naissance, et même in utero, le bébé entend (vers le cinquième mois fœtal).
A la naissance l’ouïe est intégralement constituée (contrairement à la vue qui va continuer de s’améliorer jusqu’à l’âge de 6 ans) et sera identique à l’âge adulte. On sait depuis longtemps que lorsqu’on fait écouter de la musique à de futures mamans, des mouvements foetaux témoignent d’un développement prénatal de ce sens. Certaines études ont d’ailleurs montré que la mémoire musicale mise en place pendant la vie intra-utérine perdurait plusieurs mois, voire même parfois un an après la naissance. Les bébés sont, de plus, très sensibles aux voix et capables de s’orienter vers la voix de leur mère. Après une phase d’écoute globale de la parole, ils commencent à percevoir la musicalité de la langue, son rythme et son accentuation.
A partir de 2 mois, le bébé prend plaisir à produire des sons souvent rythmés, répétitifs. Il les écoute, les répète, crée ainsi son propre écho et sa première imitation acoustique par des vocalisations spontanées (babil). A partir de 6 mois, il sélectionne certains phonèmes et s’entraîne à les répéter, puisentre 7 et 8 mois, le babil atteint son maximum de diversité. Il s’attache à reproduire ce qu’il entend et à imiter les courbes mélodiques de phrases prononcées par sa mère ou sesproches, sans en reproduire les mots.
Sachant que la voix ne peut reproduire que ce que l’oreille entend, l’éducation de l’oreille est donc essentielle chez l’enfant car c’est elle qui lui permet de structurer son langage.
D’ailleurs, selon Jean Piaget, « (…) l’ouïe et la voix sont liées chez l’enfant : non seulement l’enfant normal règle avant tout sa propre phonation sur les effets acoustiques qu’il perçoit, mais encore la voix des autres semble agir d’emblée sur la sienne. » (RibièreRaverlat, 1997, p148). On peut donc dire que la voix de l’enfant se construit dans le mimétisme qui a ici, un rôle essentiel. Par la suite, l’écoute devient plus analytique : « Le jeune enfant apprend à repérer auditivement une suite de petites unités, donc à découper le flux sonore, et il découvre qu’avec ces unités, lesmots, on dit du sens. Cela se fera par une écoute-répétition qui, par tâtonnements des coordinations sensori-motrices de l’appareil phonatoire, permettra d’arriver à bien imiter les sons de la langue maternelle, donc d’apprendre à parler et à communiquer » (Ribière-Raverlat, 1997, p148).
La découverte que les mots sont porteurs de sens vaprogressivement amener l’enfant vers une « restriction phonologique monolinguistique » où il assimilera les sonorités de sa langue maternelle. Le schéma ci-dessous montre ce phénomène :

La musique et le langage à l’école primaire : ce que disent les programmes officiels de 2008.

Depuis quelques années, les rédacteurs des programmes ont mis en évidence des objectifs spécifiques et transversaux, en indiquant les trois visées de l’éducation musicale : le travail de la voix, le contact avec les instruments et l’exercice de l’écoute. Mon travail s’étant en partie appuyé sur des séances menées et observées dans des classes de moyenne et grande section maternelle, CPet CE1, j’ai ciblé mes recherches sur des articulations possibles entre la musique et le langage dans les cycles 1 et 2.

A l’école maternelle

« S’approprier le langage » constitue le premier des six domaines d’apprentissages de l’école maternelle. Il est décliné dans les rubriques « Echanger, s’exprimer », « Comprendre » et « Progresser vers la maîtrise de la langue française ». Ces différentes rubriques recouvrent des aspects très différents du développement langagier à l’école. En effet, le langage y est envisagé en prenant en compte trois aspects qui lui sont propre : la dimension d’expression et de communication, la dimension cognitive et langagière (compréhension, production, appropriation des discours et des savoirs) et la dimension linguistique (appropriation des structures, des classes de mots, du vocabulaire). L’élève de cycle 1 acquière donc une langage lui permettant des’exprimer dans des situations très diversifiées.
Les programmes affirment que l’école maternelle, par le travail sur les sons de la parole et l’acquisition du principe alphabétique et des gestes d’écriture, favorise l’apprentissage systématique de la lecture et de l’écriture qui commencera en classe de CP.
Pour cela, les élèves de fin de cycle 1 doivent comprendre comment fonctionne le principe alphabétique, connaître l’existence et la nature des relations entre les lettres et les sons.
Pour l’enseignant, il s’agit donc de reconnaître les capacités des enfants face au monde sonore et de les enrichir, sans pour autant systématiser cet apprentissage à toutes les lettres de l’alphabet et à tous les sons de la langue.
En ce qui concerne la voix et l’écoute, les programmes disent que ce « (…) sont très tôt des moyens de communication et d’expression que lesenfants découvrent en jouant avec les sons, en chantant, en bougeant. » (Ministère del’Eduction Nationale, 2008, p16). On peut d’ailleurs noter qu’il est fait mention des comptines et des chants mémorisés par les enfants dans la rubrique « Echanger, s’exprimer », et que la rubrique « Se préparer à apprendre à lire et à écrire » met l’accent sur lesjeux sonores et les premières tâches de discrimination des sons (rimes, syllabes). La présence de ces activités dans trois des six domaines d’apprentissages de l’école maternelle témoigne donc des possibilités qui sont offertes aux enseignants de créer des ponts entre les différentes disciplines, tout en amenant les élèves à acquérir les compétences spécifiques à chacune de ces disciplines.

A l’école élémentaire

Priorités du cycle 2, les apprentissages de la lecture, de l’écriture et de la langue française se renforcent réciproquement tout au longdu cycle. Pour que ces apprentissages se fassent dans de bonnes conditions dès le CP, la classe de grande section de maternelle doit avoir permis aux élèves de comprendre comment fonctionne le principe alphabétique, car le code alphabétique fait l’objet d’un travail systématique dès le début de l’année de CP. Tous ces apprentissages donnent lieu à des contenus spécifiques sur la pratique orale du langage et l’acquisition du vocabulaire, tout en permettant d’aborder la langue dans la transversalité de l’ensemble des apprentissages. Ainsi, la mise en place d’activités liant éducation musicale et travail sur la maîtrise du langage peuvent participer à l’acquisition de compétences générales et spécifiques à chaque domaine.
Si on regarde le premier palier pour la maîtrise dusocle commun, ont peut remarquer que certaines des compétences attendues en fin de cycle 2 (La maîtrise de la langue française et la culture humaniste) se complètent :
– S’exprimer clairement à l’oral en utilisant un vocabulaire approprié : après l’écoute d’œuvres musicales, les élèves sont aussi amenés à utiliser cette compétence en exprimant leurs goûts personnels et en justifiant leurs choix en utilisant un lexique spécifique au domaine musical, apporté par l’enseignant.
– Lire seul, à haute voix, un texte comprenant des mots connus et inconnus / Dire de mémoire quelques textes en prose ou poèmes courts /S’exprimer par le chant : la lecture comme la pratique du chant, impliquent que l’élève adopte une attitude particulière. Celui-ci doit contrôler volontairement sa respiration, sa voix et sa posture. La diction l’amène aussi à rechercher différents tons, à dire un texte mémorisé en proposant une interprétation personnelle.
– Utiliser ses connaissances pour mieux écrire un texte court / S’exprimer par l’écriture : L’enseignant peut demander à ses élèves de réinvestir leurs acquis langagiers pour écrire un texte court descriptif etnarratif, se référant à une œuvre musicale étudiée en classe.

Apprendre à parler avec des comptines et des jeux sur les sonorités de la langue, en maternelle

Apprendre à parler à l’école maternelle

A l’entrée en maternelle (généralement à 3 ans), le développement langagier des enfants est en cours. Leurs capacités langagières sont très hétérogènes et certains utilisent encore un langage peu articulé (parler « bébé ») qui constitue un obstacle à la compréhension, alors que d’autres maîtrisent des phrases de deux mots ou sont capables de s’exprimer par des phrases bien structurées et compréhensibles. Face à cette hétérogénéité des capacités langagières des élèves à l’entrée en maternelle, les enseignants effectuent des évaluations diagnostiques individuelles afin de pouvoir ensuite proposer dès les premières semaines qui suivent la rentrée des classes, des situations d’apprentissages langagiers variées.
Il est vrai que le passage du langage de la maison,au langage de l’école constitue un véritable changement dans les habitudes des enfants. En effet, dans la vie quotidienne, les parents sont généralement capables de comprendre le langage de leur enfant et d’interpréter ses besoins ou ses demandes par l’utilisation de gestes, de regards ou de mimiques. Or, ce langage est généralement incompréhensible pour toute personne extérieure au cercle familial et s’inscrit dans desactions du quotidien qui sont connues de l’enfant. Ainsi, l’entrée en maternelle marque une forme de rupture entre les usages de la maison et les usages de l’école, car elle implique l’utilisation d’un nouveau lexique spécifique aux apprentissages. Si on s’attarde plusparticulièrement sur certaines pratiques scolaires comme chanter, mémoriser et dire des comptines, répéter des mots, des phrases ou des consignes, répondre aux questions de l’enseignant, attendre pour prendre la parole, dire son nom ou écouter et respecter une consigne, on sait que la plupart d’entre elles sont totalement étrangères aux enfants qui entrent en petite section. Cependant, cette rupture entre les usages langagiers de la maison et ceux de l’école est nécessaire à l’acquisition des apprentissages scolaires pour faire du langage non seulement un objet d’apprentissage, mais également un outil pour apprendre. L’enfant va donc continuer à apprendre à parler tout en découvrant de nouveaux usages du langage, mais aussi de nouvelles formes lexicales et syntaxiques qui seront utilisées dans l’ensemble des activités scolaires. La suite de l’apprentissage du langage pourra se faire par imprégnation, imitation et répétition lors d’ateliers de langage, ou encore par la découverte de comptines où l’oreille sera travaillée.

Le rôle de la comptine à l’école maternelle

Selon Boris Teplov, la démarche suivie pour l’apprentissage de la langue parlée est la même que pour celui de la langue chantée : « Tous les enfants apprennent à chanter grâce à d’innombrables essais, durant lesquels d’une part se crée l’aptitude à maîtriser l’appareil vocal, d’autre part s’élaborent les représentations auditives. » (Ribière-Raverlat, 1997, p152). Les comptines ayant une place importante à l’école maternelle, j’ai donc cherché à comprendre leur utilité dans l’optique d’éduquer l’oreille des élèves à la langue française.
– La construction d’une première conscience des réalités sonores de la langue: D’après les résultats des travaux de Sandra Trehub,psychologue à l’université de Toronto, « Les enfants écoutent avec davantage d’attention le chant de leur mère plutôt que ses paroles. Ils se souviennent pendant longtemps d’un morceau, mettant en œuvre des facultés musicales qui, à bien des égards sont similaires à celles des adultes. Dans certaines activités spécifiques, ils semblent même plus habiles que ces derniers. » (Bencivelli, 2009, p113-114). Ils inventent également spontanément des petites chansons inspirées de berceuses connues et constituées de phrases brèves,avec des courbes rythmiques et mélodiques caractéristiques.
Ce constat m’a alors amené à me questionner sur le rôle de la comptine à l’école en lien avec le développement de la conscience phonologique(1) chez l’enfant. Travailler la conscience phonologique implique de développer chez lui, une activité métalinguistique qui lui donnera accès à la conscience du phonème. En effet, à l’école maternelle, d’après les programmes de 2008, les différentes tâches que proposent les enseignants doivent permettre aux élèves de centrer petit à petit leur attention sur l’aspect formel des mots, et les conduire à prendre conscience de la dimension sonore de la langue. La rubrique « Se préparer à apprendre à lire et à écrire » met d’ailleurs l’accent sur les jeux sonores et les premières tâches de discrimination auditive (syllabes et rimes) : « Les enfants découvrent tôt le plaisir de jouer avec les mots et les sonorités de langue. (…) Progressivement ils discriminent les sons et peuvent effectuer diverses opérations sur ces composants de langue (…). » (Ministère de l’éducation nationale, 2008, p13).
L’apprentissage de la lecture, qui passe par l’acquisition du code alphabétique, nécessite d’établir des correspondances entre les unités de l’oral et celles de l’écrit. Aussi, pour que l’apprentissage progressif de la lecture et de l’écriture puisse se faire, les enseignants de maternelle aident leurs élèves à comprendre le fonctionnement du système qui code les sons de l’oral par diverses activités en ayant pour objectif de les amener à isoler et décomposer les mots, les syllabes et les sons. Or, j’ai pu voir lors de mes stages d’observation et de pratique accompagnée que les constituants phonétiques sonores de la langue ne sont pas toujours bien perçus par les élèves de maternelle, car leur attention reste essentiellement centrée sur la signification des phrases, des mots, et non sur l’analyse des éléments qui les constituent. Ce sont donc les tâches scolaires qui vont en grande partie conduire les élèves à reconnaître les éléments qu’ils doivent écouter ou prononcer différemment. En cela, il est indispensable que les enseignants de maternelle travaillent sur la dimension sonore de la langue en se basant dans un premier temps sur ce qui sonne.
C’est d’ailleurs pour cette raison que je trouve que les comptines offrent un réel support pour amener les élèves à écouter les sons. Par leur côté répétitif et scandé, elle leur donnent le plaisir d’entendre des sonorités chantantes, de jouer avec les sons, les rimes et les mots.
Par leur structure, elles amènent les élèves à prendre conscience qu’ils sont face à un tout où les actions se déroulent dans un ordre particulier (reprise de certains passages, alternance de mots qui ont du sens et d’onomatopées, etc.). Enfin, elles sont construites sur un rythme qui permet de compter les syllabes.

Des activités pour identifier les composantes phoniques et manipuler les éléments langagiers

Le modèle Hongrois d’enseignement de la musique que présente Jacquotte RibièreRaverlat dans son ouvrage, propose une « alphabétisation » musicale des enfants en suivant le principe suivant : « Ce que l’oreille entend, la voix doit être capable de la chanter, puis la main de l’écrire et les yeux de le lire. » (Ribière-Raverlat, 1997, p2). Cette pédagogie prend appui sur la méthode Kodály (cf annexe 1), et est assez proche de la pédagogie concernant l’acquisition du langage.

La musique au service du texte

Utiliser la musicalité de la langue pour aider à une meilleure compréhension du sens d’un texte

Cette année, j’ai eu l’occasion d’aller observer trois séances d’éducation musicale dans une classe de CP. L’enseignante titulaire a mis en place un projet de chorale interclasse avec les enseignants de maternelle de l’école. Cette chorale est composée 20 élèves de CP et de 15 élèves de grande section.
Pour l’apprentissage des chansons lors des séances que j’ai observées, l’enseignante travaillait en parallèle la voix parlée et la voix chantée. « La tique tac » (cf annexe 11), est une chanson pleine de rimes et de jeux de mots.
Son caractère ludique fait donc entrer le langage dans une sensibilité nouvelle, celle de l’humour, de la drôlerie et de l’illogisme. Cependant, pour un élève de cycle 2, le fait que le texte de cette chanson mette l’accent sur la sonorité de la langue peut l’empêcher de saisir certains éléments du texte. Pour cette raison, l’enseignante a tout d’abord chanté seule et a ensuite demandé aux élèves de lui expliquer ce qu’ils avaient compris. Après avoir recueilli leurs réponses, elle a d’abord définit ce qu’était une tique. L’utilisation d’images pour illustrer l’apport de nouveau lexique a permis de lever certaines incompréhensions et de donner du sens au texte. Pour l’apprentissage des couplets, le texte était d’abord dis par l’enseignante en accentuant les rimes récurrentes, avec un apport illustré sur le lexique non connu des élèves. L’objectif du passage par la voix parlée est de faire en sorte que les élèves se détachent de la mélodie pour se concentrer sur la rythmique et le sens des paroles. Travailler sur la voix parlée en parallèle de la voix chantée est donc un bon moyen de mettre en évidence les associations entre formes sonores et significations, et participe à une meilleure compréhension du sens des textes. J’ai d’ailleurs vu que le fait de scander les paroles amenait les élèves à passer facilement de la voix parlée à la voix chantée.

Chanter pour aider la mémoire

Au-delà des compétences vocales mises en jeu, l’apprentissage de textes de poésies ou de chansons constitue un très bon moyen d’exercer la mémoire. En effet, même si nous possédons un système de notation musical depuis très longtemps, de nombreuses chansons de la musique populaire ou encore des chants traditionnels africains, ont traversé le temps sans jamais avoir été mis par écrit. D’ailleurs, Silvia Bencivelli constate que « (…) dans les communautés où la musique n’est pas écrite, chaque individu connaît par cœur ce qui est nécessaire pour participer musicalement à la vie ensociété (…) » (Bencivelli, 2009, p23).

Le seul support de ces musiques est donc la mémoirecollective

Lors de mes visites dans l’école évoquée précédemment, j’ai eu un entretien avec une intervenante en musique travaillant avec l’enseignante de CP. Selon elle, le fait de mémoriser à la fois un texte, des rythmes et une mélodie, renforce la mémoire auditive de l’enfant car cette combinaison offre une musicalitéqui favorise les automatismes. Elle m’a d’ailleurs parlé d’un travail qu’elle faisait sur le chant intérieur pour aider les élèves à mémoriser le texte d’une chanson : Au bout de quelques séances, quand les élèves commence à maîtriser le texte et la mélodie d’une chanson, l’intervenante reprend seule la chanson en chantant bouche fermée. Les élèves l’écoute et lorsqu’elle s’arrête, ils doivent retrouver les paroles correspondant à la dernière note chantée. J’ai trouvé cette méthode très intéressante car elle oblige les élèves à associer les mots et les sonorités de la langue aux sons qui composent la musique.
D’autre part, en cycle 1 comme en cycle 2, la mémorisation est d’autant plus favorisée si le texte chanté est accompagné de gestes et de mimes. Cela pourra se faire via un répertoire de chansons permettant d’apprendre etde mémoriser les parties du corps, les nombres, les jours de la semaine ou encore des structures syntaxiques.

L’écoute musicale : la musique peut-elle représente r et/ou exprimer quelque chose ?

Les différents degrés d’écoute

Pierre Shaefer (1967) distingue quatre niveaux d’écoute :
• L’écoute naturelle (écouter) : elle consiste à identifier un bruit ou un sons pour se renseigner sur un événement.
• L’écoute culturelle (comprendre) : elle se détourne de l’événement sonore pour trouver  en lui un message, une signification.
• L’écoute banale : elle consiste à rechercher la cause, la provenance et la signification du son, sans pour autant se questionner sur l’écoute et son fonctionnement.
• L’écoute praticienne : elle se fixe sur une seule direction en mettant de côté certaines significations.
La plupart des enfants disent écouter de la musique à la maison. Or la radio et la télévision constituent l’essentiel de leurs sources musicales, et leur écoute n’est pas véritablement choisie. Une éducation de l’oreille à l’école peut donc amener les élèves à modifier leurs schémas d’écoutes initiaux, à écouter autrement, et à s’approprier d’autres manières d’organiser l’espace sonore pour passer d’une écoute naturelle à une écoute culturelle.

De l’audition à l’écoute active d’un extrait musical : Présentation et analyse d’une séance menée dans une classe de CE1

Lors de mon stage en CE1, il m’a été donné la possibilité de prendre en charge une séance sur les instruments de l’orchestre symphonique (cf annexe 12). Au préalable, les élèves avaient eu des informations générales sur l’orchestre symphonique et les grandes familles d’instruments. Mon objectif lors de cette séance était donc de leur présenter les instruments des trois grandes familles, et de les amener à les différencier. Pour chaque famille, j’ai fait une présentation des différents instruments suivie de plusieurs écoutes.
Chaque écoute était elle-même suivie d’une phase d’oralisation où les élèves pouvaient commenter l’air qui avait été interprété et comparer les instruments appartenant à une même famille à partir illustrations que je leur ai distribué (cf annexe 13). J’ai terminé la séance par une écoute d’un extrait deCzárdas de Vittorio Monti, et en demandant aux élèves de répertorier les instruments qu’ils pensaient avoir reconnus.
Cette séance a été l’occasion de favoriser l’expression orale des élèves en leur permettant d’affiner leur emploi de la terminologie musicale. La dernière écoute a amené les élèves à développer l’écoute active, c’est-à-dire leur capacité à extraire quelques caractéristiques d’une œuvre musicale.
En faisant un retour sur ma pratique, je me suis rendue compte que les apprentissages étaient trop nombreux pour une seule séance, mais j’ai été satisfaite de voir que les élèves n’avaient pas hésité à s’exprimer sur les différentes écoutes.

Ecouter pour s’exprimer, dialoguer et donner ses impressions

Le travail en lecture effectué par mon tuteur à partir du conte musical Pierre et le Loupdans cette même classe de CE1, m’a amené à réfléchir à une possible exploitation du poème symphonique L’apprenti sorcier de Paul Dukas dans le but de favoriser l’expression orale.
Déroulement envisagé : Lors de cette séance, je présenterai à la classe un extrait du filmFantasia sans le son, puis je leur ferai écouter trois extraits musicaux :
– L’apprenti sorcier extrait de la bande originale du film.
– Peer Gynt – « Le matin » de Grieg.
– La symphonie des jouets de Leopold Mozart.
Les élèves, lors des phases de visionnage et d’écoute, pourront prendre des notes.
Ils se mettront ensuite par groupe de trois, discuteront pour se mettre d’accord sur un compte rendu commun de ce qu’ils ont vu et entendu,et devront utiliser leurs acquis langagiers pour écrire un texte sur ce qu’ils auront vu et entendu.
Enfin, ils devront choisir parmi les trois extraits musicaux celui correspondant à la vidéo en justifiant leur choix. Les élèves pourront s’appuyer sur l’ambiance de mystère qui se dégage de l’extrait de L’apprenti sorcier , ainsi que sur la dynamique du basson qui donne une impression de marche.
Je trouve que le fait de travailler en groupe est un bon moyen de libérer la parole en dédramatisant les difficultés qu’un élève aurait rencontré s’il avait dû travailler seul. De plus, la dynamique de groupe évite le découragement. Le dialogue qui pourra s’instaurer au sein des groupes, mais aussi avec l’enseignant lors de la mise en commun, permettra aux élèves de s’exprimer sur ce qu’ils ont entendu,de débattre sur leurs impressions personnelles et sur les phénomènes sonores saillants qu’ils ont pu repérer. Ce type d’activité constitue donc une occasion de s’exprimer collectivement à l’oral et à l’écrit. C’est également un moyen de faire parler les enfants en dehors de situations de langage cloisonnées, et de leur faire acquérir du nouveau vocabulaire.

CONCLUSION

Pour conclure, la musique et le langage présentent des similitudes qui offrent de nombreuses de possibilités de travail en éducation musicale à l’école.
La réflexion que j’ai menée pendant ces deux annéesde formation à l’IUFM m’a permis de saisir davantage la dimension culturelle du métier de professeur des écoles car c’est tout au long de leur scolarité que les élèves enrichissent et développent leur langage.
C’est à l’école que se mettent en place les premières réflexions, permettant une ouverture sur le monde et la construction d’une culture commune à tous les élèves. Le travail que j’ai proposé pourra évidemment être repris avec des moyens plus poussés, en élargissant le champ de recherche au cycle 3, pour montrer l’évolution des conduites langagières et musicales de la maternelle au CM2.

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Table des matières
INTRODUCTION
1. Les parallèles entre la musique et le langage
a) La musique : un langage universel ?
b) Les analogies entre musique et langage
c) Les étapes du développement musical et langagier de l’enfant
d) La musique et le langage à l’école primaire : ceque disent les programmes officiels de 2008
2. Apprendre à parler avec des comptines et des jeux sur les sonorités de la langue, en maternelle
a) Apprendre à parler à l’école maternelle
b) Le rôle de la comptine à l’école maternelle
c) Des activités pour identifier les composantes phoniques et manipuler les éléments langagiers
d) Présentation et analyse d’une séquence menée dans une classe de moyenne et grande section de maternelle
3. La musique au service du texte
a) Utiliser la musicalité de la langue pour aider àune meilleure compréhension du sens d’un texte
b) Chanter pour aider la mémoire
4. L’écoute musicale : la musique peut-elle représenter et/ou exprimer quelque chose ?
a) Les différents degrés d’écoute
b) De l’audition à l’écoute active d’un extrait musical : Présentation et analyse
d’une séance menée dans une classe de CE1
c) Ecouter pour s’exprimer, dialoguer et donner sesimpressions
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES

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