Apprendre a lire et fabriquer l’image cinematographique, une etude de terrain a l’ere du numerique

La structuration des cinรฉ-clubs autour d’organisations d’รฉducation populaire

Dans les annรฉes 1920, les premiers cinรฉ-clubs รฉmergent et une trentaine d’Offices du cinรฉma scolaire et รฉducateur d’obรฉdience laรฏque se constituent. Les Offices du cinรฉma scolaire et รฉducateur se rassemblent au sein de la Fรฉdรฉration Nationale des Offices Cinรฉmatographiques d’Enseignement Laรฏque (FNOCE) en 1929.
Puis en 1933, la FNOCE se transforme en Union Franรงaise des Offices du Cinรฉma Educateur Laรฏque (UFOCEL) qui constitue en fait une section de la Ligue de lโ€™Enseignement, organisation emblรฉmatique de l’รฉducation populaire. Mais c’est surtout ร  partir de l’aprรจs-guerre que le lien entre les mouvements d’รฉducation populaire et les cinรฉ-clubs se dรฉveloppe. L’UFOCEL รฉtend son action sur l’ensemble du territoire franรงais ยซ en dรฉployant ses rรฉseaux selon la rรฉpartition gรฉographique des rectorats ยป.
Ainsi, entre les annรฉes 1950 et 1970, plus de 80% des cinรฉ-clubs รฉtaient affiliรฉs ร  l’UFOCEL, qui deviendra par la suite UFOLEIS (Union Franรงaise des ล’uvres Laรฏques dโ€™Education par lโ€™Image et le Son).
A cette รฉpoque, les acteurs de l’รฉducation populaire occupent une place de choix dans la coordination des cinรฉ -clubs: la Fรฉdรฉration Franรงaise des Cinรฉclubs, la Fรฉdรฉration loisirs et culture cinรฉmatographique, le Centre National de la Cinรฉmatographie, et l’UFOLEIS orientent l’action des cinรฉ-clubs au niveau national.
Le lien entre le cinรฉma et l’รฉducation populaire s’est formalisรฉ autour du cinรฉ-club comme รฉquipement, volet de l’action des acteurs de l’รฉducation populaire. Cet ancrage a permis le dรฉveloppement de nombreux cinรฉ-clubs, ร  l’activitรฉ trรจs prolifique.

L’รขge d’or des cinรฉ-clubs

Pendant la Seconde Guerre Mondiale, sous le rรฉgime de Vichy, l’activitรฉ des cinรฉ-clubs est interdite et s’arrรชte. Au lendemain de la guerre, des milliers de cinรฉ-clubs sont crรฉรฉs jusqu’aux annรฉes 1970. Pascal Laborderie parle d’un รขge d’or des cinรฉ-clubs, dont il situe l’apogรฉe entre 1953 et 1974.
Comme l’explique l’historienne Roxane Hamery, le succรจs des mouvements d’รฉducation populaire aprรจs la Seconde Guerre Mondiale explique l’avรจnement des cinรฉ-clubs : ยซ Lโ€™aprรจs Seconde Guerre mondiale en France est marquรฉ par une expansion considรฉrable des mouvements dโ€™รฉducation populaire et une vitalitรฉ associative remarquable. Communistes, laรฏques et chrรฉtiens multiplient les initiatives de terrain en faveur dโ€™une dรฉmocratisation culturelle dans des domaines aussi variรฉs que le thรฉรขtre, les arts plastiques et, bien sรปr, le cinรฉma qui, en raison de son statut de premier loisir de masse, est envisagรฉ comme vecteur idรฉal de la rencontre entre le peuple et la culture. Dรจs la Libรฉration, des cinรฉ-clubs vont fleurir un peu partout sur le territoire, ร  lโ€™initiative de militants qui ล“uvreront aussi bien dans les grandes villes que les zones rurales ยป.
Les fรฉdรฉrations d’รฉducation populaires font ainsi le choix de dรฉvelopper l’accรจs au cinรฉma ร  travers la crรฉation et l’absorption des cinรฉ-clubs, oรน les sรฉances sont gรฉnรฉralement gratuites et ouvertes ร  tous. Avec le dรฉveloppement des cinรฉ-clubs sur une grande variรฉtรฉ de territoires dans un mouvement de fond d’รฉducation populaire, la composition du public รฉvolue progressivement vers un auditoire en majoritรฉ ouvrier et rural.
L’รขge d’or des cinรฉ-clubs dont parle Laborderie transparaรฎt รฉgalement ร  travers les chiffres de l’รฉpoque. Plusieurs donnรฉes permettent d’estimer le niveau de frรฉquentation des cinรฉ-clubs. En 1946, la Fรฉdรฉration franรงaise des cinรฉ-clubs compte prรจs de 100 000 membres, chiffre qui reprรฉsente seulement une partie du public cinรฉ-clubiste de l’รฉpoque.
La frรฉquentation des salles de cinรฉ-clubs est รฉvaluรฉe entre 5 et 6 millions entre 1958 et 1960, et atteint les 7 millions ร  la fin des annรฉes 1970. Avec 200 millions d’entrรฉes dans le secteur commercial enregistrรฉes ร  la mรชme รฉpoque, l’activitรฉ des cinรฉ-clubs reprรฉsente entre 2 et 3% du marchรฉ commercial. Le nombre de structures est รฉgalement impressionnant, puisqu’en 1960, 10000 cinรฉ clubs sont recensรฉs sur le territoire national. Huit ans plus tard, on en compte 12 824.
Progressivement, le nombre de cinรฉ-clubs stagne jusqu’ร  diminuer ร  partir des annรฉes 1980.

Pratiques pรฉdagogiques d’รฉducation populaire au cinรฉ-club et ailleurs

Au cinรฉ-club et ร  l’รฉcole, les premiรจres expรฉriences pรฉdagogiques autour du cinรฉma poursuivent les mรชmes objectifs que l’รฉducation populaire. Il s’agit en effet d’amener le peuple ร  une forme de conscientisation et d’รฉmancipation ร  travers une meilleure lecture de la rรฉalitรฉ sociale.

ยซ L’รฉcole du spectateur ยป

Les cinรฉ-clubs qui se dรฉveloppent ร  l’aprรจs-guerre cherchent ร  sortir le spectateur de sa passivitรฉ, afin qu’il ne consomme pas les images cinรฉmatographiques sans prendre de recul critique sur celles -ci.
Dans la revue Informations UFOCEL, Jean Michel, fondateur du cinรฉ-club de Valence, parle ainsi du cinรฉ-club comme une ยซ รฉcole du spectateur ยป. Selon lui, le cinรฉ-club ยซ nโ€™est ni une รฉcole de cinรฉma, ni une รฉcole par le cinรฉma ; cโ€™est, si lโ€™on veut, une รฉcole du spectateur. (โ€ฆ) Il ne sโ€™agit pas, en effet, dโ€™un enseignement apportรฉ par lโ€™adulte, mรชme voilรฉ, mรชme masquรฉ, mais dโ€™une auto-formation du goรปt, de lโ€™intelligence, de la sensibilitรฉ de lโ€™enfant. ยป
Dans cette citation, Jean Michel รฉvoque en particulier l’activitรฉ des cinรฉ-clubs auprรจs des publics jeunes, qu’il a lui-mรชme largement pratiquรฉ et contribuรฉ ร  thรฉoriser dans son cinรฉ-club ร  Valence. Le cinรฉ-club contribue ร  la formation intellectuelle et humaine de l’enfant, l’enrichissement de sa sensibilitรฉ, ร  travers une forme d’auto-formation, oรน l’adulte intervient aussi peu que possible.
L’effacement de l’animateur est une caractรฉristique que l’on retrouve dans une majoritรฉ de cinรฉ clubs de l’รฉpoque.
Le concept d’รฉcole du spectateur rejoint la position de l’UFOLEIS ร  l’รฉpoque, dont le slogan dans les annรฉes 1950 est ยซ Pour un spectateur actif ยป. L’UFOLEIS est la fรฉdรฉration la plus marquรฉe par une culture d’รฉducation populaire. Le but affichรฉ ici est celui d’expression libre et d’appropriation des films par les participants. Les films sont sรฉlectionnรฉs plus pour leurs thรฉmatiques que pour leur valeur artistique, le but รฉtant de susciter la discussion, le dรฉbat, et de contribuer ai nsi ร  la formation du sens critique du spectateur.
Nรฉanmoins, la programmation des cinรฉ-clubs tรฉmoigne d’une grande diversitรฉ : sont diffusรฉs autant de films de patrimoine, films contemporains, films d’auteur, que de dessins animรฉs, de toutes origines.
Cela renvoie aux thรฉories contemporaines de Jacques Ranciรจre sur le spectateur รฉmancipรฉ : le cinรฉ-club doit conduire ร  l’รฉmancipation du spectateur, soit ยซ l’affirmation de sa capacitรฉ de voir ce qu’il voit, de savoir quoi en penser et quoi en faire. ยป
Plusieurs ouvrages et documents rendent compte des diffรฉrentes techniques, mรฉthodes d’animation utilisรฉes autour de l’apprentissage du film dans les annรฉes 1950 ร  1960.
Dans un rapport sur l’รฉducation cinรฉmatographique de l’UNESCO signรฉ par Jan Marie Lambert Peters en 1960, le dรฉbat et la discussion collective autour du film font partie des pratiques valorisรฉes par l’auteur, qu’il souhaite voir dรฉveloppรฉes ร  l’รฉcole. Selon lui, ยซ Pour รชtre en mesure de partager l’expรฉrience crรฉatrice de l’artiste et d’intรฉgrer le contenu social et culturel d’un film ร  sa vision du monde et de la vie, chaque spectateur doit faire un apprentissage qui consiste (โ€ฆ) ร  s’efforcer sans cesse de dรฉfinir avec prรฉcision ses propres opinions et attitudes. Le meilleur moyen d’y parvenir est de rรฉflรฉchir ยซ tout haut ยป ร  son expรฉrience cinรฉmatographique personnelle, avec d’autres membres d’un groupe ; et c’est bien lร  le genre d’exercice que doivent reprรฉsenter, ร  notre avis, les discussions de films. ยป.
En s’inspirant des รฉcrits de diffรฉrents auteurs europรฉens, Peters dรฉcrit les diffรฉrentes pratiques de discussion-dรฉbat exercรฉes ร  l’รฉpoque : la question ouverte proposรฉe par le professeur, le dรฉbat provocateur sous la forme d’un procรจs intentรฉ ร  un acteur ou rรฉalisateur, la formation des รฉlรจves en jury pour comparer des films, des exposรฉs brefs sur des sujets techniques autour du cinรฉma, etc. Une des formes originales retenues est celle du ยซ brain trust ยป, oรน chaque รฉlรจve prend le rรดle d’un mรฉtier du cinรฉma, d’un spectateur, et dรฉbat sur des films.
L’ouvrage valorise ces exercices qui ont une portรฉe pรฉdagogique intรฉressante : ils permettent de rendre le spectateur actif, l’encouragent ร  dรฉvelopper son esprit critique, son ยซ jugement moral ยป et son ยซ sens du style ยป. Par ailleurs, ces dรฉbats doivent permettre ร  tous de s’exprimer : ยซ Le maรฎtre doit toutefois veiller ร  รฉviter que les enfants les plus loquaces soient seuls ร  se faire entendre, et amener les plus timides ร  prendre part ร  la discussion en รฉvoquant les sujets qui les intรฉressent particuliรจrement ยป.

Donner accรจs ร  la pratique du cinรฉma

Au fil des expรฉriences dรฉveloppรฉes au sein de l’รฉcole et dans les cinรฉ-clubs et avec l’allรจgement des contraintes matรฉrielles de rรฉalisation, il apparaรฎt que la pratique cinรฉmatographique, la recherche du ยซ savoir-faire ยป devient un enjeu majeur de l’apprentissage.
Dans le rapport de Jan Marie Lambert Peters pour l’UNESCO, un des volets de l’รฉducation cinรฉmatographique dรฉjร  valorisรฉ par l’auteur est celui de la rรฉalisation de films. L’apprentissage de la technique participe largement ร  la comprรฉhension et ร  l’apprรฉciation des films : ยซ Cโ€™est la pratique qui nous enseigne le langage verbal ; de mรชme, pour sโ€™initier au langage cinรฉmatographique, le mieux est de sโ€™exercer ร  sโ€™en servir, et le meilleur moyen de parvenir ร  apprรฉcier la valeur artistique du cinรฉma est de prendre une part active ร  la rรฉalisation de films ยป. Selon lui, les exercices pratiques de rรฉalisation doivent รชtre combinรฉs ร  l’รฉtude thรฉorique du cinรฉma. Pourtant, ร  l’รฉpoque, ยซ l’idรฉe de faire tourner des films aux รฉlรจves peut paraรฎtre quelque peu chimรฉrique ยป du fait des contraintes matรฉrielles et financiรจres propres ร  la rรฉalisation de films.
Avec l’allรจgement des contraintes matรฉrielles de rรฉalisation, et notamment le dรฉveloppement du format de film ยซ Super 8 ยป en 1965, des enseignants du Mouvement Freinet peuvent donner accรจs ร  la rรฉalisation de films ร  leurs classes. Dans la continuitรฉ des activitรฉs proposรฉes par la pรฉdagogie Freinet, l’รฉlรจve peut maintenant s’exprimer librement par le film et se l’approprier. Il s’agit de films en 8mm et super 8, de nouveaux formats accessibles aux amateurs. Les films rรฉalisรฉs par les classes sont souvent des courts-mรฉtrages d’animation.
L’objectif de ces ateliers de rรฉalisation est de donner les ยซ ficelles ยป aux enfants et qu’ils s’approprient les mรฉcanismes de fabrication du film, afin que leur regard sur les images devienne plus construit : ยซ La dรฉmarche des enseignants du mouvement Freinet (…) n’est pas de critiquer seulement l’image animรฉe par l’รฉtude didactique, le langage. Elle met la camรฉra dans les mains des enfants. Par leur propre tรขtonnement, grรขce ร  une dรฉmarche d’appropriation collective, les enfants sont alors en situation d’inventer, de crรฉer et aussi โ€“ ce qui est primordial โ€“ de dรฉcouvrir les trucs, les trucages, les techniques de bases de l’animation, de la prise de vue. Ils voient sentent, touchent les choses, et ainsi deviennent plus critiques ร  l’รฉgard de l’image. ยป
Plus tard, ร  partir de la fin des annรฉes 1960, les auteurs du cinรฉma militant commencent ร  vouloir faire participer les sujets filmรฉs ร  la confection du film. Pendant cette pรฉriode, des groupes de crรฉation et de diffusion de films militants se rรฉpandent dans toutes les rรฉgions en sโ€™appuyant souvent sur des structures universitaires. Les artisans du cinรฉma militant de l’รฉpoque, souvent documentaire, dรฉveloppent des projets participatifs qui permettent de donner accรจs ร  la pratique cinรฉmatographique : on parle alors de ยซ films d’intervention ยป.
Leur but est de collaborer avec les personnes qui vont apparaรฎtre dans le film, qui sont concernรฉes par le sujet. Guy Gauthier dรฉcrit plusieurs stades de participation des personnes. Le premier stade est celui de ยซ faire parler ยป les personnes concernรฉes. La deuxiรจme option est de soumettre les rushes de ce qui a dรฉjร  รฉtรฉ rรฉalisรฉ aux personnes concernรฉes afin qu’elles les critiquent et suggรจrent d’autres plans, des solutions de montage, etc. Le troisiรจme stade est le fait de confier directement la camรฉra aux personnes concernรฉes par le sujet du film. Ces ateliers de pratique organisรฉs dans le cadre du film militant sont impulsรฉs ยซ par lโ€™idรฉologie de la crรฉation collective qui, dans les milieux sociaux, exe rce une vรฉritable hรฉgรฉmonie depuis mai 68. ยป
Un des exemples concrets qui a marquรฉ cette pรฉriode est le travail du cinรฉaste Christian Zarifian, par ailleurs animateur et rรฉalisateur de l’Unitรฉ cinรฉma de la Maison de la culture du Havre. La Maison de la Culture du Havre avait pour projet de diffuser des films sur le mรชme modรจle que le cinรฉ-club, mais aussi d’initier ร  la fabrication des films, en direction des jeunes du milieu ouvrier, public reprรฉsentatif de la composition socioculturelle de la ville. Christian Zarifian travaille ainsi en collaboration avec une vingtaine de membres du Foyer de Jeunes Travailleurs du Havre, qui vont รฉcrire et rรฉaliser un premier moyen-mรฉtrage documentaire On voit bien qu’c’est pas toi. Ce premier film sera sรฉlectionnรฉ ร  Cannes ร  la Semaine de la Critique, et inaugurera la sรฉrie de films collectifs rรฉalisรฉs par Zarifian.

L’intervention progressive des pouvoirs publics dans le champ cinรฉmatographique

Le dรฉclin du cinรฉ-clubisme s’expliquerait entre autres par l’รฉvolution du mode d’intervention des institutions dans le champ cinรฉmatographique, et notamment ses positions par rapport au secteur cinรฉmatographique non commercial.

Les premiers soutiens de lโ€™ร‰tat au cinรฉma non commercial

Dรจs les dรฉbuts du cinรฉma, la diffusion non commerciale qui s’organise dans les cinรฉ-clubs intรฉresse lโ€™ร‰tat. Les premiรจres organisations du cinรฉma รฉducateur se dรฉveloppent notamment grรขce au soutien des pouvoirs publics. Henri Portier explique ainsi que la progression des activitรฉs de la Cinรฉmathรจque Coopรฉrative de l’Enseignement Laรฏc de Freinet ยซ est aussi due au fait que l’Etat subventionne dรจs 1928 l’achat de matรฉriel cinรฉmatographique, cherchant par lร  ร  promouvoir le cinรฉma dans lโ€™enseignement, en relais avec des associations cinรฉphiles (UFOCEL en 1924 โ€“ ancรชtre de l’UFOLEIS, Cinรฉmathรจque de l’enseignement public en 1925…) ยป.
De mรชme, Pascal Laborderie rappelle que pendant cette pรฉriode dโ€™entre-deux guerres, de premiรจres exonรฉrations fiscales sont mises en place pour les organisations du cinรฉma รฉducateur qui proposent des sรฉances gratuites.
A la fin des annรฉes 1940, les exploitants du cinรฉma commercial sont inquiets de la concurrence du mouvement des cinรฉclubs, et lโ€™ร‰tat se mรฉfie de ces ยซ groupements de spectateurs souvent trรจs politisรฉs ยป.
Nรฉanmoins, les pouvoirs publics identifient un intรฉrรชt pรฉdagogique ร  encourager la diffusion non commerciale, en particulier auprรจs des jeunes publics. C’est ce qu’explique l’รฉconomiste et historien du cinรฉma Claude Forest :ยซ Selon les autoritรฉs, l’inadaptation des films du circuit commercial aux nรฉcessitรฉs de la jeunesse implique un dรฉveloppement parallรจle, principalement avec lโ€™ร‰ducation nationale et les autoritรฉs religieuses. ยป
Lโ€™ร‰tat va ainsi donner un statut officiel au cinรฉma non commercial dans un dรฉcret de 1949. Dans ses articles 1 et 2, le dรฉcret stipule que les sรฉances de projections gratuites et/ou organisรฉes par les services publics, ne sont pas soumises aux rรจgles de l’exploitation cinรฉmatographique.
Daniel Sauvaget parle de la mise en place d’une politique cinรฉmatographique : ร  travers ce dรฉcret, le cinรฉma reรงoit les premiers soutiens de lโ€™ร‰tat.
Plus tard, la loi du 24 Mai 1951 renforce l’engagement des pouvoirs publics sur le circuit non commercial : elle permet l’exonรฉration fiscale officielle des sรฉance s cinรฉmatographiques organisรฉes pour les associations de culture populaire affiliรฉes ร  une fรฉdรฉration de cinรฉ-clubs.
Cette politique va รฉvoluer vers une intervention de plus en plus poussรฉe des institutions et notamment de lโ€™ร‰ducation Nationale dans le champ cinรฉmatographique.

L’institutionnalisation de l’รฉducation au cinรฉma et par le cinรฉma

En 1915, une commission interparlementaire siรฉgeait dรฉjร  pour essayer de fรฉdรฉrer et dรฉvelopper le cinรฉma ร  l’รฉcole.
Mais c’est ร  partir des annรฉes 1950 que l’รฉcole commence rรฉellement ร  penser son rรดle dans l’รฉducation aux images cinรฉmatographiques.
Une rรฉponse de l’รฉcole aux ยซ risques ยป de l’image cinรฉmatographique L’intervention de l’รฉcole sur une รฉducation ร  l’image cinรฉmatographique s’inscrit dans la lutte contre des risques comportementaux, notamment auprรจs des publics jeunes. Dans les annรฉes 1950, la frรฉquentation des salles de cinรฉma par les jeunes augmente. De nombreux dรฉbats รฉmergent sur les risques de l’influence de l’image tรฉlรฉvisuelle et cinรฉmatographique sur les jeunes, notamment dans une optique de prรฉvention de la dรฉlinquance. Le rapport signรฉ par Jan Marie Lambert Peters pour l’UNESCO est construit en ce sens. Selon lui, il faut ยซ rรฉagir pour contrer lโ€™influence des films sur les enfants, parfois jugรฉe dangereuse, parce que crรฉation dโ€™un climat affectif ou intellectuel nocif pour les spectateurs nโ€™ayant pas une maturitรฉ dโ€™esprit suffisante (sexe, crime) ยป. L’รฉducation cinรฉmatographique doit รชtre pensรฉe de faรงon ร  ce que le jeune prenne un recul critique sur les images, construise son jugement moral et esthรฉtique pour ne pas s’identifier pleinement aux scรจnes de violence qu’il voit ร  l’รฉcran. Joรซl Danet synthรฉtise la rรฉponse apportรฉe par la psychologie sur ces risques ร  lโ€™รฉpoque : ยซ Les images violentes peuvent favoriser des comportements agressifs, machistes, si les enfants qui les regardent ne leur donnent pas de sens. Nous le leur donnons grรขce ร  notre esprit critique, mais aussi grรขce ร  la possibilitรฉ dโ€™en parler ร  la maison ou ร  lโ€™รฉcole ยป . Les institutions doivent ainsi proposer un accompagnement adaptรฉ, capable de donner du sens au regard de l’enfant. Pour rรฉpondre ร  ces risques, et exploiter le potentiel pรฉdagogique de l’รฉcran, l’รฉcole va intรฉgrer petit ร  petit le film au sein de son enseignement.

Privilรฉgier une approche territoriale de l’รฉducation ร  l’image pour uneย  meilleure complรฉmentaritรฉ des acteurs

Selon Franรงois Campana, la politique d’รฉducation ร  l’image est trop unilatรฉrale, peu en lien avec le territoire, dรฉconnectรฉe des prรฉoccupations des partenaires locaux.
La grande majoritรฉ des personnes interrogรฉs se positionne en faveur d’une รฉducation ร  l’image transversale, construite par l’action conjointe des professionnels existants sur le territoire.

Des institutions locales dynamiques dans leur dรฉmarche de coordination

Selon Marco Gentil du Mรฉliรจs, l’รฉducation ร  l’image doit se faire dans la complรฉmentaritรฉ des milieux (รฉcole, famille, loisirs) et privilรฉgier une approche globale : ยซ L’รฉcole c’est important, c’est essentiel, mais s’il n’y a que l’รฉcole, on arrive pas ร  nos fins. (…) Il faut bien sรปr crรฉer une rencontre, crรฉer des dรฉclics, qui peuvent se faire dans le champ de l’Education nationale. Mais il faut se donner les moyens d’accompagner ces dรฉclics s’il y en a, dans d’autres champs. Dans les champs des loisirs, dans le champ familial. Et รงa c’est ce qu’on essaie de faire nous sur des actions qui sont un peu sur tous les temps possibles ยป.
Il faut promouvoir une รฉducation ร  l’image dans toutes les sphรจres de socialisation.
L’action des diffรฉrents professionnels de l’รฉducation ร  l’image sur le territoire est complรฉmentaire, car leurs projets n’ont pas la mรชme visรฉe pรฉdagogique et ne peuvent pas porter la question de la mรชme faรงon. C’est ce qu’explique Eugรฉnie Bordier : ยซ Ils vont avoir des objectifs diffรฉrents les uns des autres, et une maniรจre diffรฉrente d’aborder cette question-lร . Mais nous aussi, on a une vision diffรฉrente que celle de l’รฉcole ou des associations, puisque notre prisme c’est la prรฉsence artistique. Donc tout l’enjeu, c’est de voir comment chacun, on va croiser les problรฉmatiques, pour mettre en place des projets adressรฉs aux jeunes. Et donc, il y a un travail ร  faire pour croiser les objectifs, pour que chacun soit pertinent lร  oรน il est, et oรน est son cล“ur de mรฉtier ยป. La DRAC, comme d’autres institutions, doit assurer cette coordination des initiatives existantes sur le territoire : elle doit coordonner les activitรฉs d’รฉducation ร  l’image selon une approche territoriale, chaque conseiller รฉtant chargรฉ d’un dรฉpartement.
En effet, pour garantir un accรจs ร  l’รฉducation ร  l’image sur l’ensemble du territoire, les institutions locales doivent jouer leur rรดle de coordinateur. A la mairie de Grenoble, Manon Vidal rรฉaffirme le rรดle majeur des institutions locales dans la coordination des projets d’รฉducation artistique et culturelle, et par la mรชme, d’รฉducation ร  lโ€™image : ยซ Nous notre enjeu,c’est que sur un territoire oรน il y a tout un tas d’actions, comment on les accompagne, on les aide ร  รชtre complรฉmentaire.
On accompagne dans la complรฉmentaritรฉ entre les territoires, les projets, comment est-ce qu’on met en musique tout รงa ? ยป
La DSDEN assure elle aussi un rรดle de coordination qui permet une certaine complรฉmentaritรฉ entre les approches soutenues ร  l’รฉcole. Selon Emmanuel Burlat, le service dรฉconcentrรฉ de lโ€™ร‰ducation nationale coordonne deux dispositifs ยซ pensรฉs pour รชtre complรฉmentaires ยป au niveau dรฉpartemental : en effet, Ecole et cinรฉma permet aux รฉcoliers de visionner des films en salle et de les analyser, tandis que Petit cinรฉma de classe permet d’initier aux techniques audiovisuelles.

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Table des matiรจres
Remerciementsย 
Table des matiรจresย 
Introductionย 
PARTIE 1 : DE Lโ€™EDUCATION PAR LE CINEMA A Lโ€™EDUCATION AU CINEMAย 
I. Une relation originelle entre le cinรฉma et l’รฉducation populaire
A. Le cinรฉma, outil pรฉdagogique utilisรฉ dรจs les dรฉbuts de l’รฉducation populaire
B. Le cinรฉ-club, berceau du lien entre รฉducation populaire et cinรฉma
C. Pratiques pรฉdagogiques d’รฉducation populaire au cinรฉ-club et ailleurs
II. L’intervention progressive des pouvoirs publics dans le champ cinรฉmatographique
A. Les premiers soutiens de lโ€™ร‰tat au cinรฉma non commercial
B. L’institutionnalisation de l’รฉducation au cinรฉma et par le cinรฉma
C. Analyse critique des dispositifs nationaux d’รฉducation au cinรฉma et ร  l’image
PARTIE 2: APPRENDRE A LIRE ET FABRIQUER L’IMAGE CINEMATOGRAPHIQUE, UNE ETUDE DE TERRAIN A L’ERE DU NUMERIQUE
Note mรฉthodologique
I. La multiplicitรฉ des approches et objectifs de l’รฉducation ร  l’image
A. L’รฉducation ร  l’image selon une approche d’action culturelle institutionnelle
B. Entre hรฉritage et nouvel รฉlan de l’รฉducation populaire
C. ร‰duquer ร  l’image pour renouveler les publics du cinรฉma Art et Essai
II. L’รฉducation ร  l’image comme rรฉponse aux enjeux รฉducatifs de l’รจre numรฉrique
A. Le nรฉcessaire positionnement des acteurs sur les enjeux du numรฉrique
B. Les rรฉponses crรฉatives de l’รฉducation populaire aux usages numรฉriques
III. Enjeux et paradoxes d’une politique d’รฉducation ร  l’image
A. Un champ d’action qui illustre la tension entre acteurs de l’รฉducation populaire et pouvoirs publics
B. Analyse critique de la dynamique partenariale de l’รฉducation ร  l’image ร  Grenoble
C. Propositions pour une politique d’รฉducation ร  l’image
Conclusionย 
Bibliographie

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