Apport expérimental à l’analyse poroviscoélastique des déformations endogènes dans un ciment pétrolier

Microstructure et comportement mécanique

     Au cours de l’hydratation, la microstructure du matériau évolue lorsqu’il se transforme d’une suspension de grains dans l’eau en un solide poreux contenant une solution aqueuse. Les hydrates formés par la réaction sont moins denses que le ciment anhydre, provoquant un accroissement du volume de solide. C’est le squelette solide formé par la croissance de ces hydrates (principalement des C-S-H) qui connecte les grains entre eux et donne ses propriétés mécaniques au ciment pris. Cette transition peut être séparée en plusieurs étapes schématisées sur la Figure 2. Lors de la première, le matériau est une suspension de grains dans une solution aqueuse, et se comporte comme un fluide plus ou moins visqueux ou comme un fluide à seuil selon le rapport eau sur ciment utilisé. Les grains de ciment forment des amas non connectés entre eux, et il n’y a pas de structure d’ensemble à l’échelle macroscopique. C’est lors de cette phase que peuvent intervenir des phénomènes tels que la sédimentation ou le ressuage, qui sont généralement caractéristiques des rapports e/c élevés. On a alors dans le premier cas une inhomogénéité du matériau, qui peut se traduire par une partie supérieure moins résistante, ce qui peut poser des problèmes dans les utilisations pratiques. Dans le second cas, on a une perte d’eau libre sur les surfaces à l’air libre, qui peut modifier la quantité d’eau dans le ciment et modifier les propriétés du solide, ainsi que provoquer une perte de volume du matériau et causer des problèmes au niveau des contacts entre plusieurs pièces. La suite de la transition voit la formation d’amas de grains plus gros et la croissance d’une phase solide composée d’hydrates, principalement de C-S-H. Ces hydrates ont tendance à apparaître sur la surface extérieure des grains qui sont des sites de nucléation préférentiels, et le système est de plus en plus connecté lorsque la phase solide relie différents amas. On a alors un matériau qui se comporte de plus en plus comme un gel lorsque le seuil de percolation est atteint et que se crée un réseau solide dans le matériau. Les liens restent toutefois peu nombreux et fragiles, le matériau se comporte comme une pâte visqueuse et n’est pas rigide. La dernière étape voit se multiplier les connections dans le matériau jusqu’à avoir un réseau multidimensionnel. La phase solide est alors continue et les amas ne sont plus différentiables. La phase solide continue de croître aux dépens de la phase liquide, ce qui contribue au durcissement du matériau. A plus long terme, la réaction d’hydratation forme des C-S-H de plus haute densité dans l’espace précédemment occupé par le ciment anhydre (Jennings, 2000). Une fois que le matériau a atteint l’état solide, il est doté d’un réseau poreux multi échelle. Les pores du ciment couvrent une très large gamme de tailles allant de l’ordre du millimètre à celui de quelques nanomètres. Les plus grands vides sont formés par des bulles d’air entraîné qui forment alors des cavités sphériques dont la taille varie entre 1 et 0,1 mm. Ces vides fragilisent le matériau et on essaie en général de minimiser leur apparition dans la matrice solide. Néanmoins, certaines applications (la résistance au gel par exemple) bénéficient d’une quantité de vides macroscopiques dans la structure. Les plus grands pores naturels sont appelés pores capillaires et correspondent à l’espace interstitiel restant entre les grains de ciment une fois qu’ils ont été connectés par la formation d’hydrates. Leur volume global dépend du volume d’eau libre non impliquée dans la réaction d’hydratation, et dépend donc du rapport eau sur ciment et de l’avancement de la réaction. Les tailles des pores diminuent au cours du temps alors qu’ils sont remplis par les produits d’hydratation, bouchant la porosité. Dans les ciments de rapports e/c élevés, le volume d’hydrates créé par la réaction est insuffisant même au temps longs pour boucher tous les pores et une porosité capillaire subsiste. A l’inverse, dans les ciments à bas rapports e/c, le constituant en excès restant aux temps longs en plus des hydrates est le ciment anhydre, on n’a donc pas de porosité capillaire. Pour une hydratation complète, le seuil au-dessus duquel on conserve une porosité capillaire est de ?/? = 0,38. Cependant, dans un échantillon dont l’hydratation n’a pas atteint son terme, on peut toujours observer des pores capillaires dont les rayons varient de 50 nm à 1µm et qui n’ont pas encore été remplis. Les plus petits pores sont les pores internes à la phase C-S-H, qui est largement prédominante en volume parmi les produits d’hydratation. On sépare généralement les C-S-H en deux catégories (voir Figure 3) selon leur localisation et leur densité : les C-S-H externes (outer C-S-H, moins denses) et les C-S-H internes (inner C-S-H, plus denses). Les premiers se trouvent dans la phase solide qui croît à la surface des grains de ciment anhydre et relie les amas de grains entre eux. Les seconds se trouvent dans l’espace libéré par la dissolution des phases solides des grains et forment une phase plus dense à cause de l’espace de croissance plus confiné. Cette distinction en deux phases est une simplification, puisqu’il existe toute une gamme de C-S-H allant d’un extrême à l’autre (Jennings, 2000).

Pression capillaire

    Lors de la réaction de prise du ciment, le volume de ciment anhydre et d’eau consommé est supérieur au volume d’hydrates formés. Ce retrait chimique entraîne une dépression dans les pores et une désaturation du réseau poreux. C’est cette chute de pression qui cause l’apparition de contraintes internes et est à l’origine du retrait endogène. Deux phénomènes physiques permettent de calculer cette pression en fonction des paramètres de saturation et de structure du matériau. Le premier est basé sur des pressions capillaires très importantes apparaissant lors de la déshydratation des pores capillaires du ciment. Les contraintes provoquées sont à l’origine du retrait (Baroghel-Bouny, et al., 1999) (Coussy, 2004) (Hua, et al., 1995). Le second est un système basé sur la pression de disjonction et la variation de l’énergie de surface en fonction de l’humidité du milieu (Wittmann, 1973) (Bazant, Thermodynamics of hindered adsorption and its implications for hardened cement paste and concrete, 1972). Cette approche est prépondérante pour des valeurs de saturation en eau plus faible, ce qui est surtout le cas à des âges plus avancés et avec des rapports ?/? plus bas. Dans notre cas, on se cantonne à une approche basée sur la pression capillaire. On considère que les pores contiennent une phase liquide et une phase de vapeur, qui échangent entre elles. De plus, la réaction d’hydratation consomme de l’eau, dans la phase liquide uniquement, puisqu’il s’agit d’un mécanisme de dissolution-précipitation.

Algorithme

      La simulation de l’évolution du système au cours du temps est faite avec un algorithme à pas de temps fixe. Pour les simulations sur de longues durées, on peut faire changer ce pas de temps au cours de la simulation après les premières heures afin de limiter la quantité de données et le temps de calcul. Cependant, les premières 24 heures voient le principal de l’évolution des grandeurs caractéristiques du système, on a donc choisi un maillage resserré avec un pas de temps de 0,05 heures, ou 180 secondes. Des valeurs plus faibles de pas de temps, jusqu’à 0,005 heures ont été testées sans montrer de changements significatifs sur les premières 24 heures de simulation. Une fois le degré d’hydratation obtenu pour chaque pas de temps, l’algorithme calcule les nouvelles valeurs des paramètres poromécaniques à partir des lois d’évolution correspondantes. L’hydratation ayant lieu en conditions isothermes et l’influence de la pression étant négligée, les paramètres du système ne dépendent que du degré d’hydratation et sont donc connus pour toute la durée de la simulation. La boucle intérieure calcule l’incrément de pression de liquide et de saturation à déformation fixée, puis ce résultat subit une forte sous-relaxation afin d’améliorer la précision et la convergence du calcul. Ce calcul est répété jusqu’à ce que les variations de pression liquide et de saturation restent les mêmes d’une itération à la suivante avec un intervalle de tolérance relatif de 10−3. Les nouvelles valeurs de pression liquide et de saturation servent alors à calculer les déformations résultantes. La seconde boucle calcule ensuite l’incrément de déformation et de porosité pour une pression capillaire et une saturation fixes, avec à nouveau une sous-relaxation. Les nouvelles valeurs de déformations et de porosité sont réutilisées pour relancer la boucle interne afin d’obtenir l’impact des déformations sur la pression capillaire et la saturation.

Comparaison avec une expérience de retrait dans une membrane

     Une expérience de retrait dans une membrane flexible a été réalisée afin de mesurer les déformations endogènes dans notre matériau cimentaire. Pour cela, on mesure les variations de volume dans un échantillon scellé dans une membrane en caoutchoucs au cours du temps par pesée hydrostatique. Le coulis de ciment est préparé selon la procédure normale, puis passé dix minutes sous une cloche à vide afin d’extraire l’air présent dans le liquide. Le coulis est ensuite placé dans une membrane que l’on ferme par un nœud, en prenant garde à ne pas piéger d’air lors de la fermeture. L’ensemble est ensuite placé dans un rouleau en rotation lente (environ 5 tours par minute), afin de réduire les effets de la gravité sur la sédimentation et de prévenir l’apparition d’eau libre en surface de l’échantillon. Une attention particulière est ainsi portée à ne pas introduire de fluide externe, air ou eau, dans la membrane, qui pourrait s’introduire dans le réseau poreux lors de la prise sous l’effet de la pression capillaire et fausser les variations de volumes mesurées. Le matériau est maintenu en rotation pendant 6 heures, jusqu’à présenter un aspect quasisolide. On le place alors dans un filet en suspension sous une balance et on note sa masse. La membrane est ensuite plongée dans l’eau et une pesée hydrostatique est effectuée à intervalles réguliers au cours du temps. La variation de masse mesurée dépend linéairement de la variation de volume de l’échantillon par le biais de la poussée d’Archimède.

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Table des matières

Introduction et contexte industriel
1. Choix et caractérisation du matériau
1.1. Nature du matériau utilisé
1.1.1. Le ciment Portland
1.1.2. Composition
1.2. Réaction d’hydratation
1.2.1. Produits
1.2.2. Cinétique
1.2.3. Caractérisation
1.3. Microstructure et comportement mécanique
1.4. Choix de formulation et caractérisation du matériau
1.4.1. Contraintes sur le choix de formulation
1.4.2. Formulation choisie
1.4.3. Fabrication
1.4.4. Stabilité
1.4.5. Mesure du degré d’hydratation au jeune âge
1.4.6. Propriétés mécaniques
1.4.7. Etude de la microstructure par porosimétrie au mercure
2. Modélisation
2.1. Réaction d’hydratation et avancement
2.1.1. Définitions
2.1.2. Modélisation de la réaction d’hydratation
2.1.3. Simulation de l’hydratation sur 28 jours en fonction de la température
2.1.4. Comparaison avec la calorimétrie
2.2. Poroviscoélasticité insaturée isotherme
2.2.1. Contraintes, déformations et saturation : définitions
2.2.2. Lois d’état isothermes pour les contraintes et la porosité
2.2.3. Viscoélasticité linéaire
2.2.4. Vieillissement
2.2.5. Pression capillaire
2.2.6. Saturation en eau
2.3. Simulations du retrait endogène en conditions scellées
2.3.1. Paramètres et valeurs ultimes
2.3.2. Algorithme
2.3.3. Résultats
2.3.4. Comparaison avec une expérience de retrait dans une membrane
2.4. Conclusion
3. Etude de l’hydratation par RMN
3.1. Principe de la mesure
3.1.1. Spins et champs magnétiques
3.1.2. Séquences utilisées
3.1.3. Temps de relaxation dans un milieu poreux
3.2. Matériel et méthodes
3.2.1. Imageur 20 MHz
3.2.2. Le système Minispec
3.3. Résultats
3.3.1. Suivi d’hydratation
3.3.2. Mesures de T1
3.4. Conclusion
4. Investigation des propriétés mécaniques au jeune âge
4.1. Fluage au jeune âge
4.1.1. Description du montage et procédure de fabrication des éprouvettes
4.1.2. Acquisition
4.2. Résultats
4.2.1. Déformations instantanées
4.2.2. Déformations différées
4.2.3. Retrait endogène
4.3. Analyse visco-dynamique
4.3.1. Principe de la mesure
4.3.2. Résultats
4.4. Conclusion
Conclusion et perspectives
Bibliographie

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