Apports sédimentaires des oueds à la mer

Apports sédimentaires des oueds à la mer

Introduction et problématique 

La quantification du transport sédimentaire en suspension (TSS) par les fleuves est un élément essentiel pour évaluer l’érosion { l’échelle des bassins versants (Heusch, 1970 ; Probst et Amiotte Suchet, 1992 ; Ludwig et Probst, 1996 ; Walling et Webb, 1996 ; Ludwig et Probst, 1998 ; Harrison, 2000 ; Bou Kheir et al., 2001 ; Albergel et al., 2003 ; Syvitski et al., 2003 ; Liquette et al., 2005 ; Achite et al., 2006), ainsi que pour établir des bilans sédimentaires du domaine marin aux cellules littorales concernées. Si la dégradation pour l’ensemble de la planète a longtemps été estimée entre 13 et 15 milliards de tonnes par an Milliman et Meade (1983), en 2003 Syvitski et al., l’ont revue { la hausse et celle-ci atteindrait 18 milliards de tonnes par an, avec de fortes variabilités zonales. Alors que les plus grands fleuves mondiaux sont bien analysés (Tab. III.1) et leur production sédimentaire transportée en suspension connue et répertoriée (Milliman et Syvitski, 1992 ; Gelfenbaum et al., 1999 ; Millimann et Farnsworth, 2011), il n’en est pas de même pour les nombreux oueds d’Afrique du Nord de taille plus modeste, peu ou pas encore étudiés, mais dont le rôle ne peut être négligé dans la fourniture sédimentaire des fleuves à la mer.

De plus, le système bioclimatique méditerranéen semi-aride spécifique du Maghreb, caractérisé par un couvert végétal assez pauvre, une sécheresse estivale et une période pluvieuse s’étendant de novembre { février propice aux orages courts mais violents, favorise d’importants écoulements sédimentaires à la mer (Rodier et Roche, 1984 ; Lacoste et Salanon, 2006). Depuis plus de 50 ans, plusieurs auteurs ont fait des estimations du TSS pour les grands oueds du Maghreb. Parmi les études les plus régulièrement citées nous trouvons celles de Fournier (1960) ; Strakhov (1967) ; Heusch et Millies-Lacroix (1971) ; Milliman et Meade (1983) ; Walling (1984) ; Snoussi (1988).

Ces études s’accordent sur la sensibilité du Maghreb { l’érosion hydrique, tout en proposant des valeurs globales de TSS spécifique variant de 10 t.km-2.an-1 à 5000 t.km2.an-1 selon les auteurs (Tab. III.2), soit un rapport de 1 { 500, alors que d’après l’estimation de 2003 menée par Syvitski et al., le TSS spécifique serait en moyenne de 195 t.km2.an-1 pour l’ensemble de la Terre. Les TSS spécifiques permettent de comparer le transport sédimentaire en suspension rapporté à la même superficie de bassin versant, soit en général, 1 km2. Ils sont représentatifs des caractéristiques morphologiques (pente), structurales (lithologie) et environnementales (précipitations, végétation, etc…) de chaque bassin versant, d’où son appellation de «spécifique».

Transport sédimentaire effectué par les fleuves

Lois générales

La quantité de sédiments atteignant le littoral dépend des caractéristiques physiques du bassin versant, dont principalement son altitude, sa lithologie, la densité de végétation, le climat, la pente et le degré d’anthropisation (Liquete et al., 2005). Tout bassin versant s’érode sous l’action principale de la pluie, du vent et du gel. Les particules arrachées au substratum lors des pluies vont être entraînées vers les talwegs de ces bassins versants où elles pourront soit se déposer, soit être transportées par les torrents, les rivières puis les fleuves, et ce, jusqu’{ la mer. Bernard (1925, in Koulinski, 1993) a qualifié les organismes fluviaux en fonction de leur pente moyenne :

Pente < 1,5 % : « Rivière »
1,5 % < pente < 6 % : « Rivière torrentielle »
6 % < pente < 8 % : « Torrent ».

Le diagramme de Hjulström (Fig. III.2) permet de prévoir le comportement (érosion, transport ou dépôt) des particules solides arrivant dans un cours d’eau. Celui-ci va dépendre essentiellement de deux facteurs:
➤ La vitesse du courant.
➤ La taille des particules solides.

Les modes de transport en milieu liquide (Fig. III.3) sont multiples et variables selon la taille des sédiments à déplacer, allant du roulement au fond du lit pour les éléments les plus gros, à la saltation pour ceux de taille intermédiaire et la suspension pour les plus fins tels que les marnes, limons et argiles.

Le transport par charge de fond est réalisé lorsque la contrainte de cisaillement (τ*) dépasse une valeur critique (τ*)c :

τ* > (τ*)c

La contrainte de cisaillement se décompose en deux termes dont l’un est dû au frottement laminaire et le second au frottement turbulent. Dans la nature, le frottement laminaire est négligeable devant le frottement turbulent, de sorte que :

τ* = ρ U*2

où U* désigne l’intensité du frottement turbulent et ρ, la masse volumique (Jaud, 2011). Dès 1879, des auteurs ont développé les formules de transport de la charge de fond, parmi lesquels Boys, Schoklitsch en 1930 et 1950, Shield en 1934, Einstein en 1942 et 1950, Meyer-Peter en 1949 et 1951, Nielsen en 1992 et Van Rijn en 1993 (Chanson, 1999). Généralement, ces formules estiment d’abord la quantité de sédiments qui sont transportés en suspension par les cours d’eau, puis on extrapole la quantité de sédiments qui représentent la charge de fond. Celle-ci représente habituellement environ 10 % du transport en suspension (Milliman et Meade, 1983 ; Pinet et Souriau, 1988), avec de grosses fluctuations possibles allant de 4 % à 12,72 % (Ramon et al., 2013). Pour le Maghreb, la charge de fond est généralement estimée à ~12 % de la charge totale (Bouanani, 2004). Cette proportion demeure encore peu documentée mais par défaut, fait encore figure d’estimation la plus robuste. Ces approches, analytiques, basées sur les équations d’hydrodynamique et d’hydraulique fluviale, font intervenir des lois physiques en fonction des différents paramètres en entrée tels que la taille des sédiments, la vitesse d’écoulement du fluide, la tension de cisaillement, pour ne parler que des principaux. Néanmoins ces paramètres sont difficiles à obtenir pour la majorité des fleuves du fait de lacunes de données expérimentales, surtout lorsque l’on cherche { établir une quantification des apports sédimentaires du fleuve { la mer { l’échelle globale ou régionale, qui implique une méthodologie reproductible sur un nombre important d’organismes fluviatiles.

Approches basées sur les processus 

Il existe de nombreuses formules basées sur la mécanique des fluides et utilisant principalement la contrainte de cisaillement (τ) comme élément central. Nous pouvons citer celles qui ont été développées par Shields en 1936, Meyer-Peter et Müller (1948) ; Einstein (1950 et 196) ; Colby et Hembree (1955) et Bagnold en 1966; d’Engelund et Hansen (1967). Ces méthodes, issues de généralisations et de mise en équation de mesures faites en laboratoires, ne sont valides que très localement, sur une faible portion géographique du cours d’eau où ses caractéristiques restent homogènes. Elles permettent de calculer le transport sédimentaire effectué dans le lit du fleuve, mais ne prennent pas en compte l’érosion globale sur la totalité du bassin versant. Elles sont analytiques et cherchent à quantifier un processus naturel en utilisant les lois physiques, sans toutefois considérer les très nombreux éléments connexes qui, en interagissant sur ce processus, peuvent le modifier par rétroaction, d’où leur faible domaine de validité spatiale. De fait, même si elles se basent sur les lois de la mécanique, il est nécessaire d’extrapoler des résultats obtenus localement afin de les généraliser { l’ensemble du fleuve étudié. Par contre, ces formules se révèlent très utiles et précises pour étudier le transport sédimentaire fluvial sur un secteur délimité et bien ciblé, homogène du point de vue géomorphologique, dont on connaît précisément les paramètres en entrée. Compte tenu de la difficulté { obtenir l’ensemble des paramètres pour ces formules et de nos objectifs, ces approches ne nous semblaient pas adaptées ici.

Approches semi-empiriques

Ces modèles, très généraux, sont principalement basés sur la méthode statistique de la régression linéaire qui corrèle une variable en sortie avec plusieurs variables en entrée, que sont les paramètres initiaux du modèle. De manière empirique les auteurs connaissent le transport sédimentaire et tentent de le relier à des paramètres qui, a priori, jouent un rôle déterminant. Les principaux auteurs des modèles semi empiriques sont Anderson en 1949, Henin en 1950, Fournier en 1960, Tixeron en 1960, Jansen et Painter en 1974, Dendy et Bolton en 1976, Wischmeier en 1976 (qui développe la formule dite « RUSLE » pour « Revised Universal Soil Loss Equation»), Demmak en 1984, SOGREAH en 1991, Probst et Amiotte Suchet en 1992, Hovius en 1998 ainsi que, Syvitski et al., en 2003. Ils cherchent à corréler les paramètres tels que : la superficie du bassin versant, sa pente, l’altitude, la température, les précipitations, le drainage, l’érodabilité du sol, la lithologie, le couvert végétal… De l’ensemble de ces approches, nous avons retenu celles de Probst et Amiotte Suchet ainsi que celle de Syvitski et al., que nous présentons en détail.

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Table des matières

1 Introduction
1.1 But de l’étude et problématique
1.1.1 Le “SOURCE-TO-SINK”
1.1.2 Cellule littorale
1.1.3 Le Transport Sédimentaire en Suspension (TSS)
1.1.4 Exemplarité des cours d’eau d’Afrique du Nord
1.1.5 Intétêt d’une approche combinant télédétection et modélisation
2 Présentation des sites
2.1 Morphologie générale
2.2 Contexte environnemental
2.2.1 Hydrologie générale
2.2.2 Bathymétrie générale
2.2.3 Climat des houles
2.2.4 Courantologie de surface
2.3 Généralités sur les barrages
2.3.1 Les barrages au Maghreb
2.4 Sites marocains
2.4.1 Rétention sédimentaire par les barrages marocains
2.4.2 Oued Martil, baie de Tétouan
2.4.3 Oued Laou et sa baie
2.4.4 Oueds Rhis et Nekor, baie d’Al-Hoceima
2.4.5 Oued Kert et sa baie
2.4.6 Oued Moulouya et sa baie
2.5 Sites algériens
2.5.1 Rétention sédimentaire par les barrages algériens
2.5.2 Oued Cheliff et sa baie
2.5.3 Oued Isser et sa baie
2.5.4 Oued Sebaou et sa baie
2.5.5 Oueds Soummam et Agrioun, baie de Bejaia
2.5.6 Oueds Nil et El Kebir / Rhumel, baie de Djidjelli
2.5.7 Oueds Seybouse et Bou Alalah, Baie d’Annaba
2.6 Sites tunisiens
2.6.1 Rétention sédimentaire par les barrages tunisiens
2.6.2 Oueds El Kebir et El Zouara et la baie de Tabarka
2.6.3 Oued Medjerda et sa baie
3 Apports sédimentaires des oueds à la mer
3.1 Introduction et problématique
3.2 Transport sédimentaire effectué par les fleuves
3.2.1 Lois générales
3.2.2 Approches basées sur les processus
3.2.3 Approches semi-empiriques
3.2.4 Avantages et inconvénients des approches retenues
3.2.5 Conclusion
3.3 Méthodologie
3.3.1 Calcul des TSS
3.3.2 Indices pour évaluer la fiabilité des équations
3.3.3 Analyse en Composantes Principales (ACP)
3.3.4 Conclusion
3.4 Validation des approches empiriques existantes
3.4.1 Sensibilité de PR92 et SYV03
3.4.2 Données issues de la littérature
3.4.3 Comparaison des deux modèles avec les données de la littérature
3.5 Modification du modèle de Syvitski et al. 2003 (SYV03)
3.5.1 Calibration du modèle modifié (SYVmod)
3.5.2 Validation de la solution proposée
3.5.3 Oueds au TSS moins bien simulé
3.5.4 Synthèse et domaine de validité de SYVmod
3.6 Transports sédimentaires des oueds vers la mer
3.6.1 TSS spécifique en t.km-2.an-1 TSS en t.an-1
3.6.2 Typologie des oueds
3.6.3 Discussion
3.6.4 Synthèse
3.7 La charge de fond, le rôle des barrages
3.7.1 Envasement spécifique et rétention sédimentaire sur la période d’étude
3.8 Déficit sédimentaire à la mer
3.9 TSS après-barrages disponible à la mer
3.10 Conclusions
4 Conclusion

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