Apports de l’échocardiographie dans l’amylose

AMYLOSE : Rappels

Généralités

L’amylose est un vaste groupe de maladies. C’est une maladie rare pouvant toucher un très grand nombre d’organes tels que le cerveau, le cœur, les vaisseaux, les poumons, l’appareil digestif, ou l’appareil génito-urinaire. Elle résulte de la capacité de certaines protéines à adopter une structure tertiaire instable entrainant leur polymérisation en fibrilles insolubles. Leur accumulation dans l’espace interstitiel des différents tissus de l’organisme entrave leur fonctionnement. La fibrille amyloïde représente 95% de la substance amyloïde. Les deux principaux autres éléments connus sont :
-l’héparine sulfate protéoglycane ;
-le composant-P amyloïde qui est calcium dépendant et dont le rôle est la liaison des fibrilles entre elles. C’est ce composant qui serait à l’origine de la fixation des biphosphonates technétiés à la scintigraphie, hypothèse non unanimement validée dans la littérature. La substance amyloïde a initialement été rapportée à de l’amidon, d’où le nom d’amylose proposé en 1860 par Mr Rudolf Virchow. Les formes multi systémiques sont les plus fréquentes, tandis que les formes localisées sont possibles mais plus rares. Les manifestations cliniques et radiologiques sont très variées et le plus souvent non spécifiques, entrainant un retard diagnostique. Le contexte est le plus souvent évocateur : gammapathie monoclonale ou maladie inflammatoire chronique, orientant vers un type d’amylose bien précis.

Différents types d’amylose 

Husby et al en 1990 ont proposé une classification des différents types d’amylose basée sur la nature de la protéine fibrillaire, le caractère sauvage ou muté de la protéine précurseur, et la forme clinique systémique ou localisée avec les différents organes cibles. Les formes les plus fréquentes sont l’amylose de type AL, l’amylose AA, l’amylose à transthyrétine mutée ou sauvage.

L’amylose AL
L’amylose AL représentait jusqu’à récemment la majeure partie des atteintes cardiaques d’amylose. L’amylose à chaînes légères (AL) est une maladie liée au dépôt extracellulaire de chaînes légères libres (ou plus rarement de chaînes lourdes: amylose AH) d’immunoglobulines monoclonales produites par une population monoclonale de cellules B de la moelle osseuse. Cette population est le plus souvent plasmocytaire avec une infiltration médullaire faible (en moyenne de 7 %) mais environ 40 % des patients ont plus de 10 % de plasmocytes sur la ponction médullaire et donc un diagnostic de myélome (1). L’amylose AL entre le plus souvent dans le cadre des gammapathies bénignes (monoclonal gammapathy of undetermined significance, MGUS) avec surexpression d’une chaîne lourde (IgG, par exemple) à laquelle s’associe une chaîne légère (κ ou λ) qui est responsable de l’amylose. La survenue d’une amylose est consécutive au changement structurel de la protéine monoclonale, qui sera responsable d’une anomalie de plissement de la chaîne légère. Le résultat est la formation de protofilaments dont l’organisation donne des fibrilles. Les patients atteints par ce type d’amylose sont le plus souvent caucasiens et ont un âge moyen de 60 ans.

Les amyloses à transthyrétine 

Cette protéine TTR est synthétisée principalement par les hépatocytes sous forme de monomères s’assemblant ensuite en tétramères dont le rôle principal est celui de transporteur de protéines (thyroxine et rétinol) dans la circulation sanguine. L’amylose à transthyrétine (TTR) se divise en deux groupes : l’amylose à transthyrétine dite sénile avec précurseur transthyrétine non mutée sauvage (ATTRwt), et l’amylose à transthyrétine héréditaire de forme familiale, dans laquelle la transthyrétine est mutée (ATTRh). Au sein de cette seconde entité à transmission autosomique dominante, plus de 100 mutations pathogènes du gène codant pour la TTR ont été identifiées. La mutation la plus fréquente serait Val30M et serait principalement présente chez les patients d’origine portugaise. La mutation Val122IIe toucherait principalement le myocarde (2–4). Anciennement appelée pré albumine, la TTR est une protéine de transport, présente dans le sang sous la forme d’un tétramère. Les mutations génétiques codant pour la TTR ou les transformations liées au vieillissement entraînent une instabilité de la protéine avec, pour conséquence un plissement aberrant des monomères, appelé misfolding (18). Le précurseur protéique anormal, prend alors une conformation en feuillet β-plissé. La polymérisation d’oligomères conduira à la constitution de profilaments et de fibrilles amyloïdes. Ces fibrilles insolubles se déposent dans l’espace extracellulaire des tissus et entravent leur fonctionnement. Dans le myocarde, les dépôts amyloïdes intéressent le secteur interstitiel et le tissu de conduction.

L’amylose AA 

Anciennement connue sous le nom d’amylose secondaire, se rencontre principalement dans le cadre de maladies inflammatoires chroniques telles que la polyarthrite rhumatoïde, la spondylarthrite ankylosante, les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin, les infections chroniques comme la tuberculose ou l’ostéomyélite, ou la fièvre méditerranéenne familiale. Elle touche principalement les reins ; l’atteinte cardiaque est rare, avec des manifestations cardiaques seulement dans 2% des cas .

Épidémiologie / pronostic 

L’amylose cardiaque (AC) a longtemps été considérée comme une maladie rare, grevée d’un mauvais pronostic avec un arsenal thérapeutique étroit. Ceci est, aujourd’hui, largement remis en question. On retrouve, dans des séries d’autopsies de personnes âgées de plus de 80 ans, jusqu’à 25% de dépôts amyloïdes cardiaques (6,7). Une analyse des données des Centers for Medicare and Medicaid Services a montré que la prévalence de l’AC est passée de 18 à 55 pour 100 000 habitants entre 2000 et 2012, probablement en raison d’une amélioration des méthodes de diagnostic, plutôt que d’une augmentation réelle de la prévalence. Ainsi, on s’attend à ce que le nombre de patients continue d’augmenter. L’amylose AL est plus rare. On considère qu’elle est 5 à 10 fois moins fréquente que le myélome multiple et, si l’on retient la même incidence qu’aux États-Unis (9 cas/million d’habitants/an), l’incidence annuelle se situe grossièrement aux alentours de 500 cas en France. Les amyloses constituent un groupe hétérogène de pathologies de sévérité́ variable en fonction du sous-type, des organes atteints et du terrain sous-jacent. L’atteinte cardiaque est le principal déterminant. Le pronostic du sous-type amylose AL est probablement le plus défavorable avec une espérance de vie au moment du diagnostic d’environ un an selon les études voire seulement cinq mois. Dans une étude bi-centrique italienne, comparant la survie globale parmi trois sous-types d’amylose cardiaque (AL, ATTR mutée et ATTR wild-type), la survie non ajustée à deux ans était de 63% pour amylose AL, contre 98% et 100% dans les ATTR-h et ATTR-wt respectivement. Celui de l’AC-TTR est meilleur que celui des amyloses AL mais il reste sombre. La survie médiane dépend du degré d’infiltration amyloïde. Elle est de 2 à 6 ans à partir du diagnostic et devient inférieure à 4 ans après un premier épisode d’insuffisance cardiaque (8), d’où l’importance d’en faire le diagnostic le plus précocement possible .

Présentation clinique

Un retard diagnostique est fréquent car les signes cliniques sont peu spécifiques, surtout au début de la maladie. Les symptômes les plus fréquemment rapportés sont la dyspnée et l’asthénie. Les organes les plus touchés par les dépôts amyloïdes sont le rein, le cœur et le système nerveux périphérique. L’atteinte rénale se manifeste par un syndrome néphrotique avec une protéinurie massive et une chute du débit de filtration glomérulaire ; la taille des reins est fréquemment augmentée. L’atteinte neurologique se traduit par une dysautonomie et neuropathie périphérique des petites fibres nerveuses, associant des difficultés à la reconnaissance de la douleur et de la chaleur et des paresthésies à type de brûlures. L’atteinte cardiaque se rencontre plus fréquemment dans l’amylose de type AL ou l’amylose à transthyrétine (héréditaire ou sénile). Les dépôts amyloïdes au sein du myocarde sont responsables d’une cardiomyopathie restrictive. Une insuffisance cardiaque sévère est présente dans la moitié des cas au diagnostic. Des troubles du rythme et des troubles de la conduction sont fréquents. D’autres symptômes tels que l’hypotension orthostatique ont été rapportés. Des signes cliniques attestant d’une atteinte systémique peuvent être présents, notamment en rapport avec une infiltration des tissus mous, comme une macroglossie, des ecchymoses péri-orbitaires, une rupture du tendon du biceps ou un syndrome du canal carpien par exemple.

Diagnostic

Le diagnostic repose sur un faisceau d’arguments :
La clinique : Le diagnostic d’amylose cardiaque doit être évoqué chez les patients insuffisants cardiaques présentant une correction « naturelle » d’une hypertension, une mauvaise tolérance des béta bloquants, une hypertrophie ventriculaire à « basse pression », un canal lombaire étroit, un syndrome du canal carpien. La présence d’une neuropathie périphérique ou dysautonomie inexpliquée suggère la possibilité d’une amylose ATTR-h, mais peut se produire dans la AL et, occasionnellement, dans la ATTRwt.
La biologie : il est courant de retrouver une élévation du taux de NT-pro BNP et de la troponine même en cas de stabilité de la maladie. Une classification pronostique de la Mayo Clinic (MC) a été élaborée à partir de ces éléments et de la fonction rénale (créatininémie et clairance) (8,10). Une électrophorèse des protéines sériques et une recherche de chaînes légères libres sériques par immunofixation devront être réalisées. Ces analyses seront complétées par une étude de la protéinurie à la recherche de chaînes légères urinaires (protéine de Bence-Jones). Il convient de noter qu’en cas d’insuffisance rénale, un rapport kappa/lambda légèrement élevé peut se produire, ce qui, en l’absence d’une gammapathie monoclonale sur l’immunofixation du sérum et/ou de l’urine, peut ne pas être significatif. Toutefois, cette constatation doit être discutée avec un hématologue.
L’électrocardiogramme : Un microvoltage des QRS, des pseudo-ondes Q, des QRS fragmentés et des troubles de la conduction à l’étage auriculo-ventriculaires (BAV) sont classiquement décrits dans les amyloses. Ces anomalies peuvent orienter le diagnostic surtout quand elles s’associent à une hypertrophie myocardique importante à l’échocardiographie qui contraste avec le microvoltage et/ou l’absence d’hypertrophie myocardique électrique (Indice de Sokolov <35mm). La fibrillation auriculaire (FA) est présente chez plus de la moitié des patients atteints d’AC-TTRwt (2) et, dans une moindre mesure, d’AC-TTRh.
L’échocardiographie : Les paramètres échographiques seront détaillés plus loin.
L’IRM cardiaque : L’imagerie par résonance magnétique cardiaque (IRM) fournit des informations détaillées sur la présence, la localisation et la distribution de l’hypertrophie, ainsi que sur la visualisation et la mesure de l’infiltration myocardique. Les nouvelles séquences de cartographie T1 ou T2 consistent à obtenir un ensemble d’images (durant une apnée) avec des pondérations T1 ou T2 bien connues puis, après correction des mouvements parasites, de construire (post-traitement) une « image paramétrique » (cartographie : mapping) dont la valeur de chaque pixel correspond au temps de relaxation T1 ou T2 après ajustement exponentiel (fitting). La cartographie T1, avant l’administration du contraste (4,11), permet alors de mesurer le signal intrinsèque du myocarde, et après l’administration de contraste à base de gadolinium, le T1 peut être utilisé pour calculer le volume extracellulaire du myocarde (ECV). Les valeurs normales du T1 myocardique sont de l’ordre de 1 000 ms pour un champ de à 1,5 Tesla et environ 20 % de plus à 3 Tesla. L’élévation du T1 natif avec un cut off à 1020 ms permet un diagnostic fiable à 92 % (12). La valeur du T1 natif du myocarde et le volume extracellulaire du myocarde ont tous deux étés largement validés dans l’AC comme marqueurs de l’infiltration myocardique et marqueur pronostique (13). Un ECV > 45 multiplie la mortalité par un facteur cinq. Outre une caractérisation morphologique et fonctionnelle précise, l’imagerie par résonance magnétique cardiaque peut faire suspecter une amylose cardiaque sur la base d’un rehaussement tardif après injection de gadolinium. Dans la cardiopathie amyloïde, il peut être sous-endocardique ou diffus.

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Table des matières

INTRODUCTION
I. AMYLOSE : Rappels
1. Généralités
2. Différents types d’amylose
a. L’amylose AL
b. Les amyloses à transthyrétine
c. L’amylose AA
3. Épidémiologie / pronostic
4. Présentation clinique
5. Diagnostic
6. Possibilités thérapeutiques actuelles
II. Apports de l’échocardiographie dans l’amylose
1. Paramètres classiques
2. Nouveaux paramètres
III. Études sur les traitements de l’AC-TTR
1. ETUDE APOLLO
2. Etude Neuro-TTR
3. Etude sur le Diflusinal : Stabilization of cardiac function with diflunisal
in transthyretin (ATTR) cardiac amyloidosis, Graham Lohrmann, 2019
4. ETUDE ATTR-ACT
IV. NOTRE ETUDE : Évaluation multimodale à un an d’un traitement par Tafamidis chez des patients porteurs d’amylose cardiaque à transthyrétine et mise en évidence de facteurs pronostiques
RESUME
INTRODUCTION
METHODE
RESULTATS
DISCUSSION
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE

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